Cette messe leur fait peur

A l’heure où j’é­cris, le fameux Motu pro­prio est sem­blable à l’Arlésienne d’Alphonse Daudet : on en parle constam­ment, mais on ne le voit jamais paraître.

Toutefois, la simple annonce de ce docu­ment (« La publi­ca­tion du Motu pro­prio aura lieu », vient de redire le car­di­nal Bertone) a mis en émoi les évêques de France.

Henri Tincq écrit dans Le Monde, mêlant le vrai et le faux :

« C’est une mesure que redoutent en majo­ri­té les catho­liques fran­çais, épis­co­pat en tête. »

Tincq fabule à pro­pos des catho­liques : les son­dages donnent une majo­ri­té aux par­ti­sans de l’au­to­ri­sa­tion de la messe tra­di­tion­nelle. Mais il dit vrai concer­nant les évêques : la pers­pec­tive du Motu pro­prio crée chez eux la panique.

De nou­velles décla­ra­tions s’a­joutent au flo­ri­lège ras­sem­blé par l’ab­bé Beaumont dans notre pré­cé­dent numé­ro. C’est le car­di­nal Barbarin dans La Croix :

« Le but du pape n’est pas de semer la pagaille dans nos paroisses et dans nos dio­cèses – même si c’est un vrai risque, que nous sommes allés expli­quer à Rome. Benoît XVI a été très impres­sion­né par ce que lui a dit le car­di­nal Ricard. »

C’est Mgr Vingt-​Trois répon­dant au Figaro :

« Faites comme moi, atten­dez ! Dans l’Église, le futur est par­fois long. (..) De toute façon, le dio­cèse de Paris n’a pas besoin du Motu proprio. »

Pourquoi donc en ont-​ils si peur ? Officiellement, parce qu’ils estiment que cette auto­ri­sa­tion consti­tue­rait une atteinte (grave) au concile Vatican II. Pourtant, au sens pré­cis, his­to­rique du mot, la messe tra­di­tion­nelle est « la messe de Vatican II ».

C’est elle que tous les évêques (latins) célé­braient chaque jour pen­dant le Concile. Pourquoi et com­ment, aux yeux des évêques fran­çais, la réin­tro­duc­tion limi­tée de cette messe pourrait-​elle mettre en péril les fameux « acquis du Concile » ? En fait, les évêques, sans tou­jours pou­voir l’ex­pri­mer, sentent confu­sé­ment que la situa­tion a radi­ca­le­ment chan­gé depuis la fin des années 60.

Et c’est pour cela qu’ils montent vio­lem­ment au cré­neau, dans une ten­ta­tive déses­pé­rée pour limi­ter cette liber­té grandissante.

Jean Madiran, dans sa décla­ra­tion sur la messe de jan­vier 1970, fai­sait cette réflexion :

« La légis­la­tion des années 1965–1969 a été pré­pa­rée par une secrète démi­né­ra­li­sa­tion, par une imper­cep­tible perte de sub­stance, par une perte d’âme. (.) On avait per­du la signi­fi­ca­tion et la réa­li­té spi­ri­tuelles des rites catho­liques. Il était inévi­table et en somme nor­mal que ceux qui ne les vivaient plus dans leur âme acceptent d’un cour léger d’en être privés. »

Si la messe tra­di­tion­nelle a été aban­don­née si promp­te­ment après 1969, c’est avant tout parce qu’une majo­ri­té de prêtres n’ai­maient plus assez leur messe. Mgr Lefebvre l’a­vait pro­fon­dé­ment sen­ti, notam­ment lors du fameux « rêve de Dakar » : la revi­vi­fi­ca­tion de l’Église doit se faire par la réno­va­tion du sacer­doce, et celui-​ci consiste d’a­bord à « orien­ter et réa­li­ser la vie du prêtre vers ce qui est essen­tiel­le­ment sa rai­son d’être : le saint sacri­fice de la messe ».

Loin des illu­sions du « cin­quan­tisme », lequel n’a pas été en mesure de faire bar­rage à la révo­lu­tion conci­liaire, la libé­ra­li­sa­tion de la messe, autant qu’elle se réa­li­se­ra, consti­tue un puis­sant motif d’es­pé­rance. Les prêtres qui la repren­dront ne le feront que pour venir à bout de cette immense crise d’i­den­ti­té sacer­do­tale dont ils sont les victimes.

En ce sens, les évêques fran­çais n’ont pas tort d’a­voir peur : ils ne peuvent plus se récla­mer de la voix popu­laire pour jus­ti­fier leur refus. Quant au cler­gé, il a désor­mais pris conscience que ses chefs s’op­posent au désir du pape.

Restera l’é­tape sui­vante, déci­sive, qui consis­te­ra à ce que tous, après avoir redé­cou­vert la messe, prennent conscience que lui cor­res­pond une théo­lo­gie éga­le­ment à retrouver.

Abbé Régis de Cacqueray †, Supérieur du District de France

Source : Fideliter n° 177

Capucin de Morgon

Le Père Joseph fut ancien­ne­ment l’ab­bé Régis de Cacqueray-​Valménier, FSSPX. Il a été ordon­né dans la FSSPX en 1992 et a exer­cé la charge de Supérieur du District de France durant deux fois six années de 2002 à 2014. Il quitte son poste avec l’ac­cord de ses supé­rieurs le 15 août 2014 pour prendre le che­min du cloître au Couvent Saint François de Morgon.

Fideliter

Revue bimestrielle du District de France de la Fraternité Saint-Pie X.