Un vénérable et véritable antillais : Léon Papin-Dupont

La pié­té popu­laire l’a sur­nom­mé le Saint Homme de Tours, mais c’est au Lamentin, en Martinique, que Léon Papin-​Dupont a vu le jour et a été bap­ti­sé. Un homme simple… à qui le saint Curé d’Ars avait don­né rendez-​vous au Ciel !

Né le 24 jan­vier 1797, son père est un gen­til­homme ori­gi­naire de Bretagne et sa mère une riche créole mar­ti­ni­quaise. Rapidement orphe­lin de son père il est sco­la­ri­sé aux Etats-​Unis puis au col­lège de Pontlevoy, dans la région de Blois. D’un tem­pé­ra­ment vif et gai, il est éga­le­ment très tenace. Puis très mon­dain… Il aborde des études de droit à Paris, tout en se mêlant avec assi­dui­té à la popu­la­tion aristocratique.

1820. Dieu a ses voies… C’est au contact de son petit pale­fre­nier de 12 ans, qui explique son retard par une leçon de caté­chisme qui a duré, qu’il réa­lise com­bien sa vie est creuse et tiède. La conver­sion sera totale : Dieu a posé son regard sur cette âme d’élite. Le jeune Léon com­mence par se remettre à jour dans son caté­chisme, tout en se consa­crant à un apos­to­lat auprès des malades et mou­rants. Très vite sa géné­ro­si­té va trou­ver occa­sion de s’exprimer dans les grande largeurs.

En 1821, âgé de 24 ans, Léon Papin-​Dupont ter­mine ses études de droit et est nom­mé conseiller-​auditeur à la cour royale de Martinique. Revenu en son île natale, le jeune juriste trouve de bonnes occa­sions de conti­nuer ses œuvres de charité.

En 1827, en l’église Notre-​Dame de la Bonne Délivrance des Trois-​Ilets (où Joséphine de Beauharnais a reçu le bap­tême 60 ans plus tôt), il épouse Caroline d’Audiffredi, riche créole ren­con­trée à Paris. De cette union naî­tra, en 1832, une fille unique. En effet, la jeune mère meurt pré­ma­tu­ré­ment de la tuber­cu­lose, lais­sant un veuf et une petit fille qui n’a pas un an. Mais avant de quit­ter cette terre, Caroline obtient de Léon la pro­messe que, comme elle, la jeune Henriette serait édu­quée par les reli­gieuses ursu­lines de Tours.

En mai 1834, âgé de 37 ans, Léon Papin-​Dupont quitte défi­ni­ti­ve­ment sa Martinique natale pour habi­ter à Tours, là où se trouvent les reli­gieuses ursu­lines char­gées de l’éducation d’Henriette. Ayant démis­sion­né de sa charge, ven­du ou cédé ses terres, il vivra désor­mais de ses rentes… et de sa charité.

Passant par Bordeaux et par Nantes dans l’attente de trou­ver une mai­son conve­nable à Tours, il finit par arri­ver dans la cité de Saint Martin et s’installe rue de la Préfecture, puis rue Bernard-​Palissy. Aidé de sa mère, il prend un soin par­ti­cu­lier de sa fille, veillant à sa bonne édu­ca­tion catho­lique. Henriette aime­ra en par­ti­cu­lier que son père lui parle de la vie exem­plaire des saints.

La jour­née du saint homme est édi­fiante. Libéré des charges d’un emploi, il est loin de tom­ber dans l’oisiveté : levé vers 3 h ou 4 h, il s’adonne durant toute la mati­née à ses exer­cices de pié­té, ser­vant la messe au Carmel, ou se ren­dant à la proche cathé­drale. L’après-midi est tout aus­si active et tour­née vers le soin des pauvres.

Sa dévo­tion le porte vers le culte de la sainte Eucharistie et du Sacré-​Cœur de Jésus. Il aime éga­le­ment à suivre le che­min de la croix, à aller prier dans les dif­fé­rentes églises de la ville, celles-​même qui ont été pro­fa­nées depuis la Révolution de 1789. Chez lui il fleu­rit régu­liè­re­ment la sta­tue de la Vierge Marie à laquelle il offre son rosaire. Les saints locaux font éga­le­ment par­tie de son flo­ri­lège : saint Martin, saint François de Paule… Léon Papin-​Dupont s’adonne éga­le­ment à la péni­tence, pre­nant comme modèle sainte Marie-​Madeleine. Il y a bien en lui toutes les pra­tiques de per­fec­tion chrétienne.

Mais Monsieur Dupont est aus­si une âme d’apôtre, dans sa famille proche, auprès de ses amis, par cour­rier. Tout est bon pour conduire déli­ca­te­ment les âmes à Dieu. Il fait le caté­chisme aux petite ramo­neurs de la ville, par­ti­cipe aux œuvre de la Conférence saint Vincent de Paul, nour­rit les pauvres, sou­tient les sémi­na­ristes, fait venir les Petites Sœurs des Pauvres… Il est de tous les com­bats de cha­ri­té et de toutes les œuvres de misé­ri­corde ! Il n’y a pas de com­mu­nau­té reli­gieuse qui ne béné­fi­cie de ses secours. Les anec­dotes sont mul­tiples et les témoins de ses œuvres innombrables.

Dans son désir de faire aimer le Seigneur Jésus il lutte contre toutes les formes de blas­phèmes, hélas bien répan­dus à cette époque. Il n’hésite pas à payer le pos­tillon qui conduit sa dili­gence au kilo­mètre pas­sé sans juron !

Il aime aus­si à dif­fu­ser les bons écrits, mais aus­si la médaille de saint Benoît. Il en obtient des prodiges !

Mais sa dévo­tion sera sur­tout répa­ra­trice. Il a com­pris que Dieu attend de cer­taines âmes de contre­ba­lan­cer les effets du péché. Il sera de ces âmes-​là, avec une géné­ro­si­té incroyable ! Il se sou­vient sans doute aus­si de ses erreurs de jeu­nesse, désor­mais il veut que Jésus soit aimé de tous, il en donne l’exemple le pre­mier. Mais il y a une occa­sion à cette consé­cra­tion défi­ni­tive à l’amour répa­ra­teur : le décès pré­ma­tu­ré de sa petite Henriette lors d’une épi­dé­mie. La jeune fille n’avait que 15 ans… « Ma fille a été créée et mise au monde pour connaître Dieu, pour aimer Dieu, pour pos­sé­der Dieu !… La voi­ci arri­vée au terme… ; pour­quoi donc la pleu­rer ? » Quel père a‑t-​il le cou­rage de réagir comme lui en pareille circonstance ?

Désormais Léon Papin-​Dupont peut don­ner libre cours à sa dévo­tion par trois grandes œuvres : l’œuvre de saint mar­tin (pour habiller les pauvres), l’adoration noc­turne, et la dévo­tion à la Sainte Face (deux œuvres répa­ra­trices). Une âme d’élite va venir le secon­der : la jeune car­mé­lite sœur Marie de Saint-​Pierre qui, dès 1843, reçoit des mes­sages du ciel l’invitant à réci­ter cer­taines prières dans un esprit répa­ra­teur. Elle reçoit aus­si mis­sion du ciel de pro­pa­ger la dévo­tion à la Sainte Face. Monsieur Dupont, infor­mé de ces faits, adhère immé­dia­te­ment à l’idée et se livre lui-​même à cette pra­tique répa­ra­trice. Très rapi­de­ment il fait dif­fu­ser des prières dans ce sens. Le 8 juillet 1848, la jeune car­mé­lite (32 ans) décède : son œuvre est ache­vée sur terre, le relais est pas­sé au saint homme de Tours.

Mais Léon Papin-​Dupont sera éga­le­ment actif pour retrou­ver le tom­beau de saint Martin. La basi­lique antique qui conte­nait les reliques a été pro­fa­née par la hugue­nots, seul quelques frag­ments ont été sau­vés de l’incendie. La basi­lique est tom­bée en ruine, ser­vant de car­rière aux habi­tants de la ville. Puis la rue des Halles a été tra­cée sur le pro­fil de l’ancienne basi­lique. Où donc retrou­ver les restes du tom­beau ? Avec per­sé­vé­rance et recherches, Monsieur Dupont en retrouve les traces. De là par­ti­ra l’idée de bâtir une nou­velle basi­lique en l’honneur de saint Martin.

Les épreuves entourent les der­nières années de vie du véné­rable : pro­blèmes de san­té, décès de sa mère qui s’était tant dévouée, guerre de 1870, sombres jours de la Commune… Tout cela sera por­té avec l’esprit d’un grand chré­tien. Le 18 mars 1876 Léon Papin-​Dupont pousse son der­nier sou­pir et va à la ren­contre de son Créateur.

Source : Apôtre aux Antilles n°36