Chers Amis et Bienfaiteurs,
e vous adresse ces lignes à mon retour d’Argentine, où le district de la Fraternité Saint-Pie X a organisé un congrès grandiose pour célébrer le cinq-centième anniversaire de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb (12 octobre 1492). Ces solennités, uniques en leur genre dans tout le nouveau monde, font honneur à notre œuvre et par elle à toute l’Eglise.
L’exploit de la reine Isabelle et de Christophe Colomb, l’exploit de l’Espagne et du Portugal ont été le fait de la foi catholique tout simplement, de cette foi qui pense en missionnaire et agit en apôtre. Elle prêche et érige partout, jusqu’au dernier recoin de la terre, la Croix rédemptrice de Jésus-Christ ; c’est elle aussi qui bâtit en tous les pays et parmi toutes les nations les autels du Sacrifice continuant cette Passion salvatrice. Et à partir de ceux-ci, c’est la foi encore qui établit l’empire du Christ-Roi sur les individus, les familles et les nations : « Regnavit a ligno Deus » : « Dieu règne par le bois de la Croix ».
La nature et la grâce, l’héroïsme et la sainteté, l’exploit courageux et la prière confiante, le pouvoir humain de l’homme d’Etat ont trouvé en Isabelle et Colomb leur synthèse achevée.
La naissance spirituelle de l’Amérique, la naissance de tout un continent à la foi catholique est, outre cette heureuse harmonie bien catholique, le fruit de 800 ans de souffrances subies par les peuples de la péninsule ibérique sous la domination du Croissant anti-chrétien. C’est pourquoi la libération de la dernière ville de la péninsule, Grenade, le 2 janvier 1492, sonne la libération de l’Amérique, libération du paganisme et de l’idolâtrie avec ses sacrifices humains et son culte de Satan. Pour aucun continent, Dieu n’a fait quelque chose de comparable à ce qu’il a fait pour l’Amérique latine : « Non fecit taliter omni nationi ». Le Pape Benoît XV applique ces mots du psaume spécialement à Notre-Dame et au Mexique.
Comme les voies de Dieu sont insondables ! Au moment même où de larges régions d’Europe sont arrachées à la foi par l’hérésie protestante, l’Amérique latine est engendrée à la foi. La plus grande apostasie est ainsi compensée par la plus grande expansion du Royaume de Dieu.
Aujourd’hui, l’Espagne et le Portugal ne correspondent plus à la mission que la Providence divine leur a confiée, de même que toutes les nations européennes : France, Allemagne, Angleterre, Italie négligent coupablement la mission dont Dieu les a chargée au cours de l’histoire : de répandre la foi catholique, d’œuvrer à la construction du règne de Dieu, de protéger et défendre l’Eglise catholique et ainsi de donner aux nations la paix du Christ dans le royaume du Christ. Et pourquoi ce refus et cette trahison ? Surtout parce que l’Eglise en ses représentants actuels n’est plus la conscience des peuples, mais qu’elle mène plutôt à l’apostasie, par la déclaration sur la liberté religieuse. Bien éloquent est dans ce contexte l’obstacle opposé à la béatification d’Isabelle la Catholique par la loge maçonnique des B’nai B’rith.
Trois autres événements de ces derniers temps doivent être mentionnés.
Le 18 août, nos deux missionnaires anglais ont débarqué aux Philippines et y ont ouvert notre prieuré. Après deux mois de travail, l’assistance à la messe dominicale se monte à cent fidèles : quatre jeunes gens vivent au prieuré et se préparent à entrer en mars au séminaire d’Australie. Diverses conférences données dernièrement à quelques centaines d’étudiants ainsi que les premiers exercices spirituels caractérisent ce fructueux apostolat.
Ensuite, à la fête du Cœur Immaculé de Marie, quatre Sœurs de la Fraternité Saint-Pie X venant de leur maison-mère de Saint-Michel-en-Brenne sont arrivées dans le sud de l’Allemagne pour y fonder leur noviciat de langue allemande et fournir ainsi une contribution efficace au renouveau de la vie religieuse.
Enfin, le 13 septembre à Bruxelles, 2.000 fidèles ont offert pénitence et réparation pour le nouvel outrage causé à Notre-Seigneur Jésus-Christ par la rencontre des religions qui s’y tenait, la sixième en son genre. Après la messe pontificale et le chemin de croix de l’après-midi, nous suppliâmes le Seigneur dans sa monstrance : « ut inimicos Sanctæ Ecclesiæ humiliare digneris, te rogamus audi nos – afin que vous daigniez humilier les ennemis de la Sainte Eglise, nous vous en supplions, exaucez-nous ! » La visite finale à la cathédrale avec le chant du Credo montrera qu’il se trouve encore en Israël des hommes qui ne ploient pas le genou devant Baal, mais qui reconstruisent spirituellement les sanctuaires démolis.
Chers amis, avec les 64 nouveaux séminaristes de cette année – à Zaitkofen sont entrés le premier polonais et le deuxième tchèque, à Flavigny le premier roumain – la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X compte dans l’ensemble – prêtres, séminaristes, frères et oblates – 600 membres de 32 pays, auxquels il faut assurément ajouter les quelque 100 Sœurs de Saint-Michel-en-Brenne. Voilà donc 700 âmes qui luttent quotidiennement pour leur propre perfectionnement, qui travaillent dans 24 pays au relèvement intellectuel, spirituel, moral et religieux des peuples : 700 esprits profondément unis dans la foi et la charité du Christ. Il convient à ce propos de mentionner aussi les 2.500 enfants qui, dans nos 45 écoles, reçoivent quotidien- nement une éducation chrétienne. Bien sûr, nous n’oublions pas toutes les communautés et leurs institutions qui nous sont étroitement unies par l’amitié, ni l’armée d’amis et bienfaiteurs que vous constituez, menant chaque jour avec nous le combat spirituel de Dieu. C’est avec une profonde gratitude que nous nous savons unis à vous dans le Saint Sacrifice et la prière quotidiens.
Mais que sommes-nous en nombre par rapport à l’Eglise entière ? Que sommes-nous en comparaison de la puissance et du nombre de nos adversaires ? Quelle infime minorité nous constituons par rapport à la population mondiale !
Pourtant c’est peut-être à nous précisément que s’applique aujourd’hui le mot du Seigneur : « Ne crains point, petit troupeau, car c’est à toi qu’il a plu à votre Père de donner le Royaume » (Lc 12, 32).
Entre-temps, devant la récente maladie du Pape, les spéculations concernant sa succession ont commencé à Rome et ailleurs et certains dignitaires ne manquent pas d’avancer leur prestige aux yeux du peuple de Dieu, tel le cardinal Martini, archevêque de Milan, qui vient d’inviter les représentants des religions de Bruxelles à venir l’année prochaine dans son diocèse. Une des grandes intentions de toute la chrétienté doit donc être d’obtenir par une prière instante un pape véritablement catholique, qui renouvelle tout dans le Christ. Car l’Eglise est et demeure fondée sur Pierre. Dieu veuille que notre œuvre et notre travail soient le chant du coq qui reproche à Pierre son actuel reniement du Seigneur par l’œcuménisme, la liberté religieuse et le culte de l’homme, afin qu’il se convertisse et que dans la foi il confirme ses frères (Lc 22, 31–32).
Le 19 octobre 1992, en la fête de saint Pierre d’Alcantara,
Abbé Franz Schmidberger
Supérieur général
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