Alors que l’insécurité continue à régner sur le monde, alors que le bloc soviétique s’oppose avec plus de violence que jamais au bloc anglo-saxon, et à l’Europe occidentale, une guerre se déclenche en Extrême- Orient, risquant d’entraîner à sa suite un nouveau conflit mondial. En effet, le 25 juin 1950, à l’aube, les forces de la Corée du Nord – sous régime communiste – ont traversé la frontière fixée au 38e parallèle, pour envahir la Corée du Sud, Etat indépendant.
L’appel des Nations Unies demandant à l’agresseur de retirer ses forces armées, au delà du 38e parallèle, demeura vain. Dès lors, les membres des Nations Unies furent invités, dès le 27 juin, à apporter une aide militaire à la Corée du Sud, pour repousser l’envahisseur. Dès le 30 juin, les Etats-Unis engageaient des forces dans la guerre, et le 4 juillet, trente-deux membres des Nations Unies promettaient une aide militaire à la Corée du Sud. Ce sont ces événements qui ont donné lieu à la publication de l’Encyclique.
Le Pape déplore que le monde demeure soumis aux angoisses des menaces de guerre :
Les causes d’une profonde douleur et d’une immense tristesse ne nous manquent pas.
D’une part, Nous avons le spectacle des multitudes de pèlerins qui, en cette Année jubilaire, accourent à Rome de tous les points de la terre, vision merveilleuse, en quoi Nous voyons un émouvant témoignage de foi commune, d’union fraternelle, de piété ardente, et cela en si grand nombre que cette Ville vénérable, qui a tant vu d’événements fameux, ne connut rien de pareil au cours des siècles précédents [1]. Ces foules innombrables, Nous les recevons d’un cœur aimant, Nous les raffermissons de Notre parole paternelle, et leur proposons de nouveaux et illustres modèles de sainteté [2], Nous les invitons, non sans succès, à un renouveau des mœurs et à progresser dans la vie chrétienne.
D’un autre côté, la situation générale des peuples se présente à Nos regards sous un tel jour que Nous en éprouvons les plus vives préoccupations et anxiétés.
Certes, de nombreuses personnes discutent, écrivent et parlent sur le moyen d’aboutir finalement à la paix tant désirée ; mais les principes, qui doivent être les bases solides de cette paix, sont négligés par certains, et même ouvertement repoussés.
En effet, dans un certain nombre de pays, ce n’est pas la vérité qui est à l’honneur, mais le mensonge habilement déguisé. Ce n’est pas l’amour ni la charité qui sont favorisés, mais la haine et les rivalités aveugles. On n’exalte pas la concorde entre citoyens, mais on provoque des troubles et des désordres.
C’est pourquoi, il faut condamner ce procédé qui mène à la guerre :
Mais, comme le reconnaissent les gens sincères et de bonne foi, il n’est pas possible, de cette manière, de résoudre les problèmes qui divisent actuellement les nations, ni de conduire le prolétariat comme c’est nécessaire, vers un avenir meilleur. Car la haine, le mensonge et la division n’ont jamais produit rien de bon. Il faut, certes, élever la classe pauvre à une condition, conforme à la dignité humaine, mais cela par des lois justes et non pas par la violence et le désordre.
Il faut, au contraire, faire œuvre de vérité, de justice et d’amour :
Il faut, le plus tôt possible, à la lumière de la vérité et sous la conduite de la justice, régler tous les différends qui divisent et séparent les peuples.
Dans ces circonstances, l’Eglise lance de nouveaux appels à la paix ;
Tandis que le ciel s’obscurcit de nuages, Nous, qui avons particulièrement à cœur la liberté, la dignité et la prospérité de toutes les nations, Nous ne pouvons qu’exhorter à la paix et à la concorde tous les citoyens et leurs gouvernants.
Il faut garder devant ses yeux le spectacle atroce des ruines provoquées par les guerres modernes :
Que tout le monde se rappelle ce qu’apporte la guerre, comme on ne le sait que trop par expérience : des ruines, la mort, et toutes sortes de misères. Avec le progrès, la technique moderne a créé et préparé de telles armes meurtrières et inhumaines, que, non seulement pourraient être exterminés les armées et les flottes, non seulement les villes, les bourgades et les villages, non seulement les trésors inestimables de la religion, de l’art et de la culture, mais encore les enfants innocents avec leurs mères, les malades et les infirmes, les vieillards. Tout ce que le génie humain a produit de beau, de bon, de saint, tout ou presque tout peut être anéanti.
Cette vision invitera, sans doute, les chefs d’Etat à réfléchir sur leurs graves devoirs :
Si donc la guerre, aujourd’hui surtout, apparaît à tout esprit sensé comme quelque chose de terrifiant et de mortel, il faut espérer que par l’effort de tous les hommes de bonne volonté et surtout des dirigeants des peuples, on puisse éloigner les nuages sombres et menaçants qui, en ce moment, angoissent les cœurs, et que la paix véritable règne enfin parmi les peuples.
Cependant, en dernière analyse, la paix qui résulte de l’effort des hommes est aussi un don de Dieu ;
Mais, comme nous savons que tout beau présent et tout don parfait viennent d’En-Haut et descendent du Père des lumières [3], Nous jugeons opportun, Vénérables Frères, de prescrire de nouveau des prières publiques afin d’obtenir la concorde entre les peuples.
Les Evêques sont invités à faire prier et à faire expier les fidèles qui leur sont confiés :
Votre tâche pastorale sera donc non seulement d’exhorter les âmes qui vous sont confiées à élever vers Dieu de ferventes prières, mais encore à s’adonner à de pieuses pratiques de pénitence et d’expiation, pour apaiser la divine Majesté offensée par tant de crimes publics et privés.
De plus, les Evêques devront rappeler au peuple chrétien les principes qui seuls, peuvent fonder la paix véritable :
Quand vous communiquerez Notre appel aux fidèles, conformément aux devoirs de votre charge, vous leur rappellerez aussi les principes qui peuvent assurer une paix juste et durable et la voie qui est à suivre pour y aboutir.
La paix, comme vous le savez bien, ne peut découler que des principes et des normes dictés par le Christ et mis en pratique avec sincérité et loyauté. Ils rappellent, en effet, les hommes et les peuples à la vérité, à la justice et la charité ; ils mettent un frein à leur cupidité ; ils obligent les sens à obéir à la raison et la raison à obéir à Dieu ; ils ordonnent à tous, même à ceux qui gouvernent les peuples, de reconnaître la liberté due à la religion, qui, en plus de son but fondamental de conduire les âmes au salut éternel, soutient et protège les bases mêmes de l’Etat.
Le Souverain Pontife dénonce une nouvelle fois les autorités civiles qui persécutent l’Eglise catholique ou qui entravent son action [4] :
De ce que Nous venons de déclarer, il est facile de concevoir, Vénérables Frères, combien sont loin de donner une paix sûre et véritable ceux qui foulent aux pieds les droits sacrés de l’Eglise catholique, qui interdisent à ses ministres le libre exercice du culte en les condamnant même à l’exil ou à la prison, qui entravent ou suppriment les écoles et autres institutions dirigées selon les principes chrétiens, qui par l’erreur, la calomnie et la licence, détournent tous les milieux sociaux, et spécialement la jeunesse inconstante de l’intégrité des mœurs, de l’innocence et de la vertu pour les entraîner au vice et à la corruption.
Parmi les mensonges répandus par les communistes, il faut relever l’affirmation prétendant que l’Eglise excite les peuples à la guerre :
Il est également évident que sont dans l’erreur ceux qui lancent insidieusement contre le Siège apostolique et l’Eglise catholique l’accusation de vouloir un nouveau conflit. Certes, dans les époques anciennes ou récentes, il y a toujours eu des gens qui ont tenté de soumettre les peuples par les armes. Mais, Nous, Nous n’avons jamais cessé de prêcher une paix véritable ; l’Eglise désire conquérir les peuples non point par les armes, mais par la vérité et les former à la vertu et au service de Dieu et des hommes. Car « les armes de notre combat ne sont pas charnelles, mais puissantes pour la cause de Dieu [5].
Quand les peuples seront imprégnés des vrais principes – qu’il faut enseigner – alors seulement on pourra espérer édifier la paix :
Tout cela, vous devrez l’enseigner avec franchise, car c’est seulement quand les principes chrétiens seront respectés et régiront la vie publique et privée, qu’on pourra espérer que les conflits s’apaiseront et que les diverses classes de la société, les peuples et les nations s’uniront dans une fraternelle concorde.
Pie XII souhaite que – grâce à ces prières et à ces actions des chrétiens – la paix soit enfin accordée au monde :
Puissent les prières qui monteront de partout obtenir de Dieu la réalisation de nos vœux ardents, c’est-à-dire qu’avec l’aide de la grâce divine, les mœurs soient rénovées chez tous par la vertu chrétienne, et que les rapports entre les peuples soient bientôt réglés de telle sorte que l’ambition injuste de dominer les autres disparaisse et que toutes les nations jouissent de la liberté qui leur est due ; qu’enfin les Etats accordent cette même liberté à la sainte religion et à leurs citoyens conformément aux exigences des droits divin et humain.
C’est dans cet espoir qu’à vous tous et à chacun, Vénérables Frères, ainsi qu’à votre clergé et à vos fidèles, et en particulier à ceux qui obéiront docilement à Notre présente exhortation, Nous accordons bien volontiers dans le Seigneur la Bénédiction apostolique, gage des grâces célestes et témoignage de Notre bienveillance.
Source : Documents Pontificaux de S. S. Pie XII, Edition Labergerie – D’après le texte latin des A. A. S., XXXXII, 1950, p. 515, traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLVII, c. 1025.
- Durant les sept premiers mois de l’Année Sainte, près de 2 millions de pèlerins étaient venus à Rome.[↩]
- Au cours de la première moitié de l’année 1950, furent canonisés : le 23 avril 1950, sainte Emilie de Rodat ; le 7 mai, saint Antoine-Marie Claret ; le 18 mai, sainte Bartholomée Capitano, sainte Vincenza Gerosa ; le 28 mai, sainte Jeanne de France ; le 11 juin, saint Vincent Strambi ; le 24 juin, sainte Maria Goretti ; le 9 juillet, sainte Marie-Anne de Jésus de Paredes.[↩]
- Jac., I, 17.[↩]
- La persécution continue à sévir dans tous les pays soumis au régime communiste : U. R. S. S., Yougoslavie, Hongrie, Tchécoslovaquie, Roumanie, Albanie, Chine, Corée. Des entraves sont apportées à la vie de l’Eglise en Pologne et en Allemagne orientale. Des propagandes corruptrices sont entretenues par les organisations communistes des pays d’Europe occidentale et notamment en Italie (cf. Avertissement du Saint-Office, 23 juillet 1950, p. 269).[↩]
- II. Cor., X, 4.[↩]