Comment élever nos enfants ?

Frère Pascal – Mai 2007

C “est la ques­tion que de nom­breux parents se posent devant les dif­fi­cul­tés aux­quelles ils sont confrontés.

Nos enfants – c’est un constat – sont mar­qués par un contact pré­coce avec les réa­li­tés les moins belles de notre époque. Elles mordent leurs âmes avec des consé­quences désas­treuses : leur confiance est ébran­lée, un esprit d’in­dé­pen­dance se mani­feste, des valeurs comme la loyau­té, l’au­to­ri­té, perdent du terrain.

Comment reprendre l’i­ni­tia­tive, com­ment res­tau­rer ou même ins­tau­rer une bonne influence en sachant que l’é­du­ca­tion est un art sub­til : mélange d’un peu de science, d’ex­pé­rience, de bon sens et d’amour.

Deux élé­ments de réponse s’offrent à nous : savoir créer un cli­mat de confiance et gar­der son calme.

Créer un climat de confiance

Tout d’a­bord une cer­ti­tude : ce cli­mat de confiance faci­lite l’é­pa­nouis­se­ment, le pro­grès, fruits de la convic­tion d’être aimé et com­pris. C’est le contraire – on le devine faci­le­ment – de la méfiance qui res­serre et inhibe. Il est néces­saire donc qu’il y ait entre l’en­fant et ses parents, mais aus­si entre l’en­fant et ses maîtres, ses chefs scouts ou autres édu­ca­teurs, un contact affec­tif dans la clar­té. Songeons à la réplique de saint Jean Bosco à Barthélemy :

« Ne crains rien, nous serons amis. »

Cette atmo­sphère qui condi­tionne le com­por­te­ment de l’en­fant, passe par quelques « règles » faciles à mettre en œuvre : Tout d’a­bord res­pec­ter ses confi­dences, les gar­der pour soi, car les divul­guer à tort et à tra­vers peut créer un sen­ti­ment de tra­hi­son, contraire jus­te­ment à la confiance.

Ensuite, il faut tenir ses pro­messes de récom­penses, mais aus­si celles de châ­ti­ments. Il com­pren­dra ain­si par les faits que vous atta­chez de l’im­por­tance aux pro­pos que vous lui tenez.

Enfin, il est néces­saire de ne jamais le trom­per. Vous savez, ces petits arti­fices que l’on uti­lise pour atté­nuer les véri­tés désa­gréables, « pieux men­songes » ! Rappelezvous, le den­tiste qui ne fait pas mal. Croyant bien faire, allant au plus pres­sé, nous lui ins­til­lons des dis­po­si­tions anxieuses et sans le vou­loir, nous l’hu­mi­lions car nous le sus­pec­tons d’être inca­pable de por­ter la véri­té. Bien sûr la pru­dence nous fera uti­li­ser des mots, des atti­tudes adap­tés à son âge.

L’appel à la fier­té, au cou­rage, est sou­vent enten­du par l’en­fant. Mais je ne veux pas clore cette énu­mé­ra­tion des moyens sans vous par­ler d’un der­nier : tou­jours prendre l’en­fant au sérieux. Il est néces­saire d’a­voir à l’es­prit qu’il ne com­prend ni l’i­ro­nie, ni le dédain, ni le mépris. Cela le blesse pro­fon­dé­ment d’au­tant plus que, le plus sou­vent, ces bles­sures sont silen­cieuses. Seuls ses yeux grands ouverts, mais vides, pour­raient nous alerter !

Garder son calme

Cependant, si la confiance est capi­tale dans notre « jeu » avec l’en­fant, il est néces­saire de mettre aus­si en action une autre qua­li­té de l’é­du­ca­teur : la maî­trise de soi.

Ce calme est d’au­tant plus néces­saire que le rythme de l’en­fant est vrai­ment dif­fé­rent de celui de l’a­dulte. Perdu dans ses pen­sées, il ne per­çoit pas du pre­mier coup vos attentes. Bousculé, ému, il perd son contrôle, s’af­fole, devient mal­adroit. Il est donc néces­saire de lui lais­ser un temps plus long pour mener à bien les tâches deman­dées. La coor­di­na­tion de ses mou­ve­ments n’est pas encore ache­vée et les « vite, vite ! » com­pliquent l’ac­tion plus qu’elles ne l’entraînent.

Certes, le calme n’est pas tou­jours facile à gar­der. Les sou­cis per­son­nels, la vie tré­pi­dante, la fatigue usent vite les nerfs. Cependant, il faut à tout prix res­ter maître de soi, fac­teur d’é­qui­libre et de confiance avec l’en­fant. Là aus­si, quelques « trucs » peuvent nous aider.

Tout d’a­bord, du bon sens avec l’i­dée simple que des enfants enfer­més toute une jour­née dans un appar­te­ment sont des lions en cage. L’air libre leur convient mieux.

Ensuite, ne répon­dez pas à la vio­lence par la vio­lence. Quel cré­dit auriez- vous ? Le calme en impose. Cultivons l’é­ga­li­té d’hu­meur. C’est ras­su­rant et apai­sant. Bannissons les gestes brusques qui secouent l’en­fant. Avouons-​le, ces atti­tudes nous sou­lagent mais n’ar­rangent rien. Au contraire, repre­nons dou­ce­ment, inlassablement.

Enfin, pre­nons le temps de nous obser­ver. Une consta­ta­tion s’im­pose. Nous éle­vons beau­coup la voix ! Notre ton est le plus sou­vent auto­ri­taire, aga­cé, fâché. « Du calme », pour reprendre le titre d’un ouvrage.

Remarquons le bien : nous domi­nons l’en­fant d’un bon mètre. Il doit donc lever les yeux vers nous, ce qui lui pro­cure une sen­sa­tion d’é­cra­se­ment, d’im­puis­sance. Penchons-​nous vers lui, mettons-​nous à la hau­teur de son visage et là, sur­prise, nos pro­pos d’a­dou­cissent !… Une com­mu­ni­ca­tion apai­sée s’établit.

Ainsi donc pour favo­ri­ser chez l’en­fant un com­plet épa­nouis­se­ment psy­cho­lo­gique, phy­sique, spi­ri­tuel, il convient que l’a­dulte use de bons moyens. Le cli­mat de confiance et la maî­trise de soi en font par­tie. Ils per­mettent de gui­der l’en­fant de façon assu­rée dans un monde agité.

Si nous avons des exi­gences vis-​à-​vis des enfants, nous nous aper­ce­vons que ces moyens demandent à l’é­du­ca­teur de s’ou­blier, de se renon­cer, bref, de s’é­le­ver, ce qui ne man­que­ra pas d’ai­der celui que nous vou­lons faire grandir.

Donc, pas de décou­ra­ge­ment, mais bien une grande espérance !

Frère Pascal

Extrait de Belle Humeur n° 2 de mai 2007