Marguerite Chevignard (1883–1954)

Sœur de la célèbre car­mé­lite Elisabeth de la Trinité, elle s’é­pa­nouit dans l’a­mour de son mari et de ses neuf enfants avec un idéal : être une louange de Dieu.

Jean Rémy, Guite, la sœur d’Elisabeth de la Trinité, Ed. du Carmel, 2003.

Elisabeth Catez est la sœur aînée de Marguerite. Ces deux filles forment le tré­sor de mon­sieur et madame Catez, parents catho­liques éta­blis dans la ville de Dijon. Famille pri­vi­lé­giée car le bon Dieu jet­te­ra son dévo­lu sur Elisabeth pour l’élever à un haut degré de sain­te­té. Elle n’est autre que la célèbre Elisabeth de la Trinité, morte au car­mel de Dijon en 1906. Entre les deux sœurs se forme un lien d’amitié fra­ter­nelle très étroit et très pro­fond. L’aînée, plus assu­rée, sera le sou­tien et le récon­fort de la seconde, plus timide et effa­cée. Sœur Elisabeth résume ain­si l’objet de cette entente : « Alors tu seras la louange de sa gloire, ce que j’avais rêvé d’être sur la terre. C’est toi qui me rem­pla­ce­ras ; moi je serai louange de gloire devant le trône de l’Agneau, et toi louange de gloire au centre de ton âme ».

Deux sœurs, deux voies dif­fé­rentes, et cepen­dant un seul cœur, une seule âme fon­due en un seul idéal : être une louange de la Sainte Trinité. Marguerite prend le che­min du mariage. Elle s’épanouit dans l’amour de son mari, George Chevignard, et de ses neuf enfants. Épanouissement tel que son entou­rage dira après sa mort qu’elle est plus sainte encore que sa sœur car­mé­lite ! Elle cultive en effet le silence, la dou­ceur, et l’abnégation à un point qui confine à l’héroïsme.

Recueillement et douceur

Par nature, Marguerite est dotée d’un tem­pé­ra­ment doux. Marie Louise Hallo, sa confi­dente, rap­porte que « Marguerite était très timide, très effa­cée ». Elle-​même nous dit que « dès l’âge de 7 ou 8 ans, Elisabeth savait se déta­cher du jeu qu’elle aimait beau­coup pour s’occuper de moi, qui était timide et me cram­pon­nais à elle ». Cette sen­si­bi­li­té se tra­dui­ra dans une apti­tude excep­tion­nelle pour le pia­no. Longtemps après, sa fille Marie dira : « elle fai­sait n’importe quoi sur son pia­no. Elle déchif­frait, elle jouait sans avoir l’air d’y tou­cher… C’était extra­or­di­naire ! » Cette grande maî­trise de soi se retrouve dans son agir avec les siens. Le bon Dieu pren­dra trois de ses filles à son ser­vice. A chaque entrée au couvent : même dou­ceur, même esprit d’abandon si bien­fai­sants pour l’âme des siens.

Sur quoi appuie-​t-​elle ce calme quo­ti­dien ? Sur la vie inté­rieure. Grâce à sa sœur car­mé­lite, elle déve­loppe en son âme une vie d’oraison pro­fonde. Elle assiste à la messe tous les jours et a ain­si le bon­heur de rece­voir Jésus très sou­vent. Très affec­tueuse, sœur Elisabeth lui écrit sou­vent pour la gui­der dans la voie de l’Amour : « Petite sœur ché­rie, il faut rayer le mot décou­ra­ge­ment de ton dic­tion­naire d’amour ». Ou encore ce beau poème : « Rappelle-​toi la pre­mière visite du Dieu d’amour en ton calice d’or. Rappelle-​toi, petite Marguerite, que nuit et jour, Il y repose encore ! Toujours sous son regard demeure, ô pâque­rette, effeuille-​toi pour Lui, n’es-tu pas sa fleu­rette ? Dans le jar­din fer­mé te veut ton Bien-​Aimé. Rappelle-toi. »

Abnégation

La vie apporte son lot d’épreuves ; Marguerite n’en fut pas épar­gnée. A quatre ans, elle perd son père. Pas une plainte ne nous est rela­tée à ce sujet. Son mariage avec Georges Chevignard lui apporte beau­coup de conso­la­tion. Son mari est très atten­tif à elle. Musicien talen­tueux, ils pas­se­ront des heures à jouer ensemble dans l’intimité pour le plus grand bon­heur de Marguerite. Mais même dans ce diver­tis­se­ment, elle se tient en arrière, jouant de façon à lais­ser le devant de la scène à son mari. Outre cette belle entente, ils auront neuf enfants dont quatre auront la vocation…

En paral­lèle, le bon Dieu frappe cette âme, noble dans sa sen­si­bi­li­té exquise, pour l’élever davan­tage. Sa sœur meurt en 1906. Elle perd son mari en 1925 : elle n’a que 42 ans et son der­nier 8 mois… En 1933, l’avant-dernier âgé de 11 ans, prend son envol vers les deux. Une de ses très bonnes amies nous livre ce témoi­gnage : « Je l’ai vue près du lit où ago­ni­sait son petit Xavier. Immobile, sans cri, ni larmes, muette, elle était là, comme une image de la dou­leur et de la prière ». Sa fille Geneviève rap­porte : « Maman a dit, quand il est mort : « Vous me l’avez don­né, vous me l’avez repris, que votre volon­té soit faite ». En 1940, son fils Jacques est fait pri­son­nier par les Allemands. Il ne revien­dra de sa cap­ti­vi­té qu’en 1945…Elle accepte les situa­tions quo­ti­diennes avec sou­mis­sion à la volon­té de Dieu, cher­chant à voir en elles l’expression de sa tendresse.

Comme pour sa sœur, cette vie d’union avec la sainte Trinité est au fon­de­ment de la vie spi­ri­tuelle de Marguerite. C’est pour­quoi sœur Elisabeth a pu lui dire qu’elle était à la fois Marthe et Marie. Toute à son devoir d’épouse et de mère, elle le réa­li­sait en ayant l’âme toute à son Dieu trinitaire.

Source : Apostol n°160