Ce qui fait le caractère particulier du dimanche, c’est d’abord et surtout qu’il s’agit du « jour du Seigneur ».
Le dimanche est une question religieuse, surnaturelle et chrétienne, au-delà des conséquences plus humaines.
L’on peut facilement trouver d’excellentes raisons naturelles de respecter le repos dominical. Les évêques et les papes, notamment des deux derniers siècles, alors que le dimanche était violemment ou sournoisement attaqué (pensons au sinistre « décadi » révolutionnaire), ont recouru avec raison à de tels arguments, qui peuvent toucher même des personnes éloignées de la foi. Il est clair que le respect du dimanche permet à chacun de prendre le légitime repos dont il a besoin. Il offre à la famille l’occasion de se retrouver et de partager des moments d’intimité. Il favorise les activités amicales, associatives, culturelles, sportives, etc. Il détourne les hommes et la société tout entière de se consacrer exclusivement aux affaires économiques et à l’appât du gain. Bref, il permet à l’homme de mener une vie plus humaine, où une prééminence est accordée à l’esprit et à l’âme, à la vie familiale et sociale. Ces arguments, et d’autres semblables, sont vrais, justes, opportuns, nécessaires. Cependant, ils ne répondent qu’imparfaitement à la question du dimanche. Car, pour assurer tous ces effets désirables (repos, vie familiale, etc.), une société pourrait fixer « démocratiquement » un jour de repos légal et collectif, mais qui soit autre que le dimanche.
En réalité, ce qui fait le caractère particulier du dimanche, parmi les jours de la semaine, c’est d’abord et surtout qu’il s’agit du dies Domini, du « jour du Seigneur ». C’est donc une raison religieuse, et même surnaturelle, et, pour préciser encore, spécifiquement chrétienne. Le commandement de Dieu le dit expressément : « Tu sanctifieras le jour du Seigneur ». C’est ainsi la loi naturelle ellemême, rappelée solennellement par Moïse sur le mont Sinaï, qui impose à l’homme de consacrer un jour par semaine au culte de Dieu. Cette obligation a été précisée par la Révélation surnaturelle de l’ancien Testament, ce jour du culte de Dieu étant fixé au samedi (sabbat).
Par l’institution de Notre Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, l’Église a déplacé ce jour au dimanche, date de la Résurrection. C’est cela dont il s’agit principalement dans le dimanche : le culte de Dieu. Les autres conséquences heureuses, comme le repos de l’homme, ont été, certes, voulues et prévues par le Dieu infiniment sage, mais elles restent des corollaires, non l’objet principal.
Le dimanche existe afin de permettre à l’homme de rendre à Dieu le culte qui lui est dû et, en retour, à Dieu de répandre sur l’homme convenablement disposé ses grâces et ses bénédictions. Et ceci, non de façon privée, individuelle, mais en corps, publiquement, en Église. C’est cela que les chrétiens, fidèles, prêtres, évêques et papes doivent d’abord prêcher, doivent d’abord rappeler aux hommes, bien plus que des conséquences bonnes, justes, réelles, mais qui ne sont pas l’essentiel du problème. Toutefois, pour que l’homme puisse désirer s’adonner au culte de Dieu, il faut évidemment que ce culte soit digne et saint.
D’où la catastrophe de la prétendue réforme liturgique, en réalité révolution et destruction, qui a saccagé le trésor inestimable d’une liturgie enracinée dans quinze siècles de pratique. Il faut aussi et surtout qu’il vive intensément d’une foi éclairée, car la pratique est une conséquence directe de la doctrine, la loi de la croyance est en même temps la loi de la prière. Il faut donc, à temps et à contretemps, selon le mot profond du père Emmanuel, du Mesnil Saint-Loup, « prêcher le christianisme aux chrétiens », éclairer, réchauffer, vivifier la foi pour que la pratique de la foi, la pratique dominicale, renaisse. Cependant, un dicton nous affirme que les hommes apprennent plus par les yeux que par les oreilles.
En d’autres termes, nous sommes plus touchés par un exemple que par des paroles.
Donnons donc premièrement nous-mêmes l’exemple de la sanctification du dimanche, notamment par l’assistance pieuse à la messe et aux offices.
Abbé Régis de Cacqueray †, Supérieur du District de France
Source : Fideliter n° 189