Léon XIII

256ᵉ pape ; de 1878 à 1903

15 octobre 1890

Lettre encyclique Dall'alto dell'Apostolico Seggio

Sur la franc-maçonnerie en Italie

Aux évêques, au cler­gé et au peuple d’Italie

Léon XIII, Pape

Vénérables frères, Chers fils,
Salut et Bénédiction apostolique

Des hau­teurs de ce Siège apos­to­lique, où la divine Providence Nous a pla­cé pour veiller au salut de tous les peuples. Notre regard s’arrête sou­vent sur l’Italie, au milieu de laquelle Dieu, par un acte de sin­gu­lière pré­di­lec­tion, a fixé la chaire de son Vicaire, et de laquelle néan­moins Nous arrivent pré­sen­te­ment de nom­breuses et très sen­sibles amer­tumes. Ce ne sont pas les offenses per­son­nelles qui Nous attristent, ni les pri­va­tions et les sacri­fices que Nous impose la condi­tion actuelle des choses, non plus que les injures et le mépris qu’une presse inso­lente a toute licence de déver­ser sur Nous chaque jour. S’il s’agissait de Notre seule per­sonne et non point de la ruine vers laquelle Nous voyons se pré­ci­pi­ter l’Italie mena­cée dans sa loi, Nous sup­por­te­rions les outrages en silence, heu­reux de pou­voir dire à Notre tour ce que disait de lui-​même un de Nos illustres pré­dé­ces­seurs : « Si ma capti­vité sur cette terre ne s’aggravait du poids des sol­li­ci­tudes quoti­diennes, je gar­de­rais volon­tiers le silence sur le mépris et les moque­ries dont je suis l’objet [1]. » Mais sans par­ler de l’indépendance et de la digni­té du Saint-​Siège, il s’agit encore de la reli­gion et du salut de toute une nation, et, disons-​le, d’une nation qui, dès les pre­miers temps, ouvrit son cœur à la foi catho­lique et la conser­va tou­jours depuis avec un soin jaloux. Cela semble incroyable et pour­tant, cela est vrai : Nous en sommes venus à ce point, en Italie, d’avoir à y redou­ter la perte même de la foi. A plu­sieurs reprises, Nous avons don­né l’alarme, afin qu’on avi­sât au dan­ger, et cepen­dant Nous ne croyons pas avoir encore assez fait.

En pré­sence d’attaques inces­santes et de plus en plus vives, Nous enten­dons reten­tir plus puis­sante la voix du devoir qui Nous presse de Vous parier de nou­veau à Vous, Vénérables Frères, au cler­gé et au peuple ita­lien. Puisque l’ennemi ne se donne aucun relâche, le silence et l’i­nac­tion ne sau­raient non plus Nous conve­nir, ni à Nous, ni à Vous, qui par la divine misé­ri­corde avons été consti­tués les gar­diens et les ven­geurs de la reli­gion des peuples confiés à Nos soins, les pas­teurs et les sen­ti­nelles vigi­lantes du trou­peau du Christ, pour lequel Nous devons être prêts, s’il le faut, à sacri­fier tout, même la vie.

Nous ne dirons point de choses nou­velles, car les faits tels qu’ils se sont pro­duits sont tou­jours les mêmes, et déjà, du reste, Nous avons dû en parier d’autres fois à mesure que l’occasion s’en pré­sen­tait. Mais ici, Nous Nous pro­po­sons de réca­pi­tu­ler ces faits, de les réunir comme en seul tableau, et d’en tirer pour l’instruction com­mune les consé­quences qui en dérivent. Ce sont des faits incon­tes­tables, qui se sont pro­duits en plein soleil : faits non iso­lés, mais connexes entre eux, de manière que, dans leur ensemble, ils révèlent avec évi­dence tout un sys­tème, dont ils ne sont que l’application et le déve­lop­pe­ment. Le sys­tème n’est point nou­veau, mais ce qui est nou­veau, c’est l’audace, l’acharnement, la rapi­di­té avec laquelle main­te­nant on l’ap­plique. C’est le plan même des sectes qui se déroule actuel­le­ment en Italie, spé­cia­le­ment en ce qui touche de plus près l’Eglise et la reli­gion catho­lique, plan dont le but final et notoire est de réduire, si cela était pos­sible, la reli­gion même à néant. Il serait super­flu de faire le pro­cès des sectes dites maçon­niques ; la cause est jugée : leur but, leurs moyens, leur doc­trine et leurs actes sont connus avec une indis­cu­table certitude.

Animées de l’esprit de Satan dont elles sont l’instrument, elles s’ins­pirent d’une haine mor­telle, impla­cable, contre Jésus-​Christ et contre son œuvre, qu’elles s’efforcent par tous les moyens de détruire et d’en­chaîner. Cette guerre, en ce moment, se livre plus que par­tout ailleurs en Italie, où la reli­gion catho­lique a jeté de plus pro­fondes racines, et sur­tout à Rome, où est le centre de l’unité catho­lique et le Siège du pas­teur et doc­teur uni­ver­sel de l’Eglise. Il convient de retra­cer dès l’origine les diverses phases de cette guerre.

On com­men­ça, sous pré­texte de poli­tique, par ren­ver­ser le prin­ci­pat civil des Papes ; mais, dans la pen­sée des véri­tables chefs – pen­sée tenue d’abord secrète et décla­rée ouver­te­ment depuis, – ce renver­sement devait ser­vir de moyen pour arri­ver à détruire ou du moins enchaî­ner le suprême pou­voir spi­ri­tuel des Pontifes Romains. Et pour qu’il ne res­tât aucun doute sur le but réel qu’on visait, on en vint aus­si­tôt à la sup­pres­sion des Ordres reli­gieux ; ce qui rédui­sait de beau­coup le nombre des ouvriers évan­gé­liques, tant pour l’assistance des fidèles et le saint minis­tère que pour la pro­pa­ga­tion de la foi chez les nations infi­dèles. Plus tard, on ajou­ta l’obligation du ser­vice mili­taire pour les clercs, ce qui entraî­nait néces­sai­re­ment, comme con­séquence, de graves et nom­breux obs­tacles au recru­te­ment, à la for­mation conve­nable du cler­gé, même sécu­lier. Puis on mit la main sur le patri­moine ecclé­sias­tique, soit en le confis­quant abso­lu­ment, soit en le gre­vant d’impôts énormes, afin d’appauvrir le cler­gé et l’Eglise, et de lui arra­cher des mains les moyens néces­saires en ce inonde pour sub­sis­ter et pour pro­mou­voir les ins­ti­tu­tions et les œuvres qui secondent son apos­to­lat divin.

Les sec­taires l’ont eux-​mêmes décla­ré ouver­te­ment : « Pour dimi­nuer l’influence du cler­gé et des asso­cia­tions clé­ri­cales, il n’y a qu’un moyen effi­cace à employer : les dépouiller de tous leurs biens et les réduire à une pau­vre­té complète. »

D’autre part, l’action de l’Etat est de soi tout entière diri­gée à faire dis­pa­raître de la nation tout cachet reli­gieux et chré­tien. Dès lors et de tout ce qui consti­tue la vie offi­cielle, on exclut sys­té­ma­ti­que­ment toute ins­pi­ra­tion et toute idée reli­gieuse, quand on n’en vient pas aux attaques directes ; les mani­fes­ta­tions publiques de la foi et de la pié­té catho­liques ou sont pro­hi­bées, ou sont entra­vées sous de vains pré­textes par des obs­tacles sans nombre ; à la famille on a enle­vé sa base et sa consti­tu­tion reli­gieuse en pro­cla­mant ce que l’on appelle le mariage civil ; et, grâce à l’instruction que l’on veut exclu­si­ve­ment laïque depuis les pre­miers élé­ments jusqu’à, l’enseignement supé­rieur des Universités, les nou­velles géné­ra­tions, autant que cela dépend de l’Etat, sont comme contraintes de gran­dir en dehors de toute idée reli­gieuse, et dans une igno­rance com­plète des pre­mières et des plus essen­tielles notions de leurs devoirs envers Dieu. C’est là mettre la cognée à la racine de l’arbre, et l’on ne sau­rait ima­gi­ner un moyen plus uni­ver­sel et plus effi­cace pour sous­traire à l’influence de l’Eglise et de, la foi la socié­té, la famille et les indi­vi­dus, « Saper par tous les moyens le clé­ri­ca­lisme dans ses fon­de­ments et aux, sources mêmes de la vie, c’est-à-dire, à l’école et dans la famille, » tel est le mot d’ordre des écri­vains francs-maçons.

On répon­dra que cela ne se passe point seule­ment en Italie, mais que c’est un sys­tème de gou­ver­ne­ment auquel les Etats se conforment, d’une manière générale.

Cette obser­va­tion ne contre­dit pas, mais confirme tout ce que Nous disons des pro­jets et de l’action de la Franc-​Maçonnerie en Italie. Oui, ce sys­tème est adop­té et mis en pra­tique par­tout où la Franc-​Maçonnerie exerce son action impie, et comme cette secte est très répan­due, de là vient que le sys­tème anti­chré­tien, lui aus­si, est très lar­ge­ment appliqué.

Mais cette appli­ca­tion est plus rapide et plus géné­rale, elle est pous­sée beau­coup plus loin dans les pays où les gou­ver­ne­ments sont, plus sou­mis à l’action de la secte et savent mieux en favo­ri­ser les inté­rêts. Or, par mal­heur, au nombre de ces pays, il faut pla­cer pré­sen­te­ment la nou­velle Italie. Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’elle est sujette à l’influence impie, mal­fai­sante, des Sociétés secrètes ; mais depuis quelque temps, celles-​ci, deve­nues toutes-​puissantes et abso­lu­ment domi­na­trices, la tyran­nisent à plai­sir. En Italie, la direc­tion de la chose publique, en ce qui concerne la reli­gion, est tota­le­ment en har­mo­nie avec les aspi­ra­tions des sectes, qui trouvent, pour mettre leurs idées à exé­cu­tion, dans les dépo­si­taires du pou­voir public des fau­teurs décla­rés et de dociles instruments.

Les lois contraires à l’Eglise, les mesures direc­te­ment agres­sives sont tout d’abord pro­po­sées, réso­lues, décré­tées dans les réunions des sectes. Il suf­fit qu’une chose paraisse, de près ou de loin, devoir cau­sen à l’Eglise quelque affront ou quelque dom­mage, pour qu’elle soit incon­ti­nent favo­ri­sée et encou­ra­gée. Parmi les faits les plus récents, nous rap­pel­le­rons l’approbation don­née au nou­veau code pénal, dans lequel ce qu’on a vou­lu avec le plus de téna­ci­té et en dépit de toutes les rai­sons contraires, c’était d’adopter, les articles diri­gés contre le cler­gé, articles qui sont comme une loi d’exception et tendent à consi­dérer comme délic­tueux cer­tains actes qui sont des devoirs sacrés du minis­tère ecclésiastique.

La loi sur les Œuvres Pies, qui sous­trait à toute action et toute ingé­rence de l’Eglise le patri­moine accu­mu­lé par la pié­té et la reli­gion des aïeux, à l’ombre et sous la tutelle de l’Eglise, cette loi avait été depuis bien des années réso­lue dans les assem­blées de la secte, pré­ci­sé­ment parce qu’elle devait infli­ger à l’Eglise une offense nou­velle, dimi­nuer son influence sociale et sup­pri­mer d’un trait une grande quan­ti­té de legs des­ti­nés au culte divin. Il faut joindre à cela une œuvre émi­nemment maçon­nique, l’érection du monu­ment au fameux apos­tat de Nola, réso­lue, décré­tée, exé­cu­tée avec l’aide et la faveur des gou­ver­nants, par la Franc-​Maçonnerie, qui, par la bouche des inter­prètes les plus auto­ri­sés de sa pen­sée, n’a pas craint d’avouer le but de son œuvre, et d’en décla­rer la signi­fi­ca­tion : le but, c’était d’outrager la Papauté ; la signi­fi­ca­tion, c’était qu’on entend désor­mais sub­sti­tuer à la foi catho­lique la liber­té d’examen la plus abso­lue, la liber­té de cri­tique et de pen­sée, la liber­té de conscience ; or, on sait ce que signi­fie un tel lan­gage dans la bouche des sec­taires. Et, comme pour mettre le sceau a toute cette entre­prise, sont venues ensuite les décla­ra­tions les plus expli­cites, faites par celui-​là même qui est à la tête du gouvernement.

Elles ont le sens que voi­ci : La lutte vraie et réelle, que le gouver­nement a le mérite d’avoir com­prise, c’est la lutte entre la foi et l’Eglise d’une part, le libre exa­men et la rai­son de l’autre. Que l’Eglise cherche à réagir, à enchaî­ner de nou­veau la rai­son et la liber­té de pen­ser et de vaincre. Quant au gou­ver­ne­ment, il se déclare, dans cette lutte, ouver­tement eu faveur de la rai­son contre la foi, et se donne la mis­sion de faire en sorte que l’Etat ita­lien soit l’expression évi­dente de cette rai­son et de cette liber­té, triste mis­sion que Nous avons récem­ment, dans une occa­sion ana­logue, enten­du de nou­veau affir­mer avec audace.

A la lumière de tels faits et de telles décla­ra­tions, il est plus que jamais évident que l’idée maî­tresse qui pré­side à la marche de la chose publique en Italie est, en ce qui concerne la reli­gion, la mise à exé­cu­tion du pro­gramme maçon­nique. On voit quelle par­tie du pro­gramme a déjà été réa­li­sée ; on sait ce qui reste à exé­cu­ter, et l’on peut pré­voir avec cer­ti­tude que tant que l’Italie sera aux mains des gouver­nements sec­taires ou dépen­dant des sectes, on en pour­sui­vra la réali­sation, plus ou moins rapi­de­ment selon les cir­cons­tances, jusqu’à son plus com­plet déve­lop­pe­ment. L’action des Sociétés secrètes tend actuel­lement à réa­li­ser les des­seins sui­vants, confor­mé­ment aux vœux et aux réso­lu­tions pris dans leurs assem­blées les plus auto­ri­sées, vœux et réso­lu­tions tous ins­pi­rés par une haine à mort contre l’Eglise :

Abolition dans les écoles de toute ins­truc­tion reli­gieuse ; fon­da­tion d’établissements dans les­quels la jeu­nesse fémi­nine elle-​même ne soit sou­mise à aucune influence clé­ri­cale, quelle qu’elle soit, puisque l’Etat, qui doit être abso­lu­ment athée, a le droit et le devoir inalié­nable de for­mer le cœur et l’esprit des citoyens, et qu’aucune école ne doit être sous­traite à son ins­pi­ra­tion ni à sa sur­veillance ; appli­cation rigou­reuse de toutes les lois en vigueur qui ont pour but d’as­surer l’Indépendance Absolue de la socié­té vis-​à-​vis des influences clé­ri­cales ; obser­va­tion stricte des lois qui sup­priment les cor­po­ra­tions reli­gieuses, emploi de tous les moyens capables d’assurer leur effi­ca­ci­té ; rema­nie­ment de tout le patri­moine ecclé­sias­tique, en par­tant du prin­cipe que la pro­prié­té appar­tient d’elle-même à l’Etat, l’administration des biens aux pou­voirs civils ; exclu­sion de tout élé­ment catho­lique ou clé­ri­cal de toutes les admi­nis­tra­tions publiques, des œuvres pies, des hôpi­taux, des écoles, des conseils où se pré­parent les des­ti­nées de la patrie, des aca­dé­mies, des cercles, des asso­cia­tions, des comi­tés, des familles, exclu­sion en tout, par­tout, tou­jours. Au contraire, l’influence maçon­nique doit se faire sen­tir dans toutes les cir­cons­tances de la vie sociale et deve­nir maî­tresse et arbitre de tout. C’est ain­si qu’on apla­ni­ra la voie à l’abolition de la Papauté, ain­si que l’Italie sera déli­vrée de son impla­cable et mor­telle enne­mie : et Rome, qui fut dans le pas­sé le centre de la théo­cra­tie uni­ver­selle, sera à l’avenir le centre de la sécu­larisation uni­ver­selle, où doit être pro­cla­mée à la face du monde entier la grande charte de la liber­té humaine.

Ce sont là autant de décla­ra­tions, de vœux et de réso­lu­tions authen­tiques des francs-​maçons ou de leurs assemblées.

Sans rien exa­gé­rer, tel est bien aus­si l’état actuel de la reli­gion en Italie et tel l’avenir qu’on peut pré­voir pour elle. Dissimuler la gra­vi­té de la situa­tion serait une erreur funeste ; la recon­naître telle qu’elle est, et lui faire face avec la pru­dence et la force évan­gé­liques, en déduire les devoirs qu’elle impose à tous les catho­liques et à Nous spé­cia­le­ment, qui, comme pas­teurs, devons veiller sur les fidèles et les conduire au salut, c’est entrer dans les vues de la Providence, c’est faire œuvre du sagesse et de zèle pas­to­ral. En ce qui Nous concerne, Notre devoir apos­to­lique Nous impose de pro­tes­ter hau­te­ment de nou­veau contre tout ce qui s’est fait, qui conti­nue à se faire et se trame en Italie contre la reli­gion. Défenseur et pro­tec­teur des droits sacrés de l’Eglise et du Pontificat, Nous repous­sons ouver­te­ment et Nous dénon­çons au monde les outrages que l’Eglise et la Papauté ne cessent de rece­voir, spé­cia­le­ment à Home, qui rendent le gou­ver­ne­ment de la catho­li­ci­té plus dif­fi­cile et Nous font une condi­tion plus grave et plus indigne.

C’est pour­quoi, Vénérables Frères, Nous fai­sons appel à votre zèle et à votre amour des âmes, afin que, péné­trés de la gra­vi­té du dan­ger où elles sont de se perdre à jamais, vous avi­siez aux remèdes, vous vous employiez tout entiers à conju­rer le péril. Aucun moyen en votre pou­voir ne doit être négli­gé ; toutes les res­sources de la parole, toutes les indus­tries de l’action, tout l’immense tré­sor de secours et de grâces que l’Eglise place entre nos mains, sont à employer pour la for­ma­tion d’un cler­gé ins­truit et plei­ne­ment ani­mé de l’esprit de Jésus-​Christ, pour l’éducation chré­tienne de la jeu­nesse, l’ex­tir­pa­tion des mau­vaises doc­trines, la défense des véri­tés catho­liques, la conser­va­tion du carac­tère et de l’esprit chré­tiens dans les familles.

Quant au peuple catho­lique, il est néces­saire avant tout qu’il soit ins­truit de l’état vrai des choses en Italie, au sujet de la reli­gion, du carac­tère essen­tiel­le­ment reli­gieux qu’a pris la lutte contre le Souve­rain Pontife, et du but véri­table auquel on tend constam­ment, afin qu’il voie à la lumière des faits de com­bien de manières on lui tend des embûches au point de vue reli­gieux et qu’il se per­suade des dan­gers qu’il court d’être dépouillé du tré­sor ines­ti­mable de la foi. L’es­prit convain­cu de cette véri­té, et sûrs d’ailleurs que sans la foi il est impos­sible de plaire à Dieu et de se sau­ver, les fidèles com­pren­dront qu’il s’agit du plus grand, pour ne pas dire de l’unique inté­rêt que cha­cun a le devoir ici-​bas de garan­tir, de mettre avant tout on sûre­té, au prix de n’importe quel sacri­fice, sous peine d’encourir un mal­heur éter­nel. Ils com­pren­dront on outre faci­le­ment que, puisque ce temps est un temps de lutte achar­née et à ciel ouvert, ce serait une honte de déser­ter le champ de bataille et de se cacher.

Le devoir est de res­ter au poste et de s’y mon­trer à visage décou­vert, par la foi et par les œuvres de véri­tables catho­liques, et cela, tant pour hono­rer la foi qu’ils pro­fessent et glo­ri­fier Celui dont ils suivent l’éten­dard que pour ne pas encou­rir la sou­ve­raine dis­grâce d’être désa­voués au der­nier jour et de n’être pas recon­nus pour siens par le Juge suprême, qui a décla­ré que qui n’est pas avec lui est contre lui. Sans osten­ta­tion, comme sans timi­di­té, qu’ils donnent des preuves de ce vrai cou­rage qui naît de la conscience qu’on rem­plit un devoir sacré devant Dieu et devant les hommes. A cette franche pro­fes­sion de foi, les catho­liques doivent unir la plus grande doci­li­té et l’amour le plus filial pour l’Eglise, la sou­mis­sion la plus sin­cère aux évêques, un dévoue­ment et une obéis­sance abso­lus au Pontife romain. Enfin, qu’ils recon­naissent com­bien il est indis­pen­sable qu’ils s’éloignent de tout ce qui est l’œuvre des sectes ou reçoit d’elles pro­tec­tion et impul­sion, comme étant souillé par le souffle anti­chré­tien qui les anime ; qu’ils s’adonnent au contraire avec acti­vi­té, cou­rage et constance aux œuvre, catho­liques, aux asso­cia­tions et ins­ti­tu­tions bénies par l’Eglise, encou­ragées et sou­te­nues par les évêques et le Pontife romain.

Et comme le prin­ci­pal ins­tru­ment dont se servent les enne­mis est la presse, en grande par­tie ins­pi­rée et sou­te­nue par eux, il faut que les catho­liques opposent la bonne presse à la mau­vaise pour la défense de la véri­té et de la reli­gion et pour le sou­tien des droits de l’Eglise. Et de même que c’est la tâche de la presse catho­lique de mettre à nu les per­fides des­seins des sectes, d’aider et de secon­der l’action des Pas­teurs, de défendre et de favo­ri­ser les œuvres catho­liques, ain­si c’est le devoir des fidèles de sou­te­nir la bonne presse, soit en refu­sant ou en reti­rant toute faveur à la mau­vaise, soit en concou­rant direc­te­ment, cha­cun dans la mesure de ses moyens, à la faire vivre et pros­pé­rer : en quoi Nous croyons que jusqu’à pré­sent, en Italie, on n’a pas fait assez. Enfin, les ensei­gne­ments par Nous adres­sés à tous les catho­liques, et spé­cia­le­ment ceux qui sont conte­nus dans l’Encyclique Humanum genus et dans l’Encyclique Sapientiæ Christianæ, doivent être particu­lièrement appli­qués et incul­qués aux catho­liques d’Italie.

Que si, pour res­ter fidèles à ces devoirs, ils ont quoique chose à souf­frir, quoique sacri­fice à faire, ils se rap­pel­le­ront que le royaume des cieux souffre vio­lence et qu’on ne le peut conqué­rir qu’en se fai­sant vio­lence ; ils se rap­pel­le­ront que celui qui s’aime lui-​même ou qui aime ses biens plus que Jésus-​Christ n’est pas digne de lui. L’exemple de tant d’in­vin­cibles héros, qui, dans tous les temps, ont tout sacri­fié géné­reu­se­ment pour la foi, l’assistance sin­gu­lière de la grâce qui rend doux le joug de Jésus-​Christ et léger son far­deau, leur seront d’un puis­sant secours pour retrem­per leur cou­rage et les sou­te­nir dans ce glo­rieux combat.

Nous n’avons consi­dé­ré jusqu’ici, dans l’état pré­sent des choses en Italie, que le côté reli­gieux, comme étant celui qui, pour Nous, est le prin­ci­pal et qui Nous concerne en propre, en rai­son de Notre charge apos­to­lique. Mais il est à pro­pos de consi­dé­rer aus­si le côté social et poli­tique, afin que les Italiens voient que ce n’est pas seule­ment l’amour de la reli­gion, mais bien encore le plus sin­cère et le plus noble amour de la patrie qui doit les déter­mi­ner à s’opposer aux efforts impies des sectes. Il suf­fit, pour s’en convaincre, de consi­dé­rer quel ave­nir pré­parent à l’Italie, dans l’ordre social et poli­tique, des gens qui ont pour but – ils ne le cachent pas – de faire une guerre sans trêve au catho­li­cisme et à la Papauté.

Le pas­sé Nous en a déjà don­né des preuves bien élo­quentes par elles-​mêmes. Ce qu’est deve­nue l’Italie dans cette pre­mière période de sa vie nou­velle, sous le rap­port de la mora­li­té publique et pri­vée, de la sécu­ri­té, de l’ordre et de la tran­quilli­té inté­rieure, de la pros­pé­ri­té et de la richesse natio­nale, les faits l’ont mieux démon­tré que ne le sau­raient faire Nos paroles. Ceux-​là mêmes qui auraient inté­rêt à le cacher sont contraints par la véri­té d’en faire l’aveu. Nous dirons seule­ment que dans les condi­tions actuelles, par une triste mais véri­table néces­sité, les choses ne sau­raient aller autre­ment. La secte maçon­nique, bien qu’elle fasse parade d’un cer­tain esprit de bien­fai­sance et de philan­thropie, ne peut exer­cer qu’une influence funeste, et cela pré­ci­sé­ment parce qu’elle com­bat et tente de détruire la reli­gion de Jésus-​Christ, la véri­table bien­fai­trice de l’humanité.

Tous savent avec quelle force et par com­bien de moyens la reli­gion exerce sur la socié­té son influence salu­taire. Il est incon­tes­table que la saine morale, tant publique que pri­vée, fait l’honneur et la force des Etats. Mais il est incon­tes­table éga­le­ment que sans reli­gion il n’y a point de bonne morale ni publique ni privée.

De la famille soli­de­ment éta­blie sur ses bases natu­relles, la socié­té tire sa vie, son accrois­se­ment et sa force. Or, sans reli­gion et sans mora­li­té, la socié­té domes­tique n’a aucune sta­bi­li­té, et les liens de famille eux-​mêmes s’affaiblissent et se dissolvent.

La pros­pé­ri­té des peuples el des nations vient de Dieu et de sa béné­diction. Si un peuple, loin de recon­naître cette véri­té, va jusqu’à se sou­le­ver contre Dieu, et dans l’orgueil de son esprit lui dit taci­te­ment qu’il n’a plus besoin de lui, la pros­pé­ri­té de ce peuple n’est qu’un fan­tôme, des­ti­né à s’évanouir sitôt qu’il plai­ra au Seigneur de confondre l’orgueilleuse audace de ses enne­mis. C’est la reli­gion qui, péné­trant jusqu’au fond de la conscience de chaque indi­vi­du, lui fait sen­tir la force du devoir et l’anime à le rem­plir. De, même aus­si c’est la reli­gion qui donne aux princes les sen­ti­ments de jus­tice et d’amour à d’égard de leurs sujets, qui fait les sujets, à leur tour, fidèles et sin­cèrement dévoués à leurs princes, les légis­la­teurs droits et hon­nêtes, les magis­trats justes et incor­rup­tibles, les sol­dats valeu­reux jusqu’à l’héroïsme, les admi­nis­tra­teurs conscien­cieux et dili­gents ; c’est la reli­gion qui fait régner la concorde et l’affection entre les époux, l’amour et le res­pect entre parents et enfants ; c’est la reli­gion qui ins­pire aux pauvres le res­pect pour la pro­prié­té d’autrui, aux riches le bon usage de leurs richesses. De cette fidé­li­té aux devoirs et de ce res­pect des droits d’autrui naissent l’ordre, la tran­quilli­té, la paix, qui occupent une si large place dans la pros­pé­ri­té d’un peuple et d’un Etat.

Otez la reli­gion et avec elle dis­pa­raî­tront de la socié­té tous ces biens infi­ni­ment pré­cieux. Pour l’Italie, la perte en sera encore plus sen­sible. Ses gloires et ses gran­deurs les plus insignes, qui lui don­nèrent durant long­temps le pre­mier rang par­mi les nations les plus culti­vées, sont insé­pa­rables de la reli­gion qui les a pro­duites ou ins­pi­rées ou, à tout le moins, favo­ri­sées, secon­dées, déve­lop­pées. Qu’il en soit ain­si, quant aux liber­tés publiques, les annales des com­munes le témoignent ; quant aux gloires mili­taires, tant d’entreprises mémo­rables contre les enne­mis décla­rés du nom chré­tien ; quant aux sciences, les uni­ver­si­tés, qui, fon­dées, favo­ri­sées, enri­chies de pri­vi­lèges par l’Eglise, en furent l’asile et le théâtre ; quant aux beaux-​arts, les innom­brables monu­ments de tout genre semés à pro­fu­sion sur tout le sol de l’Italie ; quant aux œuvres de bien­fai­sance en faveur des mal­heu­reux, des déshé­ri­tés, des ouvriers, tant de fon­da­tions ins­pi­rées par la cha­ri­té chré­tienne, tant d’asiles ouverts à toute sorte de misères et d’infortunes, les asso­cia­tions et les cor­po­ra­tions qui se sont déve­lop­pées sous l’égide de la reli­gion. La ver­tu et la force de la reli­gion sont immor­telles, parce qu’elles viennent de Dieu, elle a des tré­sors de secours, elle pos­sède les remèdes les plus effi­caces pour les besoins de tous les temps, de toutes les époques, aux­quelles elle sait admi­ra­ble­ment les adap­ter. Ce qu’elle a su et pu faire en d’autres temps, elle peut le faire encore aujourd’hui, grâce à la ver­tu tou­jours nou­velle et tou­jours puis­sante qu’elle pos­sède. Au contraire, enle­ver à l’Italie sa reli­gion, c’est tarir d’un seul coup la source la plus féconde de tré­sors et de secours inestimables.

En outre, un des plus grands et des plus for­mi­dables périls que court la socié­té actuelle, ce sont les agi­ta­tions des socia­listes, qui menacent de l’ébranler. L’Italie n’est pas exempte d’un aus­si grand dan­ger ; et bien que d’autres nations soient plus qu’elle infes­tées de cet esprit de sub­ver­sion et de désordre, il n’en est pas moins vrai que sur son sol aus­si cet esprit se répand de plus en plus, prend chaque jour de nou­velles forces. Et telle est la per­ver­si­té de sa nature, telle la puis­sance de son orga­ni­sa­tion, l’audace de ses pro­jets, qu’il est néces­saire de réunir toutes les forces conser­va­trices pour en arrê­ter les pro­grès, en empê­cher effi­ca­ce­ment le triomphe. Or, entre ses forces, la pre­mière, la prin­ci­pale de toutes, c’est celle que peut don­ner la reli­gion et l’Eglise ; sans elle, les lois les plus sévères, les rigueurs des tri­bu­naux, la force armée elle-​même res­te­ront vaines et insuffisantes.

De même que dans le pas­sé, contre les hordes bar­bares, nulle force maté­rielle n’a pu pré­va­loir, mais bien au contraire la ver­tu de la reli­gion chré­tienne, qui, en péné­trant leurs esprits, fit dis­pa­raître leur féro­ci­té, adou­cit leurs mœurs et les ren­dit dociles à la voix de la véri­té et de la foi évan­gé­lique ; ain­si, contre la fureur de mul­ti­tudes effré­nées, il ne sau­rait y avoir de rem­part assu­ré sans la ver­tu salu­taire de la reli­gion, laquelle, répan­dant dans les esprits la lumière de la véri­té, insi­nuant dans les cœurs les pré­ceptes de la morale de Jésus-​Christ, leur fera entendre la voix de la conscience et du devoir et met­tra un frein aux convoi­tises avant même que d’en mettre à l’action, et amor­tira l’impétuosité des pas­sions mau­vaises. Au contraire, atta­quer la reli­gion, c’est pri­ver l’Italie de l’auxiliaire le plus puis­sant pour com­battre un enne­mi qui devient de jour en jour plus for­mi­dable et plus menaçant.

Mais ce n’est pas tout. De même que dans l’ordre social la guerre faite à la reli­gion est très funeste et sou­ve­rai­ne­ment meur­trière pour l’Italie, ain­si dans l’ordre poli­tique l’hostilité avec le Saint-​Siège et le Pontife romain est pour l’Italie une source de très grands mal­heurs. Ici, encore, la démons­tra­tion n’est plus à faire ; il suf­fit, pour com­plé­ter notre pen­sée, d’en résu­mer en quelques mots les conclu­sions. La guerre faite au Pape veut dire pour l’Italie, à l’intérieur, divi­sion pro­fonde entre l’Italie offi­cielle et la grande par­tie des Italiens vrai­ment catho­liques ; – or, toute divi­sion est fai­blesse ; – cela veut dire encore pri­va­tion pour le pays de la faveur et du concours de la por­tion la plus fran­che­ment conser­va­trice ; cela veut dire enfin pro­lon­ga­tion indé­fi­nie, au sein même de la nation, d’un conflit reli­gieux, qui jamais ne pro­fite au bien public, mais porte tou­jours en lui les germes funestes des mal­heurs et des châ­ti­ments les plus graves. A l’extérieur, le conflit avec le Saint-​Siège, outre qu’il prive l’Italie du pres­tige et de l’éclat qui lui vien­draient infailli­ble­ment de rap­ports paci­fiques avec le Pon­tificat, lui aliène les catho­liques du monde entier, est pour elle une cause d’immenses sacri­fices, et peut, à chaque ins­tant, four­nir à ses enne­mis une arme contre elle.

Voilà donc la pros­pé­ri­té et la gran­deur que pré­parent à l’Italie ceux qui, ayant son sort entre les mains, font tout ce qu’ils peuvent pour détruire, confor­mé­ment aux aspi­ra­tions des sectes, la reli­gion catho­lique et la Papauté.

Supposons au contraire que, rom­pant toute soli­da­ri­té et toute conni­vence avec les sectes, on laisse à la reli­gion et à l’Eglise, comme à la plus grande des forces sociales, une vraie liber­té et le plein exer­cice de ses droits ; quels heu­reux chan­ge­ments ne s’ensuivraient pas pour les des­ti­nées de l’Italie ! Les cala­mi­tés et les dan­gers que nous déplo­rions tout à l’heure comme le fruit de la guerre à la reli­gion et à l’Eglise, ces­se­raient avec la lutte ; bien plus, sur le sol pri­vi­lé­gié de l’Italie catho­lique, on ver­rait fleu­rir encore les gran­deurs et les gloires dont la reli­gion et l’Eglise furent tou­jours les sources fécondes. Sous l’influence de leur ver­tu divine ger­me­rait natu­rel­le­ment la réforme des mœurs publiques et pri­vées ; les biens de la famille repren­draient leur vigueur ; les citoyens de tous les ordres, grâce à l’action reli­gieuse, sen­ti­raient s’éveiller plus vives en eux les ins­pi­ra­tions du devoir et de la fidé­li­té à l’accomplir.

Les ques­tions sociales, qui à cette heure pré­oc­cupent tous les esprits, s’achemineraient vers la meilleure et la plus com­plète des solu­tions, grâce à l’application pra­tique des pré­ceptes de cha­ri­té et de jus­tice évan­gé­lique ; les liber­tés publiques, pré­ser­vées de tout dan­ger de dégé­nérer en licence, ser­vi­raient uni­que­ment au bien et devien­draient vrai­ment dignes de l’homme ; les sciences, par cette véri­té dont l’Eglise a le magis­tère ; les arts, par cette ins­pi­ra­tion puis­sante que la reli­gion tient d’en haut et qu’elle a le secret de com­mu­ni­quer aux âmes, pren­draient rapi­de­ment un nou­vel essor. La paix faite avec l’Eglise, l’unité reli­gieuse, la concorde civile en seraient bien plus for­te­ment cimen­tées ; on ver­rait ces­ser la divi­sion entre les catho­liques fidèles à l’Eglise et l’Italie, laquelle acquer­rait ain­si un élé­ment puis­sant d’ordre et de conservation.

Une fois satis­fac­tion don­née aux justes demandes du Pontife romain, ses droits recon­nus, et lui-​même repla­cé dans une condi­tion de vraie et effec­tive indé­pen­dance, les catho­liques des autres pays, qui, aujour­d’hui, mus non point par une impul­sion étran­gère, ou sans se rendre compte de ce qu’ils veulent, mais bien par un sen­ti­ment de foi et par la convic­tion d’Un devoir à rem­plir, élèvent ensemble la voix pour faire entendre leurs reven­di­ca­tions en faveur de la digni­té et de la liber­té du Pasteur suprême de leurs fîmes ; ces mêmes catho­liques n’auraient plus de motif pour consi­dé­rer l’Italie comme l’ennemie de leur Père com­mun. Alors, tout au contraire, l’Italie ver­rait son pres­tige et sa consi­dé­ra­tion gran­dir auprès des autres peuples, à rai­son de la bonne har­mo­nie qu’elle entre­tien­drait avec ce Siège apostolique.

De même, en effet, que ce Siège a fait expé­ri­men­ter tout particuliè­rement aux Italiens le bien­fait de sa pré­sence au milieu d’eux, ain­si, grâce aux tré­sors de foi qui se sont tou­jours répan­dus de ce centre de béné­dic­tion et de salut, il a pro­pa­gé le nom ita­lien chez toutes les nations et lui a conquis leur estime et leur res­pect. L’Italie récon­ci­liée avec le Pape, fidèle à sa reli­gion, serait en état de riva­li­ser de gran­deur avec les meilleurs temps de son his­toire, et tout ce qui appar­tient au véri­table pro­grès de notre époque ne pour­rait que l’aider puis­samment à pour­suivre sa glo­rieuse car­rière. Rome, cité catho­lique par excel­lence, pré­des­ti­née de Dieu pour être le centre de la reli­gion du Christ et le siège de son Vicaire, et pour cela même tou­jours stable et tou­jours grande à tra­vers tant de périodes et de vicis­si­tudes, Rome, repla­cée sous l’autorité paci­fique et le sceptre pater­nel du Pontife romain, rede­vien­drait ce que l’avaient faite la Providence et les siècles, non plus rape­tis­sée au rôle de capi­tale d’un royaume par­ti­cu­lier, non pas divi­sée entre deux pou­voirs divers et sou­ve­rains – dua­lisme con­traire à toute son his­toire, –mais capi­tale digne du monde catho­lique, grande de toute la majes­té de la reli­gion et du sacer­doce, maî­tresse et modèle de mora­li­té et de civi­li­sa­tion pour les peuples.

Ce ne sont pas là, véné­rables Frères, de vaines illu­sions, mais bien des espé­rances appuyées sur un vrai et solide fon­de­ment. L’assertion sans cesse renou­ve­lée que les catho­liques et le Souverain Pontife sont les enne­mis de l’Italie et comme des alliés des par­tis sub­ver­sifs, n’est qu’une injure gra­tuite et une calom­nie éhon­tée répan­due à des­sein par les sectes pour cou­vrir leurs des­seins cri­mi­nels et écar­ter tout obs­tacle à leur entre­prise exé­crable de déca­tho­li­ci­ser l’Italie. La véri­té qui res­sort clai­re­ment de ce que Nous avons dit jusqu’à pré­sent, c’est que les catho­liques sont, en réa­li­té, les meilleurs amis de leur pays et qu’ils donnent une prouve de vrai et solide amour, non seule­ment envers la reli­gion de leurs ancêtres, mais encore envers leur patrie, quand ils s’écartent entiè­re­ment des sectes, en abor­dant leurs esprits et leurs œuvres, en fai­sant tous leurs efforts pour que l’Italie, loin de perdre la foi, la conserve tou­jours vigou­reuse, pour qu’elle évite de com­battre l’Eglise et lui soit tou­jours fidèle, pour qu’elle ne se montre point hos­tile à la Papauté, mais se récon­ci­lie avec elle.

Employez-​vous tout entiers, véné­rables Frères, à ce grand but, afin que la lumière de la véri­té se fasse jour au milieu des mul­ti­tudes, et que celles-​ci enfin com­prennent où se trouvent leur bien, leur véri­table inté­rêt, afin qu’elles se per­suadent que c’est de la fidé­li­té à la reli­gion, de la paix avec l’Eglise et le Pontife romain que l’on peut seul espé­rer pour l’Italie un ave­nir digne de son glo­rieux passé.

A ces grandes choses, Nous vou­drions que réflé­chissent, Nous ne dirons pas les affi­liés des sectes, qui, de pro­pos déli­bé­ré, ne songent qu’à fon­der sur les ruines de la reli­gion le nou­veau régime de la pénin­sule, mais ceux qui, sans don­ner accès à ces infâmes pro­jets, en favo­risent l’exécution en sou­te­nant la poli­tique : plus par­ti­cu­liè­re­ment Nous adres­sons Notre invi­ta­tion aux jeunes gens que leur inex­pé­rience et la pré­do­mi­nance du sen­ti­ment rend si faciles à se lais­ser induire en erreur.

Nous vou­drions que cha­cun se per­suade que la voie où l’on se trouve enga­gé ne peut qu’être fatale à l’Italie : et si une fois de plus Nets signa­lons le péril, Nous ne sommes mû que par la conscience de Note devoir et l’amour de Notre patrie.

Cependant, pour éclai­rer les esprits et rendre Nos efforts effi­caces, il est besoin par-​dessus tout d’invoquer le secours du Très-​Haut. C’est pour­quoi, véné­rables Frères, que notre action com­mune soit accom­pagnée de la prière, et que cette prière soit géné­rale, constante, fer­vente, telle qu’il la faut pour faire une douce vio­lence au cœur de Dieu et le rendre pro­pice à Notre Italie, et qu’elle en éloigne tout mal­heur, notam­ment le plus ter­rible de tous, qui serait la perte de la foi. – Interposons comme média­trice auprès de Dieu la très glo­rieuse Vierge Marie, la Reine vic­to­rieuse du Rosaire, qui a tant d’empire sur les puis­sances infer­nales, et qui, en tant de cir­cons­tances, a fait sen­tir à l’Italie les effets de ses mater­nelles dilec­tions. – Ayons enfin avec confiance recours aux saints apôtres Pierre et Paul, qui ont conquis à la foi cette terre bénie et l’ont sanc­ti­fiée par leurs fatigues et arro­sée de leur sang.

En atten­dant, comme gage des secours que Nous deman­dons au Ciel, et en témoi­gnage de Notre très par­ti­cu­lière affec­tion, rece­vez la Béné­diction apos­to­lique que Nous vous accor­dons du plus pro­fond de Notre cœur, à vous, véné­rables Frères, à votre cler­gé et au peuple italien.

Donné à Rome, près Saint-​Pierre, le 15 octobre 1890, la trei­zième année de Notre Pontificat.

LÉON XIII, PAPE.

Source : Lettres apos­to­liques de S. S. Léon XIII, tome 7, La Bonne Presse

Notes de bas de page
  1. Si terræ meæ cap­ti­vi­tas per quo­ti­dia­na momen­ta non excres­ce­ret, de des­pec­tione mea atque irri­sione lætus tace­rem. Saint Grégoire le Grand à l’empereur Maurice.[]