« Pourquoi ne répond-​on plus à l’appel de Dieu ? »

Sermon de M. l’abbé Pierre-​Yves Chrissement

Monsieur l’ab­bé Pierre-​Yves Chrissement est pro­fes­seur au Séminaire Saint-​Curé d’Ars, à Flavigny-​sur-​Ozerain, et fut aupa­ra­vant mis­sion­naire au Nigéria durant plu­sieurs années. Célébrant de la messe solen­nelle du same­di 30 octobre, il a pro­non­cé à cette occa­sion un ser­mon pour les pèle­rins dans la basi­lique Saint-​Pie X.

Bien chers confrères, chers fidèles,

C’est tou­jours une grande joie de reve­nir à Lourdes, sur cette bénie par la Très Sainte Vierge, et c’en est encore une bien plus grande de pou­voir offrir le Saint Sacrifice de la Messe à toutes vos intentions. 

Quatre prêtres seulement au Nigéria

Pendant les quelques années qui m’ont été don­nées de pas­ser au Nigéria, dans un pays très pauvre, j’ai pu décou­vrir des fidèles, des catho­liques, fiers de leur foi, extrê­me­ment géné­reux, atta­chés pre­miè­re­ment à la Sainte Messe et à la dévo­tion à la Très Sainte Vierge. Beaucoup de nos fidèles passent deux heures, trois heures, par­fois plus, pour venir à la messe et autant pour repar­tir, dans des condi­tions de cir­cu­la­tion, de tra­fic qui sont sou­vent éprou­vantes. Je connais l’un d’entre eux qui se lève à quatre heures du matin, un autre s’est fait tirer des­sus au petit matin en venant à la messe de Pâques et ils conti­nuent de venir à la messe parce qu’ils connaissent le prix du Saint Sacrifice de la Messe. Nombreux sont ces fidèles qui vou­draient avoir la messe plus sou­vent mais mal­heu­reu­se­ment nous n’é­tions que quatre prêtres, ils ne sont que quatre prêtres, pour des cen­taines de fidèles, et donc leur vœux le plus cher c’est d’a­voir plus de prêtres. 

On ne répond plus à l’appel du Bon Dieu

Alors main­te­nant que l’on m’a nom­mé dans un sémi­naire, à Flavigny, je suis très heu­reux de pou­voir pré­pa­rer ces futurs apôtres, ces futurs prêtres, mais quelle décep­tion de voir si peu de sémi­na­ristes quand on sait le besoin des prêtres. En pre­mière année, ils ne sont plus que treize dont six Français seule­ment. Combien de prêtres ordon­nés dans six ans ? C’est très peu ! C’est pour­quoi je vou­drais aujourd’­hui vous faire part de ces réflexions concer­nant nos voca­tions qui occupent de conver­sa­tions des confrères, l’une des rai­sons de ce peu de sémi­na­ristes, cela n’est pas le manque de voca­tions, le Bon Dieu appelle tou­jours autant qu’au­tre­fois, c’est qu’on ne répond plus à l’ap­pel du Bon Dieu. Et pour­quoi ne répond-​on plus ? Certainement parce que nous vivons aujourd’­hui une vie beau­coup plus facile, plus confor­table, nos enfants n’ont pas besoin de four­nir autant d’ef­forts qu’au­tre­fois, et alors quand le Bon Dieu les appelle à quit­ter le monde, quit­ter leur famille, c’est plus dif­fi­cile peut-​être qu’avant. 

Il y a aus­si cette crise de l’Eglise et par­fois nos enfants ne sont pas suf­fi­sam­ment convain­cus par les choix que vous, leurs parents, avez faits. Souvent cer­tains se contentent d’un ver­nis super­fi­ciel et ne font pas vrai­ment leurs les posi­tions de leurs parents, de leurs prêtres, cela peut expli­quer aus­si cette baisse des voca­tions. Enfin, un autre pro­blème que ren­contre le jeune homme qui veut ren­trer au sémi­naire, c’est ce com­bat pour la pure­té. Cela a tou­jours été un com­bat, cela tou­jours été une dif­fi­cul­té, mais aujourd’­hui dans un monde de plus en plus impur c’est deve­nu plus dif­fi­cile cer­tai­ne­ment. Comment un ado­les­cent qui laisse l’im­pu­re­té enva­hir sa vie, peut-​il répondre à l’ap­pel du Bon Dieu qui lui demande de vivre dans la chas­te­té par­faite ? Ce n’est plus un secret pour per­sonne, inter­net existe depuis suf­fi­sam­ment long­temps pour se rendre compte des ravages qu’il pro­duit et c’est une des rai­sons, une des dif­fi­cul­tés que ren­contrent nos jeunes pour répondre à l’ap­pel du Bon Dieu. 

Ne soyons pas naïfs

Alors, que devons-​nous faire devant ce constat ? La pre­mière, c’est de faire aimer le sacri­fice. Dans une socié­té confor­table, maté­ria­liste, ensei­gnons à nos enfants l’a­mour du sacri­fice. Ne leur impo­sons pas le sacri­fice, mais faisons-​leur aimer le sacri­fice, que ce soit un sacri­fice consen­ti, libre­ment accep­té, afin que quand le Bon Dieu leur deman­de­ra le sacri­fice de toute leur vie, ils puissent répondre avec géné­ro­si­té. C’est, je crois, la pre­mière chose impor­tante et qui explique ces voca­tions qui naissent, sou­vent nom­breuses, dans cer­taines belles familles depuis tou­jours dans l’Eglise, pen­sez à la famille de Mgr Lefebvre, de sainte Thérèse de l’Enfant-​Jésus, qui donnent tant de voca­tions cer­tai­ne­ment parce que leurs parents leur ont appris à aimer le sacri­fice, à aimer Notre-​Seigneur et Notre-​Seigneur sur la Croix. Et puis bien sûr, appre­nez à vos enfants à aimer la véri­té, mais là aus­si faites que cet ensei­gne­ment se trans­forme en convic­tion pro­fonde chez vos enfants. Que ce qu’ils apprennent, cette véri­té qu’ils découvrent à la mai­son, à l’é­cole, ils la fassent leur qu’ils s’en per­suadent, qu’ils en soient convain­cus, pour pou­voir com­prendre com­ment le monde s’en­fonce de plus en plus dans la ruine, dans la déca­dence, et que le Bon Dieu recherche des âmes pour lut­ter contre cette déca­dence, pour sau­ver les âmes. 

Et puis, bien sûr, pro­té­gez la pure­té de vos enfants. Surveillez leurs amis, ayez un oeil sur vos enfants, ne soyons pas naïfs, eux aus­si ont le péché ori­gi­nel, ils sont encore faibles, ne lais­sez pas l’es­prit du monde enva­hir votre foyer par les revues, les films, inter­net. Apprenez-​leur à uti­li­ser inter­net, c’est un outil, un outil extrê­me­ment puis­sant qui peut être bien ou mal uti­li­sé. Au Nigéria, beau­coup de fidèles ont connu la Fraternité grâce à inter­net, ont enten­du par­ler de la messe tra­di­tion­nelle dans une cha­pelle proche, plus ou moins proche, de leur ville et ont ain­si décou­vert le tré­sor de la Tradition. Mais à côté, que de dan­ger, que de ten­ta­tions. Chers fidèles veillez, veillez sur vos enfants. Chers enfants, com­pre­nez les conseils de vos parents, s’ils le font c’est pour votre bien, pour pro­té­ger vos âmes, pour que vous soyez ren­dus plus forts afin d’af­fron­ter ensuite le monde. 

Elles sont là, les vocations

Surtout, j’ai­me­rais m’a­dres­ser davan­tage à tous ces jeunes gens, ces jeunes gar­çons qui sont déjà dans les lycées, dans les études, est-​ce que vous vous êtes réel­le­ment posés la ques­tion, sérieu­se­ment, de la voca­tion ? Quelle vie le Bon Dieu veut-​il pour moi ? A quoi le Bon Dieu m’appelle-​t-​il ? Toutes ces âmes qui se perdent autour de moi par manque de prêtres, est-​ce que le Bon Dieu ne compte pas sur moi ? Alors vous me direz « oui mon­sieur l’ab­bé, mais je n’ai pas de signe de ma voca­tion. » Il n’y a pas for­cé­ment de signe de la voca­tion, à par­tir du moment où on a ce désir de se mettre au ser­vice du Bon Dieu, de sau­ver les âmes, et si les supé­rieurs nous jugent suf­fi­sam­ment aptes par nos ver­tus, par nos qua­li­tés, cela suf­fit. D’autres pensent qu’il faut être un saint pour entrer au sémi­naire, pour deve­nir prêtre, là aus­si c’est une erreur, bien sur que le prêtre doit tendre à la sain­te­té mais regar­dez vos prêtres autour de vous, ils sont loin d’être tous des saints. Donc ayons ce cou­rage de nous poser clai­re­ment la ques­tion et ensuite d’y répondre avec géné­ro­si­té si le Bon Dieu nous appelle, il nous don­ne­ra tou­jours les grâces dont nous avons besoin et alors on pour­ra par­ti­ci­per à cette œuvre extra­or­di­naire du salut des âmes. Par le pou­voir sacer­do­tal vous pour­rez don­ner la grâce, prê­cher la vérité. 

Chers fidèles, prions aujourd’­hui Notre-​Dame de Lourdes non pas de nous don­ner des voca­tions , elles sont là, les voca­tions, mais que ces per­sonnes appe­lées répondent à l’ap­pel du Bon Dieu. Demandons-​le de tout notre cœur, par l’in­ter­ces­sion de Notre-​Dame de Lourdes qui est si puis­sante sur le cœur du Bon Dieu. Vous savez qu’a­vant les appa­ri­tions de Lourdes, il y avait déjà eu un pre­mier miracle de la grâce avec la conver­sion d’un chef musul­man, ici-​même, c’est lui qui a don­né le nom de la ville après son bap­tême dans la foi catho­lique en 778. Notre pays, enva­hi de plus en plus par les fausses reli­gions a bien besoin de prêtres, deman­dons à la Sainte Vierge que ceux que le Bon Dieu appelle, répondent avec géné­ro­si­té et par­ti­cipent à cette belle œuvre du salut des âmes, pour le règne de Notre-​Seigneur Jésus-Christ.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.