Le Cardinal Pie quitta la scène de ce monde comme un lutteur presque subitement, le 18 Mai 1880, en pleine nuit, à Angoulême. Du haut de la chaire de la cathédrale, deux jours plus tôt, il laissa tomber ces paroles qui furent, à son insu, son dernier mot d’ordre et que nous vous livrons ci-dessous.
« Ce qui arrive aux peuples quand l’esprit de l’homme exile l’esprit de Dieu, notre pays l’a vu de ses yeux, et puisse-t-il ne plus le voir de nouveau. Ah, que deviendrait le monde si l’Eglise n’y conservait l’Esprit de Dieu ? Mais elle ne conservera cet Esprit qu’à la condition de combattre l’esprit contraire.
Attaquée, elle se défend : c’est son droit et son devoir. Ce qui a été annoncé à son divin Epoux, c’est son histoire à elle même : Dominare in medio inimicorum.
Toujours reine, toujours affaiblie, son rôle ici-bas est militant. Plus d’une fois, elle aura paru vaincre. Dans les derniers temps, son règne extérieur semblera décliner. Il lui avait été dit par les prophètes : Bellabunt adversus te et non praevalebunt.
Mais le prophète du dernier âge a paru tenir un autre langage : Datum est bestiae bellum facere cum sanctis et vincere eos.
Mais cette victoire du dernier moment sera le prélude d’une prochaine défaite et d’une ruine définitive.
Vous tous mes frères, si vous êtes condamnés à voir le triomphe du mal, ne l’acclamez jamais, ne dites jamais au mal : Tu es le bien ; à la décadence : Tu es le progrès ; à la nuit : Tu es la lumière ; à la mort : Tu es la vie.
Sanctifiez-vous dans le temps où Dieu vous a placés ; gémissez des maux et des désordres que Dieu tolère ; opposez‑y l’énergie de vos œuvres et de vos efforts, toute votre vie pure des erreurs,libre des entraînements mauvais,de telle sorte qu’après avoir vécu ici-bas, unis avec l’Esprit du Seigneur, vous soyez admis à ne faire qu’un avec Lui dans les siècles des siècles : Qui adhaeret Deo unus spiritus est.
Amen. »