Alléluia, Alléluia, Alléluia. C’est la rengaine sans cesse chantée sur tous les tons et en toutes occasions par les adeptes de la nouvelle liturgie. Elle est l’expression de leur joie et le signe patent de leur amour de Jésus. Mais joie et amour tellement superficiels qu’il est nécessaire qu’ils chantent ensemble, comme si la communauté était bien le seul moyen d’entretenir cette flamme toujours prête à s’éteindre. Cette communauté n’est pas la manifestation de la nature politique de l’homme, elle est plutôt le signe de leur instinct grégaire qui ne sait vivre sans les autres. Joie sensible et bien peu rationnelle qui ne tient en quelque sorte que par le contact. Et leur amour de Jésus est à l’avenant. Qui est Jésus ? Est-ce vraiment Dieu fait homme, Roi des hommes et des nations ? Et cet amour ? Est-ce vraiment la charité, cette amitié fondée sur la communication de la vie divine ? Nenni. Jésus est une idole fabriquée par leur goût humain et l’amour n’est rien autre que cette passion terriblement sensible. Alléluia, Alléluia, Alléluia c’est la rengaine de cet irénisme que fustigeait Pie XII dans la belle encyclique Humani generis :
« Beaucoup, déplorant que le genre humain soit dans la discorde et les esprits dans la confusion, mus par un zèle imprudent des âmes, se sentent comme emportés et brûlent d’un désir de briser les barrières qui séparent entre eux des gens droits et honnêtes ; ils adoptent par suite un tel irénisme que, mettant de côté les questions qui divisent les hommes, ils visent…à concilier les oppositions en matière même de dogme…tout bouillant d’un irénisme sans prudence, ils paraissent considérer comme un obstacle, à la restauration de l’unité fraternelle cela même qui s’appuie proprement sur les lois et les principes donnés par le Christ…ou ce qui sert de rempart et contrefort à l’intégrité de la foi : cela supprimé, tout s’unira certes, mais seulement pour la ruine ».
Alléluia. Cette belle expression de joie nous serait-elle alors interdite au risque de devenir bien vite conciliaire ! Et non ! Alléluia, c’est le chant de cette victoire acquise par le Christ sur le péché et la mort. Alléluia, c’est le chant pascal du triomphe de Notre Seigneur, sorti vainqueur de tombeau. Alléluia, c’est bien le chant d’une victoire. Mais il n’y a pas de victoire sans combat. La voilà bien la différence fondamentale : la vie chrétienne est un combat. Même restaurés par la grâce baptismale, nous sommes entraînés dans une lutte sans merci contre la concupiscence des yeux, contre la concupiscence de la chair, contre l’orgueil de la vie. Saint-Jean nous a avertis : la charité n’exclut pas du tout le combat, au contraire. L’irénisme voudrait que les prédateurs n’existent point. Chimère. Le péché originel est une réalité : ou il a été détruit par la grâce baptismale, mais laisse des traces vives et purulentes, ou pire, il n’a pas été détruit et l’on est alors tout simplement dans les mains du démon qui vit de haine éternelle. « Plus la guerre, criait Paul VI à l’ONU le 4 octobre 1965, plus jamais la guerre ». Irréalisme total ! Méconnaissance vraiment étonnante du Martyrologe, ce beau livre liturgique dont on lit chaque jour une page à l’office : ces courts récits de tous les sévices, souvent subtils, que les martyrs ont subis. Les saints dans le ciel sont des hommes renouvelés, les saints qui sont sur la terre sont des hommes qui se renouvellent. Aux premiers, dit saint Augustin, la victoire et la paix, aux seconds la victoire, mais pas la paix. Les vertus triomphent, mais les vertus combattent.
Quel meilleur exemple que celui de la Mère de Dieu, forte comme une armée rangée en bataille, qui combat sans cesse pour les chrétiens ! Ses victoires successives, sans cesse renouvelées, n’assurent pourtant pas encore la paix, celle du Paradis. Ce numéro de Fideliter manifeste ces combats glorieux de la Reine des Cieux en faveur des siens. Douce Mère attentive à chacun d’entre nous, elle a souffert et mérité pour notre salut ; elle a dû fuir le massacre des saints innocents et soutenir la haine meurtrière des juifs à l’encontre de son Fils, Jésus-Christ, qui ont crié : crucifie-le, crucifie-le.
En vérité, il n’y pas de victoire sans combat, mais Alléluia, la victoire sur le monde, c’est notre foi : celui qui triomphe du monde, c’est celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu, le fils de Marie.
Abbé Benoît de Jorna, Supérieur du District de France
Source : Éditorial de la revue Fideliter n°254 de mars-avril 2020