Nous sommes en 1250. Saint Louis, fait prisonnier le 8 février, comparaît devant le sultan du Caire. Joinville [1] est présent, témoin de ce dialogue sidérant de courage et d’amour de la Vérité entre le roi catholique Louis IX et le prince musulman Al Moadam :
« Quelle est la cause de votre tristesse ? »
« C’est que je n’ai point gagné ce que je désirais le plus gagner, la chose pour laquelle j’avais laissé mon doux royaume de France, et ma mère, chère encore, qui criait après moi, la chose pour laquelle je m’étais exposé aux périls de la mer et de la guerre.
« Et qu’est-ce donc, O Seigneur Roi, que vous désiriez si ardemment ? »
« C’est… ton âme ! Que le diable promet de précipiter dans le gouffre. Mais jamais, grâce à Jésus Christ, qui veut que toutes les âmes soient sauvées, il n’arrivera que Satan puisse se glorifier d’une si belle proie. Le Très Haut le sait, lui qui n’ignore rien : si toute le monde visible était à moi, je le donnerai tout entier, en échange du salut des âmes.
« Eh quoi ! Bon Roi, tel a été le but de ton pèlerinage si pénible ? Nous pensions tous, en Orient, que vous tous les chrétiens, aspiriez ardemment à notre soumission et vouliez triompher de nous par avidité de conquérir nos terres et non par désir de sauver nos âmes.
« J’en prends à témoin le Tout Puissant, je n’ai point souci de retourner jamais dans mon Royaume de France, pourvu que je gagne à Dieu ton âme, et les âmes des autres infidèles, et qu’elles puissent être glorifiées. »
Voilà donc le mot-clé lâché. Ce que veut ce Roi missionnaire, en finale, c’est la Gloire du Ciel, la Gloire du Royaume éternel, la propre Gloire du Ressuscité, non seulement pour ce Sultan, mais pour tous les Musulmans du monde.
Le sultan alors de rebondir sur ce mot et d’évoquer le Ciel selon le Coran :
« Nous espérons, en suivant la loi du très bénit Mahomet, arriver à jouir des plus grands délices dans l’avenir. » (Sous-entendu, des quantités de femmes)
Et le Roi de répliquer :
« Je ne puis assez m’étonner que vous, qui êtes des hommes discrets et circonspects (il discerne le meilleur en eux), vous ajoutiez foi à cet enchanteur Mahomet qui commande et promet tant de choses déshonnêtes ».
Et se référant, non à l’Évangile, mais au simple bon sens humain, d’ajouter :
« En effet, j’ai regardé et examiné son Alcoran [2] et je n’y ai vu qu’ordures et impuretés, tandis que d’après les sages anciens, voire même les païens, l’honnêteté est le souverain bien dans cette vie ».
Quel amour de la Vérité ! Quelle audace ! Quels risques encourus, puisque le sultan d’un seul geste peut le faire décapiter d’un seul coup de sabre.
Sources : Livre des saintes paroles et des bons faiz de nostre saint roy Looÿs, par Joinville /Riposte catholique
- Jean de Joinville (v. 1224 – 24 décembre 1317), également connu sous le nom de Sire de Joinville, est un noble champenois et biographe de Louis IX de France (dit Saint Louis). Sénéchal de Champagne et historien du règne, il suit Louis IX à Aigues-Mortes lors de la septième croisade. C’est en partie grâce à ses témoignages que Saint Louis est canonisé en 1297.[↩]
- L’Alcoran est un des noms du Coran dans ses traductions françaises.[↩]