Sermon de Mgr Tissier pour le pèlerinage de Chartres 2013

Nous portons l’Eglise dans l’exil

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Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit, ain­si soit-il.

Chers pèle­rins,

Nous sommes sous la pluie et nous avons froid, mais à l’in­té­rieur la cha­ri­té, le Saint-​Esprit brûle en nous. Et nous pen­sons à saint Joseph sur les routes d’Egypte quand, après avoir com­pris qu’il devait être le père adop­tif et légal du Fils de Dieu, il dut brus­que­ment pen­dant la nuit quit­ter Bethléem pour aller en exil.

Eh bien, c’est un peu l’i­mage de notre situa­tion, bien chers fidèles, nous sommes sur les routes de l’exil, pour long­temps peut-​être. Et nous devons prendre cou­rage avec le Saint-​Esprit en imi­tant la conduite, la voca­tion de saint Joseph. Quand l’Ange lui dit pen­dant la nuit : « Joseph, prends Marie et l’Enfant et fuis en Egypte », eh bien, immé­dia­te­ment, sans dis­cu­ter, il par­tit là-​bas, dans un pays étran­ger dont il ne connais­sait même pas la langue, et pen­dant un ou deux ans, jus­qu’à ce que Dieu le rap­pe­lât d’Egypte. « J’ai rap­pe­lé mon fils d’Egypte ».

Dans notre situa­tion dans l’Eglise, chers fidèles, nous res­sem­blons un peu à la Sainte Famille. Nous sommes en exil et pour­tant nous sommes la Sainte Famille. Voyez la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph, c’é­tait l’Eglise en germe. L’Eglise n’exis­tait pas encore mais c’é­tait le germe de l’Eglise. Il y avait d’a­bord Jésus-​Christ, le Fils de Dieu, le Chef de l’Eglise, de son Corps mys­tique ; il y avait le pre­mier membre de l’Eglise, Marie, la Très Sainte Vierge Immaculée, rache­tée par avance dans le Sang de Jésus-​Christ ; il y avait Joseph, puri­fié du péché ori­gi­nel sans doute avant sa nais­sance, nous ne le savons pas exac­te­ment. En tout cas, la Sainte Famille repré­sen­tait l’Eglise.

Nous avons en effet gardé l’unité de l’Eglise, la catholicité de l’Eglise, Une, Sainte, Catholique et Apostolique

Eh bien, nous, chers fidèles, dans la Tradition, la Fraternité Saint-​Pie X et les socié­tés reli­gieuses et sacer­do­tales amies, nous por­tons l’Eglise dans l’exil. L’Eglise étant offi­ciel­le­ment occu­pée par les moder­nistes, nous sommes réduits, por­tant l’Eglise en nous, à l’exil. Et cela pour­ra durer quelques années encore jus­qu’à ce que le Seigneur envoie son Ange et nous dise : « Maintenant tu peux ren­trer dans la terre d’Israël » offi­ciel­le­ment. Mais nous por­tons quand même l’Eglise en nous !

Je me sou­viens que Mgr Lefebvre nous avait expli­qué très bien que nous avions en nous, nous dans la Tradition, les quatre notes de l’Eglise catho­lique, les quatre notes de l’Eglise, pour bien mar­quer que dans notre situa­tion anor­male d’exil, nous res­tons catho­liques, au cœur de l’Eglise. Nous avons en effet gar­dé l’u­ni­té de l’Eglise, la catho­li­ci­té de l’Eglise, Une, Sainte, Catholique et Apostolique. L’unité parce que nous avons gar­dé la foi. L’unité de l’Eglise consiste d’a­bord dans la foi catho­lique. Que tous les catho­liques pro­fessent la même foi. Eh bien nous avons l’u­ni­té de l’Eglise parce que nous avons la foi de tou­jours, chers fidèles, et il n’est pas ques­tion de la quit­ter et de nous com­pro­mettre avec l’hé­ré­sie moderniste.

Ensuite… Une, Sainte. Nous avons gar­dé la sain­te­té de l’Eglise puisque vous en êtes la preuve, chères familles où le Bon Dieu choi­sit ses belles voca­tions reli­gieuses et sacer­do­tales, d’une vie consa­crée au Bon Dieu, qui est un modèle pour toute l’Eglise. Nous avons gar­dé la note de sain­te­té de l’Eglise, par la grâce de Dieu.

Une, Sainte, Catholique… nous avons aus­si la catho­li­ci­té de l’Eglise puisque la Tradition que nous repré­sen­tons d ans le monde entier, pas seule­ment en France, pas seule­ment aux Etats-​Unis, repré­sen­tés par son Supérieur de District, pas seule­ment en Allemagne, repré­sen­tée par de nom­breux pèle­rins, mais de tous les pays du monde. Vous chers pèle­rins, vous êtes la preuve que la Tradition, bien vivante en nous, est bien catholique.

Et enfin, nous repré­sen­tons l’a­pos­to­li­ci­té de l’Eglise. L’Eglise est apos­to­lique et nous sommes apos­to­liques. Cela signi­fie que nous avons la suc­ces­sion apos­to­lique par les évêques, nous autres, nous avons reçu l’é­pis­co­pat des mains de Mgr Lefebvre d’une façon légi­time, même si elle était anor­male. Et par consé­quent, tant que nous sommes dans l’Eglise et en exil, nous por­tons en nous l’Eglise.

N’est-​ce pas la Tradition, la foi catholique de toujours que nous représentons ?

Alors, chers fidèles, sou­vent nous nous deman­dons, quelle est notre voca­tion ? Ne serait-​ce pas de cher­cher à Rome les béné­dic­tions aux­quelles nous aurions droit ? De cher­cher les appro­ba­tions et les recon­nais­sances ? Certes, c’est une ques­tion que nous pour­rions nous poser mais ce n’est pas la ques­tion essen­tielle. La vraie ques­tion que nous devons poser, à savoir quel témoi­gnage nous devons don­ner à la foi catho­lique aujourd’­hui, dans la situa­tion de l’Eglise qui souffre une crise ter­rible. Quel témoi­gnage nous devons don­ner aujourd’­hui. Et la réponse sera le témoi­gnage des témoins de la foi et des mar­tyrs. Tous ces saints de l’Eglise, tous ces confes­seurs de la foi, tous ces mar­tyrs de l’Eglise sont pour nous un exemple.

Voilà donc la réponse à cette ques­tion, chers fidèles, de savoir la manière, le moyen de por­ter ce témoi­gnage à la face de l’Eglise, d’être sur le pinacle, publi­que­ment condam­né à l’exil. Eh bien c’est un avan­tage puisque notre témoi­gnage est plus écla­tant d’être consi­dé­ré comme une pierre de scan­dale par les moder­nistes comme Notre-​Seigneur l’é­tait, pour Hérode, à ce moment-​là. N’est-​ce pas un avan­tage pour l’Eglise de voir où se trouve la Tradition ? Cette pierre de scan­dale pour les moder­nistes, pour ce qu’on appelle l’Eglise conci­liaire, c’est-​à-​dire cette secte qui occupe l’Eglise catho­lique. C’est un avan­tage pour nous d’être regar­dés comme exclus, comme en exil, chers fidèles, d’être regar­dés comme la pierre reje­tée par les bâtis­seurs et qui devien­dra, qui est déjà, la pierre d’angle, la pierre qui sou­tient l’é­di­fice. N’est-​ce pas la Tradition, la foi catho­lique de tou­jours que nous représentons ?

Nous exigeons de garder notre profession de foi, publique et complète, catholique.

Alors, voi­là les rai­sons pour les­quelles nous ne pleu­rons pas si nous ne rece­vons pas de Rome les appro­ba­tions, peut-​être atten­dues, je ne sais pas. Restons tran­quille­ment en exil tant que Dieu le vou­dra, et por­tons ce témoi­gnage de la foi catho­lique que les mar­tyrs ont donné.

Je par­lais ce matin aux enfants, de saint Herménégilde. C’était un jeune mar­tyr qui avait dix-​sept ans, qui vivait au VIème siècle. Il était catho­lique mais son père était héré­tique, aryen. Il devait héri­ter du trône d’Espagne, mais son père, furieux de voir que son fils était catho­lique, lui sup­pri­ma la suc­ces­sion au trône et le condam­na à la pri­son, et Herménégilde – que nous fêtons le 13 avril, donc il y a un mois – était en pri­son depuis plu­sieurs mois quand la fête de Pâques appro­chait. Il aurait bien vou­lu rece­voir la Communion, la Sainte Communion pas­cale. Et son père y pen­sait et lui envoya un évêque lui por­tant Jésus-​Hostie. Quel bon­heur pour Herménégilde, de pou­voir avoir une com­mu­nion pas­cale ! Seulement voi­là, l’é­vêque entre dans sa cel­lule et se pré­sente : « Je suis l’é­vêque de Huesca, et je suis aryen. Et je porte la sainte Communion. » Je suis aryen, c’est-​à-​dire je ne suis pas catho­lique. C’était un évêque qui n’é­tait pas catho­lique, chers fidèles, et qui por­tait la com­mu­nion à Herménégilde.

Qu’a fait Herménégilde ? Qu’auriez-​vous fait à sa place ? Auriez-​vous accep­té quand même de rece­voir la sainte Communion, rece­voir Jésus-​Hostie ? Est-​ce que ça ne vaut pas la peine de faire quelques com­pro­mis, d’ac­cep­ter de mains indignes quand même Jésus ? Cet évêque célé­brait vali­de­ment la messe, bien qu’il ne crût pas que Jésus fût Dieu parce que c’é­tait la reli­gion aryenne. Il ne croyait même pas que Jésus fût Dieu mais on pense qu’il pou­vait célé­brer vali­de­ment la messe. Il appor­tait Jésus-Hostie.

Eh bien, en un clin d’oeil, ins­pi­ré par le don du Saint-​Esprit – le Saint-​Esprit que nous fêtons aujourd’­hui – par le don de conseil, il a dit « non, je ne rece­vrai pas la com­mu­nion de vos mains sacri­lèges. Moi, je suis dans les fers mais je suis libre pour faire mon salut ; et vous qui êtes libre, Monseigneur, eh bien vous êtes esclave du diable, parce que vous avez une foi fausse. Vous n’êtes pas catho­lique. Et je ne rece­vrai pas la com­mu­nion de mains sacrilèges ».

Exemple pour nous, bien chers fidèles. Tous les beaux cadeaux qu’on pour­rait nous offrir depuis Rome, nous ne sommes pas prêts de les accep­ter sans exa­men, sans consi­dé­rer les cir­cons­tances dans les­quelles ce cadeau nous serait fait. Nous exi­geons de gar­der notre pro­fes­sion de foi, publique et com­plète, catho­lique. Nous ne pou­vons pas rece­voir des cadeaux empoi­son­nés qui nous condam­ne­raient à des com­pro­mis avec des moder­nistes. Voilà l’exemple de saint Herménégilde, ins­pi­ré par le Saint-Esprit.

Joseph et Marie, voilà nos conseillers

L’exemple aus­si de saint Joseph qui res­ta en exil, conte­nant l’Eglise, toute l’Eglise entière jus­qu’à l’heure du retour en Terre Sainte. J’ai rap­pe­lé mon Fils d’Egypte.

Dans cette attente, bien chers fidèles, prions bien la Très Sainte Vierge, l’Epouse du Saint-​Esprit, qui fut rem­plie des sept dons du Saint-​Esprit, dès le pre­mier ins­tant de sa concep­tion. Elle qui eut le don de conseil quand elle reçut le mes­sage de l’ange Gabriel lui disant qu’elle devait deve­nir la Mère de Dieu. Elle a dit oui, fiat, immé­dia­te­ment. Le don de conseil. Et elle qui a eu le don de force au pied de la Croix, de res­ter trois heures debout devant son Fils, Dieu fait Homme, ago­ni­sant sur la Croix, sous ses yeux. Restée ferme comme la Mère du Souverain Prêtre, la Mère de la Victime divine pour nos péchés.

Eh bien, deman­dons à la Très Sainte Vierge de nous rem­plir des sept dons du Saint-​Esprit, spé­cia­le­ment par son inter­ces­sion, spé­cia­le­ment le don de conseil qui nous dic­te­ra notre conduite, divi­ne­ment ; le don de force de savoir dire non, quand il faut dire non, parce que la force consiste davan­tage à résis­ter au mal qu’à atta­quer l’ennemi.

Restons bien fermes, unis dans une même foi catho­lique, bien chers fidèles, sous le patro­nage de saint Joseph auquel nous allons renou­ve­ler tout à l’heure la consé­cra­tion de la Fraternité Saint-​Pie‑X.

Ainsi soit-​il.

Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Mgr Bernard Tissier de Mallerais

Sources : Pèlerinages de Tradition/​La Porte Latine

La trans­crip­tion [Y. B‑R] et les inter­titres sont de la rédac­tion de La Porte Latine

Version audio : LPL/​130519

FSSPX Évêque auxliaire

Mgr Bernard Tissier de Mallerais, né en 1945, titu­laire d’une maî­trise de bio­lo­gie, a rejoint Mgr Marcel Lefebvre dès octobre 1969 à Fribourg et a par­ti­ci­pé à la fon­da­tion de la Fraternité Saint-​Pie X. Il a assu­mé d’im­por­tantes res­pon­sa­bi­li­tés, notam­ment comme direc­teur du sémi­naire d’Ecône. Sacré le 30 juin 1988, il est évêque auxi­liaire et fut char­gé de pré­pa­rer l’ou­vrage Marcel Lefebvre, une vie, bio­gra­phie de réfé­rence du fon­da­teur de la Fraternité.