Chers Amis et Bienfaiteurs,
aint Pie X au début du XX” siècle, ouvrant son glorieux pontificat, a ce terrible constat :
« Nous éprouvons une sorte de terreur à considérer les conditions funestes de l’humanité à l’heure présente. Peut-on ignorer la maladie si profonde et si grave qui travaille en ce moment bien plus que par le passé, la société humaine, et qui s’aggravant de jour en jour et la rongeant jusqu’aux moelles, l’entraîne à sa ruine ? Cette maladie, vénérables frères, vous la connaissez, c’est à l’égard de Dieu, l’abandon et l’apostasie. Qui pèse ces choses a droit de craindre qu’une telle perversion des esprits ne soit le commencement des maux annoncés pour la fin des temps, comme leur prise de contact avec la terre, et que véritablement le fils de perdition dont parle l’Apôtre n’ait déjà fait son avènement parmi nous » (E Supremi apostolatus, 4 oct. 1903).
Cet athlète de la foi jetait ces avertissements si graves en contemplant une situation de l’humanité qu’il nous faudrait qualifier de bénigne lorsqu’on la compare à la situation présente. Les maux dénoncés et combattus ont depuis progressé effroyablement. Les châtiments et les avertissements du ciel qui entre-temps ont retenti et se sont exécutés n’ont comme servi à rien pour un monde en folie, obstiné à vouloir rebâtir la tour de Babel : un monde où l’on pose pour principe l’absence de Dieu.
Déjà en 1904, saint Pie X le disait : « … grande est l’audace, grande est la rage avec lesquelles on se rue partout à l’attaque de la religion, on bat en brèche les dogmes de la foi, on tend d’un effort obstiné à anéantir tout rapport de l’homme avec la Divinité ».
Comment ne pas voir dans cette attitude, prélude d’effroyables châtiments, la cause des maux qui se sont abattus sur le monde contemporain et qu’on s’obstine suicidairement à voiler et à ne pas voir, enivré par les noms ronflants de paix, justice, sécurité que l’on fait retentir d’autant plus fort que leur absence se fait davantage ressentir. Voici quelques-unes de ces flagrantes contradictions où conduisent le naturalisme, le libéralisme tyrannique : on prétend combattre la drogue en la distribuant ; prétextant du combat d’une maladie dans laquelle il ne faut pas hésiter à voir la main de Dieu, une punition pour les péchés, on propage le péché dans les masses sous le prude nom de préservatif, on corrompt en grand toute la société en propageant des péchés dont il vaut mieux taire les noms. On émet des lois dangereusement tyrannisantes pour combattre la « discrimination » qui provient d’un déchaînement des passions alors qu’on refuse par principe, au nom de la liberté, d’éduquer les passions de l’homme et que l’on a en horreur le nom même de vertu ; les moyens d’information surdéveloppés aujourd’hui, merveilles de la technique, servent de redoutables instruments de déformation ; par de grands efforts médiatiques et politiques, les mêmes personnes qui se proposent d’établir une paix mondiale et organisent des conférences sur la sécurité approuvent et décrètent le plus grand des génocides jamais vus dans l’histoire : chaque année, 50 à 60 millions (selon les chiffres officiels) d’innocents sont privés du droit même de vivre dans le sein de leur mère par ceux-mêmes qui font profession de sauver les vies (multiplions le chiffre par 10 ou par 20 pour totaliser les dernières années..) ; au vu de ces faits dont la liste pourrait être indéfiniment allongée, nous adhérons pleinement à ce jugement du cardinal Pie : « le naturalisme est pour les particuliers la route certaine vers l’enfer » (IIIe instruction synodale).
A la vue de cette tragédie du monde contemporain, que fait l’Église ? Elle pousse un timide cri d’alarme en même temps qu’elle se lance dans la plus incompréhensible compromission : faire siens les principes (du libéralisme) qui sont la cause des malheurs du monde actuel… Ainsi se désagrègent des pans entiers de l’Eglise au rythme même de la destruction de la société…
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Au milieu de tous ces malheurs, jetons un regard sur une œuvre dont la jeune histoire fait dire déjà : « il y a là le doigt de Dieu ».
Comment expliquer autrement la naissance et la croissance admirable de la Fraternité Saint-Pie X ? Au moment où les séminaires se vident, les nôtres se remplissent, où les prêtres défroquent, ou au moins perdent leur habit, la soutane réapparaît ; au moment où l’idée et l’identité du sacerdoce s’estompent tragiquement, une nouvelle génération de prêtres se lève et se répand sur « toute la terre ». Les chiffres, bien que ceux-ci ne soient que d’une importance toute relative, sont éloquents : fondée de rien par Mgr Lefebvre en 1970, elle compte en 1982 100 prêtres, 21 frères, 21 sœurs oblates, 180 séminaristes répartis dans 4 séminaires ; les prêtres exercent leur ministère dans 12 pays : 25 prieurés, 5 écoles, 2 maisons de retraite ; en 1994, douze ans plus tard : 310 prêtres, 48 frères, 50 oblates, 215 séminaristes répartis dans 6 séminaires. L’apostolat s’est étendu à 24 pays (sans compter les pays visités régulièrement) : 83 prieurés dont 44 avec une école, 8 maisons de retraite, 15 écoles secondaires.
Si l’on considère tous les genres d’oppositions qui se sont levés contre cette œuvre, en particulier un zèle tout à fait étonnant de la part d’une hiérarchie qui hélas n’en montre en général que bien peu lorsqu’il s’agit du salut de ses ouailles, cette œuvre relève du prodige.
Mais notre consolation et notre action de grâce, nous les trouvons dans un autre miracle, miracle de la grâce qui coule abondamment du Saint Sacrifice de la Messe, cœur de l’Eglise et cœur de notre œuvre, miracle dont nous sommes les témoins tous les jours.
Ce n’est pas seulement une œuvre sacerdotale qui se développe en des circonstances difficiles, c’est toute une petite chrétienté qui prend forme, nourrie, soutenue à la source de grâces qu’est le saint Sacrifice de la Messe. Ce que Mgr Lefebvre décrivait dans son sermon de jubilé sacerdotal se réalise sous nos yeux : « là où la sainte Messe est célébrée se bâtissent les églises, apparaissent les familles chrétiennes, bientôt l’école régie par les principes catholiques » ; déjà ici et là des œuvres caritatives pour le soulagement de la souffrance, pour le soutien des personnes âgées surgissent et se développent : voilà la meilleure preuve que l’Eglise possède les réponses tout à fait adaptées aux problèmes de notre époque : elle n’est pas du tout dépassée, ni en ce qui concerne la famille, la jeunesse, ni en ce qui concerne la société.
Sa foi, sa charité, sa morale exigeante sont des principes immuables qui transcendent le temps et les circonstances dans lesquels se déroule la vie humaine.
Toujours valables, ils restent les seuls garants du vrai bonheur que l’on ne peut trouver qu’en trouvant Dieu, posséder qu’en possédant Dieu dans le Christ Jésus.
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Cependant chers amis, le merveilleux épanouissement de cette œuvre de la tradition catholique qui dans les faits et dans ses fruits montre bien qu’elle est une œuvre de l’Eglise catholique romaine, ne doit pas nous faire oublier la situation de plus en plus dramatique dans laquelle nous vivons.
Dormir, c’est mourir !
Les avertissements de Notre-Dame à Fatima sont toujours actuels :
« Priez, priez beaucoup et faites des sacrifices pour les pécheurs, parce que beaucoup d’âmes vont en enfer, parce qu’il n’y a personne qui prie et se sacrifie pour eux » (15 août 1917).
Ne nous laissons pas abattre par la situation très préoccupante du monde et de l’Eglise. Certes, si les agissements des hommes au début du siècle ont valu les châtiments de deux guerres mondiales, nous ne pouvons douter que nous nous trouvons en face d’événements encore plus terribles, à proportion des offenses faites contre Dieu, contre Notre-Seigneur Jésus-Christ. Mais qui sait si le Cœur miséricordieux de Jésus, si le Cœur douloureux et immaculé de Marie ne se laisseront toucher par une véritable croisade de Messes, de rosaires, de pénitences, comme à d’autres heures parmi les plus sombres de l’histoire de l’Eglise (l) ?
Il nous faut avec beaucoup de générosité vivre d’une manière conforme à notre foi, à tout prix : dans la prière et la pénitence, avant tout dans un grand esprit de foi et dans l’accomplissement fidèle du devoir d’état (2). Allons à l’essentiel, à Jésus par Marie, au Cœur sacré de notre Roi et Seigneur Jésus-Christ
par la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. La victoire est ici assurée pour qui aura été trouvé fidèle, fidèle en tout, fidèle jusqu’au bout.
Voici la victoire qui vainc le monde, notre foi. (Jn 5, 4)
A la fin mon Cœur Immaculé triomphera.
Menzingen, le 13 octobre 1994
Jour anniversaire de la dernière apparition à Fatima
+ Bernard Fellay
Supérieur général
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