Bulletin du Tiers-Ordre séculier pour les pays de langue française
Editorial de Monsieur l’abbé Louis-Paul Dubroeucq,
aumônier des tertiaires de langue française
Cher frère, Chère sœur,
« Tibi dixit cor meum, exquisivit te facies mea ; faciem tuam, Domine requiram . Ne avertas faciem tuam a me ». [Ps 26, 8–9, repris dans l’ Introït du dimanche dans l’octave de l’Ascension]
« Mon cœur vous a parlé et mes yeux vous ont cherché ; votre visage, Seigneur, je le rechercherai, ne détournez pas de moi votre face ». [Ps. 26, 8–9]
Alors que l’Eglise jubile et se réjouit de l’exaltation de son Seigneur et Epoux, un désir nostalgique d’une union parfaite avec Lui dans l’éternité, s’éveille en elle. Elle sait bien qu’elle n’est pas abandonnée. Mais elle aimerait le voir « face à face », dans la gloire. Qui de nous, au milieu des peines de cette vie, ne ferait de même ? Saint Paul lui-même désirait mourir et être avec le Christ. Aussi l’Eglise après avoir célébré l’Ascension du Sauveur, aspire-t-elle à le revoir : « Je chercherai votre visage, Seigneur ; ne détournez pas de moi votre face. » L’Introït du mardi de la 2ème semaine de carême, s’exprimait de même ; venant après le 2ème dimanche de carême où le récit de la Transfiguration nous est lu, il exprime bien le désir de l’âme qui après avoir été consolée par la vision de la gloire divine, se retrouve face à ses épreuves, dans l’attente de le revoir son Seigneur. Mais elle sait aussi que le Seigneur ne l’a pas quittée, qu’Il vit en son Eglise et en toute âme unie à Lui par la grâce. Ici-bas, cette gloire est encore voilée. A la fois possession et attente, telle est donc cette recherche du visage dont parle ce chant de l’Eglise. C’est une recherche constante et empressée d’une unité de vie avec le Christ présent et une attente sûre, vivifiante de Celui qui vient.
St Thomas commente ainsi le verset 8 du Ps. 26 : « La face intérieure de l’homme, c’est sa vision intérieure, c’est-à-dire son âme, ou son intelligence rationnelle, et cette dernière, c’est-à-dire ma face qui a été créée à Votre image, Vous a recherché. C’est pourquoi elle ne peut être transformée et rendue parfaite sans être unie à Vous, Seigneur. Aussi, de même que toute chose recherche sa perfection, notre intelligence recherche Dieu.
Et il montre que ce désir est persévérant, car il dit : je rechercherai, c’est-à-dire je rechercherai encore et encore : « Si vous cherchez, cherchez. » – « Cherchez, et vous trouverez. » Le propre de celui qui aime est de rechercher souvent la chose aimée. Et ce qu’il cherche, il le montre lorsqu’il dit : « Je te montrerai toute sorte de biens. » – « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez. » Et c’est pourquoi David n’était pas en dehors de l’espérance, mais il cherchait encore ; aussi dit-il en un autre endroit : « Montrez Votre face, et nous serons sauvés. » – « Il priera Dieu, et Dieu se laissera apaiser en sa faveur ; et il verra sa face avec jubilation » ».
Dans cette recherche de la Face du Seigneur, de Son Regard des âmes se sont sanctifiées ; elles ont trouvé lumière, purification, force, union, dans cette contemplation. La Face du Seigneur révèle Sa Présence, Sa Personne. Mais ici-bas, c’est la Sainte Face voilée du Sauveur qui nous enseigne et nous forme, cette Face défigurée, méconnue. C’est par cette contemplation que nous nous préparons à la vision de gloire. Ces âmes généreuses et brûlantes d’amour pour Jésus nous invitent à les suivre.
Ainsi, sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face contemple le Serviteur souffrant décrit par le prophète, dont le regard est même voilé : « ces paroles d’Isaïe (53,2–4) : « Il est sans beauté, sans éclat nous l’avons vu ; Il n’avait rien qui attirât les regards et nous l’avons méconnu… Il nous a paru un objet de mépris, le dernier des hommes, un homme de douleurs qui sait ce que c’est que de souffrir !…Son visage était comme caché !…Il paraissait méprisable et nous ne l’avons pas reconnu…Nous l’avons considéré comme un lépreux, comme un homme frappé de Dieu et humilié ! »...ont fait tout le fond de ma dévotion à la Sainte Face, avoue-t-elle, ou, pour mieux dire, le fond de toute ma piété. Moi aussi, je désirais être sans beauté, seule à fouler le vin dans le pressoir, inconnue de toute créature… »
« La Sainte Face était le miroir où elle voyait l’Ame et le Cœur de son Bien-Aimé, où elle le contemplait tout entier…..C’est en contemplant la Face meurtrie de Jésus, en méditant ses humiliations, qu’elle puisa l’humilité, l’amour des souffrances, la générosité dans le sacrifice, le zèle des âmes, le dégagement des créatures, enfin toutes les vertus actives, fortes, viriles que nous lui avons vu pratiquer. Elle suivit, sans le connaître, le conseil de perfection que Notre-Seigneur donne à Sainte Gertrude lorsqu’Il lui dit : « Que l’âme qui désire s’avancer dans le bien s’envole dans mon sein. Mais s’il lui prend envie de porter son vol plus loin et de monter encore plus haut sur les ailes de ses désirs, qu’elle s’élève avec la vitesse d’un aigle, qu’elle vole autour de ma Face, soutenue comme un Séraphin sur les ailes d’une charité généreuse. » Elle indiqua à ses novices la Face de Jésus comme un livre où elle puisait la science d’amour, l’art des vertus… [Conseils et souvenirs, carmel de Lisieux, 2ème édit. 1952, p82-.83]
Le 5 août, veille de la fête de la Transfiguration – fête qu’elle avait choisie pour honorer la Sainte Face -, on installe dans l’infirmerie la Sainte Face du chœur des carmélites, à la grande joie de la sainte : « Oh !que cette Sainte Face-là m’a fait de bien dans ma vie ! » Toute la nuit elle la regarde. Le mystère de Jésus, elle le découvre en vivant dans l’oubli, comme le divin Maître : « Pour trouver une chose cachée, il faut se cacher soi-même, notre vie doit donc être un mystère, il nous faut ressembler à Jésus dont le visage était caché » ! [LT 145]
Si le visage révèle la personne, c’est principalement dans le regard que celle-ci se révèle ; ainsi Jésus nous regarde, comme la Trinité toute entière. La devise de St Elie, « Vivit Deus in cujus conspectu sto » nous rappelle ce regard divin pénétrant jusqu’au fond de nos pensées, témoin de toute notre vie. Jésus « veut que notre visage soit vu des créatures, disait ste Thérèse de l’Enfant Jésus, mais qu’il soit comme caché afin que personne ne nous reconnaisse que Lui seul !… Mais quel bonheur de penser que le Bon Dieu, la Trinité toute entière nous regarde. [LT 165] Le Sacré-Cœur se révèla à sr Josepha Ménendez, à plusieurs reprises, de cette même manière : « Le 14 mars 1921, lundi de la Passion, après la communion, Il est venu, dit-elle. Son Regard était pénétrant et compatissant comme jamais ! Ce Regard me fit une grande impression…. ». « N’oublie pas que ta petitesse et ton rien sont l’aimant qui attire sur toi mon Regard. » Ce même soir, j’étais à la chapelle et toujours sous l’impression que me fit ce regard de Jésus. Jamais Il ne m’avait regardée ainsi. Je crois que ses Yeux m’ont fait voir en un instant tout ce qu’Il a fait en moi…tout ce que j’ai fait pour Lui, hélas ! en répondant à son Amour par mille ingratitudes !…Mais ce Regard me disait aussi que rien ne Lui importe si je suis décidée à Lui être fidèle, car Il est toujours prêt à me prouver son Amour et à m’accorder de nouvelles grâces…Il me regarda en silence comme ce matin. Mais Il disait tant de choses sans parler !…Moi non plus je ne disais rien….Il me regarda encore avec un grand amour, comme pour me donner confiance, et Il partit. » [Un appel à l’Amour, apostolat de la prière, Toulouse, 1944, p135-136]C’est ainsi que Jésus forme les âmes dociles à sa grâce et vivant en Sa sainte présence. Le jour de Pâques, 16 avril 1922 : « Il resplendissait de beauté et de lumière,écrit-elle,mais je Lui dis que je n’avais pas la permission de Lui parler. » « Tu n’as pas la permission, Josepha ?… répond-Il avec bonté. Et pour Me regarder ?… « Je ne savais que dire…Il continua : « Regarde-Moi et laisse-Moi te regarder. Cela nous suffit. » [ibidem, p.228] La Très Sainte Vierge de lui dire : « Quand Jésus fixe son Regard sur une âme, Moi, je repose en elle Mon Cœur » [TSV à sr Josepha, 17 mai 1921, ibidem, p 149].
Déjà plusieurs siècles auparavant, la grande mystique bénédictine, ste Gertrude écrivait dans son livre des Révélations ces paroles qu’elle tenait de Notre-Seigneur, et qui disent toute la vertu qui émane de la Face divine du Verbe Incarné : « Tous ceux qui, attirés par le désir de mon amour, garderont le souvenir de la vision de ma face, recevront par la vertu de mon Humanité l’impression vivante et lumineuse de ma Divinité. Cette lumière éclairera toujours les profondeurs de leur âme, et dans la gloire éternelle la Cour céleste admirera sur leurs traits plus de ressemblance avec ma divine face » [Sainte Gertrude, Révélations, LIV,ch7,n5].
En contemplant la Sainte Face, nous voyons aussi la Sainte Eglise, Corps Mystique de Jésus-Christ, défigurée, voilée à la face du monde, par tous ceux qui cherchent à la détruire, à lui ôter sa beauté, sa sainteté. Que la contemplation de la Sainte Face du Sauveur nous aide à réparer toutes les atteintes à cette sainteté, par notre prière réparatrice et une vie qui révèle la sainteté de notre divin Modèle.
Pour conclure, que la fin du poème de Ste Bénédicte de la Croix sur la Sainte Face, vous serve de méditation :
Et des temps sont venus où la puissance des ténèbres
A extirpé la foi des cœurs, a fait pâlir l’étoile de l’espérance
Et se refroidir l’ardeur de l’amour.
Le petit reste de fidèles ne cesse de s’amoindrir
Et Tes demeures sont désertées.
Maintenant, en ces temps qui sont les derniers,
Tandis que disparaissent la foi, l’espérance et la charité,
Tu dévoiles Ta sainte Face,
La Face de celui qui souffrit en Croix
Et ferma les yeux pour s’endormir dans la mort.
Comme sous un voile nous contemplons la douleur
Dans les traits de ce visage saint et sublime.
Si grande, si incommensurable est cette souffrance
Que nous ne pouvons ni la saisir ni en percer le mystère.
Pourtant Tu as souffert dans le silence et la paix
Et une force était en Toi
Pour contenir cette souffrance sans mesure.
Tu étais son Maître lors même que Tu te livrais à elle.
Une paix d’une profondeur insondable
Rayonne des traits de ce visage
Et dit : c’est accompli.
Celui avec qui Tu te lies pour l’éternité
Tu le couvres sous ce voile mystérieux :
Il participe à tes souffrances
Et souffre comme Toi,
Caché dans le silence, dans une paix profonde.
[Ste Thérèse Bénédicte, La Sainte Face, in Edith Stein, Malgré la nuit, Poésies complètes, Ad Solem, Genève, 2002]
† Je vous bénis.
Abbé L.-P. Dubroeucq †
Prochaine récollection du Tiers-Ordre du carmel
Prochaine récollection : 8 mai 2008
La prochaine récollection se déroulera à Paris, en l’église St-Nicolas-du-Chardonnet, le jeudi 8 mai, à partir de 9h30. Pour des raisons évidentes d’organisation matérielle, nous vous demandons d’informer Sœur Marie du Cœur Eucharistique et de la Sainte Face (Mme Trouillet) suffisamment à l’avance de votre présence et de lui indiquer si vous prenez ou non le repas de midi. Nous vous saurions gré de votre délicatesse à penser à la prévenir en cas de désistement.
Retraite annuelle 2008
Afin que nous puissions, dès à présent, prévoir les dispositions qui nous seraient nécessaires à nous rendre disponibles, notre Directeur nous invite à noter que l’été prochain, du lundi 21 au samedi 26 juillet 2008, il prêchera, à l’intention des tertiaires francophones, une retraite qui se déroulera dans l’Est de la France, à Éguelshardt, au cœur de la futaie vosgienne, sur le domaine de L’Étoile du Matin (57230 Bitche)..
Les inscriptions se font auprès de :
Madame Claude-Marie Trouillet, Auxiliaire Sr Marie du Cœur Eucharistique et de la Sainte Face
Villa Saint-Martin
Allée des Chalets
F- 37100 TOURS, France
Tél/Fax : (00 33) 2 47 42 92 41