Sermon de M. l’abbé Bruno France, prieur de Nantes, à la messe de départ du pèlerinage de Chartres le samedi 4 juin 2022.[1]
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Chers pèlerins,
Cette année, votre cri de ralliement est de vous affirmer la jeunesse de Dieu. Ce n’est pas courant. Habituellement, dans nos prières, Dieu est plutôt vu comme un Père et cela nous pousse à nous rappeler que nous sommes ses enfants et à agir en conséquence. C’est une réalité profonde, cependant par ce nouveau thème, nous allons plus loin.
Quand on est la jeunesse de Dieu, cela signifie que l’on dispose d’une énergie indomptable et inépuisable, qu’on a en soi une volonté de conquérir le monde, que l’avenir nous appartient.
Non au jeunisme
Attention, ne pratiquons pas le jeunisme ! Cette idolâtrie de la jeunesse est un mensonge trop facile. Le jeunisme, cette maladie moderne, revient à considérer que la jeunesse du corps est l’essentiel, qu’elle permet d’avoir toujours raison du moment qu’on est opposé à la génération précédente, qu’elle excuse tous les écarts si l’on n’a pas une ride.
La jeunesse de Dieu est la jeunesse de l’âme, celle qui n’est pas transitoire, celle qui ne passe pas comme le monde ne fait que passer alors que le Christ demeure ! C’est la jeunesse éternelle qui traverse toutes les modes, toutes les évolutions, toutes les révolutions en s’affirmant jeunesse, mais jeunesse de Dieu. Jeunesse liée au créateur, jeunesse soumise au sauveur, jeunesse au service du Tout-Puissant. Tel doit être notre idéal aujourd’hui.
Dom Guillerand, un prêtre de campagne devenu chartreux nous indique la voie : « Vous savez ce que c’est la jeunesse d’âme ? C’est l’union à son principe. Et le principe de l’âme, c’est Dieu. » Et voilà comment l’union au Bon Dieu donne une allégresse perpétuelle. Tout est dit, on ne peut pas faire plus court, on ne pas faire plus simple : notre but est l’union à notre principe, à ce principe divin qui nous a tout donné.
Voilà pourquoi un saint homme de 80 ans est bien plus jeune qu’un adolescent, car il est uni à son principe. Et ainsi l’octogénaire porte en lui beaucoup plus de vie, beaucoup plus d’être, beaucoup plus d’âme que le pseudo-jeune décrit par les critères de ce monde.
Un monde vieux
« Nous sommes la jeunesse de Dieu » Cri de défi, face au dépit. Dépit d’une génération névrosée, écrasée, confinée. Cri de défi face au monde, un monde vieux.
Le monde qui nous entoure est un monde vieux, car il correspond au monde du vieil homme, du vieil Adam. Celui qui touché par le péché, n’a pas reçu tous les bienfaits offerts par Jésus-Christ. A nous, par contre, de chercher à mettre en pratique l’homme nouveau décrit par les saintes Ecritures. Et notre monde peut être renouvelé s’il s’unit à son principe, à son Seigneur. A nous de jouer, dès ce matin, sur les routes de France.
Attention, Ce n’est pas un auto-encensement. « Nous voilà, comme pour faire un selfie spirituel de groupe et nous auto-féliciter ». Certes non, il y a du travail, il y a bien des choses à réformer en nous, bien des vices à extirper, bien des vertus à fortifier et c’est pourquoi nous faisons un pèlerinage, c’est pourquoi nous allons enchainer les kilomètres pour nous rapprocher de notre principe.
Et quand on est la jeunesse de Dieu, ce n’est pas seulement Jésus-Christ qui nous soutient, la fête de la Pentecôte nous rappelle que nous sommes arrachés à la bassesse de ce monde par le Saint Esprit et ses dons.
Jeunesse et don
Ah, les dons du Saint-Esprit. Comme ils sont puissants, mais remarquez qu’il n’existe PAS de DON DE JEUNESSE dans les dons du Saint-Esprit. Mais le faisceau des dons du Saint-Esprit converge vers les effets de la jeunesse d’âme.
Voyez le don de Science. C’est celui qui permet de voir dans les créatures qui nous entourent le lien avec le créateur, de voir dans la créature le SIGNE de Dieu sans s’arrêter à l’écran, à l’obstacle que représentent ces créatures. Les plaines recouvertes de blés chanteront ainsi la fécondité divine, le ciel bleu magnifie l’immensité et la liberté du créateur ; et surtout chaque visage de pèlerin doit nous rappeler la grâce de Dieu présente dans le prochain. Le don de science nous permet de redécouvrir Dieu par ses œuvres, sachons approfondir l’expérience des autres dons sur notre itinéraire spirituel.
Pourtant les dons du Saint-Esprit peuvent sembler opposés aux caractéristiques de la jeunesse : crainte de Dieu, Sagesse… Cela sonne vieux car on a l’impression que cela ne parle pas de passion, d’élan, de spontanéité, et pourtant, ils sont les leviers de la conquête spirituelle.
La conquête est souvent le propre de la jeunesse. Alexandre le Grand, a conquis un royaume terrestre à 20 ans, mais ce n’était qu’une babiole terrestre qu’il a perdu presqu’aussitôt. Voyons les autres conquérants, les conquérants chrétiens : Jeanne d’Arc a débuté son épopée à 17 ans et désormais, elle est sur les autels. Remontons au principe : Notre-Seigneur Jésus-Christ, crucifié vers 30 ans, Notre-Dame a dit son FIAT à l’ange Gabriel alors qu’elle n’avait pas 18 ans. Voyons la fin : Au ciel tous les corps glorieux seront jeunes car ils seront à l’image de l’âme.
Avoir l’esprit de conquête
La jeunesse de Dieu que vous êtes, quel que soit votre âge, peut donc et doit donc avoir l’esprit de conquête, de conquête fidèle et joyeuse malgré les difficultés.
Dans le livre de l’Apocalypse, une voix du ciel va dire à Saint Jean : « Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur ». Comme c’est vrai ! Mais est aussi vraie la proposition suivante : « heureux les vivants qui vivent dans le Seigneur, qui vivent par le Seigneur, qui vivent pour le Seigneur ». Et le bonheur de ces vivants est le reflet de leur éternelle jeunesse, le fruit de leur conquête.
En pérégrinant dans les plaines de la Beauce, vous allez pouvoir admirer la création, mais vous pourrez aussi constater la platitude du monde. Par contre, les flèches de la Cathédrale de Chartres nous montrent ce côté vertical qui monte au ciel, ce lien direct avec le très-haut qu’il nous faut développer si nous voulons être la jeunesse de DIEU.
Vivez chaque instant comme un point de rencontre, un point de contact avec le Seigneur, et vous aurez cette jeunesse éternelle. Les minutes passées dans l’horizontalité de votre pèlerinage devront être rattachées à la verticalité de l’instant éternel en Dieu. Ainsi vous aurez tracé une croix qui unira le Ciel et la terre.
Appel aux jeunes
Je lance également un appel. Un appel aux vocations, qui n’est qu’un écho de l’appel de Dieu : car pour vivre de la jeunesse éternelle, qu’y a‑t-il de plus simple lorsqu’on est encore jeune dans son corps, que de se donner à Dieu en suivant son appel. C’est le meilleur moyen d’être uni à son principe. Prions donc pour la concrétisation de ces appels, qu’ils soient nombreux et généreux, de toute manière ils seront joyeux.
« Nous sommes la jeunesse de Dieu », c’était le cri de Charrette, lui qui se moquait de ce monde nouveau qu’on lui proposait et qui lui semblait vieux comme le diable, lui qui s’est dressé tant d’années face aux persécuteurs, lui qui a défié tant de fois les ennemis de son Dieu. Soyez donc animés de sa flamme, de ce feu sacré du soldat du Christ, de cet élan spirituel qui bouscule tous les obstacles car il sait qu’il dépend totalement de la main de Dieu.
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- Un incident technique a fait que le sermon n’a pas été enregistré. Il est ici reconstitué à partir des notes.[↩]