Sermon de l’abbé Didier Bonneterre à Nantes le 9 mai 1993

Nantes le 9 mai 1993

« Mes bien Chers Frères,

Dans trois semaines, ce sera le pèle­ri­nage de la Pentecôte. Je vou­drais consa­crer la pré­di­ca­tion de ce dimanche à vous encou­ra­ger à y par­ti­ci­per, priant sainte Jeanne d’Arc de m’ins­pi­rer les mots qu’elle savait employer pour sou­le­ver ses troupes. Les cœurs géné­reux ne résis­taient pas à l’ap­pel de Jeanne… Les risques encou­rus étaient bien plus impor­tants : il s’a­gis­sait de cam­pagnes mili­taires. Mais la cause défen­due aujourd’­hui est autre­ment impor­tante que de déli­vrer Orléans, ou même de conduire le dau­phin à Reims. Il s’a­git de défendre la foi.

Envisageons donc la cause finale, le but de notre Pèlerinage. Alors ce ne seront pas seule­ment quelques dizaines de pèle­rins qui iront à Montmartre, mais la plu­part d’entre nous, tous ceux qui n’en sont pas empê­chés. Jeanne et ses fidèles ont su mou­rir pour la France… Il n’est pas pos­sible que nous hési­tions à mar­cher pour la Foi. Le Pèlerinage est en effet une mani­fes­ta­tion, mieux un témoi­gnage de la Foi.

I – Parlons donc tout d’abord du thème du pèlerinage, en relation avec la situation présente de l’Eglise

Il en décou­le­ra natu­rel­le­ment l’urgence du témoi­gnage. « Un seul Dieu, une seule Foi » : voi­là le sujet des réflexions, des médi­tions, des prières de ces trois jours. C’est donc sur la nature de Dieu et sur l’ob­jet de la Foi que por­te­ront aus­si nos pro­pos ce matin.

La nature de Dieu : il n’y a qu’un seul Dieu : la Très Sainte et très Auguste Trinité. Les autres dieux, qu’on les appelle Allah ou grand archi­tecte de l’Univers, ne sont que des faux dieux. « Omnes dic gen­tium dae­mo­nia », s’é­criait avec indi­gna­tion l’Ancien Testament « Tous les dieux des païens sont des démons ».

Ce seul vrai Dieu, nous le connais­sons par la Foi, ver­tu sur­na­tu­relle par laquelle nous adhé­rons à la Vérité révé­lée. Sans la foi, il est impos­sible de plaire à Dieu ; et nous croyons à cause de l’au­to­ri­té de Dieu qui se révèle. Et cette foi nous enseigne qu’il n’y a pas d’autre nom sur la terre que le nom de Jésus par lequel nous puis­sions être sau­vés. Elle nous enseigne aus­si qu’hors de l’Eglise, il n’y a point de Salut.

Ces véri­tés de Foi sont d’ailleurs liées parce que l’Eglise est le Corps Mystique de Jésus-​Christ et que, hors du Christ, il n’y a point de salut pour l’homme. Pour ces véri­tés, les mar­tyrs ont ver­sé leur sang… Elles sont à l’o­ri­gine aus­si de tout le zèle mis­sion­naire de l’Eglise Catholique.

Force nous est de consta­ter que ces véri­tés fon­da­men­tales ont été remises en cause dans les deux décrets sur l’oe­cu­mé­nisme du Concile Vatican Il : « Unitatis redin­te­gra­tio » de 1964 et « Nostra Aetate » de 1965.

Il y est écrit à pro­pos des églises sépa­rées de l’Eglise Catholique que « l’es­prit du Christ ne refuse pas de se ser­vir d’elles comme de moyens de salut. » et à pro­pos de ceux qui suivent les reli­gions non chré­tiennes, que « les chré­tiens doivent recon­naître pré­ser­ver et faire pro­gres­ser les valeurs spi­ri­tuelles, morales et socio-​culturelles qui se trouvent en eux ».

L’oecuménisme n’est plus com­pris depuis comme l’ef­fort pour que tous les hommes se conver­tissent et appar­tiennent à l’u­nique Eglise Catholique romaine, selon les prin­cipes défi­nis pour tou­jours par Pie XI. L’oecuménisme est deve­nu la recherche de l’u­ni­té entre toutes les reli­gions par le biais du dia­logue inter­re­li­gieux qui consiste pour l’Eglise Catholique dans l’a­ban­don de tout ce qui peut gêner les com­mu­nau­tés sépa­rées et les reli­gions non-​chrétiennes, et dans l’exaltation des valeurs pré­ten­du­ment conte­nues das ces reli­gions. Ce faux oecu­mé­nisme est à l’origine de toute la pré­ten­due réforme issue du Concile Vatican II, que Paul VI appe­lait avec une étrange luci­di­té : « auto­dé­mo­li­tion de l’Eglise ».

Le scan­dale d’Assise en 1987, les réunions oecu­mé­niques qui se suc­cèdent depuis à un rythme accé­lé­ré… les ren­contres de Jean-​Paul Il avec les digni­taires des fausses reli­gions, jus­qu’aux prêtres vau­dous du Bénin en février der­nier : tout cela n’est que l’ap­pli­ca­tion des faux prin­cipes oecu­mé­niques de Vatican Il. Le mot apos­ta­sie est sans doute le seul qui convienne pour défi­nir ces erreurs qui abou­tissent à la remise en ques­tion de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, unique Sauveur, et à la non néces­si­té de l’ap­par­te­nance à l’Eglise catho­lique pour être sau­vé. L’apostasie, voi­là le fruit amer du Concile… voi­là ce qu’il faut voir en face, si l’on ne veut pas être récu­pé­ré par des conces­sions litur­giques faites à notre sen­si­bi­li­té reli­gieuse au nom du faux prin­cipe de l’inculturation.

Il – Et bien, précisément, quels sont les devoirs de ceux qui ont gardé la Foi, en période d’apostasie ?

Il faut là encore remon­ter aux prin­cipes cer­tains de l’Eglise Catholique. Nous les trou­vons for­mu­lés avec une grande clar­té par St Thomas d’Aquin dans sa Somme Théologique. Dans la Ilème Ilde Q.3 à 2, St Thomas se demande si la confes­sion de la Foi est néces­saire au Salut. Après avoir rap­pe­lé la dis­tinc­tion entre pré­ceptes affir­ma­tifs et pré­ceptes néga­tifs, que les pré­ceptes néga­tifs (comme celui par exemple de ne pas tuer) obligent tou­jours, et que les pré­ceptes affir­ma­tifs ou posi­tifs (comme celui de faire l’au­mône) n’o­bligent qu’en fonc­tion des cir­cons­tances de temps et de lieux…

Après l’é­non­cé de ces prin­cipes géné­raux , la théo­lo­gie en fait l’ap­pli­ca­tion à la confes­sion de la Foi. Confesser la Foi Catholique est un pré­cepte affir­ma­tif : il ne faut donc pas le faire tou­jours, mais en fonc­tion des cir­cons­tances de temps et de lieux : quand, par exemple, l’o­mis­sion de la confes­sion de la Foi nui­rait à l’hon­neur dû à Dieu, ou por­te­rait pré­ju­dice au pro­chain : dans tous les cas de ce genre, la confes­sion de la foi est néces­saire au Salut.

A la deuxième objec­tion qui pré­tend que la confes­sion de la Foi n’est obli­ga­toire que pour la hié­rar­chie de l’Eglise, St Thomas répond qu’en cas de néces­si­té, lorsque la Foi est en dan­ger, il est du devoir de tous les fidèles de témoi­gner je leur Foi, d’ins­truire et de confir­mer les autres fidèles, de s’op­po­ser aus­si aux blas­phèmes des infi­dèles.

III – Le lien qui existe entre les circonstances présentes et le devoir de confesser la Foi Catholique.

Vous avez com­pris, mes bien Chers Frères, sans que j’ai à vous l’ex­pli­quer le lien qui existe entre les cir­cons­tances pré­sentes et le devoir de confes­ser la Foi Catholique.

Il ne faut pas se bou­cher les yeux et s’obs­ti­ner à ne pas voir la réa­li­té en face : nous sommes en pleine apos­ta­sie au sein même de l’Eglise. Jacques Maritain écri­vait il y a déjà vingt ans, écri­vait dans « Le pay­san de la Garonne » en 1966, que « Le moder­nisme du temps de Pie X n’é­tait qu’un modeste rhume des foins en com­pa­rai­son de la fièvre néo-​moderniste fort conta­gieuse de notre temps » (p. 16).

Qu’aurait dit Maritain s’il avait vu la ren­contre de prière oecu­mé­nique d’Assiste en 1987, s’il avait vu le Pape chez les adeptes du Vaudou ? Et ce n’est pas poudre aux yeux lan­cée par le Cardinal Ratzinger et sa pseu­do­res­tau­ra­tion qui chan­ge­ra quoique ce soit à l’a­po­sta­sie imma­nente dans laquelle est plon­gée l’Eglise Catholique.

En ces heures de ténèbres, où le Pasteur est frap­pé et les bre­bis dis­per­sées… il est du devoir de tous et de cha­cun de défendre l’hon­neur de Dieu et de pro­pa­ger la Foi catho­lique dans son inté­gri­té et cela d’une manière publique. L’heure est à la confes­sion publique de la Foi, de la Foi en Jésus-​Christ, seul Sauveur et de la Foi en l’Eglise Catholique romaine, seule arche de Salut.

Le Pèlerinage de la pro­chaine Pentecôte est une occa­sion pri­vi­lé­giée, et pra­ti­que­ment unique, de défendre l’hon­neur de Dieu bafouée par une hié­rar­chie pré­va­ri­ca­trice, et de témoi­gner de la Foi catho­lique. Je vou­drais avoir les accents de saint Bernard pour vous en per­sua­der, mes bien Chers Frères, pos­sé­der sur­tout la flamme qui ani­mait Jeanne d’Arc pour sou­le­ver ses troupes.

Ce n’est pas une file de pèle­rins qui doit s’é­tendre de Chartres à Paris, cette année, c’est une marée humaine qui doit mon­ter, le lun­di au moins, sup­plier le Sacré- Cœur, en son Sanctuaire de Montmartre, d’a­bré­ger nos épreuves et de nous gar­der la Foi.

Si j’ai par­lé du Lundi, c’est à des­sein, parce que s’il est vrai que les trois jours de pèle­ri­nage peuvent repré­sen­ter un effort trop impor­tant pour beau­coup… il faut, par contre, une fameuse rai­son pour ne pas consa­crer un lun­di de Pentecôte à la confes­sion publique et solen­nelle de la Foi, en des cir­cons­tances oÙ l’a­mour de Dieu et de son Eglise nous en font un devoir.

Oui, c’est pour l’a­mour de Dieu, pour l’a­mour de l’Eglise Catholique romaine, pour l’a­mour de nos frères à l’heure de l’a­po­sta­sie, c’est pour cela que nous serons tous au Sacré- Cœur de Montmartre, le Lundi de la pro­chaine Pentecôte.

Courage, chers Amis, vrai­ment, Dieu le veut ! »

Abbé Didier BONNETERRE