A tous les fidèles de France, qui ces lettres verront,
Salut et bénédiction apostolique
Vers la fin de la présente année, le jour même de la Nativité de Notre-Seigneur, la France catholique se prépare à célébrer, dans la joie et l’espérance, l’anniversaire d’un grand événement.
Quatorze siècles, en effet, se sont écoulés depuis que le roi des Francs, Clovis, cédant aux inspirations de la divine Providence, abjura le vain culte des faux dieux, embrassa la foi chrétienne, et fut purifié et régénéré dans l’eau sainte du baptême.
Grande et solennelle fut cette cérémonie, accomplie dans l’église métropolitaine de Reims, alors qu’imitant le roi des Francs, ses deux sœurs et trois mille guerriers reçurent la même grâce des mains du saint Pontife Remi.
Bientôt, moins par sa valeur guerrière et son génie politique que par le secours du Christ, Clovis subjuguait la Gaule presque tout entière et en réunissait les diverses provinces en un corps de nation. Sous l’influence civilisatrice du christianisme, on vit alors ce nouveau royaume grandir promptement, s’élever à un haut degré de puissance, et bien mériter de l’Eglise.
C’est dans ce baptême mémorable de Clovis que la France a été elle-même comme baptisée ; c’est de là que date le commencement de sa grandeur et de sa gloire à travers les siècles. C’est donc à bon droit que, sous la vive et puissante impulsion de Notre cher Fils, Benoît-Marie Langénieux, archevêque de Reims, des solennités extraordinaires se préparent pour célébrer la mémoire d’un si heureux événement.
Certes, si tant de nobles institutions célèbrent avec bonheur le jour qui rappelle leur origine et leurs commencements, est-il rien de plus juste, rien de plus digne d’une nation, que de fêter, à travers les siècles, l’année et le jour où elle est née à la foi chrétienne pour entrer en participation de l’héritage céleste.
Naguère, dans une première lettre, Nous avons brièvement rappelé le souvenir de ce mémorable événement, le caractère et la grandeur de ce bienfait, tous les avantages et la gloire qui en étaient résultés pour la nation française.
A ces pensées, Nous avons joint de pieuses et apostoliques exhortations que Nous inspiraient la plus tendre charité et l’espoir qu’il en sortira un grand bien. Certes, il sera bon, non moins que glorieux, de voir la France catholique s’ébranler tout entière, et porter ses regards et toutes ses aspirations, aussi bien vers ce baptistère béni de Reims, auguste berceau de sa religion, que vers l’illustre tombeau de Remi, d’où cet admirable Maître et Pasteur semble encore prêcher la paix et l’éternelle vie.
De pieux pèlerinages à ces lieux sacrés, des missions partout multipliées pour la sanctification des âmes, des aumônes répandues avec une miséricordieuse profusion, de solennelles actions de grâces rendues au Christ-Dieu, l’Auteur très bon de la prospérité publique, ces œuvres et d’autres semblables contribueront puissamment à célébrer, comme il convient, ce glorieux et illustre centenaire ; elles aideront à recueillir les fruits précieux qu’il est permis d’en espérer.
Ce résultat sera obtenu, Nous n’en doutons point, si tous ceux qui, en France, se font gloire du nom de catholiques, se souviennent des exemples de leurs aïeux, si surtout ils font revivre en eux leur foi vive, cette foi solide inspiratrice des grandes choses, qui les tenait si étroitement unis au siège du bienheureux Pierre ; si enfin, brûlant de marcher sur leurs traces, ils renouvellent avec une généreuse énergie et ratifient avec une religion profonde les saintes promesses de leur baptême.
Pour Nous, qui désirons, autant qu’il est en Notre pouvoir, rehausser l’éclat de ces solennités et en augmenter les fruits pour les âmes, il Nous plaît dans le Seigneur d’ouvrir extraordinairement le trésor des sacrées indulgences. C’est pourquoi, par la miséricorde du Dieu tout-puissant, appuyé sur l’autorité des bienheureux princes des apôtres, Nous accordons, en forme de jubilé, une indulgence plénière et la rémission de leurs péchés à tous les fidèles de France qui accompliront les œuvres suivantes, conditions de cette précieuse faveur :
D’abord, ils devront visiter deux fois deux églises de la ville ou de la localité qu’ils habitent ; ces églises seront désignées par les Ordinaires respectifs ; s’il n’y a qu’une église dans la ville ou la localité, ils la visiteront quatre fois. Dans ces visites, ils prieront quelque temps pour la liberté et le triomphe de Notre Mère la Sainte Eglise, pour la paix et l’union du peuple chrétien, pour la conversion des pécheurs, et aussi selon Nos intentions.
En second lieu, ils devront faire une bonne confession de leurs péchés et recevoir le Très Saint-Sacrement de l’Eucharistie.
Enfin, ils feront, selon leurs moyens, quelque aumône aux pauvres ou à une œuvre pie.
Pour le temps pendant lequel cette indulgence pourra être gagnée, Nous statuons qu’il s’étendra, pour toute la France, du premier dimanche de Carême à la fête de la Nativité de Notre-Seigneur, de telle sorte que, pendant cet espace de temps, trois semaines continues soient déterminées par chaque Ordinaire, pour accomplir les conditions ci-dessus indiquées et gagner l’Indulgence en forme de jubilé.
D’autre part, mais pour la ville de Reims seulement, Nous accordons que la même indulgence puisse y être gagnée, aux mêmes conditions, pendant tout l’espace de temps qui s’écoulera depuis le dimanche de la Résurrection jusqu’à la fête de tous les Saints.
En outre, Nous concédons, aux conditions accoutumées, une indulgence plénière à tous et à chacun de ceux qui assisteront avec religion à la rénovation des promesses du baptême, qui doit être faite publiquement dans toutes les églises de France, le jour de la Nativité de Notre-Seigneur.
Nous accordons miséricordieusement, dans le Seigneur, que toutes ces indulgences puissent être appliquées, par voie de suffrage, aux âmes qui ont quitté cette vie unies à Dieu par la charité.
Nous donnons aussi aux confesseurs le pouvoir de dispenser de la communion les enfants qui n’y ont pas encore été admis.
Enfin, Nous concédons à tous les confesseurs légitimement approuvés, pour tout le temps désigné, et en faveur de ceux qui ont l’intention de gagner le jubilé, tous les pouvoirs que Nous avons accordés par les Lettres apostoliques Pontifices maximi, du 15 février 1879, exceptant tout ce qui est excepté dans ces mêmes Lettres.
Nous voulons qu’à tous les exemplaires de ces Lettres, même imprimés, pourvu qu’ils soient signés d’un notaire et munis du sceau d’une personne constituée en dignité ecclésiastique, la même foi soit ajoutée qu’on accorderait à la signification de Notre volonté faite par la production des Présentes.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, sous l’anneau du Pêcheur, le VIIIe jour de janvier de l’année 1896, de Notre pontificat la dix-huitième.
C. Card, de RUGGIERO.
Conforme à l’original, P. L. Péchenard, Prot. apost., vic. génér.
Source : Lettres apostolique de S. S. Léon XIII, tome 4, La Bonne Presse.