Aux sources du Carmel : Editorial du numéro 16 d’avril 2008

Bulletin du Tiers-​Ordre sécu­lier pour les pays de langue fran­çaise


Editorial de Monsieur l’abbé Louis-​Paul Dubroeucq, 

aumônier des tertiaires de langue française 

Cher frère, Chère sœur, 

« Tibi dixit cor meum, exqui­si­vit te facies mea ; faciem tuam, Domine requi­ram . Ne aver­tas faciem tuam a me ». [Ps 26, 8–9, repris dans l’ Introït du dimanche dans l’octave de l’Ascension]

« Mon cœur vous a par­lé et mes yeux vous ont cher­ché ; votre visage, Seigneur, je le recher­che­rai, ne détour­nez pas de moi votre face ». [Ps. 26, 8–9]

Alors que l’Eglise jubile et se réjouit de l’exaltation de son Seigneur et Epoux, un désir nos­tal­gique d’une union par­faite avec Lui dans l’éternité, s’éveille en elle. Elle sait bien qu’elle n’est pas aban­don­née. Mais elle aime­rait le voir « face à face », dans la gloire. Qui de nous, au milieu des peines de cette vie, ne ferait de même ? Saint Paul lui-​même dési­rait mou­rir et être avec le Christ. Aussi l’Eglise après avoir célé­bré l’Ascension du Sauveur, aspire-​t-​elle à le revoir : « Je cher­che­rai votre visage, Seigneur ; ne détour­nez pas de moi votre face. » L’Introït du mar­di de la 2ème semaine de carême, s’exprimait de même ; venant après le 2ème dimanche de carême où le récit de la Transfiguration nous est lu, il exprime bien le désir de l’âme qui après avoir été conso­lée par la vision de la gloire divine, se retrouve face à ses épreuves, dans l’attente de le revoir son Seigneur. Mais elle sait aus­si que le Seigneur ne l’a pas quit­tée, qu’Il vit en son Eglise et en toute âme unie à Lui par la grâce. Ici-​bas, cette gloire est encore voi­lée. A la fois pos­ses­sion et attente, telle est donc cette recherche du visage dont parle ce chant de l’Eglise. C’est une recherche constante et empres­sée d’une uni­té de vie avec le Christ pré­sent et une attente sûre, vivi­fiante de Celui qui vient.

St Thomas com­mente ain­si le ver­set 8 du Ps. 26 : « La face inté­rieure de l’homme, c’est sa vision inté­rieure, c’est-à-dire son âme, ou son intel­li­gence ration­nelle, et cette der­nière, c’est-à-dire ma face qui a été créée à Votre image, Vous a recher­ché. C’est pour­quoi elle ne peut être trans­for­mée et ren­due par­faite sans être unie à Vous, Seigneur. Aussi, de même que toute chose recherche sa per­fec­tion, notre intel­li­gence recherche Dieu.

Et il montre que ce désir est per­sé­vé­rant, car il dit : je recher­che­rai, c’est-à-dire je recher­che­rai encore et encore : « Si vous cher­chez, cher­chez. » – « Cherchez, et vous trou­ve­rez. » Le propre de celui qui aime est de recher­cher sou­vent la chose aimée. Et ce qu’il cherche, il le montre lorsqu’il dit : « Je te mon­tre­rai toute sorte de biens. » – « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez. » Et c’est pour­quoi David n’était pas en dehors de l’espérance, mais il cher­chait encore ; aus­si dit-​il en un autre endroit : « Montrez Votre face, et nous serons sau­vés. » – « Il prie­ra Dieu, et Dieu se lais­se­ra apai­ser en sa faveur ; et il ver­ra sa face avec jubi­la­tion » ».

Dans cette recherche de la Face du Seigneur, de Son Regard des âmes se sont sanc­ti­fiées ; elles ont trou­vé lumière, puri­fi­ca­tion, force, union, dans cette contem­pla­tion. La Face du Seigneur révèle Sa Présence, Sa Personne. Mais ici-​bas, c’est la Sainte Face voi­lée du Sauveur qui nous enseigne et nous forme, cette Face défi­gu­rée, mécon­nue. C’est par cette contem­pla­tion que nous nous pré­pa­rons à la vision de gloire. Ces âmes géné­reuses et brû­lantes d’amour pour Jésus nous invitent à les suivre. 

Ainsi, sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face contemple le Serviteur souf­frant décrit par le pro­phète, dont le regard est même voi­lé : « ces paroles d’Isaïe (53,2–4) : « Il est sans beau­té, sans éclat nous l’avons vu ; Il n’avait rien qui atti­rât les regards et nous l’avons mécon­nu… Il nous a paru un objet de mépris, le der­nier des hommes, un homme de dou­leurs qui sait ce que c’est que de souf­frir !…Son visage était comme caché !…Il parais­sait mépri­sable et nous ne l’avons pas reconnu…Nous l’avons consi­dé­ré comme un lépreux, comme un homme frap­pé de Dieu et humi­lié ! »...ont fait tout le fond de ma dévo­tion à la Sainte Face, avoue-​t-​elle, ou, pour mieux dire, le fond de toute ma pié­té. Moi aus­si, je dési­rais être sans beau­té, seule à fou­ler le vin dans le pres­soir, incon­nue de toute créa­ture… »

« La Sainte Face était le miroir où elle voyait l’Ame et le Cœur de son Bien-​Aimé, où elle le contem­plait tout entier…..C’est en contem­plant la Face meur­trie de Jésus, en médi­tant ses humi­lia­tions, qu’elle pui­sa l’humilité, l’amour des souf­frances, la géné­ro­si­té dans le sacri­fice, le zèle des âmes, le déga­ge­ment des créa­tures, enfin toutes les ver­tus actives, fortes, viriles que nous lui avons vu pra­ti­quer. Elle sui­vit, sans le connaître, le conseil de per­fec­tion que Notre-​Seigneur donne à Sainte Gertrude lorsqu’Il lui dit : « Que l’âme qui désire s’avancer dans le bien s’envole dans mon sein. Mais s’il lui prend envie de por­ter son vol plus loin et de mon­ter encore plus haut sur les ailes de ses dési­rs, qu’elle s’élève avec la vitesse d’un aigle, qu’elle vole autour de ma Face, sou­te­nue comme un Séraphin sur les ailes d’une cha­ri­té géné­reuse. » Elle indi­qua à ses novices la Face de Jésus comme un livre où elle pui­sait la science d’amour, l’art des ver­tus… [Conseils et sou­ve­nirs, car­mel de Lisieux, 2ème édit. 1952, p82-.83]

Le 5 août, veille de la fête de la Transfiguration – fête qu’elle avait choi­sie pour hono­rer la Sainte Face -, on ins­talle dans l’infirmerie la Sainte Face du chœur des car­mé­lites, à la grande joie de la sainte : « Oh !que cette Sainte Face-​là m’a fait de bien dans ma vie ! » Toute la nuit elle la regarde. Le mys­tère de Jésus, elle le découvre en vivant dans l’oubli, comme le divin Maître : « Pour trou­ver une chose cachée, il faut se cacher soi-​même, notre vie doit donc être un mys­tère, il nous faut res­sem­bler à Jésus dont le visage était caché » ! [LT 145] 

Si le visage révèle la per­sonne, c’est prin­ci­pa­le­ment dans le regard que celle-​ci se révèle ; ain­si Jésus nous regarde, comme la Trinité toute entière. La devise de St Elie, « Vivit Deus in cujus conspec­tu sto » nous rap­pelle ce regard divin péné­trant jusqu’au fond de nos pen­sées, témoin de toute notre vie. Jésus « veut que notre visage soit vu des créa­tures, disait ste Thérèse de l’Enfant Jésus, mais qu’il soit comme caché afin que per­sonne ne nous recon­naisse que Lui seul !… Mais quel bon­heur de pen­ser que le Bon Dieu, la Trinité toute entière nous regarde. [LT 165] Le Sacré-​Cœur se révè­la à sr Josepha Ménendez, à plu­sieurs reprises, de cette même manière : « Le 14 mars 1921, lun­di de la Passion, après la com­mu­nion, Il est venu, dit-​elle. Son Regard était péné­trant et com­pa­tis­sant comme jamais ! Ce Regard me fit une grande impres­sion…. ». « N’oublie pas que ta peti­tesse et ton rien sont l’aimant qui attire sur toi mon Regard. » Ce même soir, j’étais à la cha­pelle et tou­jours sous l’impression que me fit ce regard de Jésus. Jamais Il ne m’avait regar­dée ain­si. Je crois que ses Yeux m’ont fait voir en un ins­tant tout ce qu’Il a fait en moi…tout ce que j’ai fait pour Lui, hélas ! en répon­dant à son Amour par mille ingra­ti­tudes !…Mais ce Regard me disait aus­si que rien ne Lui importe si je suis déci­dée à Lui être fidèle, car Il est tou­jours prêt à me prou­ver son Amour et à m’accorder de nou­velles grâces…Il me regar­da en silence comme ce matin. Mais Il disait tant de choses sans par­ler !…Moi non plus je ne disais rien….Il me regar­da encore avec un grand amour, comme pour me don­ner confiance, et Il par­tit. » [Un appel à l’Amour, apos­to­lat de la prière, Toulouse, 1944, p135-136]C’est ain­si que Jésus forme les âmes dociles à sa grâce et vivant en Sa sainte pré­sence. Le jour de Pâques, 16 avril 1922 : « Il res­plen­dis­sait de beau­té et de lumière,écrit-elle,mais je Lui dis que je n’avais pas la per­mis­sion de Lui par­ler. » « Tu n’as pas la per­mis­sion, Josepha ?… répond-​Il avec bon­té. Et pour Me regar­der ?… « Je ne savais que dire…Il conti­nua : « Regarde-​Moi et laisse-​Moi te regar­der. Cela nous suf­fit. » [ibi­dem, p.228] La Très Sainte Vierge de lui dire : « Quand Jésus fixe son Regard sur une âme, Moi, je repose en elle Mon Cœur » [TSV à sr Josepha, 17 mai 1921, ibi­dem, p 149].

Déjà plu­sieurs siècles aupa­ra­vant, la grande mys­tique béné­dic­tine, ste Gertrude écri­vait dans son livre des Révélations ces paroles qu’elle tenait de Notre-​Seigneur, et qui disent toute la ver­tu qui émane de la Face divine du Verbe Incarné : « Tous ceux qui, atti­rés par le désir de mon amour, gar­de­ront le sou­ve­nir de la vision de ma face, rece­vront par la ver­tu de mon Humanité l’impression vivante et lumi­neuse de ma Divinité. Cette lumière éclai­re­ra tou­jours les pro­fon­deurs de leur âme, et dans la gloire éter­nelle la Cour céleste admi­re­ra sur leurs traits plus de res­sem­blance avec ma divine face » [Sainte Gertrude, Révélations, LIV,ch7,n5].

En contem­plant la Sainte Face, nous voyons aus­si la Sainte Eglise, Corps Mystique de Jésus-​Christ, défi­gu­rée, voi­lée à la face du monde, par tous ceux qui cherchent à la détruire, à lui ôter sa beau­té, sa sain­te­té. Que la contem­pla­tion de la Sainte Face du Sauveur nous aide à répa­rer toutes les atteintes à cette sain­te­té, par notre prière répa­ra­trice et une vie qui révèle la sain­te­té de notre divin Modèle.

Pour conclure, que la fin du poème de Ste Bénédicte de la Croix sur la Sainte Face, vous serve de méditation :

Et des temps sont venus où la puis­sance des ténèbres
A extir­pé la foi des cœurs, a fait pâlir l’étoile de l’espérance
Et se refroi­dir l’ardeur de l’amour.
Le petit reste de fidèles ne cesse de s’amoindrir
Et Tes demeures sont désertées.

Maintenant, en ces temps qui sont les der­niers,
Tandis que dis­pa­raissent la foi, l’espérance et la cha­ri­té,
Tu dévoiles Ta sainte Face,
La Face de celui qui souf­frit en Croix
Et fer­ma les yeux pour s’endormir dans la mort.
Comme sous un voile nous contem­plons la dou­leur
Dans les traits de ce visage saint et sublime.
Si grande, si incom­men­su­rable est cette souf­france
Que nous ne pou­vons ni la sai­sir ni en per­cer le mys­tère.
Pourtant Tu as souf­fert dans le silence et la paix
Et une force était en Toi
Pour conte­nir cette souf­france sans mesure.
Tu étais son Maître lors même que Tu te livrais à elle.
Une paix d’une pro­fon­deur inson­dable
Rayonne des traits de ce visage
Et dit : c’est accompli.

Celui avec qui Tu te lies pour l’éternité
Tu le couvres sous ce voile mys­té­rieux :
Il par­ti­cipe à tes souf­frances
Et souffre comme Toi,
Caché dans le silence, dans une paix profonde.

[Ste Thérèse Bénédicte, La Sainte Face, in Edith Stein, Malgré la nuit, Poésies com­plètes, Ad Solem, Genève, 2002]

† Je vous bénis. 

Abbé L.-P. Dubroeucq †

Prochaine récollection du Tiers-​Ordre du carmel

Prochaine récollection : 8 mai 2008


La pro­chaine récol­lec­tion se dérou­le­ra à Paris, en l’église St-​Nicolas-​du-​Chardonnet, le jeu­di 8 mai, à par­tir de 9h30. Pour des rai­sons évi­dentes d’organisation maté­rielle, nous vous deman­dons d’informer Sœur Marie du Cœur Eucharistique et de la Sainte Face (Mme Trouillet) suf­fi­sam­ment à l’avance de votre pré­sence et de lui indi­quer si vous pre­nez ou non le repas de midi. Nous vous sau­rions gré de votre déli­ca­tesse à pen­ser à la pré­ve­nir en cas de désistement. 

Retraite annuelle 2008

Afin que nous puis­sions, dès à pré­sent, pré­voir les dis­po­si­tions qui nous seraient néces­saires à nous rendre dis­po­nibles, notre Directeur nous invite à noter que l’été pro­chain, du lun­di 21 au same­di 26 juillet 2008, il prê­che­ra, à l’intention des ter­tiaires fran­co­phones, une retraite qui se dérou­le­ra dans l’Est de la France, à Éguelshardt, au cœur de la futaie vos­gienne, sur le domaine de L’Étoile du Matin (57230 Bitche)..

Les inscriptions se font auprès de :

Madame Claude-​Marie Trouillet, Auxiliaire Sr Marie du Cœur Eucharistique et de la Sainte Face
Villa Saint-​Martin
Allée des Chalets
F- 37100 TOURS, France
Tél/​Fax : (00 33) 2 47 42 92 41