Vénérables frères, Chers fils,
Fidèle à sa promesse, Notre-Seigneur Jésus-Christ donne toujours à son Eglise les secours dont elle a besoin et, au moment des plus rudes épreuves, il a coutume de susciter des hommes éminents en sainteté, puissants en œuvres et en paroles, capables de défendre avec vaillance son règne sur la terre, et de le propager au loin.
Aussi, à une époque particulièrement grave pour le christianisme, l’on vit paraître ce glorieux défenseur et apôtre de la foi, Pierre Canisius. En sa personne se montre clairement à quel point il est vrai de dire que par Ignace de Loyola Dieu a donné de nouveaux secours à l’Eglise militante. Pierre fut, en effet, l’un des membres les meilleurs de la naissante Compagnie, et c’est à plus d’un litre qu’il a aidé l’Eglise du Christ dans ses durs labeurs.
Il l’a aidée d’abord par l’exemple de toutes les vertus ; car, dès son enfance et jusqu’à la plus extrême vieillesse, il y progresse en d’admirables ascensions, au point de faire sur ses contemporains étonnés la plus profonde impression.
Il l’a aidée aussi par sa connaissance des lettres et par une science hors ligne des choses divines, alimentée par l’étude assidue de l’Ecriture Sainte et des œuvres des Pères ; et, comme il unissait en lui une pleine maîtrise de la théologie positive et les lumières des enseignements de l’Ecole, Nous n’avons pas à Nous étonner de voir, à l’heure de l’assaut contre les redoutables erreurs de l’hérésie, descendre dans la lice un soldat armé de toutes pièces pour la lutte.
Il l’a aidée enfin par les labeurs que, cinquante ans durant, il prit sur lui et dont il porta le fardeau sans jamais s’accorder aucun repos : car, durant celte longue période, il s’appliqua à restaurer la discipline dans le clergé et la moralité dans le peuple. Pour atteindre ce but, il osait s’adresser à ceux mêmes qui gouvernaient la société chrétienne et aiguillonner leur zèle vers la vigilance et les soins de leur ministère ; mais, non content de cet effort, il s’en prit encore à l’hérésie et aux vices qui frayent les voies à l’hérésie, et il ne cessa jamais de leur faire la guerre.
Le nouveau Saint naquit en Gueldre l’année même où, en Espagne, Ignace se convertissait et entreprenait une vie plus parfaite ; l’année aussi où, en plusieurs provinces d’Allemagne, commençait à se produire la rupture avec Rome. C’était bien un représentant de celte antique race hollandaise, avec son tempérament fait de simplicité et de ténacité. Il reçut sa mission d’Ignace sans doute et de ses supérieurs immédiats, mais plus encore du Souverain Pontife ; d’ailleurs, c’est par un appel divin qu’il s’y était senti destiné, comme un nouveau Boniface, tandis qu’ici même, dans cette majestueuse basilique, il était en prières auprès du tombeau de saint Pierre.
Il savait bien que la grâce de l’Esprit-Saint ne peut s’accommoder de la lenteur dans l’effort. Aussi le voilà qui abandonne l’ombre bien- aimée de ce couvent où il s’est formé, et, comme un athlète qui affronte le soleil et la poussière, il va, sans délai et d’un pas alerte, prendre possession du champ qui lui est confié. C’était un lutteur aux coups décidés et que rien ne put détourner de l’œuvre entreprise, ni les difficultés qu’il rencontra par milliers, ni les dangers qu’il courut pour sa vie, ni les embûches que lui tendirent ses ennemis, ni les traitements indignes, ni les insultes, ni les incommodités du voyage, auxquelles il joignait encore les jeûnes et les veilles. C’est qu’au milieu de tout cela il pensait aux apôtres du Christ sortant du Sanhédrin pleins de joie parce qu’ils avaient été jugés dignes de souffrir l’insulte pour le nom du Christ ; c’est qu’il pensait aussi que tous ceux qui veulent mener dans le Christ une vie sainte doivent souffrir persécution.
Son rôle fut donc de confirmer dans leur foi les populations catholiques et de favoriser avec persévérance le retour des hérétiques au sein de l’Eglise. Il instruisait les élèves qui lui étaient confiés, il prêchait dans les édifices sacrés, il discutait avec les novateurs dans les Universités, dans les conférences publiques et jusque dans la rue, partout où l’intégrité de la foi et des mœurs était mise en cause, et jamais il ne connut la défaite. Ses adversaires purent bien l’appeler par dérision « le chien » : cela même est pour lui un titre de gloire et un honneur ; car il fut comme le chien fidèle qui, aux prises avec tous ceux qui attaquaient le troupeau du Maitre, les repoussa par ses cris et plus encore par ses coups.
Pourtant, il lui était impossible de porter en tous lieux sa présence et sa parole, mais là même où il ne pouvait se rendre, ses écrits parvenaient, et parmi eux il faut faire une place de choix à cet admirable Catéchisme, traduit dans presque toutes les langues, et qui, répandu dans le monde entier, mais particulièrement dans les régions menacées du suprême péril de l’hérésie, a soutenu la vraie doctrine catholique et enfanté l’allégresse du triomphe.
Mais nous avons de Canisius d’autres écrits encore, et qui non moins que le Catéchisme ont contribué à la défense de la vérité catholique : ce sont d’abord ses lettres, dont la collection forme aujourd’hui plusieurs volumes ; ce sont aussi ses écrits contre les Centuriateurs, travail que des raisons majeures et les ordres de ses supérieurs Je contraignirent d’interrompre, mais qui donna au cardinal Baronius, d’immortelle mémoire, l’idée de continuer, par la rédaction de ses Annales, l’œuvre entreprise par celui-là même dont Nous parlons.
Voilà bien le second apôtre de l’Allemagne, le nouveau Boniface ; ses enseignements ont une ampleur et une importance de tout premier plan ; aussi Notre prédécesseur Léon XIII, dans une Lettre encyclique datant de vingt-sept ans déjà, en avait-il fait un éloge qui pouvait paraître déplacé à l’adresse d’un personnage non encore honoré du titre de Docteur. C’est par le même motif que Nous-même avons été amené à inscrire Canisius, en vertu d’une seule et même sentence, tout à la fois parmi les Saints et parmi les Docteurs de l’Eglise, ainsi que Nous venons de le faire et que Nous ne tarderons pas à le publier par Lettres Décrétales. Nous avons d’ailleurs été poussé à entrer dans celte voie par les Lettres postulatoires que Nous avons reçues d’un très grand nombre d’évêques, de Facultés de théologie et d’Universités.
Le nouveau Docteur étendit son action et son apostolat sur beaucoup de pays, tels que l’Alsace et la Suisse, la Bohême et la Pologne, L’Autriche, la Hongrie et l’italie ; partout il pourvut magnifiquement à l’éducation de la jeunesse par la fondation de Séminaires et de collèges. Ne semble t‑il pas, dès lors, que Dieu lui-même, en l’offrant à la vénération et à l’imitation de tous les peuples, en veuille faire, en un moment bien opportun, comme un signe d’unité et de paix ?
Puissions-nous donc tous — en ce jour où nous célébrons le triomphal retour de notre Rédempteur vers son Père — obtenir de marcher sur les traces de saint Pierre Canisius et jouir de l’appui de son patronage, pour arriver à avoir part un jour dans l’éternité avec le Christ, à qui soit louange, honneur et gloire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Source : Actes de S. S. Pie XI, tome 3, pp. 36–41.