Témoignage d’André Levet

Ancien gang­ster né en 1932, conver­ti à la foi catho­lique par un prêtre ren­con­tré par hasard. 

Résumé du témoignage

Mon nom est André Levet, je suis né en 1932 dans une famille athée, je n’a­vais jamais enten­du par­ler de Dieu. Pendant la guerre de 39–40 mon père a été dépor­té. N’ayant plus ni père ni mère j’ai été aban­don­né, puis recueilli dans une ferme pyré­néenne. Mon père a été libé­ré en 1945, il a ten­té de refaire sa vie, mais je n’ai pas accep­té ma nou­velle belle-​mère et je me suis enfui à Marseille, à l’âge de 13 ans, cou­chant dans les rues et déchar­geant des camions. A cette époque, la police m’ar­rê­ta et me mit en pri­son, aux Baumettes, en atten­dant de me rendre à ma famille.

Au contact des autres pri­son­niers, je suis deve­nu un petit délin­quant, appre­nant toutes les ficelles du « métier ». A 15 ans j’ai été arrê­té pour une attaque à main armée, et mis en pri­son jus­qu’à ma majo­ri­té. A 18 ans, on avait la pos­si­bi­li­té de s’en­ga­ger pour faire la guerre d’Indochine, ce que j’ai fait pour évi­ter la pri­son. J’ai été bles­sé et rapa­trié en France et soi­gné jus­qu’à ma majorité. 

Je me lance dans « les affaires »

Après cela, fort de mes expé­riences mili­taires et car­cé­rales, je suis deve­nu le chef d’une bande de gang­sters, spé­cia­li­sée dans le bra­quage des banques. Un jour, alors que j’é­tais venu à Laval pour une « affaire », j’ai aper­çu un curé en robe, de l’autre côté de la route. Je suis allé vers lui, et n’en ayant jamais vu aupa­ra­vant, je lui ai deman­dé s’il était un homme ou une femme. Il m’a répon­du : je suis un ser­vi­teur de Dieu. Dieu, c’est mon patron ! Je lui ai dit ton Dieu, où il est ? On ne le voit pas. Il a répli­qué : je vois que tu ne connais pas Dieu, mais si un jour tu as du temps, viens en dis­cu­ter avec moi, 12 bis rue de Solferino. Je n’ai jamais oublié cette adresse. 

Plusieurs mois après, alors que j’é­tais de pas­sage à Laval pour une autre « affaire », je suis tom­bé par hasard dans cette rue. Je suis allé voir le curé, il était là et m’a dit : je t’at­ten­dais. Ce curé est deve­nu mon ami, il me don­nait des conseils, que je ne sui­vais pas, et chaque fois qu’il me par­lait de Dieu, je lui disais : Laisse ton Dieu où il est… 

Quelque temps plus tard, je me trou­vais à Rennes pour atta­quer une banque. Là, l’af­faire a mal tour­né, mon copain a été tué et j’ai été arrê­té. Je me suis éva­dé, j’ai gagné l’Amérique du sud où j’ai orga­ni­sé un tra­fic de drogue.

3 fois évadé, 3 fois repris

Revenu en France, je suis arrê­té de nou­veau, pour m’é­va­der encore. 3 fois éva­dé, 3 fois repris. Toutes mes affaires vont me valoir 120 ans de pri­son, s’il fal­lait tout cumu­ler. On me trans­fère à Clairvaux dans la pri­son des durs et avec des copains je vais ten­ter une éva­sion en creu­sant un tun­nel, comme dans le film « la grande vadrouille ». L’évasion a failli réus­sir, mais nous avons été repris. J’ai encore ten­té une autre éva­sion, seul, en cro­che­tant un gar­dien avec une arme. Là encore je me suis fait prendre. Ils ont déci­dé de m’en­voyer à Château Thierry. Le direc­teur m’a reçu avec ces paroles : ici, tu marches ou tu crèves ! J’ai répon­du en lui balan­çant le bureau sur la tête. Ils m’ont mis dans une toute petite cel­lule avec un lit scellé. 

Mon curé ne m’a pas aban­don­né, il m’a envoyé une lettre par mois ou de temps en temps il me par­lait de Dieu me disant qu’il était bon. Je lui ai répon­du si ton Dieu est bon, pour­quoi faut-​il qu’il y ait tant de guerres, de misère, pour­quoi cer­tains crèvent de faim alors que d’autres ont trop ? Pourquoi cer­tains ont plu­sieurs mai­sons alors que d’autres n’en ont pas ? Le curé m’a répon­du : André, c’est toi le res­pon­sable. Quoi ? Moi ? Je vou­lais bien être res­pon­sable des bra­quages, mais pas de la misère du monde !

Et puis un jour, le curé m’a envoyé un gros bou­quin en me disant : André, ce bou­quin tu pour­ras le lire tout le temps, même après ta mort, en com­men­çant par n’im­porte quelle page. Le gar­dien me l’a appor­té en me disant : c’est bien ce bou­quin, tu devrais le lire, tu pour­ras même l’emporter au cachot. Ça parle de quoi ? Du bon Dieu, il me répond. Quoi ! C’est pas vrai ! Il m’a rame­né son bon Dieu dans ma cel­lule, je jetai le bou­quin. Mon curé m’é­cri­vait tout le temps, en me sup­pliant de lire le livre.

Un prêtre lui donne à lire l’Evangile

Alors, pour lui faire plai­sir, en 10 ans je l’ai ouvert 9 fois. J’ai com­men­cé par lire les noces de Cana, où Jésus change l’eau en vin. J’ai tour­né le robi­net de mon lava­bo en disant : mec, fais cou­ler du vin ! Ça n’a pas mar­ché. Je l’ai écrit au curé en disant : ton bou­quin, ça ne marche pas. Mon curé m’a répon­du : André tu lis de tra­vers, persévère. 

J’ai lu l’his­toire de la Samaritaine, l’histoire de la résur­rec­tion de Lazare. Avec cette his­toire j’ai été révol­té ‚je ne pou­vais pas la croire, et mon copain qui s’est fait des­cendre par les flics, il n’est pas res­sus­ci­té, lui ? 

Puis j’ai repris la lec­ture, long­temps après et j’ai lu com­bien Jésus avait fait de bien aux gens et com­bien ils l’a­vaient mal­trai­té, ils lui avaient cra­ché des­sus, ils l’a­vaient fouet­té, inju­rié, puis cloué sur une croix… J’étais révol­té je ne com­pre­nais pas pour­quoi on fai­sait autant de mal à quel­qu’un qui fai­sait autant de bien.

Rendez-​vous à 2 heures du matin

J’abandonnai la lec­ture et je cher­chais tou­jours à m’é­va­der. J’attendais une arme et une lime, mais ces objets ont été inter­cep­tés. Il ne me res­tait plus aucun espoir, alors en déses­poir de cause j’ai fait appel à Jésus. Je lui ai dit : si tu existes je te donne un ran­cart. Viens cette nuit à 2 heures du matin dans ma cel­lule et tu m’ai­de­ras à m’évader. 

Je me suis endor­mi cette nuit-​là et d’un coup au milieu de la nuit j’ai été réveillé. Prêt à bon­dir, j’ai sen­ti une pré­sence dans ma cel­lule, mais je ne voyais per­sonne. Puis j’ai enten­du une voix claire et forte à l’in­té­rieur de moi : André, il est 2 heures du matin, on a rendez-vous. 

J’appelais le gar­dien en criant : c’est toi qui m’ap­pelle ? Non me dit-​il. Quelle heure est-​il deman­dais je ? 2 Heures. 2 heures com­bien ? 2 Heures pile me répon­dit le gar­dien. Puis la voix se fit entendre à nou­veau : Ne sois pas incré­dule, je suis ton Dieu, le Dieu de tous les hommes. « Mais je ne te vois pas ! Répondis-je. » 

A ce moment-​là, vers les bar­reaux de la lucarne une lumière appa­rut. Et dans cette lumière, un homme avec les mains et les pieds per­cés et un trou au côté droit. Il me dit : « C’est aus­si pour toi ».

Fils prodigue

A ce moment-​là, les écailles de mes yeux, lourdes de 37 ans de péchés, sont tom­bées et j’ai vu toute ma misère et toute ma méchan­ce­té. Je suis tom­bé à genoux et suis res­té dans cette posi­tion jus­qu’à 7 heures du matin. J’ai pleu­ré devant Dieu et tout le mal est sor­ti de moi. J’ai com­pris que pen­dant 37 ans j’a­vais enfon­cé les clous dans ses mains et dans ses pieds. 

A 7 heures les gar­diens m’ont ouvert, ils m’ont vu à genoux et pleu­rant, je leur ai dit : « Je ne vous cra­che­rai plus des­sus, je ne frap­pe­rai plus per­sonne, je ne vole­rai plus per­sonne, car chaque fois que je le ferai c’est à Jésus que je le ferai ». Les gar­diens ont été sur­pris, ils ont cru dans un pre­mier temps à une ruse de ma part. Puis rapi­de­ment, ils ont com­pris que j’a­vais tota­le­ment changé.

Plusieurs déte­nus ont été inter­pel­lés et ont pu, eux aus­si, ren­con­trer ce Dieu mer­veilleux et chan­ger de vie. Je suis main­te­nant libé­ré, ma vie a tota­le­ment chan­gé et je passe tout mon temps à par­ler aux autres de l’a­mour de ce Dieu.