Les 28, 29 et 30 septembre avait lieu à Tananarive, capitale de Madagascar, un grand Congrès eucharistique. Le Saint-Père y envoya le radio-message suivant par la voix de son Délégué Apostolique qui n’était autre que Mgr Marcel Lefebvre.
Rome, près Saint Pierre, le 30 septembre 1951
Les voici donc arrivées presque à leur déclin les émouvantes journées qui, avec le concours empressé de Notre Délégué apostolique, de tous les Ordinaires de l’Ile, des représentants du clergé séculier et régulier, des Instituts et organisations religieuses, ont attiré vers la capitale une foule si considérable de fidèles. Oui, dans quelques instants elles vont finir, mais non sans laisser après elles, avec la douceur persistante de leur parfum, un souvenir profond et inoubliable, car elles viennent d’enrichir d’une page resplendissante l’histoire religieuse de Madagascar.
En attisant la flamme lumineuse et ardente de la foi et de la charité, elles ont resserré dans l’amour du Christ, les liens fraternels que nulle divergence, nul désaccord ne doit briser ni relâcher. Unis dans l’adoration de la même hostie divine, dans la participation du même sacrifice, oui, vous êtes vraiment frères, plus que frères, nourris de la même chair du Christ, vous êtes tous « un » dans le Christ.
Enfants aimés de la Mère commune, la sainte Eglise catholique romaine ! le Père commun, votre Père est en esprit au milieu de vous : il l’est même d’une façon, non pas plus vraie ni plus parfaite, mais plus sensible en ce moment solennel, où Notre voix émue franchissant les milliers de kilomètres qui Nous séparent de vous, parvient à vos oreilles et fait pénétrer Notre parole jusqu’au fond de vos cœurs aimants et dociles.
Quand, au lieu de s’arrêter minutieusement aux détails particuliers, aux épisodes passagers, de s’étonner des successions d’ombre et de lumière, on sait regarder de haut, dans sa marche providentielle, l’épopée malgache, on ne peut s’empêcher de reconnaître et d’adorer la main divine qui l’a conduite.
Que l’on songe à ce jour de l’an 1500 où, découvrant cette île immense, Diego Diaz tint à la baptiser du nom du glorieux martyr de la Rome chrétienne naissante, saint Laurent ; que l’on songe aux difficultés, aux vicissitudes, aux obstacles — qui eussent abattu des courages moins trempés et moins résolus — et que l’on contemple, aujourd’hui, cette terre où vous saluez avec joie et reconnaissance les heureux travailleurs apostoliques aux bras chargés des moissons que d’autres avaient jadis semées et arrosées de leurs larmes et de leur sang. Quel chemin vaillamment et glorieusement parcouru ! A cette constatation, vos cœurs, comme le Nôtre, font monter l’hymne de l’action de grâces vers l’Auteur et Consommateur de tout bien, qui, après tant de souffrances et tant de labeur apparemment stérile, a donné à votre terre la noble fierté d’une maternité spirituelle merveilleusement féconde.
Huit vicariats apostoliques, six préfectures se partagent la charge d’âmes parmi les habitants de votre « Grande Ile ». Admirable bilan d’une longue collaboration dont l’histoire de votre pays et de vos peuples, l’histoire même de l’Eglise, a retracé et continue de retracer les étapes, successivement humbles et cachées, douloureuses et glorieuses.
Durant ces jours de prière et de recueillement, de purification et de pénitence, d’hommages solennels dans les grandes fonctions de la liturgie et dans l’intimité du banquet divin, « Sacrum Convivium », le divin Maître de la vigne mystique a sillonné en tous sens et béni par sa présence les rues et les places de votre capitale. Que ce ne soit pas seulement en passant, mais en retour de votre fidèle correspondance qu’il daigne faire de ce rendez-vous eucharistique une source intarissable de réflexions salutaires, de courageuses résolutions, d’œuvres bienfaisantes. Qu’il daigne donner à tous sans distinction d’origine ou de tribus, de castes ou de professions, de culture et d’éducation ou de positions sociales, le sens droit et sûr — toujours en éveil contre toute déviation ou erreur — de la vaste et grave responsabilité que le temps présent, semé d’écueils, il est vrai, mais riche aussi de ressources et de possibilités apostoliques, impose à quiconque s’est enrôlé sous l’étendard glorieux du Roi des rois, du Christ eucharistique.
Aucune autre voie ne s’ouvre devant vous pour assurer au règne de Jésus-Christ sur la terre malgache un avenir dont vous puissiez répondre devant votre conscience de chrétiens, devant le jugement du monde catholique, devant la postérité.
La Providence vous a placés comme en vedette à un des grands carrefours du monde tel que l’on en imaginerait difficilement de plus important. A ce poste, où vous êtes offerts en spectacle à Dieu, aux anges et aux hommes, voulez-vous arborer la Croix du Christ, sa doctrine et sa loi ?
Oui ? alors vous aurez attiré sur votre patrie et sur l’humanité des trésors de bénédictions, de félicité, de joie, de paix, de progrès véritable.
Ce triduum de grâces de Tananarive ne doit pas rester, et Nous en avons la ferme espérance, ne restera pas sans lendemain. Le grain de froment est tombé en trop bonne terre pour que ne lève pas, de tous les rangs des laïcs catholiques, une luxuriante moisson d’hommes et de femmes, de jeunes gens et de jeunes filles à la foi ferme, au cœur ardent, mus par l’unique ambition, tendus vers l’unique idéal, de communiquer la lumière du Christ, de porter partout le « lumen Christi » au plus grand nombre possible de leurs frères et soeurs encore languissants dans les ténèbres de la mort, ou chancelants dans la pénombre d’une vérité amoindrie, ou hésitants dans la peur d’embrasser, sérieusement et dans leur intégrité, les saintes lois de la vie chrétienne.
Fort des souvenirs du passé et de l’expérience du présent, Nous regardons l’avenir avec confiance, Nous la fondons tout entière dans le Christ, dans sa Croix, dans son Eucharistie. Prosternés devant l’Hostie divine, unissez-vous à la prière qui, du fond de Notre âme, s’élance vers elle.
Eternel et souverain prêtre, daignez abaisser votre regard de miséricorde sur ce grand pays, objet particulier de Notre tendresse ;
Donnez à ces peuples des pasteurs nombreux et selon votre Cœur ;
Suscitez, parmi les laïcs, des héros et des chefs désireux et capables d’exercer sous ses formes diverses, en fraternelle harmonie, une efficace collaboration à l’apostolat hiérarchique de votre Vicaire et de vos Evêques ;
Armez de votre lumière et de votre force les champions et les lutteurs de la cause catholique, de la liberté religieuse, surtout sur le terrain de la famille vraiment chrétienne et de l’éducation ;
Abaissez et renversez sous leur choc les uns après les autres, tous les obstacles dont est encore hérissée la voie montante par où l’Eglise malgache chemine, suivant un progrès véritable et continu vers la plénitude de sa prospérité et de sa fécondité ;
Répandez en abondance sur tous, Pasteurs et brebis, rassemblés en ce moment, au pied de votre autel, vos grâces de foi, de force, de persévérance, d’union, de charité ;
Nous vous en supplions, par l’intercession de vos Saints, de vos martyrs, de vos apôtres, de vos anges, de Votre Mère Immaculée, la Reine du ciel et de la terre.
Et, en votre nom, comme gage de vos faveurs divines, ô Eternel et Souverain Prêtre, Nous donnons à ce peuple bien-aimé, à tous ceux qui lui sont unis dans cette manifestation solennelle de foi et d’amour, avec toute l’effusion de Notre cœur, Notre Bénédiction apostolique.
PIUS PP. XII
D’après le texte français des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 797.