Saint Marin

Moine et mar­tyr en Franche-​Comté († vers 731). Fête le 24 novembre.

Si le culte de saint Marin est demeu­ré célèbre et vivant, prin­ci­pa­le­ment en Poitou, et si celles de ses reliques qui ont échap­pé à la rage des impies conti­nuent à être entou­rées d’une véné­ra­tion tra­di­tion­nelle, sa vie, connue par des récits pos­té­rieu­re­ment rema­niés, a don­né libre car­rière aux dis­cus­sions des his­to­riens. Leurs études ont enfin éclair­ci les points contes­tables et situé les faits, car on dis­cu­tait même sur le lieu exact du mar­tyre de ce Saint.

Piété précoce. — Abandon de la patrie

Issu de parents illustres, Marin, né vers la fin du VIIe siècle, était ori­gi­naire des envi­rons de Rome. Il avait onze ans lorsqu’il fut confié à l’éducation d’un évêque nom­mé Ellidius. Son maître le prit en affec­tion, admi­ra ses pré­cieuses qua­li­tés, et, par une déro­ga­tion aux règles cano­niques dont on trouve alors d’autres exemples, il l’ordonna prêtre, alors que Marin n’avait guère plus de vingt ans.

Peu après, le pré­lat mou­rut ; les Actes ne nous indiquent point le dio­cèse qu’il gou­ver­nait et qui était peut-​être celui où Marin avait vu le jour. A la même époque, un évêque de ce nom gou­ver­na le dio­cèse de Poitiers et fut inhu­mé à Vienne ; on sait qu’au contraire le maître de Marin fut inhu­mé à Rome. En tout cas, mal­gré sa jeu­nesse, Marin jouis­sait d’une telle répu­ta­tion qu’on agi­ta la ques­tion de son élec­tion au siège du défunt. Au pre­mier bruit de cette nou­velle, le jeune homme s’effraye ; il prend le bâton de pèle­rin et se sous­trait par la fuite à l’honneur qui le menace. Il ne se croit en sûre­té qu’après avoir fran­chi les Alpes.

Ici, on est en droit de pen­ser que l’illustre fugi­tif fit d’abord une sta­tion sur le revers des Alpes, dans le dio­cèse de Maurienne, où une fon­taine s’appelle encore Saint-​Marin. Ce fait a ser­vi de base à l’opi­nion d’après laquelle il aurait vécu et serait mort en Maurienne et non à Moirans, dans le dio­cèse de Saint-​Claude, qui s’appelait aus­si Maurianna

A l’abbaye de Condat

Soit que cet arrêt en Maurienne ne fût qu’une halte, soit que l’appel divin ait remis le fugi­tif en marche, il est bien­tôt dans les soli­tudes du Jura, aux portes de la célèbre abbaye de Condat — ber­ceau de la ville actuelle de Saint-​Claude, — fon­dée, deux cent cin­quante ans plus tôt, par les saints frères Romain et Lupicin. Elle était alors dans tout l’éclat de sa splen­deur. Saint Hippolyte, un de ses Abbés, allait bien­tôt briller sur le siège de Belley, et le temps n’était pas loin où saint Carloman, frère du roi Pépin le Bref, vien­drait faire l’apprentissage de la vie monas­tique, avant d’aller briller au Mont-​Cassin. Au moment de l’arrivée de Marin, l’Abbé de Condat se nom­mait Erilius ; c’était aux envi­rons de l’an 720.

Le jeune prêtre fut accueilli avec hon­neur ; sa science et sa ver­tu ne tar­dèrent pas à écla­ter aux yeux de ces reli­gieux si fer­vents dans l’observance de la règle de saint Benoît, et l’Abbé, vou­lant uti­li­ser un si pré­cieux auxi­liaire, confia à Marin la direc­tion de l’école de Condat.

Directeur des écoles

Ce n’était point une école ordi­naire que celle du monas­tère du Jura. Dès le vivant des saints fon­da­teurs, elle avait acquis une réelle célé­bri­té ; un peu plus tard, sa répu­ta­tion était telle que saint Avit, le fameux évêque de Vienne, sou­met­tait à son juge­ment les ques­tions lit­té­raires débat­tues de son temps. Et cette célé­bri­té se main tint d’âge en âge et sur­vé­cut aux ravages des Sarrasins, puisque, au temps de Charles le Chauve les moines de Condat tenaient avec le bien­heu­reux Mannon, leur éco­lâtre et leur pré­vôt, le pre­mier rang par­mi les minia­tu­ristes et les écrivains.

Dans la solitude

Marin, au rap­port de ses Actes, ne demeu­ra qu’un an à la tête de l’école. Le nombre des éco­liers aug­men­tant, le maître crai­gnit de nou­veau les écueils de la gloire humaine ; mais cette fois, ce n’est point par la fuite qu’il échap­pe­ra à ce dan­ger. L’institution pri­mi­tive, aus­si bien du Mont-​Jura que de saint Benoît, était l’ermitage ; la vie monas­tique pro­pre­ment dite n’avait été orga­ni­sée que plus tard, par suite de l’affluence des dis­ciples. Aussi les pra­tiques de la vie soli­taire étaient-​elles demeu­rées en grand hon­neur chez ces fer­vents religieux.

Marin trou­va dans cette véné­rable cou­tume la solu­tion de sa nou­velle crise. Béni par son Abbé, il quit­ta l’abbaye et se reti­ra à quelques lieues, dans un pays appe­lé la Grande-​Montagne, sur les bords du ruis­seau de Suria, et tout près de la ville de Maurianna (Moirans).

Il est néces­saire ici d’établir par des faits la cer­ti­tude de l’identification de ce lieu telle qu’on l’admet aujourd’hui. Le voi­si­nage d’une illustre abbaye, le nom de la « Grande-​Montagne », le ruis­seau de Suria et la ville de Maurianna, toutes ces don­nées ne se trouvent point réunies à la fois auprès de Saint-​Jean-​de-​Maurienne ; il faut, pour les trou­ver et pour avoir un Maurianna qui cor­res­ponde à celui des Actes de Marin, prendre Moirans, dans le dio­cèse de Saint-​Claude. Le récit de la mort du Saint et l’examen du Martyrologe viennent en outre à l’appui de cette thèse. Le doute ne sub­siste plus après l’étude défi­ni­tive et com­plète qu’a don­née vers la fin du XIXe siècle le savant Chanoine régu­lier Dom Paul Benoît.

Dans une caverne ouverte au flanc de la mon­tagne, Marin renou­ve­la les mer­veilles des Pères du désert. Pour lui comme pour eux Dieu renou­ve­la ses mer­veilles, et les Actes, tar­difs et rema­niés il est vrai, rap­portent des faits aus­si sur­pre­nants que ceux que nous lisons dans les vies des saints ermites Paul ou Antoine. Ainsi, les Actes rap­portent qu’un jour où Marin avait épui­sé ses fru­gales pro­vi­sions, deux ours appa­rurent sou­dain devant sa caverne. Ils por­taient cha­cun une ruche pleine de miel et ils dépo­sèrent leur far­deau aux pieds de l’ermite, puis s’étendirent devant lui, sem­blant sol­li­ci­ter ses caresses. Marin les bénit en leur ordon­nant de lui appor­ter chaque jour ce que Dieu leur don­ne­rait pour lui. Et ce ne furent plus sans doute des ruches que ces bêtes lui offrirent en cadeau, car les pro­prié­taires auraient cer­tai­ne­ment fini par pro­tes­ter contre une appro­pria­tion si peu délicate.

Deux ours assistent saint Marin dans la soli­tude où il s’est retiré. 

Marin vécut dans sa grotte durant quatre ans. La date exacte de son séjour est igno­rée, mais comme on sait qu’il fut mis à mort par les Sarrasins, il est assez pro­bable que ce fût au cours de leurs incur­sions avant la bataille de Poitiers, et par consé­quent avant l’an 782.

Invasion des Sarrasins

Les Sarrasins, après avoir sub­mer­gé la civi­li­sa­tion chré­tienne de l’Afrique et conquis l’Espagne, avaient enva­hi les Gaules. Par la Provence, ils s’avançaient dans la val­lée du Rhône et, au fur et à mesure qu’ils pro­gres­saient, ils éta­blis­saient des refuges inex­pug­nables. C’est ain­si que, au Xe siècle encore, ils domi­naient assez dans les Alpes pour faire pri­son­nier saint Mayeul, Abbé de Cluny, à Orcières, sur le Drac, en Dauphiné ; c’est ain­si éga­le­ment qu’ils gar­dèrent un repaire dans les Alpes suisses, jusqu’au temps de saint Bernard de Menthon († 1008).

De la val­lée du Rhône, les enva­his­seurs pas­sèrent comme un flot sur la Bresse et enva­hirent la Bourgogne par deux cou­rants paral­lèles, l’un dans la Basse-​Bourgogne, l’autre dans la Bourgogne d’Empire, la Franche-​Comté actuelle. Certains his­to­riens ont vou­lu sup­pri­mer cette seconde série de ravages, mais la tra­di­tion et les mar­ty­ro­loges en sont des témoins assez irré­cu­sables. On suit les Sarrasins à tra­vers la Franche-​Comté, par leurs traces san­glantes, à Condat, à Moirans, à Silèze et jusqu’à Luxeuil. Ils ne paraissent pas avoir dépas­sé les Vosges.

L’âpreté au pillage, la haine du nom chré­tien, tout dési­gnait les moines aux pre­miers coups des Sarrasins. Des régions méri­dio­nales, prêtres et reli­gieux fuyaient de toutes part vers le Nord, empor­tant leurs pré­cieuses reliques. C’est alors qu’arrivèrent dans la Haute-​Bourgogne les corps de saint Valère, évêque de Saragosse, et de saint Prudent, l’archidiacre mar­tyr de Narbonne, comme aus­si celui de saint Claude, mar­tyr, long­temps véné­ré dans le Midi et se trou­vant aujourd’hui à Maynal, non loin de Lons-le-Saunier.

Aux mains des Sarrasins

L’abbaye du Jura reçut le pre­mier choc des Sarrasins. L’obscurité qui enve­loppe cette époque de l’histoire du monas­tère, si elle ne nous per­met de don­ner aucun détail, nous oblige du moins à admettre que de grandes cala­mi­tés s’abattirent alors sur le célèbre couvent. Les Actes de Marin nous disent que les reli­gieux avaient fui et que les enva­his­seurs vou­lurent livrer les bâti­ments aux flammes. Ils ajoutent, mais sans en don­ner le motif, que cette ten­ta­tive demeu­ra infructueuse.

Le silence que garde le Martyrologe de Condat laisse sup­po­ser que les reli­gieux avaient fui et qu’on ne comp­ta pas de mar­tyrs par­mi eux.

Mais si les moines du Jura avaient pu se déro­ber à la haine des Sarrasins, leur famille reli­gieuse devait cepen­dant s’honorer d’un mar­tyr. Après leur vaine ten­ta­tive sur l’abbaye, les bar­bares conti­nuèrent leur route en des­cen­dant les pla­teaux du Jura. Bientôt ils sont à Maurianna. L’ermite eût peut-​être pu se sous­traire à leurs pour­suites ; la pau­vre­té de sa grotte ne pou­vait être signa­lée à leur cupi­di­té ; la fuite était facile dans un pays si acci­den­té et où les Sarrasins, plus faits à la course rapide de leurs petits che­vaux qu’à l’exploration de la mon­tagne, pou­vaient être dépistés.

Mais Marin voit dans ces enne­mis des âmes à conqué­rir au Christ. Marin quitte donc sa grotte et s’avance sans peur. Il leur prêche le vrai Dieu. Les pre­miers qui voient cet ermite, ceux qui entendent sa parole sont rem­plis de fureur ; ils se sai­sissent du pré­di­ca­teur, le ligotent et le conduisent à leur chef. C’était le 21 novembre d’une année qui n’est pas connue d’une façon pré­cise mais que plu­sieurs auteurs placent vers 781. C’est la date com­mu­né­ment admise.

Le martyre

Impassible sous les mau­vais trai­te­ments, l’apôtre conti­nue à prêcher.

Les Actes donnent au chef des bar­bares le nom d’Acquirinus. Ce nom semble peu vrai­sem­blable pour un Arabe et rap­pelle plu­tôt ceux des pro­con­suls romains ; d’autres détails paraissent se rap­por­ter à cette même époque des grandes per­sé­cu­tions romaines. On en a induit que l’auteur des Actes avait enri­chi son récit, trop sobre, de détails ima­gi­naires, qu’il avait pui­sés dans les Actes d’autres mar­tyrs. Cette opi­nion ne repose que sur des conjec­tures. Dans le fond, la ques­tion est de peu d’importance, car quand bien même on croi­rait devoir, en la sui­vant, reje­ter cer­tains détails acces­soires, tels que le nom du chef des Sarrasins, ce ne serait point une rai­son de mettre en doute l’ensemble du récit. Du reste, on donne ailleurs à ce chef le nom de Requerem, dont le terme Acquirinus n’est peut-​être qu’une forme latinisée.

Cependant, bous­cu­lé, traî­né, insul­té, le pri­son­nier est arri­vé en pré­sence du chef des Sarrasins. Alors se pro­duit un écla­tant miracle : sou­dain, ses liens se brisent, et les sol­dats qui le gardent tombent le visage contre terre. Et Marin, tou­jours impas­sible, conti­nue à prê­cher la doc­trine du Christ. Le pro­dige qui vient de s’accomplir ne conver­tit pas le chef des enva­his­seurs ; il accuse Marin de sor­ti­lège et lui ordonne de renier Jésus-​Christ. Les tour­ments suc­cèdent aux tour­ments. En vain, le Sarrasin, chan­geant de tac­tique, fait suivre les menaces des plus riantes pro­messes ; la vic­time conti­nue à prê­cher sa foi. On ordonne alors son sup­plice : ce sera celui des sor­ciers et des magi­ciens, le feu. Et le mar­tyr, lié au poteau, sur un bûcher impro­vi­sé, conti­nue sa prédication.

Soudain la flamme pétille ; le bois de sapin, la prin­ci­pale essence de ces mon­tagnes, s’embrase avec rapi­di­té ; mais les flammes s’écartent et forment comme une auréole autour du corps du mar­tyr, qu’elles-respectent. Le chef sar­ra­sin, ne vou­lant point retar­der sa marche, car déjà son avant-​garde est près de Poligny où elle vient de mas­sa­crer saint Lamain (23 novembre) et de rui­ner l’abbaye de Silèze, se décide à faire déca­pi­ter son pri­son­nier. Il y avait trois jours que Marin était dans les fers. C’était le 24 novembre.

Le culte et les reliques

Lorsque le flot des bar­bares fut pas­sé et que les moines du Mont- Jura purent ren­trer dans leur abbaye dévas­tée, ils son­gèrent à l’ermite de Moirans. Son corps, inhu­mé sans doute sur le lieu même de son mar­tyre, fut rele­vé et hono­ré comme celui d’un confes­seur de la foi ; moins d’un demi-​siècle après, Charlemagne fai­sait trans­fé­rer ses reliques en l’église du monas­tère béné­dic­tin qu’il venait de fon­der à Saint-​Savin, au bord de la Gartempe, dans le Poitou.

L’histoire est muette sur les cir­cons­tances de cette trans­la­tion ; il est vrai­sem­blable d’admettre que le corps du Saint fut un pré­sent des moines du Jura à Charlemagne, qui avait com­blé leur abbaye de dons et de faveurs, en leur octroyant en par­ti­cu­lier la charte célèbre de 792.

L’ancien bré­viaire de Saint-​Savin dit que le corps de saint Marin fut reçu en Poitou « par la véné­ra­tion des peuples », et que Dieu se plut, en cette occa­sion, à mani­fes­ter la gloire du mar­tyr par le té­moignage des miracles.

Au IXe siècle, une autre race d’envahisseurs, les Normands, mena­çait les Gaules. Cette fois, l’ennemi venait du Nord et de l’Ouest. Mais, encore une fois, ce fut vers la Haute-​Bourgogne que s’enfuirent les reli­gieux, por­tant leurs plus pré­cieuses reliques. Depuis lors, cette terre pri­vi­lé­giée garde des reliques de saint Grégoire le Grand, de saint Maur, des saints Taurin et Aquilin d’Evreux, de saint Régnobert de Bayeux, de saint Quentin, etc., après avoir abri­té celles de saint Martin de Tours, de saint Brice, de saint Benoît, d’autres encore.

Celles de saint Marin, croit-​on, furent d’abord por­tées à Bourges, puis rame­nées à Saint-​Savin à une date incon­nue. Enfin, pour les sous­traire à de nou­veaux dan­gers, on les cacha sous le pavé de l’église, en ayant soin de ne lais­ser aucun indice qui pût les faire décou­vrir. Elles res­tèrent ain­si tota­le­ment oubliées jusqu’en 1020. A cette époque, Odon, prieur du monas­tère, obtint de l’abbé Gongaud, ou Gungalde, la per­mis­sion de répa­rer et d’agrandir l’église ; il reçut dans ce but, de la com­tesse Aymone, ou Adalmode, épouse de Guillaume, duc d’Aquitaine, une somme consi­dé­rable. C’est en enle­vant les fon­da­tions qu’il trou­va les restes de saint Marin, qui furent aus­si­tôt expo­sés à la véné­ra­tion des fidèles. Et quand fut édi­fiée la magni­fique église qui sub­siste encore aujourd’hui, la crypte fut spé­cia­le­ment consa­crée au culte de saint Marin et sa châsse y fut exposée.

Mais vinrent aux XIVe et XVe siècles les guerres des Anglais, puis au XVIe siècle les ravages des pro­tes­tants. Il fal­lut de nou­veau faire dis­pa­raître le pré­cieux dépôt pour le pro­té­ger. Les infor­tunes de l’abbaye, la dis­per­sion des moines dans les mal­heu­reuses années 1662 et 1563, lais­sèrent long­temps la basi­lique pri­vée de son culte. Enfin, Dieu per­mit qu’on retrou­vât, en 1670, le tom­beau de saint Marin der­rière une maçon­ne­rie qui l’avait déro­bé à tous les regards. Le corps repo­sait dans un cer­cueil de pierre sur lequel était gra­vée cette ins­crip­tion en latin : Ici repose Marin, l’illustre mar­tyr. Le tom­beau était entou­ré d’une chaîne de fer. L’année sui­vante, le 16 juin 1671, après les consta­ta­tions d’authenticité, les osse­ments furent solen­nel­le­ment reti­rés du sépulcre, dépo­sés dans une châsse dorée d’un joli tra­vail pla­cée dans l’église supé­rieure sur un autel de l’abside orien­tale appe­lée de temps immé­mo­rial cha­pelle de saint Marin.

A cette occa­sion, on fit subir à l’église de Saint-​Savin des embel­lis­se­ments dis­cu­tables, et l’on en pro­fi­ta pour com­bler la véné­rable crypte où avait repo­sé le corps de saint Marin. Aux mau­vais jours de la Révolution, les reliques, sacri­lé­ge­ment arra­chées à leur châsse, furent jetées sur la place publique et brû­lées. Un osse­ment échap­pa cepen­dant à la rage des enne­mis de la reli­gion et put être recueilli par des mains pieuses ; il est ren­tré depuis dans le tré­sor de l’église de Saint-​Savin. D’autres par­celles, déta­chées anté­rieu­re­ment, se gardent à l’église autre­fois abba­tiale et aujourd’hui parois­siale de Sainte-​Croix de Poitiers.

L’église de Saint-​Savin a été admi­ra­ble­ment res­tau­rée au XIXe siècle. On a fait dis­pa­raître les pré­ten­dus embel­lis­se­ments du XVIIe siècle, et dans la crypte déblayée ce qui reste des reliques de saint Marin a été repla­cé dans l’antique sar­co­phage de pierre d’où on les avait déjà tirées.

Dans les anciennes pein­tures, on voit saint Marin repré­sen­té en Bénédictin, avec les attri­buts du mar­tyre, bénis­sant un enfant que lui pré­sente une mère age­nouillée. C’est une pieuse cou­tume, encore aujourd’hui, dans la popu­la­tion de Saint-​Savin et du voi­si­nage, que les petits enfants fassent leurs pre­miers pas dans la crypte du saint mar­tyr. A Saint-​Marcel, près d’Argenton, au dio­cèse de Bourges, existe une antique cha­pelle dédiée à notre mar­tyr. Chaque année, il s’y fait deux pèle­ri­nages très fré­quen­tés, et la foule y vient nom­breuse sol­li­ci­ter la pro­tec­tion de saint Marin contre toutes sortes de mala­dies et d’infirmités. La paroisse de Cornod, dans le dio­cèse de Saint-​Claude, a éga­le­ment saint Marin comme patron. Sur l’emplacement de la cel­lule de saint Marin s’élève aus­si depuis des siècles une petite cha­pelle, qui n’offre de remar­quable que les nom­breux témoi­gnages de la recon­nais­sance des malades qui y vont recou­rir à l’intercession du saint martyr.

A. P. M.

Sources consul­tées. — Les pro­fes­seurs de Saint-​François-​Xavier de Besançon, Vie des Saints de Franche-​Comté : Saints Abbés et moines du Jura, t. II (Besançon). — Dom Paul Benoît, Histoire de l’abbaye de Saint-​Claude. — P.-A. Pidoux, Vie des Saints de Franche-​Comté, t. II (Lons-​le-​Saunier, 1908). — M. Lebrun, L’abbaye et l’é­glise de Saint-​Savin. — Mgr Paul Guérin, Les Petits Bollandistes, t. XIII (Paris, 1897). — (V. S. B. P., n° 1768.)

Source : La Bonne Presse, A.P.M