Pourquoi pas moi ?
Cinq signes permettent au candidat à la perfection de savoir qu’il peut suivre cette vocation en sécurité de conscience.
- Comprendre que dans telle vocation, je servirai mieux le Seigneur, je m’y sanctifierai mieux, je travaillerai mieux à mon salut et au salut des âmes, je glorifierai mieux Dieu ici-bas et là-haut.
Parlant de ceux qui restent vierges pour le royaume des Cieux, Notre-Seigneur nous dit qu’on ne peut le comprendre sans une grâce spéciale : « Tous ne comprennent pas cette parole mais seuls ceux auxquels il a été donné. » (Mat XIX)
Il ne s’agit pas de savoir qu’en théorie, la vocation religieuse est plus élevée que la voie commune, mais si moi, avec mes qualités concrètes, je servirai mieux le Seigneur, ainsi.
Si donc je le comprends, j’ai déjà une première indication divine.
- Avoir les dispositions requises.
Dans la XVème annotation, saint Ignace nous dit qu’en dehors des Exercices, il est « licite et méritoire » de « pousser » non pas tout le monde mais « toutes les personnes ayant les dispositions requises » à choisir virginité, vie religieuse et toute forme de perfection évangélique.
Il y a là un élément indicateur très précieux. Quelqu’un n’a pas les dispositions requises, normalement (sauf miracle) on peut conclure que Dieu ne l’appelle pas. Attention ! Dieu l’appelle peut-être à une autre vocation. Mais normalement pas à celle pour laquelle il n’a pas les dispositions requises.
Exemples de dispositions requises : minimum d’intelligence (s’il y a des études à faire), minimum de santé (s’il faut partir en mission), et pour toute vocation : avoir du bon sens.
- Il ne faut pas qu’il y ait de contre-indications.
En médecine on appelle contre-indication quelque chose qu’il n’est pas indiqué de faire au risque de nuire à la santé.
De même, il y a des contre-indications à une vocation : les unes, de droit naturel, d’autres imposées par le Droit Canon. Ex : un jeune homme, soutien de famille pauvre, un homme qui a des dettes, des procès sur le dos, ne peuvent entrer au noviciat sans avoir réglé ces questions.
Il y a donc ici un éliminatoire important qui peut donner des lumières sur l’existence ou l’absence d’une vocation.
- Il faut si l’on se donne à Dieu, accepter les renoncements que la pratique des conseils exige.
« Il vaut mieux ne pas faire de vœu, que de faire un vœu et ne pas le tenir. » (Eccl V, 4)
Quelqu’un qui ne voudrait pas, par exemple, observer la chasteté, la pauvreté ou l’obéissance ne doit pas s’engager dans la vie religieuse.
Un homme qui pécherait contre la chasteté ne devrait pas avancer sans avoir corrigé une mauvaise habitude. « Une longue chasteté est une seconde virginité. » (Saint Bernard)
- Il faut trouver un évêque ou une congrégation qui vous accepte.
C’est là le signe officiel de l’appel de Dieu.
Ne pas trouver d’évêque ou de congrégation qui vous accepte est le signe que Dieu ne vous appelle pas.
Mais attention, ne pas juger trop vite ni trop sommairement. Quelqu’un peut ne pas convenir à telle congrégation et réussir très bien dans telle ou telle autre.
De même, tel qui jugera à vue d’œil qu’un enfant n’a pas la vocation, peut se tromper.
Il est permis d’insister et de voir ailleurs, surtout si l’on constate chez un sujet, les cinq signes précités.
Exemple : On raconte qu’un petit séminariste fut renvoyé d’un petit séminaire pour je ne sais quelle étourderie. Le curé, connaissant l’enfant l’envoya dans une école apostolique, où le jeune homme fit de grands progrès, passa au grand séminaire et prit ses grades en théologie.
Prêtre, il devint bientôt prélat chargé de hautes fonctions et un beau jour cardinal.
Selon la coutume, le diocèse d’origine honoré d’avoir un de ses enfants revêtu de la pourpre cardinalice, lui fit une grande fête à la cathédrale.
Un banquet suivit qui eut lieu au Petit Séminaire. A la fin du repas, le nouveau Cardinal demanda au supérieur : « Ne pourriez-vous pas m’apporter le cahier des entrées ?» et il lut à l’année à laquelle personne ne songeait plus : « Pizzardo, renvoyé par manque de vocation ». Le cardinal sortit alors son stylo et ajouta avec humour « E oggi, cardinale della Santa Chiesa » (et aujourd’hui, cardinal de la Sainte Église)
Il s’agit de son Éminence le Cardinal Pizzardo, à l’époque à la tête de tous les séminaires et universités catholiques du monde.
Le Droit Canon réduit à 4 ces signes de vocation :
- L’intention droite
- L’appel de l’évêque
- Les qualités requises
- L’absence d’irrégularité ou d’empêchement
Quelqu’un qui remplit ces 4 conditions peut se donner sans crainte de se tromper, même s’il n’en a pas envie. Évidemment, il en serait autrement s’il s’agissait d’une répugnance invincible ou d’une acceptation forcée par la pression d’un père ou d’un parrain ou marraine. Dans ce cas l’intéressé ne remplirait pas les conditions voulues.
« Quiconque ayant l’idonéité et l’intention droite aspire au sacerdoce, peut se présenter à l’évêque. » (Noldin)
Voici un jeune homme quelconque vif et intelligent. Il se marierait volontiers, plusieurs jeunes filles lui tournant autour. Il n’aurait qu’à faire un signe. Mais frappé par le manque d’ouvriers évangéliques et le grand nombre d’âmes qui périssent faute d’apôtres, il entrevoit toutes les suites qu’aurait pour le salut du monde son renoncement aux joies permises du mariage, s’il consacrait toute sa vie au Bon Dieu.
Il voit les suites de ce don chez un saint François Xavier, un saint Jean Bosco, un saint Vincent de Paul, un saint Jean-Marie Vianney.
Il se dit « et pourquoi pas moi ? »
Les 5 signes ou conditions indiquées plus haut, il les possède.
Il comprend l’efficacité qu’aurait son sacrifice pour le service de Dieu et de la Sainte Église, le nombre de familles transformées et combien il se sanctifierait mieux.
Il a les dispositions requises s’il se donne à Dieu, il est bien décidé, avec sa grâce à en tenir les obligations.
Il n’a pas de contre-indication.
Il trouvera facilement un évêque ou une congrégation qui l’acceptera.
Ce jeune homme peut dire : Dieu m’appelle, je lui donne ma vie, je me voue à son service. Il peut considérer comme dites à lui ces paroles du divin Maître : « Si tu veux, va, vend tous tes biens, donne les aux pauvres, et tu auras un trésor dans le Ciel, et viens et suis-moi ! »
« Aucun motif, dit saint Ignace, ne doit me déterminer à choisir ou à rejeter ces moyens-là, si ce n’est le service et louange de Dieu Notre-Seigneur et le salut éternel de mon âme. »
Saint Thomas nous dit qu’il faut plus de raisons pour ne pas se faire religieux que pour se faire religieux. Et il répète plusieurs fois (II IIe Q189 a. 10) « Surtout, ne va pas chercher conseil auprès de ceux qui t’empêcheront » et il cite ces mots de saint Jérôme : « Hâte-toi, je t’en prie, et si tu hésites, coupe les amarres plutôt que de perdre ton temps à les dénouer. »
Une fois la question de la vocation résolue devant Dieu, il faut cesser d’aller consulter à droite et à gauche, et d’hésiter. C’est un moyen classique dont se sert le démon pour embrouiller et décourager un grand nombre.
Que le jeune homme ne fasse pas attendre Dieu.
Que pour ce qui est de lui, dès que la question est claire, il se donne tout de suite généreusement au Christ, et passe à la réalisation, dès qu’il le pourra. On ne fait pas attendre le Seigneur.
Saint Ignace nous dit :
« A un jeune homme qui te ressemblerait, que lui conseillerais-tu pour la grande gloire de Dieu et pour la grande perfection de son âme ? Que voudras-tu avoir choisi, aujourd’hui, à ton lit de mort ?
Tes divers arguments, d’un côté ou de l’autre, que valent-ils au tribunal de Dieu ?
Et n’hésite plus, agis en conséquence. Si tu veux, comprends la grâce, comprends l’honneur qui t’est fait. »
R. P. Ludovic Marie Barrielle
Source : Acampado n°211 – février 2025