Sermon de Mgr Lefebvre – Vigile de Noël – Diaconat – Sous-​Diaconat – 24 décembre 1979

Mes bien cher amis,

Vous qui dans quelques ins­tants allez rece­voir la grâce du sous-​diaconat et du dia­co­nat, réflé­chis­sez à ces grâces toutes par­ti­cu­lières qui vous seront don­nées. À l’Esprit Saint qui dans quelques ins­tants va des­cendre dans vos âmes, pour vous faire par­ti­ci­per davan­tage à cette grâce du sacre­ment de l’ordre qui vous pré­pare à mon­ter à l’autel.

Pour vous, cher ami, qui allez être ordon­né au sous-​diaconat, l’Église vous rap­pel­le­ra – dans les prières que l’évêque réci­te­ra – vous rap­pelle que vous vous enga­gez à son ser­vice, dans la chas­te­té, dans la pure­té, dans le déta­che­ment des biens de ce monde.

Religieux, sans doute vous avez déjà pro­non­cé les vœux de pau­vre­té, de chas­te­té, d’obéissance. Mais cette fois, c’est l’Église elle-​même qui vous le demande pour un motif encore plus éle­vé, celui du sacer­doce ; celui qui vous don­ne­ra bien­tôt le pou­voir d’approcher de Notre Seigneur Jésus-​Christ de telle sorte que, comme tous ceux qui ont été choi­sis par Dieu pour vivre avec Notre Seigneur, pour avoir une inti­mi­té par­ti­cu­lière avec Notre Seigneur, comme la très Sainte Vierge, comme saint Joseph, comme saint Jean, Dieu a vou­lu qu’ils soient vierges.

Il a vou­lu par consé­quent, que ceux qui célèbrent les saints mys­tères, que ceux qui s’approchent de l’autel, vivent aus­si dans la vir­gi­ni­té. Parce que Dieu est pur ; Dieu est saint ; Dieu est esprit. Et par consé­quent, il est nor­mal, il est juste que ceux qui s’approchent de Dieu, dans son inti­mi­té, que ceux qui ont un pou­voir sur son Corps, sur son Âme, que ceux-​là aus­si consacrent leur vie entiè­re­ment et sans par­tage, sans réserve, à Celui qu’ils servent, à Notre Seigneur Jésus-Christ.

Nous prie­rons pour vous, afin que les grâces du Saint-​Esprit des­cendent en abon­dance en vous et vous pré­parent vrai­ment à rece­voir bien­tôt les ordres plus importants.

Quant à vous, chers amis, qui allez rece­voir le dia­co­nat, l’Église insiste dans toutes ses prières et vous donne comme modèle saint Étienne. Et elle en donne l’explication dans les paroles de la forme sacra­men­telle, dans les paroles du sacre­ment, lorsque l’évêque vous dira en impo­sant sa main sur votre tête :

Accipite Spiritum Sanctum ad robur.

En effet, saint Étienne, pre­mier mar­tyr, a mon­tré par­ti­cu­liè­re­ment l’exemple de la force et c’est ce don de force que l’Église veut vous don­ner d’une manière par­ti­cu­lière aujourd’hui.

Qu’est-ce donc que ce don de force ? Cette ver­tu de force que vous devez pra­ti­quer d’une manière par­ti­cu­lière, saint Thomas le dit : « La force s’oppose aux obs­tacles que le monde met entre notre désir d’obtenir le bien, notre volon­té d’obtenir le bien ».

Le monde s’oppose au bien moral, au bien spi­ri­tuel que nous recher­chons. Et alors la force vient écar­ter ces obs­tacles. Tantôt en menant le com­bat contre ces obs­tacles d’une manière posi­tive, d’une manière ferme. Car les deux actes prin­ci­paux de cette ver­tu de force, pré­ci­sé­ment comme le dit saint Thomas : Sustinere … : sou­te­nir le com­bat ; le sou­te­nir d’une manière per­ma­nente, constante, forte, ferme, par­ti­cu­liè­re­ment dans la patience et la per­sé­vé­rance. Rechercher le bien mal­gré les obs­tacles, conti­nuer, per­sé­vé­rer dans l’effort ; conti­nuer la recherche de ce bien, ce bien qui n’est autre que Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-même.

Et vous avez besoin de cette ver­tu de force d’une manière plus par­ti­cu­lière, parce que vous aus­si vous appro­che­rez et d’une manière com­bien plus proche, plus intime, plus réelle, de ces saints Mystères. Vous allez désor­mais par­ti­ci­per aux saints Mystères.

Alors montrez-​vous digne, comme le dira aus­si l’évêque à la fin de la préface :

In Christo fir­mi et sta­biles per­se­verent, dignisque suc­ces­si­bus de infe­rio­ri gra­du per gra­tiam tuam potio­ra mereantur.

Firmes et sta­biles in Christo : fermes et per­sé­vé­rants, immuables in Christo, dans le Christ.

De infe­rio­ri gra­du per gra­ti­mam tuam capere potio­ra merean­tur. De ce grade infé­rieur du dia­co­nat, que vous puis­siez par vos efforts vous rendre digne et par la grâce de Dieu, d’arriver à un degré supé­rieur : potio­ra merean­tur.

Ce degré supé­rieur, eh bien, ce sera le sacer­doce, avec la grâce du Bon Dieu. Sacerdoce qui s’approche pour vous, dans six mois. Dans six mois, si le Bon Dieu le veut ; s’il plaît à Dieu, vous devien­drez prêtre.

Et alors, je suis per­sua­dé que dans votre esprit, dans votre cœur, il y a peut-​être, un peu de crainte et de trem­ble­ment à la pen­sée que le sacer­doce est si proche : six mois, c’est peu de chose. Les années ont vite pas­sé et vous voi­là près d’assumer cette digni­té inef­fable, cette digni­té que des saints comme saint François d’Assise n’ont pas osé approcher.

Alors, pen­dant ces six mois, préparez-​vous ; préparez-​vous vrai­ment, dans le silence, dans le recueille­ment, dans la médi­ta­tion, dans la prière, dans les efforts pour acqué­rir la ver­tu. Préparez-​vous à cette grande dignité.

Et les cir­cons­tances dans les­quelles vous rece­vrez le sacer­doce, dans les­quelles vous aurez à l’exercer, demandent de vous des ver­tus toutes particulières.

Pendant les vacances, vous aurez peut-​être l’occasion de ren­con­trer de vos confrères aînés qui sont pas­sés aus­si par Écône et qui main­te­nant exercent leur minis­tère, exercent le sacer­doce. Ils vous diront com­bien ils sont heu­reux d’exercer ce minis­tère inef­fable du sacer­doce, mais aus­si com­bien ils sentent peser sur leurs épaules, une lourde res­pon­sa­bi­li­té. Et com­bien peut-​être, ils sou­hai­te­raient pou­voir ou avoir pu pas­ser encore quelques années de for­ma­tion. Car lorsqu’il faut don­ner et non plus rece­voir, bien des dif­fi­cul­tés se pré­sentent à nous, de toutes sortes.

S’occuper des âmes ; diri­ger les âmes, les conseiller, les confes­ser, leur don­ner la grâce de l’absolution ; conseiller les per­sonnes dans la conduite de leur vie, de leur vie morale, quelle responsabilité !

Monter à l’autel, offrir le Saint Sacrifice de la messe ; s’approcher tous les jours de Notre Seigneur et rece­voir des grâces par­ti­cu­lières que nul autre ne reçoit que celui qui monte à l’autel. Tout cela est plein de res­pon­sa­bi­li­té et de noblesse en même temps.

Alors préparez-​vous pen­dant ces six mois. Préparez-​vous sur­tout dans l’exercice de la foi. Renouvelez en vous cet esprit de foi. La foi, dans tout ce que vous avez reçu, dans tout ce que vous avez appris. Ayez une foi pro­fonde, une foi en Notre Seigneur Jésus-​Christ. Car c’est Lui qui est l’objet de notre foi.

Alors deman­dez à la très Sainte Vierge Marie et à saint Joseph de vous com­mu­ni­quer leur foi, afin que vous n’ayez jamais d’hésitation, jamais de doute sur la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ et que Notre Seigneur Jésus-​Christ est notre Dieu. Il n’y a pas d’autre Dieu que Notre Seigneur JésusChrist, uni au Père et au Saint-​Esprit. Nous le répé­tons à la fin de toutes nos orai­sons : In uni­tate Spiritus Sancti Deus, per omnia sæcu­la sæcu­lo­rum : Dieu pour les siècles des siècles.

Alors nous devons y croire ; croire en Notre Seigneur Jésus-​Christ et ne pas per­mettre dans notre esprit, dans notre cœur, dans notre âme, qu’il y ait place pour un autre que Notre Seigneur Jésus-​Christ, à qui nous devons rendre tout hon­neur et toute gloire. Non il n’y a pas d’autre Dieu que Notre Seigneur Jésus-Christ.

Vous devez donc aug­men­ter votre foi. Dites comme les apôtres à Notre Seigneur : « Seigneur, nous croyons, mais aug­men­tez notre foi ».

La foi et l’humilité, l’humilité, parce qu’il faut que nous soyons convain­cus que toutes les grâces que nous avons reçues et que sur­tout la grâce du sacer­doce que nous allons rece­voir, nous n’en sommes pas dignes. Nous ne sommes pas dignes d’être asso­ciés au sacer­doce éter­nel de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Pauvres créa­tures que nous sommes, pauvres pécheurs, com­ment serions-​nous dignes d’une grâce sem­blable, sinon par la grâce de Dieu ; sinon parce que Dieu le veut ; sinon parce que Dieu a besoin et a vou­lu avoir besoin de prêtres. Il a vou­lu faire par­ti­ci­per à des créa­tures son sacer­doce et alors Il nous a choi­sis par une grâce insigne.

Mais nous devons res­ter dans cet esprit d’humilité ; cet esprit du sen­ti­ment de notre fai­blesse, de notre indi­gni­té, devant cette grâce insigne que le Bon Dieu nous a don­née et ne pas avoir une cer­taine conscience de notre supé­rio­ri­té vis-​à-​vis des autres parce que nous avons reçu cette grâce.

Si le Bon Dieu nous a don­né cette grâce, c’est pré­ci­sé­ment pour dis­pen­ser aux autres les grâces qu’il a mises dans nos mains ; les tré­sors qu’Il a mis dans nos mains ; qu’Il a mis sur nos lèvres. Alors demeu­rons dans l’humilité.

Et demeu­rons aus­si avec l’humilité, dans la confiance en Dieu. Vous aurez beau­coup de dif­fi­cul­tés, beau­coup, d’épreuves – peut-​être de san­té – épreuves dans les dif­fi­cul­tés du minis­tère, épreuves devant l’incompréhension, l’ignorance, la résis­tance à la grâce, de ceux qui vous entourent.

Remplis d’espoir, rem­plis de zèle, vous vou­driez conver­tir le monde, j’en suis sûr. Alors vous allez sans doute vous trou­ver peut-​être devant une dés­illu­sion d’une cer­taine manière, en vous disant : Je pen­sais qu’avec la grâce de Dieu, j’aurais pu conver­tir de nom­breuses âmes. Et les âmes se ferment ; et les âmes ne reçoivent pas cette grâce du Bon Dieu, ou ne les reçoivent pas comme nous espé­rions qu’elles auraient pu les recevoir.

Alors, vous souf­fri­rez ; ce sera une épreuve. Épreuve parce que vous dou­te­rez peut-​être de vous-​même. Mais si vous dou­tez de vous-​même mes chers amis, ne dou­tez jamais de la grâce du Bon Dieu. Ayez confiance en Dieu. Que votre confiance soit tout en Dieu et non pas en vous et non pas dans les moyens humains et non pas dans vos dons humains.

Car il n’y a pas de pro­por­tion entre la grâce et nos propres dons. Vous le savez bien. L’histoire de l’Église est là qui nous le montre. Des hommes simples, des hommes faibles, des hommes qui humai­ne­ment par­lant n’ont pas de dons extra­or­di­naires, ont eu des résul­tats incroyables, inouïs, dans leur apostolat.

Pensez au saint Curé d’Ars par exemple. Alors si le Bon Dieu nous a choi­sis, ce n’est pas en rai­son de nos qua­li­tés humaines. Il nous a deman­dé de venir ; Il nous a choi­sis pour être rem­plis de sa grâce et par consé­quent nous devons avoir confiance en Dieu, confiance en Lui. C’est Lui qui fait tout. Si nous avons confiance en nous, alors nous serons sus­cep­tibles de décou­ra­ge­ment et peut-​être de déses­poir. Mais si nous avons confiance en Dieu, alors nous serons forts, appuyés sur la grâce du Bon Dieu, per­sua­dés que nous fai­sons le tra­vail du Bon Dieu. Si vrai­ment nous sommes à son ser­vice, alors nous aurons cette confiance, cet espoir et cette fermeté.

Firmes et sta­biles in Christo : Fermes et stables et per­ma­nents in Christo Jesu. Voilà ce que vous dit l’évêque.

Et alors vous serez au ser­vice de l’Église et c’est encore ce que l’évêque vous dira dans quelques instants.

Si vous avez besoin de cette ver­tu de force contre toutes les puis­sances démo­niaques qui sont autour de nous, eh bien vous en avez besoin pour ser­vir l’Église. Comme la tri­bu de Lévi avait été choi­sie pour le ser­vice du Temple, ain­si vous êtes choi­sis pour le ser­vice de l’Église. Et c’est cela aus­si qui doit faire votre hon­neur et votre fier­té. Être au ser­vice de l’Église catho­lique, de l’Église fon­dée par Notre Seigneur Jésus-​Christ, avec les moyens que Notre Seigneur Jésus-​Christ lui a don­nés ; avec la foi que Notre Seigneur Jésus-​Christ lui a don­née ; avec les ver­tus que Notre Seigneur Jésus-​Christ conti­nue de lui don­ner. Voilà ce que l’Église demande de vous ; voi­là ce qu’elle va vous expri­mer dans quelques ins­tants ; voi­là ce pour­quoi, tous ensemble, nous prie­rons pour vous.

Les ordi­na­tions sont la rai­son d’être du sémi­naire. Un sémi­naire sans ordi­na­tions ne serait pas un sémi­naire. Les jours des ordi­na­tions sont des jours de lumière, des jours vrai­ment rem­plis de la lumière du Saint-​Esprit, de la cha­ri­té du Saint-​Esprit. Car c’est pour cela que vous êtes ici ; c’est pour cela que vous faites des études ; c’est pour cela que vous venez prier ici tous les jours, afin de rece­voir les grâces de l’ordination. Le sémi­naire pré­pare des prêtres. Et alors ces étapes conti­nuelles, vous mettent cer­tai­ne­ment devant les yeux l’idéal de votre apos­to­lat, l’idéal du séminaire.

Remercions le Bon Dieu qui veut bien que nous puis­sions aujourd’hui, par­ti­ci­per à cette ordi­na­tion et deman­dons au Bon Dieu de répandre sur ceux qui vont être l’objet de ses grâces par­ti­cu­lières, de répandre en abon­dance ses grâces, afin que ses prêtres soient tou­jours plus don­nés à son ser­vice et plus près de Notre Seigneur Jésus-​Christ, comme l’ont été Jésus et Marie.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.