Sermon de Mgr Lefebvre – Saint François-​Xavier – Première messe de l’abbé Carandino – 3 décembre 1988

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

Nous nous réjouis­sons aujourd’hui et nous ren­dons grâces à Dieu, avec le cher M. l’abbé Carandino, à l’occasion de sa pre­mière messe solen­nelle. Il est bien juste que les sémi­na­ristes et que les prêtres char­gés du sémi­naire se réjouissent. Le sémi­naire n’est-il pas fait pour faire des prêtres, de saints Prêtres.

Une ordi­na­tion sacer­do­tale au sémi­naire, une pre­mière grand’messe, c’est vrai­ment l’aboutissement des études, l’aboutissement des efforts faits par les sémi­na­ristes pour deve­nir prêtre. On ne peut que s’en réjouir. Et pour vous, bien chers fidèles, que seraient les paroisses sans prêtre, sinon des paroisses mortes.

Vous atten­dez vous aus­si des prêtres. Car vous avez besoin de ces inter­mé­diaires entre Dieu et vous-​mêmes : Sacerdos sacras res dat : (Le prêtre est) celui qui donne les Choses saintes.

Alors vous vous réjouis­sez aus­si et à juste titre d’assister à ces ordi­na­tions et à par­ti­ci­per à cette pre­mière grand’messe de ce cher M. l’abbé Carandino.

Pour vous, bien cher ami, je vous invite à cette occa­sion, à jeter un regard sur le pas­sé, afin de rendre grâces au Bon Dieu de tout ce qui a pré­pa­ré votre voca­tion, de tout ce qui a pré­pa­ré ce jour de votre pre­mière messe solennelle.

Si quelqu’un peut se rendre compte de toutes les grâces reçues, c’est bien vous-​même. Vous pou­vez repas­ser les années depuis votre enfance, votre ado­les­cence, votre chère famille chré­tienne ici pré­sente, vos parents, vos frères et sœurs. Les occa­sions qui vous ont été don­nées de sen­tir en vous l’appel du Bon Dieu. Et puis un jour de vous sen­tir appe­lé à venir à Écône.

Que de grâces au cours de toutes ces années et à tra­vers sans doute bien des hési­ta­tions, bien des épreuves, eh bien vous voi­ci arri­vé au but que vous avez recher­ché, par­ti­cu­liè­re­ment au cours des années pas­sées au sémi­naire. Nous vous féli­ci­tons. Nous ren­dons grâces au Bon Dieu avec vous aujourd’hui d’une manière tout à fait pro­fonde, d’une manière émue.

Mais si le sacer­doce et la pre­mière messe sont un but, c’est aus­si un com­men­ce­ment. Désormais, lais­sant le pas­sé au Bon Dieu et à sa Providence, vous devez regar­der vers le futur. Alors si je puis à l’occasion de cette pre­mière messe, vous don­ner quelques conseils, vous don­ner quelques indi­ca­tions sur ce que vous allez recher­cher et sur ce que vos pro­fes­seurs, vos direc­teurs vous ont orien­té au cours du sémi­naire, tout cela se résume en cette phrase, en cet adage : Sacerdos alter Christus : Le prêtre est un autre Christ. Alors demandons-​nous ce qu’est Jésus-​Christ, ce qu’est le Christ.

Eh bien, j’insisterai sur cette notion fon­da­men­tale de Notre Seigneur Jésus-​Christ : Médiateur.

Notre Seigneur Jésus-​Christ est le Médiateur. Les hommes avaient rom­pu avec Dieu. Dieu n’a pas vou­lu que cette rup­ture soit défi­ni­tive. Dieu n’a pas vou­lu que ceux qu’il avait créés pour sa gloire ; que ceux qu’il avait créés pour leur bon­heur soient défi­ni­ti­ve­ment éloi­gnés de Lui. Alors Il s’est pro­po­sé, dans sa cha­ri­té immense, dans sa misé­ri­corde infi­nie, Il a vou­lu être ce Médiateur.

Aucun par­mi les hommes ne pou­vait être média­teur. Nous étions tous cette mas­sa dam­na­ta, comme dit saint Paul, cette foule condam­née par notre faute. Et nous ne pou­vions plus deve­nir ces média­teurs vis-​à-​vis de Dieu. Nous ne pou­vions plus retrou­ver le che­min qui condui­sait à Dieu. Seul Dieu Lui-​même pou­vait le faire.

Et alors, Il a réa­li­sé ce mys­tère incon­ce­vable, ce mys­tère qui est pour nous l’occasion d’actions de grâces inces­santes, mais qui est le scan­dale pour ceux qui ne veulent pas croire : Dieu s’est fait homme. Oui, Il s’est incarné.

Toute cette litur­gie de l’Avent nous pré­pare à ce rap­pel de l’Incarnation de Notre Seigneur. L’Ange dit à Marie : « Oui, un fils naî­tra de vous et vous l’appellerez Jésus ». Vous l’appellerez Jésus, c’est-à-dire le Sauveur. Le Sauveur, il n’y en a pas d’autre. C’est-à-dire le Médiateur, Celui qui va faire le pont entre l’humanité et Dieu. Notre Seigneur est donc, par essence même, le Médiateur. Et il ne peut pas y en avoir d’autres. Puisqu’il réunit en une même Personne et la nature humaine et la nature divine. Ce lien intime dans la Personne de Notre Seigneur Jésus-​Christ de l’humanité et de la divi­ni­té en fait le Médiateur-​né, de toute l’humanité vis-​à-​vis de Dieu.

Et Il a vou­lu nous mani­fes­ter cette média­tion, d’une manière toute par­ti­cu­lière dans son Saint Sacrifice du Calvaire s’offrant Victime à son Père pour le rachat de nos âmes.

Et voi­là ce qu’est le prêtre : Sacerdos alter Christus. Le prêtre est donc lui aus­si un média­teur, grâce à la média­tion de Notre Seigneur Jésus-​Christ, par­ti­ci­pant à la média­tion de Notre Seigneur JésusChrist, il va deve­nir lui aus­si un Pontife, celui fai­sant le pont entre l’humanité et Dieu.

De même qu’il ne peut pas y avoir de salut en dehors de Notre Seigneur Jésus-​Christ qui est le seul Médiateur ; de même désor­mais il ne pour­ra pas y avoir de salut sans pas­ser par les prêtres char­gés de com­mu­ni­quer le salut aux âmes. C’est du moins la voie nor­male et ordi­naire que Jésus a vou­lue. C’est Lui qui a fon­dé le sacerdoce.

C’est lui qui a vou­lu s’associer et se choi­sir des hommes pour en faire des prêtres, pour qu’ils soient média­teurs et qu’ils conti­nuent l’œuvre qu’il a com­men­cée ici-bas.

Et vous allez la conti­nuer, bien cher ami, vous allez la conti­nuer sur­tout, par le Saint Sacrifice de la messe. De même que Notre Seigneur s’est offert sur la Croix pour le salut des âmes, eh bien, vous mon­tez à l’autel pour conti­nuer ce Sacrifice et répandre les grâces du Calvaire sur les âmes.

Car il n’y a qu’un média­teur, nous, nous ne sommes que des par­ti­ci­pants au Médiateur. Nous ne sommes pas essen­tiel­le­ment média­teurs, nous ne pou­vons pas l’être. Ce n’est que par la grâce de Notre Seigneur que nous par­ti­ci­pons à sa média­tion, par la grâce du sacer­doce, par le carac­tère sacer­do­tal qui nous est donné.

Alors, ce sera dans l’avenir, votre rôle. Quel rôle sublime, extra­or­di­naire. Que le Bon Dieu veuille bien se choi­sir des per­sonnes qui par­ti­cipent à sa média­tion ; qui par­ti­cipent d’une cer­taine manière aus­si, à son seul Sacerdoce ; qui par­ti­cipent à sa royau­té ; qui par­ti­cipent à sa sain­te­té afin de répandre les dons du salut, les dons de sanc­ti­fi­ca­tion, aux âmes.

C’est cela qui sera votre pré­oc­cu­pa­tion désor­mais : sau­ver les âmes. Notre Seigneur a dit que sans le bap­tême de l’eau et de l’Esprit, per­sonne ne peut ren­trer dans le royaume des Cieux. Alors vous bap­ti­se­rez ; vous ferez ce que les apôtres ont fait tout de suite après la Pentecôte : ils ont bap­ti­sé ; ils ont sanc­ti­fié les âmes ; ils les ont unies à Notre Seigneur Jésus-​Christ ; ils leur ont com­mu­ni­qué la vie divine, la vie de la grâce.

Et c’est cela qui compte. Et c’est en cela qu’il faut avoir la foi. La foi dans la média­tion et dans l’unique média­tion et dans l’unique Médiateur. Et donc il faut que (le prêtre) ait confiance dans la grâce de la Rédemption obte­nue par Notre Seigneur Jésus-​Christ. Et qu’il ait confiance que cette grâce sauve les âmes ; que cette grâce trans­forme les âmes, com­mu­nique la vie divine aux âmes.

Dès lors que l’on n’a plus la foi, ni dans l’unique Médiateur qui est Notre Seigneur Jésus-​Christ, ni dans la grâce que Notre Seigneur Jésus-​Christ est venu appor­ter pour nous sau­ver et les moyens par les­quels Il nous com­mu­nique cette grâce, alors on recherche des moyens humains, pure­ment humains, des moyens inven­tés par les hommes pour soi-​disant sau­ver les hommes. C’est une grave erreur. Ce sont des moyens qui n’en sont pas, qui sont hors des moyens pré­vus par la Providence de Dieu.

Mais si au contraire nous avons vrai­ment la foi dans ce Médiateur unique et dans tous les moyens qu’il a pré­vus pour sau­ver les âmes, alors quel que soit le résul­tat de nos efforts ; quel que soit le suc­cès de notre apos­to­lat, nous savons que nous réa­li­sons la volon­té du Bon Dieu. Nous savons que nous conti­nuons l’apostolat de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Et que seul Il peut res­sus­ci­ter les âmes, seul Il peut sanc­ti­fier les âmes. Et c’est cela qui fait aujourd’hui la conso­la­tion des prêtres qui ont gar­dé encore la foi.

Bien mal­heu­reux sont les prêtres qui ne croient plus à l’évangélisation telle que Notre Seigneur l’a pré­vue et telle qu’il l’a vou­lue. Qu’ils ne croient plus aux moyens de sanc­ti­fi­ca­tion que Notre Seigneur Jésus-​Christ a ins­ti­tués, c’est cela qui fait toute la crise de l’Église.

C’est cela qui fait la dif­fé­rence entre ceux qui n’ont plus la foi en Notre Seigneur et ceux qui l’ont gar­dée, comme nous vou­lons la gar­der ; comme nous sup­plions Dieu de nous la gar­der, pour le bien des âmes, pour le salut des âmes.

Tout au cours des der­nières décades nous avons pu voir et nous lisions encore ces der­nières semaines au réfec­toire, sur cette crise du cler­gé. Nous voyons le prêtre aban­don­ner sa foi dans le salut vou­lu par Notre Seigneur Jésus-​Christ et par les moyens que Notre Seigneur Jésus-​Christ a ins­ti­tués. C’est le fond de la crise que nous vivons aujourd’hui.

Ah ! gar­dons la foi en Notre Seigneur Jésus-​Christ ; gar­dons la foi en cet unique Sauveur.

Unus Mediator Jésus Christus

Unus Salvator Jésus Christus

Unus Magister Christus

Voici ce que nous devons pen­ser, voi­là ce que nous devons gar­der pro­fon­dé­ment dans nos âmes afin de faire un minis­tère fruc­tueux, un minis­tère fécond en union avec Notre Seigneur Jésus-​Christ. C’est cela que les fidèles attendent de nous. C’est cela que les sémi­naires doivent réa­li­ser : cette union pro­fonde à Notre Seigneur Jésus-​Christ qui est notre Tout ; sans Jésus nous ne pou­vons rien. Il l’a dit Lui-​même : Quia sine me nihil, potes­tis facere (Jn 15,5), dit Notre Seigneur. Alors ayons confiance en Lui.

Et mal­gré les dif­fi­cul­tés dans les­quelles l’apostolat de nos jeunes prêtres se réa­lise aujourd’hui, eh bien, bien chers amis, vous aurez des conso­la­tions. Il y a encore de belles âmes. Il y a encore des âmes qui cherchent à être unies au Bon Dieu. Il y a encore des âmes qui ont la foi. Et cela vous conso­le­ra. Cela vous aide­ra vous-​même, à vous main­te­nir dans cette foi qui vous a été ensei­gnée ici au sémi­naire et, dans ce désir de sain­te­té et de sanc­ti­fi­ca­tion si néces­saire aux prêtres.

Enfin nous vous remet­tons à la très Sainte Vierge Marie, Médiatrice aus­si : Marie Médiatrice, c’est par elle que toutes les grâces qui vont des­cendre sur les fidèles par vos mains, par vos paroles désor­mais, paroles des sacre­ments, paroles du Saint Sacrifice de la messe, toutes ces grâces qui vont des­cendre sur les fidèles, vien­dront par Marie.

Alors ayez confiance en la très Sainte Vierge Marie, tour­nez vos regards vers elle et elle vous aide­ra à accom­plir un bel apostolat.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.