Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

30 septembre 1951

Radiomessage au terme des journées eucharistiques de Madagascar

Radio-Message envoyé lors du Congrès Eucharistique de Tananarive

Les 28, 29 et 30 sep­tembre avait lieu à Tananarive, capi­tale de Madagascar, un grand Congrès eucha­ris­tique. Le Saint-​Père y envoya le radio-​message sui­vant par la voix de son Délégué Apostolique qui n’é­tait autre que Mgr Marcel Lefebvre.

Rome, près Saint Pierre, le 30 sep­tembre 1951

Les voi­ci donc arri­vées presque à leur déclin les émou­vantes jour­nées qui, avec le concours empres­sé de Notre Délégué apos­to­lique, de tous les Ordinaires de l’Ile, des repré­sen­tants du cler­gé sécu­lier et régu­lier, des Instituts et orga­ni­sa­tions reli­gieuses, ont atti­ré vers la capi­tale une foule si consi­dé­rable de fidèles. Oui, dans quelques ins­tants elles vont finir, mais non sans lais­ser après elles, avec la dou­ceur per­sis­tante de leur par­fum, un sou­ve­nir pro­fond et inou­bliable, car elles viennent d’en­ri­chir d’une page res­plen­dis­sante l’his­toire reli­gieuse de Madagascar.

En atti­sant la flamme lumi­neuse et ardente de la foi et de la cha­ri­té, elles ont res­ser­ré dans l’a­mour du Christ, les liens fra­ter­nels que nulle diver­gence, nul désac­cord ne doit bri­ser ni relâ­cher. Unis dans l’a­do­ra­tion de la même hos­tie divine, dans la par­ti­ci­pa­tion du même sacri­fice, oui, vous êtes vrai­ment frères, plus que frères, nour­ris de la même chair du Christ, vous êtes tous « un » dans le Christ.

Enfants aimés de la Mère com­mune, la sainte Eglise catho­lique romaine ! le Père com­mun, votre Père est en esprit au milieu de vous : il l’est même d’une façon, non pas plus vraie ni plus par­faite, mais plus sen­sible en ce moment solen­nel, où Notre voix émue fran­chis­sant les mil­liers de kilo­mètres qui Nous séparent de vous, par­vient à vos oreilles et fait péné­trer Notre parole jus­qu’au fond de vos cœurs aimants et dociles.

Quand, au lieu de s’ar­rê­ter minu­tieu­se­ment aux détails par­ti­cu­liers, aux épi­sodes pas­sa­gers, de s’é­ton­ner des suc­ces­sions d’ombre et de lumière, on sait regar­der de haut, dans sa marche pro­vi­den­tielle, l’é­po­pée mal­gache, on ne peut s’empêcher de recon­naître et d’a­do­rer la main divine qui l’a conduite.

Que l’on songe à ce jour de l’an 1500 où, décou­vrant cette île immense, Diego Diaz tint à la bap­ti­ser du nom du glo­rieux mar­tyr de la Rome chré­tienne nais­sante, saint Laurent ; que l’on songe aux dif­fi­cul­tés, aux vicis­si­tudes, aux obs­tacles — qui eussent abat­tu des cou­rages moins trem­pés et moins réso­lus — et que l’on contemple, aujourd’­hui, cette terre où vous saluez avec joie et recon­nais­sance les heu­reux tra­vailleurs apos­to­liques aux bras char­gés des mois­sons que d’autres avaient jadis semées et arro­sées de leurs larmes et de leur sang. Quel che­min vaillam­ment et glo­rieu­se­ment par­cou­ru ! A cette consta­ta­tion, vos cœurs, comme le Nôtre, font mon­ter l’hymne de l’ac­tion de grâces vers l’Auteur et Consommateur de tout bien, qui, après tant de souf­frances et tant de labeur appa­rem­ment sté­rile, a don­né à votre terre la noble fier­té d’une mater­ni­té spi­ri­tuelle mer­veilleu­se­ment féconde.

Huit vica­riats apos­to­liques, six pré­fec­tures se par­tagent la charge d’âmes par­mi les habi­tants de votre « Grande Ile ». Admirable bilan d’une longue col­la­bo­ra­tion dont l’his­toire de votre pays et de vos peuples, l’his­toire même de l’Eglise, a retra­cé et conti­nue de retra­cer les étapes, suc­ces­si­ve­ment humbles et cachées, dou­lou­reuses et glorieuses.

Durant ces jours de prière et de recueille­ment, de puri­fi­ca­tion et de péni­tence, d’hom­mages solen­nels dans les grandes fonc­tions de la litur­gie et dans l’in­ti­mi­té du ban­quet divin, « Sacrum Convivium », le divin Maître de la vigne mys­tique a sillon­né en tous sens et béni par sa pré­sence les rues et les places de votre capi­tale. Que ce ne soit pas seule­ment en pas­sant, mais en retour de votre fidèle cor­res­pon­dance qu’il daigne faire de ce rendez-​vous eucha­ris­tique une source inta­ris­sable de réflexions salu­taires, de cou­ra­geuses réso­lu­tions, d’œuvres bien­fai­santes. Qu’il daigne don­ner à tous sans dis­tinc­tion d’o­ri­gine ou de tri­bus, de castes ou de pro­fes­sions, de culture et d’é­du­ca­tion ou de posi­tions sociales, le sens droit et sûr — tou­jours en éveil contre toute dévia­tion ou erreur — de la vaste et grave res­pon­sa­bi­li­té que le temps pré­sent, semé d’é­cueils, il est vrai, mais riche aus­si de res­sources et de pos­si­bi­li­tés apos­to­liques, impose à qui­conque s’est enrô­lé sous l’é­ten­dard glo­rieux du Roi des rois, du Christ eucharistique.

Aucune autre voie ne s’ouvre devant vous pour assu­rer au règne de Jésus-​Christ sur la terre mal­gache un ave­nir dont vous puis­siez répondre devant votre conscience de chré­tiens, devant le juge­ment du monde catho­lique, devant la postérité.

La Providence vous a pla­cés comme en vedette à un des grands car­re­fours du monde tel que l’on en ima­gi­ne­rait dif­fi­ci­le­ment de plus impor­tant. A ce poste, où vous êtes offerts en spec­tacle à Dieu, aux anges et aux hommes, voulez-​vous arbo­rer la Croix du Christ, sa doc­trine et sa loi ?

Oui ? alors vous aurez atti­ré sur votre patrie et sur l’hu­ma­ni­té des tré­sors de béné­dic­tions, de féli­ci­té, de joie, de paix, de pro­grès véritable.

Ce tri­duum de grâces de Tananarive ne doit pas res­ter, et Nous en avons la ferme espé­rance, ne res­te­ra pas sans len­de­main. Le grain de fro­ment est tom­bé en trop bonne terre pour que ne lève pas, de tous les rangs des laïcs catho­liques, une luxu­riante mois­son d’hommes et de femmes, de jeunes gens et de jeunes filles à la foi ferme, au cœur ardent, mus par l’u­nique ambi­tion, ten­dus vers l’u­nique idéal, de com­mu­ni­quer la lumière du Christ, de por­ter par­tout le « lumen Christi » au plus grand nombre pos­sible de leurs frères et soeurs encore lan­guis­sants dans les ténèbres de la mort, ou chan­ce­lants dans la pénombre d’une véri­té amoin­drie, ou hési­tants dans la peur d’embrasser, sérieu­se­ment et dans leur inté­gri­té, les saintes lois de la vie chrétienne.

Fort des sou­ve­nirs du pas­sé et de l’ex­pé­rience du pré­sent, Nous regar­dons l’a­ve­nir avec confiance, Nous la fon­dons tout entière dans le Christ, dans sa Croix, dans son Eucharistie. Prosternés devant l’Hostie divine, unissez-​vous à la prière qui, du fond de Notre âme, s’é­lance vers elle.

Eternel et sou­ve­rain prêtre, dai­gnez abais­ser votre regard de misé­ri­corde sur ce grand pays, objet par­ti­cu­lier de Notre tendresse ;

Donnez à ces peuples des pas­teurs nom­breux et selon votre Cœur ;

Suscitez, par­mi les laïcs, des héros et des chefs dési­reux et capables d’exer­cer sous ses formes diverses, en fra­ter­nelle har­mo­nie, une effi­cace col­la­bo­ra­tion à l’a­pos­to­lat hié­rar­chique de votre Vicaire et de vos Evêques ;

Armez de votre lumière et de votre force les cham­pions et les lut­teurs de la cause catho­lique, de la liber­té reli­gieuse, sur­tout sur le ter­rain de la famille vrai­ment chré­tienne et de l’éducation ;

Abaissez et ren­ver­sez sous leur choc les uns après les autres, tous les obs­tacles dont est encore héris­sée la voie mon­tante par où l’Eglise mal­gache che­mine, sui­vant un pro­grès véri­table et conti­nu vers la plé­ni­tude de sa pros­pé­ri­té et de sa fécondité ;

Répandez en abon­dance sur tous, Pasteurs et bre­bis, ras­sem­blés en ce moment, au pied de votre autel, vos grâces de foi, de force, de per­sé­vé­rance, d’u­nion, de charité ;

Nous vous en sup­plions, par l’in­ter­ces­sion de vos Saints, de vos mar­tyrs, de vos apôtres, de vos anges, de Votre Mère Immaculée, la Reine du ciel et de la terre.

Et, en votre nom, comme gage de vos faveurs divines, ô Eternel et Souverain Prêtre, Nous don­nons à ce peuple bien-​aimé, à tous ceux qui lui sont unis dans cette mani­fes­ta­tion solen­nelle de foi et d’a­mour, avec toute l’ef­fu­sion de Notre cœur, Notre Bénédiction apostolique.

PIUS PP. XII

D’après le texte fran­çais des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 797.