Pie XI

259ᵉ pape ; de 1922 à 1939

21 mai 1925

Homélie Ecclesiam sanctam

Prononcée à la canonisation solennelle du Bienheureux Pierre Canisius.

Vénérables frères, Chers fils,

Fidèle à sa pro­messe, Notre-​Seigneur Jésus-​Christ donne tou­jours à son Eglise les secours dont elle a besoin et, au moment des plus rudes épreuves, il a cou­tume de sus­ci­ter des hommes émi­nents en sain­te­té, puis­sants en œuvres et en paroles, capables de défendre avec vaillance son règne sur la terre, et de le pro­pa­ger au loin.

Aussi, à une époque par­ti­cu­liè­re­ment grave pour le chris­tia­nisme, l’on vit paraître ce glo­rieux défen­seur et apôtre de la foi, Pierre Canisius. En sa per­sonne se montre clai­re­ment à quel point il est vrai de dire que par Ignace de Loyola Dieu a don­né de nou­veaux secours à l’Eglise mili­tante. Pierre fut, en effet, l’un des membres les meil­leurs de la nais­sante Compagnie, et c’est à plus d’un litre qu’il a aidé l’Eglise du Christ dans ses durs labeurs.

Il l’a aidée d’abord par l’exemple de toutes les ver­tus ; car, dès son enfance et jusqu’à la plus extrême vieillesse, il y pro­gresse en d’admi­rables ascen­sions, au point de faire sur ses contem­po­rains éton­nés la plus pro­fonde impression.

Il l’a aidée aus­si par sa connais­sance des lettres et par une science hors ligne des choses divines, ali­men­tée par l’étude assi­due de l’Ecri­ture Sainte et des œuvres des Pères ; et, comme il unis­sait en lui une pleine maî­trise de la théo­lo­gie posi­tive et les lumières des enseigne­ments de l’Ecole, Nous n’avons pas à Nous éton­ner de voir, à l’heure de l’assaut contre les redou­tables erreurs de l’hérésie, des­cendre dans la lice un sol­dat armé de toutes pièces pour la lutte.

Il l’a aidée enfin par les labeurs que, cin­quante ans durant, il prit sur lui et dont il por­ta le far­deau sans jamais s’accorder aucun repos : car, durant celte longue période, il s’appliqua à res­tau­rer la disci­pline dans le cler­gé et la mora­li­té dans le peuple. Pour atteindre ce but, il osait s’a­dres­ser à ceux mêmes qui gou­ver­naient la socié­té chré­tienne et aiguillon­ner leur zèle vers la vigi­lance et les soins de leur minis­tère ; mais, non content de cet effort, il s’en prit encore à l’hérésie et aux vices qui frayent les voies à l’hérésie, et il ne ces­sa jamais de leur faire la guerre.

Le nou­veau Saint naquit en Gueldre l’année même où, en Espagne, Ignace se conver­tis­sait et entre­pre­nait une vie plus par­faite ; l’année aus­si où, en plu­sieurs pro­vinces d’Allemagne, com­men­çait à se pro­duire la rup­ture avec Rome. C’était bien un repré­sen­tant de celte antique race hol­lan­daise, avec son tem­pé­ra­ment fait de sim­pli­ci­té et de téna­ci­té. Il reçut sa mis­sion d’Ignace sans doute et de ses supé­rieurs immé­diats, mais plus encore du Souverain Pontife ; d’ailleurs, c’est par un appel divin qu’il s’y était sen­ti des­ti­né, comme un nou­veau Boniface, tan­dis qu’ici même, dans cette majes­tueuse basi­lique, il était en prières auprès du tom­beau de saint Pierre.

Il savait bien que la grâce de l’Esprit-Saint ne peut s’accommoder de la len­teur dans l’effort. Aussi le voi­là qui aban­donne l’ombre bien- aimée de ce couvent où il s’est for­mé, et, comme un ath­lète qui affronte le soleil et la pous­sière, il va, sans délai et d’un pas alerte, prendre pos­ses­sion du champ qui lui est confié. C’était un lut­teur aux coups déci­dés et que rien ne put détour­ner de l’œuvre entre­prise, ni les dif­fi­cul­tés qu’il ren­con­tra par mil­liers, ni les dan­gers qu’il cou­rut pour sa vie, ni les embûches que lui ten­dirent ses enne­mis, ni les trai­te­ments indignes, ni les insultes, ni les incom­mo­di­tés du voyage, aux­quelles il joi­gnait encore les jeûnes et les veilles. C’est qu’au milieu de tout cela il pen­sait aux apôtres du Christ sor­tant du Sanhé­drin pleins de joie parce qu’ils avaient été jugés dignes de souf­frir l’insulte pour le nom du Christ ; c’est qu’il pen­sait aus­si que tous ceux qui veulent mener dans le Christ une vie sainte doivent souf­frir persécution.

Son rôle fut donc de confir­mer dans leur foi les popu­la­tions catho­liques et de favo­ri­ser avec per­sé­vé­rance le retour des héré­tiques au sein de l’Eglise. Il ins­trui­sait les élèves qui lui étaient confiés, il prê­chait dans les édi­fices sacrés, il dis­cu­tait avec les nova­teurs dans les Universités, dans les confé­rences publiques et jusque dans la rue, par­tout où l’intégrité de la foi et des mœurs était mise en cause, et jamais il ne connut la défaite. Ses adver­saires purent bien l’appeler par déri­sion « le chien » : cela même est pour lui un titre de gloire et un hon­neur ; car il fut comme le chien fidèle qui, aux prises avec tous ceux qui atta­quaient le trou­peau du Maitre, les repous­sa par ses cris et plus encore par ses coups.

Pourtant, il lui était impos­sible de por­ter en tous lieux sa pré­sence et sa parole, mais là même où il ne pou­vait se rendre, ses écrits parve­naient, et par­mi eux il faut faire une place de choix à cet admi­rable Catéchisme, tra­duit dans presque toutes les langues, et qui, répan­du dans le monde entier, mais par­ti­cu­liè­re­ment dans les régions mena­cées du suprême péril de l’hérésie, a sou­te­nu la vraie doc­trine catho­lique et enfan­té l’allégresse du triomphe.

Mais nous avons de Canisius d’autres écrits encore, et qui non moins que le Catéchisme ont contri­bué à la défense de la véri­té catho­lique : ce sont d’abord ses lettres, dont la col­lec­tion forme aujourd’hui plu­sieurs volumes ; ce sont aus­si ses écrits contre les Centuriateurs, tra­vail que des rai­sons majeures et les ordres de ses supé­rieurs Je contrai­gnirent d’interrompre, mais qui don­na au car­di­nal Baronius, d’im­mor­telle mémoire, l’idée de conti­nuer, par la rédac­tion de ses Annales, l’œuvre entre­prise par celui-​là même dont Nous parlons.

Voilà bien le second apôtre de l’Allemagne, le nou­veau Boniface ; ses ensei­gne­ments ont une ampleur et une impor­tance de tout pre­mier plan ; aus­si Notre pré­dé­ces­seur Léon XIII, dans une Lettre ency­clique datant de vingt-​sept ans déjà, en avait-​il fait un éloge qui pou­vait paraître dépla­cé à l’adresse d’un per­son­nage non encore hono­ré du titre de Docteur. C’est par le même motif que Nous-​même avons été ame­né à ins­crire Canisius, en ver­tu d’une seule et même sen­tence, tout à la fois par­mi les Saints et par­mi les Docteurs de l’Eglise, ain­si que Nous venons de le faire et que Nous ne tar­de­rons pas à le publier par Lettres Décrétales. Nous avons d’ailleurs été pous­sé à entrer dans celte voie par les Lettres pos­tu­la­toires que Nous avons reçues d’un très grand nombre d’évêques, de Facultés de théo­lo­gie et d’Univer­sités.

Le nou­veau Docteur éten­dit son action et son apos­to­lat sur beau­coup de pays, tels que l’Alsace et la Suisse, la Bohême et la Pologne, L’Autriche, la Hongrie et l’italie ; par­tout il pour­vut magni­fi­que­ment à l’éducation de la jeu­nesse par la fon­da­tion de Séminaires et de col­lèges. Ne semble t‑il pas, dès lors, que Dieu lui-​même, en l’offrant à la véné­ra­tion et à l’imitation de tous les peuples, en veuille faire, en un moment bien oppor­tun, comme un signe d’unité et de paix ?

Puissions-​nous donc tous — en ce jour où nous célé­brons le triom­phal retour de notre Rédempteur vers son Père — obte­nir de mar­cher sur les traces de saint Pierre Canisius et jouir de l’ap­pui de son patro­nage, pour arri­ver à avoir part un jour dans l’éternité avec le Christ, à qui soit louange, hon­neur et gloire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

Source : Actes de S. S. Pie XI, tome 3, pp. 36–41.

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