Pie XI

259ᵉ pape ; de 1922 à 1939

17 mai 1925

Homélie Benedictus Deus

Prononcée à la canonisation solennelle de la Bienheureuse Thérèse de l'Enfant-Jésus

Vénérables frères, Chers fils,

Béni soit Dieu, Père de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, Père des misé­ri­cordes et Dieu de toute conso­la­tion (2 Co 1, 3.), qui, par­mi les nom­breuses sol­li­ci­tudes de Notre charge apos­to­lique, Nous a accor­dé cette conso­lation de pla­cer la pre­mière au nombre des Saints la vierge que, au début de Notre Pontificat, la pre­mière aus­si, Nous avions éle­vée au rang des Bienheureux, la vierge qui pra­ti­qua l’enfance spi­ri­tuelle, celle voie aus­si insé­pa­rable de la gran­deur d’âme que tout à fait digne, selon les pro­messes mêmes de Jésus-​Christ, d’être glo­ri­fiée solennel­lement dans la Jérusalem du ciel et au sein de l’Eglise de la Terre.

Nous sommes encore recon­nais­sant à Dieu de Nous per­mettre aujourd’hui, à Nous, qui tenons la place de son Fils, de vous rap­pe­ler à tous et de faire péné­trer en vos âmes, du haut de celle Chaire de véri­té, au cours des solen­ni­tés augustes du Sacrifice, un avis très salu­taire du divin Maître. Un jour que ses dis­ciples lui avaient deman­dé qui serait, à son juge­ment, le plus grand dans le royaume des cieux, il appe­la un tout petit enfant, le pla­ça au milieu d’eux, et dit cette parole mémo­rable : En véri­té, je vous le déclare, si vous ne vous conver­tis­sez et ne deve­nez sem­blables à ce petit enfant, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux (Mt 18, 2–3.).

Thérèse, notre nou­velle Sainte, impré­gna bien à fond son âme de celte doc­trine évan­gé­lique ; elle la fit pas­ser dans la pra­tique de sa vie quo­ti­dienne ; bien mieux, elle ensei­gna cette voie de l’enfance spiri­tuelle, d’abord, par ses leçons et ses exemples aux jeunes novices de son couvent, puis, par ses écrits, à toutes les âmes. Ces écrits ont été répan­dus dans le monde entier ; nul ne les peut par­cou­rir sans les aimer, sans les lire et les relire, avec le plus vif plai­sir et le plus grand profit.

Thérèse n’est-​elle pas, en effet, la fleur épa­nouie dans le jar­din fer­mé du Carmel, la jeune fille d’une pure­té sans tache ? Dès le jour où elle joi­gnit à son nom celui de Jésus Enfant, elle repro­dui­sit en elle-​même, en traits vivants, l’image de cet Enfant ; et, de la sorte, véné­rer Thérèse, c’est vrai­ment véné­rer et louer le divin modèle qu’elle fai­sait revivre en elle.

Aussi aujourd’hui nourrissons-​Nous l’espoir de voir dans les âmes des fidèles naître le désir de cette enfance spi­ri­tuelle qui consiste à être, par ver­tu, dans nos pen­sées et nos actions, ce qu’est l’en­fant, par l’instinct de sa nature, dans ses sen­ti­ments et dans ses actes.

Nulle faute ne voile de son ombre le regard du petit enfant ; nulle pas­sion ne l’amollit de ses attraits ; il se repose eu sécu­ri­té dans la pos­ses­sion de son inno­cence ; il ignore la ruse et le men­songe ; ce qu’il pense, il le dit sans fard, il le fait sans détour : tel il est au dedans de lui-​même, tel il se montre au dehors.

Ainsi nous est appa­rue Thérèse : d’une nature plus angé­lique qu’humaine, elle a intro­duit dans son âme la sim­pli­ci­té de l’enfant, selon les lois de la véri­té et de la justice.

Mais la vierge de Lisieux avait pré­sentes à la mémoire ces invita­tions et ces pro­messes de l’Époux divin : Si quel­qu’un est tout petit, que celui-​là vienne à moi (Pr 9, 4.). — Vous trou­ve­rez un sein sur lequel vous serez por­tés, et des genoux sur les­quels vous serez cares­sés ; comme une mère caresse son enfant, c’est ain­si que moi je vous conso­le­rai (Is 66, 12–13). Elle avait conscience de sa fai­blesse, et elle se don­na et s’abandonna avec confiance et sans réserve à la divine Pro­vidence, afin de pou­voir, sans autre appui, fran­chir les pires diffi­cultés du che­min, et atteindre cette par­faite sain­te­té de vie à laquelle elle avait déci­dé de tendre en une pleine et joyeuse abdi­ca­tion de sa volon­té propre.

Nous n’avons pas à nous éton­ner de voir s’accomplir en celle reli­gieuse les paroles du Christ : Quiconque se sera abais­sé comme ce petit enfant, celui-​là sera le plus grand dans le royaume des cieux (Mt 18, 4.). Il a donc plu, en effet, à la bon­té divine de la com­bler, de l’enrichir d’une sagesse toute spéciale.

Elle avait pui­sé avec abon­dance dans le caté­chisme les authen­tiques ensei­gne­ments de la foi, sa doc­trine ascé­tique dans le livre d’or de l’Imitation, ses connais­sances mys­tiques dans les ouvrages de son Père Jean de la Croix ; elle nour­ris­sait son intel­li­gence et son cœur de la médi­ta­tion assi­due des Saintes Ecritures ; mais, par-​dessus tout, l’Esprit de véri­té lui ouvrit et lui décou­vrit les mys­tères qu’il a cou­tume de cacher aux sages et aux pru­dents et de révé­ler aux tout petits : car, au témoi­gnage de Notre pré­dé­ces­seur, elle pos­sé­da une telle science des choses d’en haut qu’elle put indi­quer aux âmes une voie cer­taine de salut.

Cette abon­dance des lumières et des grâces divines qui furent dépar­ties à Thérèse avait allu­mé dans son cœur un tel incen­die de cha­ri­té qu’enfin elle en fut consu­mée, après avoir vécu pour ain­si dire dans une per­pé­tuelle extase ; et, dans cet ordre d’idées, elle put, peu de temps avant sa mort, avouer naï­ve­ment que « jamais elle n’avait don­né à Dieu que de l’amour ».

D’ailleurs, il est évident que l’élan de cette ardente cha­ri­té fut chez la vierge de Lisieux le prin­cipe de son des­sein et de son désir ins­tant de « tra­vailler pour l’amour de Jésus, uni­que­ment pour lui plaire, pour conso­ler son Cœur sacré et pour pro­cu­rer le salut éter­nel de beau­coup d’âmes des­ti­nées à aimer éter­nel­le­ment le Christ ».

Qu’elle ait com­men­cé, dès l’instant de son arri­vée dans l’é­ter­nelle patrie, à accom­plir et à réa­li­ser ce des­sein, nous en avons la preuve écla­tante dans cette mys­tique pluie de roses que, par la per­mis­sion de Dieu, elle a dès main­te­nant répan­due sur la terre, et qu’elle ne cesse d’y répandre, selon la pro­messe qu’ingénument elle en avait faite de son vivant.

C’est pour­quoi, Vénérables Frères, Chers Fils, Nous dési­rons ardem­ment que tous les chré­tiens se montrent dignes de par­ti­ci­per à l’effusion des grâces si nom­breuses obte­nues par l’intercession de la petite Thérèse ; mais, plus ardem­ment encore, Nous sou­hai­tons que, fixant sur elle des regards atten­tifs pour prendre modèle sur elle, tous deviennent comme de petits enfants ; car, selon la sen­tence du Christ, s’ils ne sont pas comme de tout petits, ils seront exclus du royaume des cieux.

Si cette voie de l’enfance spi­ri­tuelle était sui­vie par la masse, com­bien facile appa­raî­trait à tous la res­tau­ra­tion de l’ordre moral dans la socié­té humaine, res­tau­ra­tion dont nous avons fait le but de nos efforts dès le début de Notre Pontificat, et sur­tout lors de la publica­tion du grand Jubilé.

Nous fai­sons donc Nôtre cette prière par laquelle la nou­velle sainte, Thérèse de l’Enfant-​Jésus, ter­mi­nait le pré­cieux livre de sa vie : « Je te sup­plie, ô bon Jésus, d’abaisser ton regard divin sur un grand nombre de petites âmes ; je te sup­plie de te choi­sir en ce monde une légion de petites vic­times dignes de ton amour. » Ainsi soit-il.

Source : Actes de S. S. Pie XI, tome 3, pp. 30–35.

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