Le conflit engagé depuis le 25 juin 1950 en Corée où les troupes communistes de la Corée du Nord avaient envahi la Corée du Sud, provoquant la réplique des Nations-Unies qui y envoyèrent des troupes pour repousser l’agresseur, risque en décembre 1950 de dégénérer en guerre plus large. En effet, la Chine communiste à son tour envahit la Corée pour attaquer les armées des Nations-Unies. A nouveau plane sur le monde la menace d’une conflagration générale.
C’est pourquoi, Pie XII publie un nouveau document sur la Paix :
Le Pape évoque d’abord le succès de l’Année Sainte, prouvant à l’évidence que les peuples ne veulent pas la guerre ;
L’admirable spectacle de concorde fraternelle qu’offrirent au cours de l’Année Sainte les multitudes innombrables de chrétiens affluant de presque tous les pays vers Rome, en de pieux pèlerinages, a, Nous semble-t-il, valeur d’avertissement : il atteste solennellement devant tous que les peuples dans leur universalité ne veulent ni la guerre, ni la discorde, ni la haine, mais aspirent à la paix, à l’unité des cœurs et à cet amour chrétien qui seul peut faire se lever une ère meilleure et plus heureuse.
Et cependant, une fois de plus, la guerre sévit :
Qu’un tel avertissement soit enfin entendu de tous, c’est Notre vœu le plus pressant, tandis que l’esprit anxieux, Nous voyons de redoutables différends secouer les peuples, et même en certains endroits l’effrayante furie du massacre faucher une jeunesse ardente.
Que chacun songe à l’œuvre de mort que produit la guerre ;
N’est-il pas d’une évidence manifeste que les batailles sanglantes n’apportent que ruines, dommages, misères de tout genre ? Si terribles sont, de nos jours, les engins de guerre, inventés par le génie humain – destiné en vérité à autre chose –, que tout homme sensé n’en peut ressentir que de l’horreur, étant donné surtout que la plupart du temps, ces engins n’atteignent pas seulement les armées, mais également les civils, les enfants, les vieillards et les malades, sans compter les temples sacrés et les plus beaux monuments de l’art ! Qui donc ne serait frappé d’horreur en envisageant la possibilité qu’aux innombrables tombes de la dernière guerre puissent s’ajouter d’autres cimetières ; que sur les ruines encore croulantes de tant de villes puissent s’accumuler d’autres décombres sinistres ? Qui donc enfin ne tremblerait pas à la pensée que la crise économique, dont presque tous les peuples, et surtout les classes les plus modestes, ressentent si durement l’étreinte, ne pourrait que s’aggraver par de nouvelles destructions de richesses, conséquence inévitable de la guerre.
Le Père commun souffre en voyant ces menaces grandir, et se fait pressant pour inviter tous les peuples à chercher les moyens de prévenir les discordes :
Nous, qui élevons Notre esprit au-dessus de l’agitation des passions humaines, Nous qui nourrissons des sentiments paternels à l’égard de tous les peuples, de quelque race qu’ils soient, qui désirons que la tranquillité leur soit conservée, et que leur prospérité s’accroisse chaque jour, Nous, Vénérables Frères, chaque fois que Nous voyons la sérénité du ciel s’obscurcir de sombres nuées, et la menace de nouveaux conflits peser sur les hommes. Nous ne pouvons Nous empêcher d’élever Notre voix et d’exhorter tous et chacun à résoudre les conflits, à calmer les discordes, à instaurer enfin une paix digne de ce nom, qui sauvegarde les droits reconnus – publiquement et loyalement comme il se doit – de la religion, des peuples et de chaque citoyen.
La paix internationale sera le fruit de la paix intérieure, régnant dans le cœur des hommes :
Et pourtant, Nous savons bien que la réalisation de tels desseins (c’est-à-dire fonder la paix) n’est pas à la mesure des forces humaines ; car il faut tout d’abord renouveler le cœur de l’homme, contenir les passions, apaiser les haines, remettre effectivement en application les principes et les normes de la justice, en venir à une meilleure répartition des richesses, réchauffer la charité mutuelle, promouvoir chez tous la vertu.
Or, le christianisme annonce aux hommes de toute race et de toute nationalité qu’ils sont frères :
Or, à la réalisation de cette grande tâche, rien en vérité ne peut contribuer de façon plus efficace que la religion chrétienne : ses divins préceptes, en effet, nous enseignent que les hommes sont frères et composent de ce fait une seule famille dont Dieu est le Père, que le Christ a rachetée et qu’il alimente par sa grâce surnaturelle, dont la patrie éternelle est le ciel.
C’est, pourquoi la religion du Christ est le moyen vraiment efficace de fonder la paix :
Si ces préceptes sont heureusement et effectivement appliqués, alors sans nul doute, ni les guerres, ni les soulèvements, ni les désordres, ni les atteintes à la liberté religieuse et civile ne viendront plus troubler la vie des individus et des sociétés ; une paix sereine, fondée sur le bon ordre de la justice, remplira les esprits et les cœurs et ouvrira la voie à l’acquisition d’une prospérité chaque jour croissante.
Mais pour la réaliser, il faut faire appel aux secours surnaturels :
Tâche en vérité ardue, mais nécessaire. Si elle est nécessaire, rien ne doit la retarder ; il faut au plus tôt la réaliser. Si elle est ardue, disproportionnée aux forces humaines, il faut par la prière et la supplication, recourir au Père céleste, comme toujours, au cours des siècles, le firent nos ancêtres en toute situation critique, non sans en retirer d’heureux et salutaires effets.
Les évêques sont invités à prescrire – dans le monde entier – des prières publiques afin d’obtenir de Dieu le don de la paix.
C’est pourquoi, Nous vous exhortons de nouveau, Vénérables Frères, à inviter le peuple qui vous est confié à implorer par des prières publiques la concorde et la paix entre les nations : que sous les auspices de la religion, une sainte émulation vienne répondre à ces funestes rivalités qui menacent de tant de périls la communauté humaine.
De son côté, le Saint-Père célèbre le 7 décembre une messe de minuit qui, grâce à la radiodiffusion, pourra rassembler autour de lui des millions de fidèles répartis partout à travers le monde :
Comme vous le savez sans doute, au milieu de la nuit qui précède la Fête de l’Immaculée Conception de la Sainte Vierge, Nous célébrerons le Sacrifice Eucharistique, et Notre voix suppliante pourra, grâce à la Radio, atteindre tous ceux qui Nous écouteront. Nous désirons donc que, spécialement en cette nuit sainte, tous les chrétiens, en union avec le Vicaire de Jésus-Christ, implorent le Père des Miséricordes, par la très puissante intercession de la Vierge, Mère de Dieu, préservée dès l’origine de toute souillure, pour que se lève enfin sur tous les peuples et tous les pays, dans l’apaisement des haines et l’instauration de la justice et de l’équité, la pleine et pure lumière de la paix.
Le Saint-Père souhaite qu’une neuvaine de prières soit organisée en préparation de la fête de Noël :
Nous souhaitons au surplus, qu’avec la même ardeur, des prières à cette intention soient faites à nouveau au cours de la neuvaine préparatoire à la fête de Noël, implorant du divin Enfant que cette paix promise « aux hommes de bonne volonté[1] » et chantée par les Anges au-dessus de sa crèche, illumine toute la terre et s’y établisse fermement.
Le Pape invite à prier pour tous ceux qui souffrent encore des suites de la guerre :
N’oublions pas non plus de faire monter d’ardentes prières au Rédempteur nouveau-né et à sa divine Mère, pour que la religion catholique, fondement très sûr de la société humaine et de la civilisation, jouisse en tous pays de la liberté qui lui est due : que « ceux qui souffrent persécution pour la justice [2] » que ceux qui sont détenus en prison pour leur ferme défense des droits sacrés de l’Eglise ou que l’exil a chassés de leur siège, ceux qui, bannis de leur patrie natale, errent misérablement ou languissent encore en captivité, soient remplis de consolations célestes et obtiennent enfin ce à quoi ils aspirent de leurs vœux les plus ardents et de leurs plus pressants désirs.
Les évêques exhorteront leurs diocésains, afin que toute la chrétienté s’unisse dans une même supplique :
Nous ne doutons pas, Vénérables Frères, qu’avec votre diligence et votre zèle habituels, vous ne fassiez connaître, de la façon la plus appropriée, à votre clergé et à votre peuple Nos paternelles exhortations, et Nous sommes assurés que tous les fils aimants que Nous comptons dans l’univers, répondront spontanément et volontiers à Notre appel.
Qu’elle soit donc le gage des meilleures grâces célestes et le témoignage de Notre paternelle bienveillance, cette Bénédiction apostolique que Nous vous accordons de grand cœur dans le Seigneur, à vous tous, Vénérables Frères, à tous vos fidèles et à ceux en particulier qui prieront selon Nos intentions.
Source : Documents Pontificaux de S. S. Pie XII, Edition Saint-Maurice Saint-Augustin – D’après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 797.