Malgré la multiplication des écoles traditionnelles, les pensions existent encore et des parents y mettent encore leurs enfants. Cruauté ? Inconscience ? Qui en souffre le plus ? Ne serait-ce pas les parents qui, chez eux, seraient finalement en pension ?…
« Si les écoles corrompent vos enfants, qu’allez-vous faire ? Les donner aux corrupteurs ? Dans la pratique, on corrompt les enfants dès leur plus jeune âge : et vous supportez cela ? C’est impossible, mieux vaut que vos enfants soient pauvres, mieux vaut que vos enfants soient éloignés de toute cette science apparente que le monde possède, mais qu’ils soient de bons enfants, des enfants chrétiens, des enfants catholiques… »
C’est ainsi que s’exprimait Mgr Lefebvre en 1979. Depuis, les écoles vraiment catholiques se sont multipliées, mais elles restent souvent synonymes de sacrifices, dont le premier est la séparation plus ou moins prolongée. Est-ce vraiment contre nature ?
La séparation
Qu’on le veuille ou non, la famille est incapable de donner aux enfants tout ce dont ils ont besoin. Il faudra donc confier ces petits à des professeurs compétents : très rapidement, donc, les enfants sont séparés des parents. Oh ! dans un premier temps, ce ne sera pas pour longtemps, quelques heures tout au plus. Mais souvenons-nous de ces premiers jours de l’école maternelle : des enfants qui s’accrochent à leur maman, des cris d’épouvante dans les couloirs, la si gentille maîtresse un peu désemparée, et… les parents qui repartent à la maison l’œil humide. Quelques semaines plus tard, tout est bien plus calme et tout le monde admet que ce petit sacrifice était bon.
Ensuite, au fur et à mesure que les enfants grandissent, la séparation devient plus longue, et tout autant nécessaire : école, camps de vacances, séjours chez des amis, études supérieures, vie d’adulte. Il n’y a rien à faire : on ne gardera pas ses enfants toujours chez soi !
Un mal à éviter ?
La pension (qu’on ne doit jamais envisager comme une punition) est un peu comme une opération chirurgicale : puisque ça fait mal, il faut faire autrement si possible, et entourer l’épreuve d’une grande quantité de précautions destinées à l’adoucir. Cependant personne ne doute de la nécessité d’une opération, ni de la gentillesse des chirurgiens, parce que la santé est supérieure à quelques désagréments passagers. On souffre, mais on y va !
Et l’âme ? Si le salut éternel de nos enfants devait passer par quelques renoncements, devrions-nous hésiter à les accomplir ? Nous qui cherchons des modèles, regardons ces courageux parents d’aujourd’hui qui consentent au sacrifice de leur cœur, tel Abraham avec Isaac (en moins pénible…).
Des exemples bibliques…
La sainte Vierge a été mise en pension à l’âge de trois ans, Samuel dès son sevrage, et Joas à un an seulement. Certes, ce ne sont pas des exemples à suivre à la lettre, mais cela nous montre que, quand Dieu ou les circonstances le demandent, on se soumet.
Et quelle récompense ! Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et le reste sera donné par surcroît. Quel est ce reste ? Entre autres, des amitiés très profondes, une plus grande capacité à se débrouiller, et des liens familiaux plus solides, parce que fondés sur l’Évangile vécu à la lettre.
Qui souffre le plus ?
Une famille normale aime à vivre dans le même lieu, et la séparation coûte logiquement : les larmes parfois versées en sont le témoignage le plus clair. Mais les enfants sont en général très pragmatiques : une fois passé le moment d’émotion du départ, les copains remplacent assez avantageusement les parents (qui, eux, continuent à pleurer…). Quelquefois, d’ailleurs, les adolescents souhaitent eux-mêmes une vie d’internat, et cela n’a rien d’inquiétant.
Par conséquent, on peut le dire, le « syndrome de la maison vide », le « cordon ombilical paternel », les restes d’une affectivité mal réglée et égoïste, le manque de foi, sont autant de causes qui, chez les parents, empêchent de considérer avec réalisme les bienfaits indiscutables de la pension.
Bien entendu, il peut y avoir des circonstances particulières, des causes diverses qui justifient que, malgré l’absence d’une école vraiment catholique à proximité du domicile, les parents préfèrent garder, avec raison, leurs enfants près d’eux plutôt que de les envoyer en pension.
Cependant, de façon générale, il n’y a aucune opposition entre la famille et l’école : ces deux institutions sont complémentaires. La pension n’est qu’un degré supplémentaire, qui peut élever toute la famille à une plus grande perfection et à une joie plus parfaite.