Editorial Apostol n° 33 – Printemps 2007

Abbé Marc Vernoy

Le prêtre est alter Christus. Nous allons contem­pler ce mys­tère sur les routes de Notre-​Dame de Chartres au Sacré-Cœur.

Il est l’instrument humain, vivant et libre qui voue tout son corps, toute son âme, tout son cœur et tout son esprit au ser­vice de Dieu, dans la com­mu­nion avec l’évêque. Le prêtre n’est plus un homme comme les autres depuis l’onction sacerdotale.

Ce jour-​là, Notre-​Seigneur Jésus-​Christ est deve­nu son unique rai­son d’être. Tout ce qu’il est, tout ce qu’il dit, tout ce qu’il fait, tout ce qu’il a doit être de Dieu. Toute sa vie doit se confor­mer à la per­fec­tion des dons reçus. Il est l’instrument de la sanc­ti­fi­ca­tion des bap­ti­sés à tra­vers la confec­tion et la dis­pen­sa­tion des sacre­ments, sanc­ti­fi­care, pro­lon­ge­ment véri­table de la vie et de l’action du Christ au plus pro­fond de nos êtres.

Il est la bouche pro­phé­tique du Dieu incar­né pour conti­nuer à Le don­ner aux intel­li­gences pour main­te­nir et répandre la foi et la pra­tique de la vie sur­na­tu­relle dans cette val­lée de larmes, docere.

Il est le bras de Dieu dans le gou­ver­ne­ment des âmes, lorsqu’il conseille, qu’il met en garde, qu’il reprend, qu’il dirige, qu’il ordonne, guber­nare.

La potes­tas sanc­ti­fi­can­di agit en ver­tu de l’autorité de bien­fai­sance divine.

La potes­tas docen­di répand l’enseignement du Verbe de Dieu.

Enfin, la potes­tas guber­nan­di entend res­tau­rer l’autorité de l’ordre ori­gi­nel, par l’ins­tau­rare omnia in Christo, tout réca­pi­tu­ler en Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Cette der­nière est la consom­ma­tion de l’esprit de Charité qui unit tout dans le Christ, qui unit toutes les volon­tés à la volon­té de Dieu, pour le Ciel.

Si les cœurs ordonnent leurs amours selon l’amour du Christ, ils font la volon­té de Dieu et s’aiment les uns les autres en Dieu.

« Or voi­ci son com­man­de­ment : croire au nom de son Fils Jésus Christ et nous aimer les uns les autres comme il nous en a don­né le com­man­de­ment. Et celui qui garde ses com­man­de­ments demeure en Dieu et Dieu en lui ; à ceci nous savons qu’il demeure en nous : à l’Esprit qu’il nous a don­né. » (1Jean 3, 23–24)

Les potes­tates docen­di et sanc­ti­fi­can­di s’accomplissent vrai­ment dans la potes­tas guber­nan­di.
C’est à cette der­nière qu’Adam s’est atta­qué, c’est cette der­nière que les hommes ont le plus de mal à res­pec­ter et à suivre.

Et l’homo, qui devrait être sapiens, conti­nue à se révol­ter contre l’ordre vou­lu par le Créateur en ce monde, pour l’autre monde.

La crise de l’Église et de la socié­té a, me semble-​t-​il, la même ori­gine : l’esprit d’indépendance. Cet esprit de révolte entend rompre le lien essen­tiel et vital de toute auto­ri­té avec l’autorité de Dieu.

« Il n’y a point d’au­to­ri­té qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont consti­tuées par Dieu. » (Romains 13, 1)

La Révolution mani­feste ouver­te­ment cette rup­ture. Et dans l’Eglise, le Concile Vatican II avec son slo­gan révo­lu­tion­naire « liber­té reli­gieuse, œcu­mé­nisme, col­lé­gia­li­té » rompt le lien avec l’autorité du Verbe de Dieu. L’idéologie « laï­ciste et démo­cra­tiste » est à la racine de cette scis­sion sans pré­cé­dent. Reconnaissons aus­si que dans cette crise, au milieu des batailles, l’esprit de 68 a souf­flé et souffle encore, jusque dans nos rangs, jusque dans nos œuvres de Tradition. On entend nous faire croire que, contrai­re­ment à ce que l’Écriture et la nature nous enseignent, l’autorité ne vient plus d’en haut, mais d’en bas.

Cette pro­fa­na­tion de l’autorité dans nos socié­tés « avan­cées » souille mal­heu­reu­se­ment l’esprit les chefs et leurs sujets. Elle cor­rompt la saine et néces­saire confiance réci­proque. Que l’on ne s’étonne pas ensuite des excès tota­li­taires ou anar­chiques dans la pra­tique de l’autorité, de l’insoumission et du rela­ti­visme des peuples. Et le désordre gâte la famille, la patrie, l’Église, toutes les socié­tés vou­lues par Dieu.

Lorsque la trans­cen­dance de l’autorité est reje­tée sinon en prin­cipe, du moins en pra­tique, la per­sonne prend le pas sur la fonc­tion. Et le mépris infecte les regards et du chef, et du sujet, quant à la fonc­tion sacrée de l’autorité. Le chef, comme le sujet, deviennent alors inca­pables de se sacri­fier pour le bien com­mun. La ligne géné­reuse de l’horizon, entre Ciel et terre s’affaisse vers le gouffre téné­breux de l’égoïste nombril.

Ravivons notre confiance en l’autorité ! L’esprit de foi nous porte à recon­naître dans nos prêtres, par delà leurs défauts per­son­nels, les grâces d’état de leur fonc­tion sacrée pour le gou­ver­ne­ment des âmes. Que cha­cun, à sa place, adopte cette vue sur­na­tu­relle qui per­met d’oublier l’instrument humain pour voir Dieu dans la fonction.

Ainsi l’autorité et la confiance réci­proque, dans la pru­dence et la trans­pa­rence du prêtre et dans la géné­ro­si­té et le bon esprit du fidèle, conti­nue­ront à être les meilleurs outils de la Charité ici-bas.

Abbé Marc Vernoy

Extrait d’Apostol n° 33 du prin­temps 2007