Préambule
Le saint concile œcuménique et général de Trente… s’est réuni, non sans être particulièrement conduit et gouverné par l’Esprit Saint, dans le but d’exposer la véritable et antique doctrine sur la foi et les sacrements et pour porter remède à toutes les hérésies et à tous les autres très graves dommages qui, aujourd’hui, troublent malheureusement l’Église de Dieu et la divisent en de nombreuses et diverses parties. Il a cependant, dès le début, eu spécialement à cœur d’arracher jusqu’à la racine l’ivraie des erreurs et schismes exécrables que l’ennemi, en ces temps malheureux qui sont les nôtres, a semé [Mt 13, 15] dans la doctrine de la foi, dans l’usage et le culte de la sainte eucharistie, elle que notre Seigneur a pourtant laissée dans son Église comme le symbole de cette unité et de cet amour par lesquels il a voulu que tous les chrétiens soient unis et reliés entre eux.
C’est pourquoi ce même saint concile, transmettant la saine et authentique doctrine concernant ce vénérable et divin sacrement de l’eucharistie, que l’Église catholique, instruite par Jésus Christ notre Seigneur lui-même et par les apôtres, enseignées par l’Esprit Saint lui rappelant de jour en jour la vérité tout entière [Jn 14, 26], a toujours gardée et conservera jusqu’à la fin du monde, interdit à tous les chrétiens d’oser croire, enseigner ou prêcher désormais sur la très sainte eucharistie autre chose que ce qui est expliqué et défini par le présent décret.
Chap. 1. La présence réelle de notre Seigneur Jésus Christ dans le très saint sacrement de l’eucharistie
En premier lieu, le saint concile enseigne et professe ouvertement et sans détour que, dans le vénérable sacrement de la sainte eucharistie, après la consécration du pain et du vin, notre Seigneur Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme, est vraiment, réellement et substantiellement [can.1] contenu sous l’apparence de ces réalités sensibles. Il n’y a en effet aucune opposition à ce que notre Sauveur lui-même siège toujours dans les cieux à la droite du Père, selon un mode d’existence qui est surnaturel, et à ce que néanmoins il soit pour nous sacramentellement présent en de nombreux autres lieux en sa substance, par un mode d’existence que nous pouvons à peine exprimer par des mots, et que nous pouvons cependant reconnaître et constamment croire comme possible à Dieu [Mt 19, 26 ; Lc 18, 27] par notre pensée éclairée par la foi.
C’est ainsi en effet que tous nos ancêtres, qui ont tous été dans la véritable Église du Christ et ont traité de ce très saint sacrement, ont professé très ouvertement que notre Rédempteur a institué ce sacrement si admirable lors de la dernière Cène, lorsque, après avoir béni le pain et le vin, il attesta en termes clairs et précis qu’il leur donnait son propre Corps et son propre Sang. Ces paroles, rappelées par les saints évangélistes [Mt 26, 26–29 ; Mc 14, 22–25 ; Lc 22, 19–20] et répétées ensuite par saint Paul [1 Co 11, 24–25], se présentent en un sens propre et très clair, selon ce que les Pères ont compris. Aussi est-ce le scandale le plus indigne de voir certains hommes querelleurs et pervers les ramener à des figures de style sans consistance et imaginaires, par lesquels est niée la vérité de la Chair et du Sang du Christ, contre le sentiment universel de l’Église, elle qui en tant que « colonne et fondement de la vérité » [1 Tm 3, 15] déteste comme sataniques ces inventions imaginées par des hommes impies, elle qui reconnaît, d’un esprit qui sait toujours rendre grâces et se souvenir, cet insigne bienfait du Christ.
Chap. 2. Raison de l’institution de ce très saint sacrement
Donc, notre Sauveur, allant quitter ce monde pour le Père, a institué ce sacrement dans lequel il a en quelque sorte répandu les richesses de son amour divin pour les hommes, « laissant un mémorial de ses merveilles » [Ps 110, 4], et il nous a donné dans la réception de ce sacrement de célébrer sa mémoire [Lc 22, 19 ; 1 Co 11, 24] et d’annoncer sa mort jusqu’à ce qu’il vienne [1 Co 11, 26] pour juger lui-même le monde.
Il a voulu ce sacrement comme aliment spirituel des âmes [Mt 26, 26] qui nourrit et fortifie ceux qui vivent de sa vie [can. 5], lui qui a dit « qui me mange vivra lui-même par moi » [Jn 6, 57], et comme antidote nous libérant des fautes quotidiennes et nous préservant des péchés mortels.
Il a voulu, en outre, que ce soit le gage de notre gloire à venir et de notre félicité éternelle, en même temps qu’un symbole de cet unique corps dont il est lui-même la tête [1 Co 11, 3 ; Ep 5, 23] et auquel Il a voulu que nous, en tant que ses membres, nous soyons attachés par les liens les plus étroits de la foi, de l’espérance et de la charité, en sorte que nous disions tous la même chose et qu’il n’y ait pas de divisions parmi nous [1 Co 1, 10].
Chap. 3. Excellence de la très sainte eucharistie par rapport aux autres sacrements
La très sainte eucharistie a, certes, ceci de commun avec les autres sacrements qu’elle est « le symbole d’une réalité sainte et la forme visible d’une grâce invisible ». Mais ce que l’on trouve en elle d’excellent et de particulier est que les autres sacrements ont la vertu de sanctifier lorsque quelqu’un y a recours, alors que dans l’eucharistie se trouve l’auteur même de la sainteté avant qu’on ne la reçoive [can. 4].
En effet, les apôtres n’avaient pas encore reçu l’eucharistie de la main du Seigneur [Mt 26, 26 ; Mc 14, 22] qu’il affirmait pourtant que c’était vraiment son Corps qu’il présentait ; et ce fut toujours la foi dans l’Église de Dieu que, immédiatement après la consécration, le véritable Corps et le véritable Sang de notre Seigneur se trouvaient sous les espèces du pain et du vin en même temps que son âme et sa divinité. Certes, si le Corps se trouve sous l’espèce du pain, et le Sang sous l’espèce du vin par la vertu des paroles, le Corps lui-même est aussi sous l’espèce du vin, et le Sang sous l’espèce du pain, et l’âme sous les deux espèces, en vertu de cette connexion naturelle et de cette concomitance qui unissent entre elles les parties du Christ Seigneur qui, ressuscité des morts, ne meurt plus [Rm 6, 9]. La divinité est unie, à cause de cette admirable union hypostatique avec son corps et son âme [can. 1 et 3].
C’est pourquoi il est tout à fait vrai que le Christ est contenu sous l’une ou l’autre espèce et sous les deux espèces ensemble. En effet, le Christ est totalement et intégralement sous l’espèce du pain et sous n’importe quelle partie de cette espèce ; il est de même totalement sous l’espèce du vin et sous les parties de celle-ci [can.3].
Chap. 4. La transsubstantiation
Parce que le Christ notre Rédempteur a dit qu’était vraiment son corps ce qu’il offrait sous l’espèce du pain [Mt 26, 26–29 ; Mc 14, 22–25 ; Lc 22, 19 ; 1 Co 11, 24–26] on a toujours été persuadé dans l’Église de Dieu – et c’est ce que déclare de nouveau aujourd’hui ce saint concile – que par la consécration du pain et du vin se fait un changement de toute la substance du pain en la substance du corps du Christ notre Seigneur et de toute la substance du vin en la substance de son sang. Ce changement a été justement et proprement appelé, par la sainte Église catholique, transsubstantiation [can. 2].
Chap. 5. Le culte et la vénération qui sont dus à ce très saint sacrement.
C’est pourquoi il ne reste aucune raison de douter que tous les chrétiens selon la coutume reçue depuis toujours dans l’Église catholique, rendent avec vénération le culte de latrie, qui est dû au vrai Dieu, à ce très saint sacrement [can. 6]. En effet, celui-ci ne doit pas être moins adoré parce qu’il a été institué par le Christ Seigneur pour nous nourrir [Mt 26, 26–29]. Car nous croyons qu’en lui est présent ce même Dieu que le Père éternel a introduit dans le monde en disant « Et que tous les anges de Dieu l’adorent » [He 1, 6 ; Ps 96, 7] lui que les mages ont adoré en se prosternant [Mt 2, 11], lui enfin dont toute l’Écriture témoigne qu’il fut adoré en Galilée par les apôtres [Mt 28, 17 ; Lc 24, 52]
En outre, le saint concile déclare que la coutume a été pieusement et religieusement introduite dans l’Église de Dieu de célébrer chaque année, en un jour de fête particulier, ce sacrement éminent et vénérable dans une vénération et une solennité spéciales, et de porter celui-ci avec respect et honneur dans des processions à travers les rues et les places publiques.
Il est, en effet, très juste qu’il y ait des jours saints fixés où tous les chrétiens, par des manifestations singulières et extraordinaires, attestent de leur reconnaissance et de leur mémoire envers leur commun Seigneur et Rédempteur pour un bienfait si ineffable et vraiment divin, par lequel sont représentés sa victoire et son triomphe sur la mort. Et ainsi a‑t-il fallu que la vérité victorieuse du mensonge et de l’hérésie triomphe, pour que ses adversaires, placés face à une si grande splendeur et à la joie si grande de l’Église universelle, ou bien affaiblis et brisés dépérissent, ou bien, pris de honte et de confusion, viennent un jour à résipiscence.
Chap. 6. Le sacrement de la sainte eucharistie que l’on conserve et que l’on porte aux malades.
La coutume de conserver la sainte eucharistie en un lieu sacré est si ancienne que le siècle du concile de Nicée la connaissait déjà. En outre, porter cette sainte eucharistie aux malades et, pour ce faire, la conserver soigneusement dans les églises non seulement est chose très équitable en même temps que conforme à la raison, mais est aussi prescrit par de nombreux conciles et observé par une très ancienne coutume de l’Église catholique. C’est pourquoi ce saint concile a statué qu’il fallait garder absolument cette coutume salutaire et nécessaire [can. 7].
Chap. 7. La préparation à apporter pour qu’on reçoive dignement la sainte eucharistie
S’il ne convient pas que qui que ce soit s’approche d’une fonction sacrée si ce n’est saintement, à coup sûr plus un chrétien découvre la sainteté et le caractère divin de ce sacrement céleste, plus il doit diligemment veiller à ne s’en approcher pour le recevoir qu’avec grand respect et sainteté [can. 11], d’autant plus que nous lisons dans l’Apôtre ces mots pleins de crainte : « Qui mange et boit indignement, mange et boit sa condamnation, ne discernant pas le corps du Christ » [1 Co 11, 29]. C’est pourquoi il faut rappeler à qui veut communier le commandement : « Que l’homme s’éprouve lui-même » [1 Co 11, 28]
La coutume de l’Église montre clairement que cette épreuve est nécessaire pour que personne en ayant conscience d’un péché mortel, quelque contrit qu’il s’estime, ne s’approche de la sainte eucharistie sans une confession sacramentelle préalable.
Ce saint concile a décrété que cela devait être observé toujours par tous les chrétiens, même par les prêtres qui sont tenus par office de célébrer, du moment qu’ils peuvent avoir recours à un confesseur. Que si, en raison d’une nécessité urgente, un prêtre a dû célébrer sans confession préalable qu’il se confesse le plus tôt possible.
Chap. 8. L’usage de ce sacrement admirable
Pour ce qui est de l’usage, nos pères ont justement et sagement distingué trois manières de recevoir ce saint sacrement. Ils ont enseigné que certains ne le reçoivent que sacramentellement en tant que pécheurs. D’autres ne le reçoivent que spirituellement : ce sont ceux qui, mangeant par le désir le pain céleste qui leur est offert avec cette « foi » vive « qui opère par la charité » [Ga 5, 6], en ressentent le fruit et l’utilité. D’autres, enfin, le reçoivent à la fois sacramentellement et spirituellement [can. 8] : ce sont ceux qui s’éprouvent et se préparent de telle sorte qu’ils s’approchent de cette table divine après avoir revêtu la robe nuptiale [Mt 22, 11–14].
Dans la réception sacramentelle, l’usage a toujours été dans l’Église de Dieu que les laïcs reçoivent la communion des prêtres et que les prêtres qui célèbrent se communient eux-mêmes [can. 10] ; cette coutume, en tant que venant de la tradition apostolique, doit être maintenue à juste titre et à bon droit.
Enfin, avec une affection paternelle, le saint concile avertit, exhorte, demande et conjure, « par les entrailles de la miséricorde de Dieu » [Lc 1, 78], tous et chacun de ceux qui portent le nom de chrétiens de se retrouver enfin désormais ne formant qu’un seul cœur, dans ce « signe », dans ce « lien de la charité », dans ce symbole de l’accord des cœurs ; se souvenant de la majesté si grande et de l’amour si admirable de notre Seigneur Jésus Christ, qui a donné sa chère vie pour prix de notre salut et sa chair pour que nous la mangions [Jn 6, 48–58] qu’ils croient et vénèrent les saints mystères de son Corps et de son Sang avec une foi si constante et ferme, avec un cœur si dévot, avec une piété et un respect tels qu’ils puissent recevoir fréquemment ce pain supersubstantiel [Mt 6, 11]. Qu’il soit vraiment la vie de leur âme et la santé perpétuelle de leur esprit ; que, fortifiés par sa vigueur [1 R 19, 8], ils soient à même de terminer le chemin de leur malheureux pèlerinage pour entrer dans la patrie céleste, où ils seront nourris sans aucun voile par ce pain des anges [Ps 77, 25] qu’ils mangent seulement sous des voiles sacrés.
Puisqu’il ne suffit pas de dire la vérité si l’on ne fait apparaître et si l’on ne réfute pas les erreurs, le saint concile a décidé d’ajouter les canons suivants pour que tous, une fois bien connue la doctrine catholique, comprennent aussi quelles hérésies doivent être écartées et évitées.
Canons sur le saint sacrement de l’eucharistie.
1. Si quelqu’un dit que dans le très saint sacrement de l’eucharistie ne sont pas contenus vraiment, réellement et substantiellement le Corps et le Sang en même temps que l’âme et la divinité de notre Seigneur Jésus Christ et, en conséquence, le Christ tout entier, mais dit qu’ils n’y sont qu’en tant que dans un signe ou en figure ou virtuellement qu’il soit anathème.
2. Si quelqu’un dit que, dans le très saint sacrement de l’eucharistie, la substance du pain et du vin demeure avec le Corps et le Sang de notre Seigneur Jésus Christ, et s’il nie ce changement admirable et unique de toute la substance du pain en son Corps et de toute la substance du vin en son Sang, alors que demeurent les espèces du pain et du vin, changement que l’Église catholique appelle d’une manière très appropriée transsubstantiation : qu’il soit anathème.
3. Si quelqu’un nie que, dans le vénérable sacrement de l’eucharistie, le Christ tout entier soit contenu sous chaque espèce et sous chacune des parties de l’une ou l’autre espèce, après leur séparation : qu’il soit anathème.
4. Si quelqu’un dit que, une fois achevée la consécration, le Corps et le Sang de notre Seigneur Jésus Christ ne sont pas dans l’admirable sacrement de l’eucharistie, mais seulement quand on en use en le recevant, ni avant, ni après, et que le vrai Corps du Seigneur ne demeure pas dans les hosties ou les parcelles consacrées qui sont gardées ou restent après la communion : qu’il soit anathème.
5. Si quelqu’un dit ou bien que le fruit principal de la très sainte eucharistie est la rémission des péchés ou bien qu’elle ne produit pas d’autres effets : qu’il soit anathème.
6. Si quelqu’un dit que, dans le saint sacrement de l’eucharistie, le Christ, Fils unique de Dieu, ne doit pas être adoré d’un culte de latrie, même extérieur et que, en conséquence, il ne doit pas être vénéré par une célébration festive particulière, ni être porté solennellement en procession selon le rite ou la coutume louables et universels de la sainte Église, ni être proposé publiquement à l’adoration du peuple, ceux qui l’adorent étant des idolâtres : qu’il soit anathème.
7. Si quelqu’un dit qu’il n’est pas permis de garder la sainte eucharistie dans le tabernacle, mais qu’elle doit nécessairement être distribuée aux assistants immédiatement après la consécration, ou qu’il n’est pas permis de la porter avec honneur aux malades : qu’il soit anathème.
8. Si quelqu’un dit que le Christ présenté dans l’eucharistie est mangé seulement spirituellement et non pas aussi sacramentellement et réellement : qu’il soit anathème.
9. Si quelqu’un nie que, une fois qu’ils ont atteint l’âge de discrétion, tous et chacun des chrétiens de l’un et l’autre sexe sont tenus de communier chaque année au moins à Pâques, conformément au commandement de notre sainte mère l’Église : qu’il soit anathème.
10. Si quelqu’un dit qu’il n’est pas permis au prêtre qui célèbre de se communier lui-même : qu’il soit anathème.
11. Si quelqu’un dit que la foi seule est une préparation suffisante pour recevoir le sacrement de la très sainte eucharistie : qu’il soit anathème.
Et pour qu’un si grand sacrement ne soit pas reçu indignement et donc pour la mort et la condamnation, ce saint concile statue et déclare que ceux dont la conscience est chargée d’un péché mortel, quelque contrits qu’ils se jugent, doivent nécessairement au préalable se confesser sacramentellement, s’il se trouve un confesseur.
Si quelqu’un a l’audace d’enseigner, prêcher ou affirmer opiniâtrement le contraire ou même le défendre dans des disputes publiques, qu’il soit par le fait même, excommunié.