Chers Amis et Bienfaiteurs,
plusieurs reprises ces dernières semaines et ces derniers mois, ceux qui détiennent l’autorité dans l’Eglise nous ont approchés, directement ou indirectement, s’offrant ou nous invitant à de nouveaux entretiens. A de telles initiatives, nous avons répondu que ces entretiens n’auraient de sens que si l’interlocuteur était disposé à attaquer le mal à la racine et par conséquent à examiner le concile Vatican II et sa conformité à la tradition bimillénaire de l’Eglise.
Tant que l’esprit du concile ne sera pas complètement déblayé et que certains textes du concile n’auront pas été révisés, cette source empoisonnée continuera à infecter toute la vie de l’Eglise. La dernière preuve en est le nouveau catéchisme, qui, contrairement à son titre, n’est pas le catéchisme de l’Eglise catholique mais celui de l’Eglise conciliaire. A l’encontre de la doctrine de Vatican II et de sa transcription catéchétique dans le nouveau catéchisme, nous professons avec tous les papes, tous les conciles et tous les saints du ciel :
– l’homme n’a pas de droit naturel à la liberté religieuse (DH.2),
– les communautés séparées de l’Eglise ne sont pas des moyens de salut ; on peut à la rigueur se sauver en elles, mais pas par elles (UR. 3),
– Dieu, et non pas l’homme, est le centre et la fin de toutes choses sur terre (GS 12).
C’est dire aussi, pour notre œuvre, face à la croissance de la Fraternité, au développement de l’apostolat et à la fondation de prieurés dans de nouveaux pays au cours des années à venir, l’importance de l’acquisition de notre nouvelle maison généralice à Menzingen, sous la conduite de la divine providence, très certainement. Après beaucoup d’efforts de tous côtés et une longue attente, nous y serons établis d’ici quelques jours. Cette vaste maison située en pleine magnifique Suisse centrale, parmi ses montagnes, ses collines et ses pâturages, offre suffisamment d’espace pour l’ouvrage quotidien, elle invite à la prière et à la méditation ; pour les confrères, elle sera un vrai foyer familial, où ils pourront trouver quelques jours de repos dans une atmosphère tranquille, tout en s’entretenant avec le Supérieur général et ses collaborateurs sur l’état et le développement de leur travail dans les pays respectifs. A tous ceux d’entre vous qui ont contribué et contribueront encore à ce renforcement de l’œuvre, nous disons merci du fond du cœur et « que Dieu vous le rende » ! qu’ils soient assurés que nous ne les oublions pas dans notre chapelet quotidien, et qu’aux saints mystères de nos autels nous plaçons leurs âmes et leurs intentions sur la patène et les plongeons dans le calice de nos messes.
Chers amis, il n’est certainement pas inutile de vous donner un petit aperçu du but et du rôle de nos prieurés. Ce ne sont pas des couvents, sans doute, mais ce sont bien davantage que des paroisses. Ils doivent être des lieux où deux, trois, quatre ou même cinq prêtres s’adonnent à la prière commune, étudient de concert, prêchent ensemble la foi à tout un peuple ou au moins à une région, vivent les uns avec les autres dans la charité fraternelle, dans l’esprit de pauvreté, d’obéissance et de chasteté et se sanctifient et sanctifient ainsi les fidèles.
Cet idéal, qui, au fil des années, se présentait toujours plus clairement à notre fondateur, correspond exactement au genre de vie des apôtres et par conséquent à la volonté de Jésus-Christ quant à la vie et à la manière d’agir de ses prêtres. Tout au long de l’histoire de l’Eglise, de saints prêtres et évêques ont cherché à revenir à cet idéal, particulièrement depuis les ordonnances du concile de Trente concernant l’organisation des séminaires, la vie du clergé et le devoir de résidence des évêques. A côté d’un saint Charles Borromée, d’un saint Jean Eude ou d’un Monsieur Olier s’est particulièrement distingué à cet égard le serviteur de Dieu Barthélémy Holzhauser. Qui lit sa règle écrite pour le clergé diocésain menant la vie commune, et considère toutes les tentatives postérieures de renouveau de l’idéal sacerdotal, constatera que Monseigneur Lefebvre, par sa fondation de la Société des apôtres de Jésus et de Marie (la Fraternité) se situe tout à fait dans la ligne de la tradition apostolique et qu’il a au fond adapté la règle de Barthélémy Holzhauser aux circonstances et aux nécessités actuelles ; aussi bien est-il l’héritier de tous ceux qui ont œuvré au renouveau de l’Eglise dans le Saint Esprit, et ceci toujours à partir du cœur de l’Eglise, c’est-à-dire de la sainteté sacerdotale et du saint Sacrifice de la messe.
Quelle sécurité, quelle consolation pour nous tous ! Mais aussi quelle responsabilité et quel devoir pour nous de correspondre parfaitement à ces nouvelles grâces de Jésus à son Eglise ; quel souci par conséquent de faire de nos prieurés des lieux de rayonnement surnaturel, des bases opérationnelles de la rechristianisation d’un pays ou d’une région, des pôles d’attraction pour les âmes, spécialement pour les vocations, des points de ralliement pour le troupeau dispersé confié par Dieu à nos soins.
Laissez-moi simplement placer sous vos yeux à titre d’exemple quelques-uns de nos prieurés de mission :
– A Libreville (Gabon), 1.500 fidèles assistent à la messe dominicale, 730 enfants fréquentent les cours de catéchisme ; en outre les confrères donnent un catéchisme pour adultes, portent de nombreuses communions aux malades, visitent des villages abandonnés spirituellement. Lors de sa visite de confirmation, au cours d’une interview à la télévision nationale, Mgr Fellay a pu prêcher et défendre la foi pendant une heure entière. A Noël la télévision a filmé l’ensemble de la messe de minuit, sermon inclu, et l’a retransmise peu après dans toute sa durée au cours d’une émission qui dura deux heures. Actuellement les confrères s’affairent aux derniers préparatifs de l’installation de nos Sœurs et de l’ouverture de l’école en octobre.
– En Inde, les confrères travaillent dans des conditions très difficiles, à cause des problèmes de visa, de langue et de civilisation ; aussi les groupes de fidèles croissent-ils modestement en nombre, en comparaison du Gabon. Toutefois nous sommes en contact d’amitié avec de nombreux prêtres : huit d’entre eux, dont sept du diocèse de T., sont venus à la récollection que j’ai prêchée le 26 février au prieuré. Si l’on compte ceux qui étaient empêchés et se sont excusés, on arrive à une quinzaine, soit exactement 10 % du clergé du diocèse. – Environ quinze jeunes gens se préparent à l’entrée au séminaire dans les prochaines années.
– Aux Philippines, après six mois d’apostolat, plus de 200 fidèles assistent à la messe dominicale ; 70 enfants suivent le catéchisme ; un groupe de jeunes et les adultes reçoivent l’instruction religieuse, et il y a eu des conférences pour quelques centaines d’étudiants de l’université, ainsi que trois retraites prêchées à 50 participants en tout. Trois jeunes gens qui vivent au prieuré entreront la semaine prochaine au séminaire en Australie. Les confrères visitent divers villages afin d’y célébrer les saints Mystères pour des groupes allant jusqu’à deux cents fidèles, et chaque samedi soir est donnée une demi-heure d’instruction religieuse à la radio.
De tels prieurés sont le salut des peuples ; car non seulement des âmes sont sauvées, qui sans cela seraient perdues pour toujours, mais aussi un dernier reste de catholicisme et de vie de l’Eglise se trouve sauvegardé ; la foi est prêchée et la grâce est donnée à tous ceux qui ont faim de vérité et soif d’un renouvellement dans l’Esprit-Saint. Finalement, le langage des faits est peut-être le seul que les autorités de l’Eglise comprendront et qui les forcera à revenir de leur voie de perdition.
En plus de la sanctification de nos prêtres, le souci du salut des peuples nous poursuit jour et nuit : « Comment donc l’invoqueront-ils, s’ils ne croient pas en Lui ? Comment croiront-ils en Lui, s’ils n’en entendent pas parler ? Comment en entendront-ils parler s’il n’y a pas de prédicateur ? Et comment seront-ils prédicateurs, s’ils ne sont pas envoyés ? Selon qu’il est écrit : « Qu’ils sont gracieux, les pieds de ceux qui portent l’Evangile de la paix, l’Evangile de bonheur ! » Ainsi « La foi vient de l’écoute de la prédication » (Rom. 10, 14–15, 17) ; et cette foi est la porte de la vie éternelle ; car « Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu » (Heb. 11, 6). La messe « pour la propagation de la foi » ne propose pas moins éloquemment le grand souci de la prédication de la foi et de la célébration du véritable Sacrifice de la messe. La prière de l’Eglise nous fait demander : « Dieu qui voulez que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité, envoyez, nous vous en prions, des ouvriers à votre moisson et donnez leur d’annoncer votre parole avec une confiante assurance, afin que votre parole se répande vite et soit glorifiée, et que tous les peuples vous connaissent, vous le seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ, votre Fils, Notre-Seigneur, qui vit avec vous. »
Et la Secrète « Dieu notre protecteur, regardez et considérez la face de votre Christ, qui s’est donné lui-même en rachat pour tous les hommes : faites que du levant au couchant votre nom soit glorifié parmi les nations et qu’en tout lieu vous soit offerte en sacrifice une oblation pure. Par le même Jésus-Christ, Notre-Seigneur ».
Si nous formons le dessein d’ouvrir des prieurés dans d’autres pays d’Amérique latine, d’Afrique, d’Asie et d’Europe de l’Est, si nous voulons voler à l’aide des âmes qui depuis des années nous supplient de leur envoyer des prêtres, ce n’est ni par calcul humain ni dans la pensée d’une extension quantitative de l’œuvre ; mais nous voulons nous offrir nous-mêmes en sacrifice pour le salut des nations et pour obéir au commandement du Christ : « Allez, enseignez toutes les nations » (Mt. 28, 18).
L’encyclique Fidei donum du pape Pie XII inspirée en substance par Monseigneur Lefebvre, demande aux pays développés de soutenir le travail missionnaire par des dons, par l’envoi d’ouvriers, par des prières et des sacrifices abondants. Daigne Notre Dame faire saisir notre parole et animer à la générosité ! Songeons que la passion de l’Eglise demande à être, d’abord en nous les baptisés, vécue, priée, soufferte et surmontée. Par cette voie, grâce à l’intercession de Notre-Dame et à la protection de saint Joseph, l’Eglise, après un long carême, connaîtra un matin pascal rayonnant, une nouvelle résurrection et une nouvelle floraison.
Rickenbach, en la fête de saint Joseph, le 19 mars 1993
Franz Schmidberger
Supérieur général
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