Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

19 novembre 1943

Lettre décrétale Promulguant la canonisation de sainte Marguerite de Hongrie

Table des matières

Parmi les charges les plus impor­tantes qu’en ver­tu du minis­tère apos­to­lique qui Nous a été confié quoique sans mérite Nous avons à rem­plir, il n’en est sans doute pas de plus grave ni de plus douce et qui ne Nous donne plus de conso­la­tion au milieu des nom­breux sou­cis et des anxié­tés qui Nous accablent que de décer­ner les hon­neurs suprêmes de culte à ces fidèles qui, durant leur vie, ont brillé en tout genre de ver­tus jusqu’à la per­fec­tion, qui, sur­tout après leur mort, ont res­plen­di de l’éclat des miracles obte­nus du Dieu Tout-​Puissant par leur inter­ces­sion et qui ont ain­si méri­té à juste titre une renom­mée constante de sain­te­té. C’est ce que les Pontifes romains, sous l’inspiration du Saint-​Esprit, ont accom­pli jusqu’aux temps actuels à l’applaudissement de tout le monde catho­lique avec d’autant plus de sol­li­ci­tude et plus fré­quem­ment que le peuple chré­tien parais­sait avoir besoin de plus nom­breux inter­ces­seurs auprès de Dieu et de plus écla­tants exemples de vertu.

C’est à bon droit que Nous esti­mons juste d’inscrire par­mi eux cette bien­heu­reuse vierge, gloire de la catho­lique nation de Hongrie, Marguerite, fille du roi Béla IV, moniale de l’insigne ordre de saint Dominique. Son culte jouis­sant d’une antique pos­ses­sion, les histo­riens dignes de foi témoi­gnant una­ni­me­ment de ses ver­tus héroïques et de ses miracles et la renom­mée de ses miracles se main­te­nant, elle paraît être digne d’être pro­cla­mée sainte par Notre sen­tence suprême et ins­crite au cata­logue des saints bien que ce ne soit pas par une cano­ni­sa­tion solen­nelle et en forme habituelle.

Enfance de sainte Marguerite.

Marguerite naquit dans la famille royale de Hongrie des Arpads, qui à elle seule et dans le même XIIIe siècle a don­né nais­sance pour l’Eglise de Dieu à quatre autres femmes d’une sain­te­té de vie admi­rable : sainte Elisabeth, ins­crite au nombre des saints en l’an 1235 par Notre pré­dé­ces­seur d’heureuse mémoire Grégoire IX, la bien­heureuse Agnès de Prague, sa cou­sine, et les filles du roi Béla IV, Cunégonde et Yolande, dont le culte a été confir­mé par le Siège apostolique.

C’est vers l’an 1242, alors que les Tartares, sous la conduite de leur chef Batou, dévas­taient par le fer et le feu la Pologne et la Pannonie et que la Hongrie, arro­sée du sang de tant de chré­tiens, subis­sait les plus sau­vages dévas­ta­tions, que naquit la bien­heu­reuse Marguerite de pieux parents, Béla IV roi de Hongrie et la reine Marie Lascaris, réfu­giés alors dans une for­te­resse dal­mate. Dès la concep­tion de l’enfant, ses parents l’avaient consa­crée à Dieu, pour le cas où ce serait une fille, comme une offrande pieuse pour la libé­ra­tion du royaume et pour leur salut ; leurs prières et leurs vœux furent exau­cés ; car, la paix s’étant réta­blie subi­te­ment, ils purent rega­gner Buda avec la nouveau-​née Marguerite. Son excel­lente mère, se sou­ve­nant de leur pro­messe et de la faveur reçue, con­duisit sa fille, ange tuté­laire du royaume pater­nel dès le sein de sa mère, avant même l’âge de quatre ans au monas­tère des reli­gieuses de Veszprim de sainte Catherine, vierge et mar­tyre de l’ordre de saint Dominique afin de la for­mer aux habi­tudes régu­lières dès son jeune âge et pour mieux ser­vir Dieu. Devenue de cœur dis­ciple de la Croix, ayant tota­le­ment per­du de vue la mai­son royale, Marguerite brilla tel­le­ment par sa doci­li­té et son obéis­sance, que les moniales l’avaient dans la plus grande affec­tion ; elle pra­ti­quait, d’une ma­nière au-​dessus de son âge, une pié­té angé­lique envers Jésus-​Christ et la Vierge Mère de Dieu ; elle se fit aus­si remar­quer par la sim­plicité de ses mœurs et par la can­deur de son carac­tère ; et elle méri­ta que le Roi des rois vou­lût l’avoir en sa pré­sence sans retard.

A peine âgée de cinq ans, elle vou­lut comme les autres sœurs rece­voir la dis­ci­pline, jeû­ner et por­ter le cilice. C’est pour­quoi son père, ayant assu­ré la pro­tec­tion de son royaume contre les incur­sions des Tartares, dans le but d’attirer avec plus de sécu­ri­té et d’efficacité le secours divin sur lui-​même et son royaume, fit édi­fier dans une île du Danube appe­lée aupa­ra­vant île des Lièvres, main­te­nant de Sainte-​Marguerite, un monas­tère en l’honneur de la bien­heu­reuse Vierge

Marie. Il y fit ins­tal­ler de pieuses vierges qui devaient comme des hos­ties vivantes se vouer à Dieu seul et chan­ter ses louanges et les louanges de la Mère de Dieu ; il y fit entrer aus­si sa fille Marguerite qu’il aimait entre tous ses enfants d’une affec­tion d’autant plus tendre qu’il voyait en elle les signes les plus sûrs d’une vie pieuse agréable à Dieu.

Son entrée dans la vie religieuse.

Entre-​temps, cette sainte jeune fille qui sem­blait avoir fait siennes les paroles de l’Apôtre : « J’estime que tout est mépri­sable hors la science émi­nente de mon Seigneur Jésus-​Christ et c’est pour lui que j’ai tout mépri­sé et que je consi­dère tout comme de vils objets, afin de pou­voir gagner le Christ » ayant refu­sé un hon­nête mariage avec un prince de Pologne, pro­non­ça à l’âge de douze ans ses vœux solen­nels devant le Maître géné­ral de l’ordre Humbert. Ottokar, roi de Bohême, la deman­da aus­si en mariage. Pour écar­ter toutes ces ins­tances impor­tunes et afin de conser­ver de toutes ses forces intacte la foi don­née au divin Epoux, elle vou­lut mani­fes­ter publi­quement qu’elle était l’épouse du Christ et elle deman­da avec force qu’on lui impo­sât le voile sacré ; c’est avec la plus grande joie qu’elle le reçut au tom­beau de sainte Elisabeth sa tante, le 14 juin 1261, des mains de l’archevêque d’Esztergon, assis­té des évêques de Vacz et de Neutra et de nom­breux ecclé­sias­tiques. Ainsi consa­crée à l’Epoux des vierges, elle cher­cha sans répit à se rendre sem­blable au Roi des mar­tyrs par le mépris d’elle-même et du monde et par la mortifi­cation de la chair. Toujours revê­tue des vête­ments les plus simples, recher­chant les charges les plus humbles, elle fai­sait ses délices de balayer la mai­son, net­toyer les ordures, pré­pa­rer les ali­ments, se char­ger de pesants far­deaux. Alors que les autres crai­gnaient la con­tagion, elle se met­tait au ser­vice des sœurs et même des ser­vantes malades avec une telle cha­ri­té et un tel désir d’abaissement qu’elle arri­vait à se char­ger elle seule de tous les ser­vices les plus pénibles et les plus humbles.

Ses vertus.

Ne tenant aucun compte de ses mains qui souf­fraient du froid, les coudes et les genoux enflés et bles­sés par le long contact avec le sol, son corps déjà affai­bli par les jeûnes fré­quents, elle le tor­tu­rait encore plus vio­lem­ment par le cilice, la fla­gel­la­tion et les nuits de veille, sur­tout les ven­dre­dis et la veille des jours de fête du Seigneur et de la Mère de Dieu, et durant la quin­zaine pré­cé­dant le mys­tère de la Passion et brû­lait du désir du mar­tyre. Elle priait par­tout et presque sans inter­rup­tion, répan­dant son cœur de pré­fé­rence et plu­sieurs heures par jour devant le Christ Jésus caché sous les voiles eucha­ris­tiques ou sur la croix, ajou­tant fré­quem­ment à l’office divin pres­crit le psau­tier entier, des prières à Dieu le Père ou au Saint-​Esprit, ou des Ave à la Vierge Mère de Dieu qui lui était si chère. La tra­di­tion rap­porte qu’elle pra­ti­qua toutes les ver­tus avec appli­cation prin­ci­pa­le­ment les ver­tus théo­lo­gales à un degré héroïque et qu’elle per­sé­vé­ra dans leur pra­tique jusqu’à la mort avec tant de fidé­li­té que pour tous elle était le plus vivant encou­ra­ge­ment à la vertu.

La ver­tu de Marguerite brilla encore davan­tage lors de la vio­lente guerre qui écla­ta entre son père le roi Béla IV et son frère Etienne pour le gou­ver­ne­ment du royaume et la suc­ces­sion au trône, guerre qui dura envi­ron quatre ans, pen­dant laquelle « tout ordre de jus­tice étant confon­du et toute crainte de Dieu mise de côté aus­si bien par les évêques que par les barons, plu­sieurs mil­liers d’inno­cents périrent vic­times de ces ini­qui­tés ». Une si funeste cala­mi­té cru­cifia tel­le­ment l’âme de Marguerite que les larmes devinrent son pain quo­ti­dien : elle voyait en effet sa famille pater­nelle si violem­ment déchi­rée par les jalou­sies et les que­relles, le peuple en péril oppri­mé sans dis­tinc­tion de sexe ni d’âge, la sainte Eglise elle-​même, non seule­ment dans ce royaume, mais aus­si dans toutes les par­ties de la chré­tien­té, fou­lée aux pieds et déchi­rée par la tyran­nie, les cloîtres et les monas­tères déserts et dans la déso­la­tion, tout droit divin et humain mêlés injus­te­ment. Afin d’apaiser la colère du Dieu Tout-​Puissant et d’attirer la clé­mence divine sur son peuple, Marguerite « ver­sait des larmes encore plus abon­dantes et, vêtue du cilice, macé­rait son corps par des jeûnes, comme si elle vou­lait pleu­rer les péchés de tous ceux qui agis­saient si indi­gne­ment envers Dieu ; déplo­rant les mal­heurs qui frappent les oppri­més, tout entière plon­gée dans la prière, elle insis­tait auprès de Dieu pour que par la droite de sa puis­sance soit arrê­tée et répri­mée la puis­sance des méchants et que le Seigneur Jésus-​Christ prenne la défense des inno­cents et de sa sainte Eglise, rache­tée par son Précieux Sang ».

Mais Marguerite ne restrei­gnit pas son action à ses prières ins­tantes et à une dure péni­tence. Elle n’hésita pas à repro­cher ouverte­ment leur ini­qui­té à qui que ce soit, fût-​il revê­tu de la plus haute auto­ri­té ou digni­té ; aus­si attira-​t-​elle sur elle la colère du roi son père, négli­geant la flat­te­rie elle accep­ta de subir sa per­sé­cu­tion ; elle n’en eut aucune crainte et la sup­por­ta avec intré­pi­di­té sans ces­ser de repro­cher aux hommes leurs ini­qui­tés tout en cher­chant à paci­fier les esprits des adversaires.

Les prières qu’elle répan­dit avec tant d’abondance vers Dieu, jointes aux macé­ra­tions qu’elle fit subir à son corps vir­gi­nal furent enfin exau­cées par le Très-​Haut ; la paix fut réta­blie entre le père et le fils et solen­nel­le­ment ‑sanc­tion­née dans l’île des Lièvres, dans le monas­tère même sanc­ti­fié par Marguerite, en l’an du Seigneur 1266.

Pour assu­rer de plus en plus la tran­quilli­té de son royaume, le roi Béla pen­sa unir sa famille par une alliance avec le comte Charles d’Anjou deve­nu roi de Naples en 1266. Dans ce but, il pro­po­sa à sa fille Marguerite de l’épouser, ajou­tant qu’il se fai­sait fort d’obtenir du pape Clément IV la dis­pense des vœux ‑de reli­gion. Marguerite refu­sa net ces noces, les troi­sièmes qu’on lui pro­po­sait, répon­dant libre­ment qu’elle vou­lait conser­ver sa vir­gi­ni­té au Seigneur Jésus-​Christ. Le divin Epoux tou­jours fidèle et plus géné­reux, qui s’était fait une demeure agréable dans le cœur de sa ser­vante, la com­bla abon­dam­ment des dons célestes, l’associa à sa Passion et lui fit par­ta­ger sa conso­la­tion et sa puis­sance durant sa vie comme après sa mort.

On rap­porte d’elle en effet que dès son enfance elle avait le don de pro­phé­tie, que pen­dant le saint sacri­fice elle était cou­tu­mière de l’extase, qu’elle connais­sait les secrets des cœurs et qu’il ne lui était pas rare d’accomplir par la per­mis­sion divine des gué­ri­sons et des miracles.

Sa réputation de sainteté.

Pressentant l’approche de la mort, elle deman­da ardem­ment et selon son désir reçut plu­sieurs fois les der­niers sacre­ments de l’Eglise avec une angé­lique pié­té ; comme un joyau ajou­té au dia­dème du Christ, Marguerite entra au Ciel en l’an 1270, en la fête de sainte Prisque, à peine âgée de trente ans. Répandant un suave par­fum comme une parure anti­ci­pée de sa future résur­rec­tion, son corps vir­gi­nal dépo­sé solen­nel­le­ment au tom­beau devint bien­tôt le remède aux mala­dies de tous ceux qui venaient la sup­plier ; nom­breux sont les miracles qu’on rap­porte d’elle et nom­breuses les grâces accor­dées jusqu’aux temps pré­sents par l’intercession de la ser­vante de Dieu.

Il n’y a donc rien d’étonnant que le nom de Marguerite soit deve­nu très célèbre en Hongrie et bien connu même au-​dehors ; d’une part elle a illus­tré sa patrie ter­restre par l’éclat de ses héroïques ver­tus, par la lumière de sa sainte vie et par la renom­mée de ses miracles ; d’autre part, en dehors des confins de sa patrie, princi­palement par l’influence de l’ordre illustre des Frères Prêcheurs qui se glo­ri­fie de la pro­tec­tion par­ti­cu­lière de la bien­heu­reuse ; son nom devint glo­rieux soit par les légendes répan­dues aus­si­tôt après sa mort qui pré­sen­taient Marguerite comme une sainte, soit sur­tout par le pro­cès apos­to­lique ouvert six ans après la mort de cette royale vierge, pro­cès auquel les témoins don­naient fré­quem­ment à Marguerite le titre de bien­heu­reuse ou de sainte, titre recon­nu même par l’autorité ecclé­sias­tique suprême.

Le culte ren­du à cette ser­vante de Dieu aus­si­tôt après sa mort pré­cieuse, brillant tou­jours d’une nou­velle lumière, par­vint jusqu’à notre époque. En effet, il appa­raît plus clair que le jour soit des bio­graphies publiées en diverses langues, soit des monu­ments, par­mi les­quels il existe une pré­cieuse tapis­se­rie don­née, dit-​on, à Notre basi­lique de Saint-​Pierre en 1343, par Elisabeth, reine de Hongrie : cette tapis­se­rie repré­sente, avec l’image de la bien­heu­reuse Vierge Marie et des saints apôtres Pierre et Paul, les images de quatre saints de la famille royale de Hongrie, dont Marguerite, fille du roi de Hongrie, por­tant elle aus­si le titre de sainte. Ce culte se constate encore de la véné­ra­tion des fidèles envers le tom­beau et les reliques de la ser­vante de Dieu, ain­si que des diverses pein­tures repré­sen­tant la bien­heu­reuse qui se mul­ti­plie au cours des âges, mani­fes­tant ain­si ce culte public de véné­ra­tion. Il se mani­feste enfin par la solen­ni­té par laquelle le peuple hon­grois célèbre la mémoire de la bien­heu­reuse et lui témoigne son ardente dévotion.

Ce culte se dégage prin­ci­pa­le­ment de la facul­té accor­dée par le Siège apos­to­lique de réci­ter l’office et de célé­brer la messe de cette bien­heu­reuse vierge, accor­dée d’abord au dio­cèse de Transylvanie par Notre pré­dé­ces­seur le pape Pie VI, en 1789, facul­té éten­due en 1804 par le pape Pie VII à tout l’ordre des Frères Prêcheurs ; en suite de quoi, le 26 jan­vier de l’année sui­vante, pour la pre­mière fois en Notre ville, la fête de la bien­heu­reuse fut célé­brée en grande pompe dans la basi­lique de Sainte-​Marie de la Minerve,

La canonisation équipollente.

Les condi­tions requises pour la cano­ni­sa­tion équi­pol­lente de la bien­heu­reuse Marguerite selon les normes très sage­ment éta­blies par Notre pré­dé­ces­seur le pape Benoît XIV parais­sant réunies, Notre cher Fils Justinien Seredi, car­di­nal de la Sainte Eglise romaine, prince pri­mat de Hongrie et arche­vêque d’Esztergom, au nom de tous les évêques de Hongrie, Nos chers fils les diri­geants et princes du royaume de Hongrie et la nation presque entière, ain­si que le Maître géné­ral de l’ordre des Frères prê­cheurs et de très nom­breux cardi­naux, évêques et familles reli­gieuses de l’univers catho­lique Nous ont deman­dé très ins­tam­ment de dai­gner, en ver­tu de la plé­ni­tude de Notre pou­voir apos­to­lique, ins­crire au cata­logue des saints la bien­heureuse vierge Marguerite. Agréant ces vœux avec bien­veillance, Nous avons remis très volon­tiers cette cause à la Sacrée Congrégation des Rites pour l’étudier plei­ne­ment et lui don­ner son cours, et cela d’autant plus volon­tiers que ces vœux répondent par­fai­te­ment à Notre propre vœu, vœu que, lors du magni­fique XXXIVe Congrès eucha­ristique inter­na­tio­nal célé­bré à Buda dont le sou­ve­nir le plus recon­naissant ne sor­ti­ra jamais de Notre mémoire, comme légat a latere du pape Pie XI d’heureuse mémoire, Nous dési­rions appuyer de tout cœur.

La Sacrée Congrégation des Rites, avec toute la dili­gence con­venable fit exa­mi­ner par sa sec­tion his­to­rique selon les règles de la cri­tique his­to­rique, tous les docu­ments pré­sen­tés par Notre cher fils Benoît Lenzetti, pos­tu­la­teur géné­ral de l’ordre des Frères Prê­cheurs et très zélé pro­cu­ra­teur de cette cause et décla­ra que ces docu­ments avaient force de preuves ; elle fit aus­si de très amples recher­ches sur la vie de la bien­heu­reuse Marguerite, sur sa répu­ta­tion de sain­te­té et de miracles et son culte public et litur­gique au cours des siècles et en fit la preuve.

Tout cela ayant été préa­la­ble­ment fixé, dans la séance du 13 juil­let de cette année de la même congré­ga­tion, on enten­dit le rap­port de Notre cher Fils le car­di­nal C. R. Rossi ponent de la cause, rap­port par lequel il constate très ample­ment de la sain­te­té de vie de la bien­heu­reuse Marguerite, de ses ver­tus pra­ti­quées à un degré héroïque dont prin­ci­pa­le­ment la cha­ri­té, l’assiduité à la prière et la plus aus­tère péni­tence sont écla­tantes, du culte ren­du à la bien­heu­reuse par le peuple dès le jour de sa mort jusqu’à nos jours et du culte litur­gique accor­dé par le Siège apos­to­lique ain­si que de la renom­mée de miracles dont elle jouit ; on recueillit aus­si les votes des pré­lats membres de la même Sacrée Congrégation. Tout cela mûre­ment pesé et dis­cu­té, Nos Vénérables Frères les car­di­naux de la Sainte Eglise romaine qui sont à la tête de cette Sacrée Congrégation émirent leur vœu de pro­po­ser à Notre déci­sion d’agréer les prières des suppliants.

Sur le rap­port qui Nous fut pré­sen­té sur tout cela par Notre Vénérable Frère le car­di­nal Charles Salotti, évêque de Palestrina et pré­fet de la Sacrée Congrégation des Rites, le 23 juillet sui­vant, Nous avons jugé bon d’agréer la sen­tence de cette Congrégation. Tout cela étant donc mûre­ment pesé, de science cer­taine, en ver­tu de la plé­ni­tude de Notre pou­voir apos­to­lique, à teneur des pré­sentes, Nous déci­dons solen­nel­le­ment : « la bien­heu­reuse Marguerite vierge, de la royale famille des Arpads, moniale de l’ordre de saint Domi­nique, est sainte et doit être ins­crite au cata­logue des saints par­mi les saintes vierges et Nous déci­dons que sa mémoire doit être rap­pe­lée au mar­ty­ro­loge romain chaque année à son jour de nais­sance le 18 janvier ».

Ayant ain­si consa­cré la mémoire de cette sainte chère à Dieu, Nous avons assu­ré­ment pleine confiance que cette fille de la famille du saint roi et apôtre Etienne, famille si féconde en saints, reprenne sa mis­sion d’hostie pro­pi­tia­toire auprès de Dieu, non seule­ment pour sa chère patrie qui à juste titre est consi­dé­rée comme le bou­clier de la foi catho­lique et du nom chré­tien, mais aus­si pour toutes les nations encore enga­gées entre elles dans de si vio­lents conflits. Nous avons éga­le­ment confiance que par ses prières assi­dues et puis­santes elle obtienne du Seigneur très clé­ment, Père des misé­ri­cordes et Dieu de toute conso­la­tion en faveur du genre humain sou­mis au joug suave de l’Evangile la tran­quilli­té et la paix sur le fon­de­ment solide de la jus­tice et de la cha­ri­té du Christ.

Toutes les rai­sons entrant en consi­dé­ra­tion ayant été bien exa­minées, de Notre science cer­taine, en ver­tu de la plé­ni­tude de Notre auto­ri­té apos­to­lique, tout ce qui a été dit ci-​dessus en tout et en chaque chose Nous le confir­mons, le for­ti­fions, le déci­dons enfin et ordon­nons de le por­ter à la connais­sance de toute l’Eglise catholique.

Nous ordon­nons que ces lettres décré­tales soient expé­diées en double exem­plaire ori­gi­nal ; et Nous vou­lons qu’il soit don­né aux copies ou extraits, aus­si aux impri­més pour­vu qu’ils soient sous­crits de la main d’un notaire apos­to­lique et munis de son sceau, la même foi qui serait don­née aux pré­sentes lettres si elles étaient exhi­bées ou montrées.

Si quelqu’un avait la pré­somp­tion d’enfreindre ou de contre­ve­nir ou d’attenter témé­rai­re­ment à ces lettres, por­tant Nos décla­ra­tions, décret, man­dat et volon­té, qu’il sache qu’il encourt l’indignation du Dieu Tout-​Puissant et des bien­heu­reux apôtres Pierre et Paul.

Source : Document Pontificaux de S. S. Pie XII, Editions Saint-​Augustin Saint Maurice – D’après le texte latin des A, A. S., XXXVI, 1944, p. 33.

19 mai 1935
Décernant aux bienheureux Jean Fisher, évêque de Rochester, et Thomas More, martyrs, les honneurs réservés aux Saints.
  • Pie XI