Saint Martin de Nantes

Saint Martin de Nantes / WikiCommons

Le Martyrologe romain a ins­crit au nombre des saints sept per­sonnages qui ont por­té le nom de Martin. L’éloge de celui dont nous allons don­ner la vie y est insé­ré en ces termes, à la date du 24 octobre : « Au monas­tère de Durinum, en France, saint Martin, diacre et Abbé, dont le corps fut trans­por­té de ce lieu au monas­tère de Vertou. »

Naissance et éducation de saint Martin.

Ainsi qu’on le voit dans la vie d’un grand nombre de saints, c’est dans le milieu fami­lial, dans la pieuse atmo­sphère d’un foyer chré­tien que Martin, né à Nantes vers l’an 537, pui­sa l’attrait pour les choses de Dieu qu’il devait suivre toute sa vie ; cet attrait le por­ta à entre­prendre et à mener à bonne fin les œuvres diverses qu’il eut la mis­sion d’accomplir au cours du minis­tère qui lui fut confié et de la vie reli­gieuse à laquelle il consa­cra ses der­nières années.

La famille jouis­sait d’une grande for­tune, ce qui est sou­vent un obs­tacle pour la pra­tique des ver­tus chré­tiennes. Ses parents ne furent pas de ceux que les richesses détournent du devoir.

Entouré des soins les plus pieux et des exemples les plus capables de lui ins­pi­rer l’estime et l’amour de la ver­tu, l’enfant gran­dit dans sa famille, en atten­dant qu’il fût en âge de com­men­cer ses études. Il débu­ta dans la vie intel­lec­tuelle aux écoles de Nantes, puis pas­sa à celles de Tours, auprès du tom­beau du saint évêque, son patron. Il s’y fit bien­tôt remar­quer non seule­ment par son ardeur à l’étude, mais aus­si et sur­tout par une pié­té qui eut la plus heu­reuse influence sur ses jeunes condis­ciples. La Bible était son livre pré­fé­ré : il y pui­sa les leçons à l’aide des­quelles il allait orien­ter son existence.

Une cir­cons­tance pro­vi­den­tielle déter­mi­na sa voca­tion. Depuis long­temps déjà il nour­ris­sait le pro­jet de quit­ter le monde pour se don­ner à Dieu. Saint Félix, récem­ment élu évêque de Nantes, étant venu à Tours pour trai­ter dif­fé­rentes affaires avec l’archevêque de cette ville, le pieux jeune homme pro­fi­ta de son pas­sage pour lui ouvrir son cœur, au sujet de ses aspi­ra­tions. Il eut la joie de se voir com­pris et il ren­tra à Nantes avec son évêque qui lui confé­ra aus­si­tôt les Ordres mineurs.

Saint Martin diacre et missionnaire.

Là ne devait pas s’arrêter la sol­li­ci­tude du pon­tife pour son lévite. Au spec­tacle des émi­nentes qua­li­tés qu’il décou­vrait en lui, Félix réso­lut de l’attacher défi­ni­ti­ve­ment à son Église et il lui confé­ra l’Ordre du dia­co­nat avec le titre d’archidiacre qui cor­res­pon­dait et qui cor­res­pond encore aujourd’hui, dans cer­tains dio­cèses, à celui de vicaire général.

Martin a‑t-​il été prêtre ? D’aucuns ont sem­blé le croire, s’ap­puyant peut-​être sur des docu­ments que nous ne connais­sons pas, ou plu­tôt sup­po­sant que toutes les fonc­tions qu’il accom­plit ne pou­vaient guère être exer­cées que par un prêtre. Et pour­tant nous ne voyons pas qu’il ait jamais eu dans sa vie d’acte sacer­do­tal pro­prement dit. Il a prê­ché, il a fon­dé et diri­gé des monas­tères ; mais, comme saint François d’Assise au XIIIe siècle, Martin pou­vait, étant simple diacre, exer­cer toutes ces fonc­tions. D’ailleurs, la note du Martyrologe que nous avons don­née en com­men­çant lui confère uni­quement le titre de diacre.

C’est en cette qua­li­té qu’il fut envoyé par saint Félix de Nantes, pour conver­tir le pays d’Herbauge, que d’autres appellent Herbadille (en latin Herbadîllicus ager). Au milieu du VIe siècle, l’idolâtrie n’avait pas encore com­plè­te­ment dis­pa­ru du sol de la Gaule, et le paga­nisme y comp­tait tou­jours de nom­breux adeptes. Parmi les popu­la­tions qui étaient res­tées atta­chées aux antiques super­sti­tions, se trou­vait la ville d’Herbauge, située aux confins actuels de l’empla­cement du Poitou, sur la rive gauche de la Loire, près du lac de Grand-Lieu.

Les richesses de ses habi­tants, l’importance de son com­merce et les vices qu’entraîne sou­vent une exis­tence trop opu­lente ne la pré­disposaient guère à entendre et sur­tout à pra­ti­quer la loi aus­tère de l’Évangile. Plusieurs ten­ta­tives de zèle étaient res­tées infruc­tueuses. L’évêque de Nantes espé­rait que la parole de Martin aurait plus d’au­torité et qu’elle réus­si­rait peut-​être là où d’autres avaient échoué. Aux pre­mières ouver­tures que lui fit dans ce sens le cœur navré de l’évêque, le pieux diacre, dévo­ré par le zèle du salut des âmes, répon­dit avec empres­se­ment, comp­tant sur Dieu pour l’aider dans ce dif­fi­cile minis­tère. Hélas, les abus avaient endur­ci ces cœurs, et tous les efforts de Martin pour les conver­tir ren­con­trèrent les résis­tances les plus opi­niâtres. Il fut reçu dans la ville avec une hos­ti­li­té que rien ne put désar­mer, ni les pré­di­ca­tions, ni les larmes amères qu’il ver­sa sur ces âmes obs­ti­nées, ni les menaces ter­ribles qu’à bout d’ar­gu­ments il employa pour les faire réflé­chir sur les con­séquences de leur impié­té. On ne lui répon­dit que par des injures et des insultes : on le trai­ta de fou. Seule une famille de pauvres gens, dont le chef s’appelait Romain, consen­tit à le rece­voir et à lui don­ner l’hos­pi­ta­li­té pen­dant le temps qu’il res­ta dans la ville ; la conver­sion à la foi chré­tienne fut la récom­pense d’une telle générosité.

Voyant qu’il n’obtenait rien de ces cœurs irré­duc­tibles et aver­ti peut-​être par une voix du ciel du sort qui atten­dait Herbauge, Martin déci­da à le suivre la famille qui s’était mon­trée si hospita­lière, à quit­ter avec lui cette terre mau­dite et à l’accompagner à Nantes.

A peine les voya­geurs en étaient-​ils sor­tis qu’une épou­van­table tem­pête s’abattit sur la ville. La cité tout entière s’abîma dans les eaux qui enva­hirent le sol sur lequel elle était bâtie, et qui forment aujourd’hui le lac de Grand-Lieu.

Il y a dans cette des­truc­tion inopi­née de la ville d’Herbauge de tels points de res­sem­blance avec la ruine de Sodome que l’on ne s’étonne pas de la confu­sion qui s’établit par la suite dans les récits légen­daires du pays, à l’occasion de cet évé­ne­ment, d’ailleurs con­troversé et qui pou­vait être regar­dé comme une puni­tion du ciel.

Martin ne vou­lut y voir que le châ­ti­ment de sa propre insuf­fisance, et, à l’exemple de ces saints qui sont tou­jours dis­po­sés à s’accuser eux-​mêmes plu­tôt qu’à accu­ser les autres, il éprou­va la plus vive dou­leur et il réso­lut de se reti­rer dans la soli­tude afin d’y faire péni­tence et de prier pour les âmes de ces infortunés.

Saint Martin pèlerin, ermite et fondateur de Vertou.

Mais aupa­ra­vant il vou­lut réa­li­ser un des­sein que la vie de soli­taire rêvée par lui ne lui per­met­trait plus d’exécuter. Avec la per­mission de son évêque, il entre­prit une suite de pèle­ri­nages sur le tom­beau des Apôtres, puis au Mont-​Cassin, que saint Benoît avait fon­dé vers 529, et dans les dif­fé­rents monas­tères qu’il trou­va sur son pas­sage. Partout il cher­chait des sujets d’édification, s’instrui­sant des règles de ces monas­tères et se pré­pa­rant ain­si, sans le savoir, à la vie régu­lière qu’il devait mener plus tard.

De retour en son pays et en atten­dant sur ce der­nier point l’heure de Dieu, le pèle­rin com­men­ça par mettre à exé­cu­tion son pro­jet de solitude.

Non loin de Nantes se trou­vait une vaste forêt, nom­mée forêt de Dumen, mot qui signi­fie : pierre noire. On y trou­vait, en effet, beau­coup de ces pierres mys­té­rieuses que nous appe­lons dol­mens et men­hirs, ce qui fait pré­su­mer qu’autrefois cette forêt avait dû être consa­crée, par des hommes d’une géné­ra­tion de beau­coup anté­rieure aux Celtes, à des mani­fes­ta­tions d’un culte païen.

C’est là que Martin se reti­ra, il s’y construi­sit une petite cel­lule avec des bran­chages ; des racines et quelques fruits sau­vages for­maient toute sa nour­ri­ture. Comme il n’y avait point d’eau là où il se trou­vait, Dieu opé­ra un miracle en fai­sant jaillir une source d’eau vive. Cette eau, d’après la légende, se chan­geait en vin pour l’anachorète, lorsque sa san­té était atteinte.

Pendant les dix ans qu’il pas­sa en ce lieu, l’unique préoccupa­tion de Martin fut de prier Dieu et de se livrer aux exer­cices de la plus rigou­reuse péni­tence. Il était en cela le digne émule des ascètes de la Thébaïde.

Mais il n’entrait pas dans les des­seins divins de le lais­ser jouir, dans la soli­tude, des délices de la contem­pla­tion. Destiné à deve­nir le père d’une famille reli­gieuse, Martin allait être mis en demeure de renon­cer à sa vie d’ermite. Un ange lui appa­rut en songe et lui décla­ra que Dieu vou­lait le voir retour­ner par­mi les hommes. Il obéit, et, quit­tant à regret sa chère soli­tude, il se rap­pro­cha de Nantes et vint se fixer sur une col­line, au bord de la Sèvre, à Vertavo ou Vertau, aujourd’hui Vertou (mot qui signi­fie en langue bre­tonne ruis­seau paisible).

Sans le cher­cher et même sans le soup­çon­ner, les Saints ré­pandent autour d’eux une odeur de ver­tu qui attire à eux les âmes. Cette heu­reuse influence ne tar­da pas à s’exercer auprès des popu­lations envi­ron­nantes. Les foules accou­rurent pour lui deman­der conseil et suivre sa direc­tion. Des chré­tiens fer­vents vou­lurent vivre de sa vie et s’empressèrent de mettre à sa dis­po­si­tion les ter­rains néces­saires pour l’établissement d’un monas­tère. C’est ain­si que fut fon­dé, sous l’invocation de saint Jean-​Baptiste, celui qui devait être la maison-​mère de plu­sieurs autres.

En effet, quelques années après, le nombre des reli­gieux s’étant éle­vé jusqu’à trois cents, il fal­lut pour­voir à ces besoins nou­veaux et mul­ti­plier les fon­da­tions. Il est à remar­quer tou­te­fois que cette affluence ne nui­sit en rien à la fer­veur des moines dont le renom de sain­te­té s’étendit sur toute la Neustrie.

« Durinum » et les « Deux-Jumeaux ».

Après celui de Vertou, les plus célèbres monas­tères fon­dés par le pieux Abbé furent ceux de Durinum (aujourd’hui Saint-​Georges en Montaigu) et des Deux-​Jumeaux, au dio­cèse de Bayeux.

Durinum était une ville flo­ris­sante, au confluent des deux Maines, à six lieues de Nantes. C’est près de cette ville, sur les col­lines qui la domi­naient, que Martin éta­blit ses deux monas­tères de vierges et d’apôtres. Ils furent pour toute la contrée une source de bien­faits et de pros­pé­ri­té. Pendant que les moines prê­chaient la parole de Dieu, les vierges, qu’un cloître aus­tère ne tenait pas enfer­mées, s’en allaient, sous les ailes de la cha­ri­té, visi­ter les pauvres et les malades, et por­taient par­tout la conso­la­tion et la joie.

L’origine de l’abbaye des Deux-​Jumeaux se rap­porte à un miracle opé­ré par l’Abbé de Vertou. Deux enfants jumeaux, fils d’un puis­sant sei­gneur de cette contrée, ami de Martin, étaient morts pré­maturément, sans avoir pu rece­voir le bap­tême, ce qui déso­lait leurs parents. Le len­de­main du triste évé­ne­ment, Martin, reve­nant d’Angleterre, arri­vait pour faire visite à ceux-​ci. Après les avoir exhor­tés à la confiance en Dieu, il se mit en prières et obtint que les jumeaux revinssent à la vie. Plus tard les deux res­sus­ci­tés embras­sèrent l’état reli­gieux dans le monas­tère que leurs parents avaient fon­dé en recon­nais­sance de cet écla­tant bienfait.

Saint Martin de Nantes, dans sa solitude, se nourrit des Saintes Ecritures.

Père d’une aus­si nom­breuse famille, l’homme de Dieu pla­ça à la tête de ses monas­tères des reli­gieux d’une ver­tu éprou­vée. Tout en gar­dant la haute direc­tion de ses mai­sons, il se réser­va spé­cia­le­ment celle de Vertou. Mais son zèle débor­dait toutes ces limites et on le vit prê­cher la parole de Dieu dans la Bretagne, le Maine, le Poitou, et exci­ter ses dis­ciples à se faire, à leur tour, les apôtres de la loi divine. L’Abbé de Vertou parais­sait n’avoir sur les lèvres qu’une recom­man­da­tion : « Soyez humbles et évi­tez l’orgueil. » Quant aux autres ver­tus, il les prê­chait sur­tout d’exemple.

Mort de saint Martin. — L’arbre miraculeux.

Le jour appro­chait où le saint fon­da­teur allait rece­voir la récom­pense de ses ver­tus et de ses tra­vaux apos­to­liques. Il en reçut la révé­la­tion, alors qu’il se ren­dait à Durinum. Le mes­sa­ger céleste lui dit de retour­ner à Vertou et de se pré­pa­rer à la mort. Martin obéit, et voi­là qu’à l’approche du monas­tère, les cloches se mirent à son­ner d’elles-mêmes, comme pour saluer son retour, qui réjouit gran­de­ment les reli­gieux. On se ren­dit à l’église au chant des psaumes, puis l’Abbé, après avoir recom­man­dé à Dieu ses chers fils, leur annon­ça son pro­chain départ pour le ciel. En même temps, il plan­ta son bâton au milieu du cloître, comme signe de sa pré­di­lec­tion pour cette mai­son et comme une sorte de monu­ment des­ti­né à leur rap­pe­ler dans l’a­ve­nir les leçons qu’il leur avait don­nées. Ce devait être en même temps le sym­bole de sa pré­sence invi­sible au milieu d eux.

Après leur avoir fait ses adieux, il reprit le che­min de Durinum.

Le bâton qu’il avait lais­sé ne tar­da pas à pous­ser des racines et à s’orner d’un épais feuillage. Devenu un grand arbre, il fut tou­jours, dans le cours des siècles, l’objet d’une pieuse véné­ra­tion et sou­vent l’instrument de gué­ri­sons mer­veilleuses. Mabillon affirme que l’on voyait encore le tronc de cet arbre au xvn° siècle et qu’il conti­nuait d’être entou­ré d’un grand respect.

On raconte qu’à l’époque de l’invasion des Normands, quelques-​uns de ces bar­bares vou­lurent mon­ter sur cet arbre pour cou­per des branches et s’en faire des arcs. Mais ils furent punis de leur témé­ri­té, car l’un d’eux, d’un éclat de bois, per­dit les yeux ; un autre tom­ba de l’arbre et se rom­pit le cou ; un troi­sième, que ces évé­nements n’intimidaient pas, fit à son tour une chute et se cas­sa la jambe. Les autres prirent la fuite, et l’arbre demeu­ra intact, conti­nuant d’être l’instrument des bien­faits divins.

Arrivé à Durinum, Martin com­men­ça par visi­ter les deux monas­tères qu’il avait ins­ti­tués. Mais bien­tôt, pris de fièvre, il dut s’ar­rêter, et, com­pre­nant que l’heure du repos éter­nel était sur le point de son­ner, il l’attendit dans la joie et la paix, mal­gré les assauts des démons qu’il repous­sa avec mépris. Il se ser­vit des paroles em­ployées avant lui par saint Martin de Tours, à son lit de mort. Ayant ain­si mis en fuite les enne­mis du salut, Martin eut la con­solation de voir s’avancer à sa ren­contre Notre-​Seigneur lui-​même avec la Sainte Vierge et les anges, et c’est dans leur céleste com­pagnie qu’il ren­dit son âme à Dieu. C’était le a4 octobre de l’an 601, d’après l’opinion la plus probable.

Les reli­gieux de Vertou, ayant appris la mort du saint Abbé, accou­rurent tout éplo­rés à Durinum et s’efforcèrent d’emporter avec eux le corps de leur Abbé. Ceux de Durinum, au contraire, s’y oppo­sèrent, décla­rant que Dieu ayant rap­pe­lé à lui son ser­vi­teur en leur monas­tère, cela leur confé­rait un droit sur ses restes. Ainsi cet homme qui avait été, toute sa vie, un mes­sa­ger de paix et de concorde sem­blait mena­cé de deve­nir, après sa mort, une cause de division.

Les cir­cons­tances devaient favo­ri­ser les moines de Vertou. En effet, tan­dis que leurs confrères sont plon­gés dans un som­meil pro­fond, ils chargent sur leurs épaules le corps de leur com­mun Père en Dieu et prennent en hâte le che­min du retour. Aussitôt des miracles pro­clament la sain­te­té de celui dont ils trans­portent les restes : c’est un homme inca­pable de mar­cher, à qui l’on fait lou­cher le man­teau de saint Martin, et qui retrouve aus­si­tôt l’usage de ses membres. Un aveugle se trouve aus­si subi­te­ment guéri.

Cependant le cor­tège conti­nue sa marche rapide vers la Sèvre, pour­sui­vi par les reli­gieux de Durinum. Que faire ? La rivière est tout près ; les fugi­tifs vont être rejoints. Ceux-​ci, esti­mant qu’ils ont le bon droit pour eux, adressent au ciel une prière fer­vente. Un miracle va être la réponse ; les eaux de la rivière s’écartent et livrent pas­sage aux por­teurs de reliques, qui font écla­ter leur joie dans un chant plein de recon­nais­sance. Ceux de Durinum sont frap­pés de stu­peur devant ce pro­dige et, ne vou­lant pas aller contre la volon­té divine, ils regagnent assez tris­te­ment leur couvent.

Les vain­queurs de la jour­née ne leur épar­gnèrent même pas la raille­rie : « Ce qui vous arrive est de votre faute, dit l’un d’eux ; pour­quoi êtes-​vous par­tis si tard ? » De cette réflexion, l’endroit où se ren­con­trèrent les reli­gieux des deux monas­tères allait rece­voir, pour des siècles, le nom d’ « Attardé ».

Le corps de saint Martin repo­sa à Vertou jus­qu’au moment où les Normands s’emparèrent de Nantes et mirent à mort l’évêque saint Gohard, ce qui eut lieu le 24 juin 843. En appre­nant ce meurtre, les moines de Vertou, ter­ri­fiés, exhu­mèrent le corps de saint Martin et l’emportèrent à l’abbaye béné­dic­tine de Saint-​Jouin de Marnes, autre­fois appe­lée Ensio, au dio­cèse de Poi­tiers. Déposé d’abord dans l’église de Saint-​Jean-​Baptiste, près des reliques de saint Jouin, il fut peu de temps après éle­vé de terre et trans­fé­ré dans l’église Saint-Pierre.

Les dévas­ta­tions sacri­lèges des guerres de reli­gion ont fait dispa­raître le corps de saint Martin ; sa tête était conser­vée dans l’abbaye de Saint-​Florent, à Saumur.

Survint la Révolution ; elle ne put effa­cer son sou­ve­nir dans le Poitou, où qua­rante paroisses l’ont pour patron, ain­si qu’en Bre­tagne ; plu­sieurs églises du dio­cèse de Nantes portent son nom. Et c’est à bien juste titre qu’on l’honore, car il fut pour cette contrée un véri­table apôtre et l’un des pre­miers Pères de la vie reli­gieuse en France.

Le Martyrologe d’Adon et saint Grégoire de Tours indiquent sa fête au 9 décembre, le Martyrologe hié­ro­ny­mien et celui d’Auxerre, au 8 mai, mais Usuard, comme d’ailleurs le Martyrologe romain, et d’autres encore, en font men­tion au 24 octobre.

Les Bollandistes ont publié trois textes de la Vie de saint Martin de Vertou : le pre­mier est anté­rieur à l’invasion des Normands ; le second a été com­po­sé avant la fin du ixe siècle, par un auteur digne de foi à qui l’on doit aus­si un récit des miracles et de la trans­la­tion des restes du saint Abbé ; une troi­sième Vie n’est pas beau­coup plus récente.

source : Bonne Presse, Chanoine L.-F. Laboise.
Sources consul­tées. — Acta Sanctorum, t. X d’octobre (Paris et Rome, 1867). .— Gallia chris­lia­na. — Cardinal Richard, Les Saints de l’Eglise de Nantes (Nantes). — (V. S B. P‑, n° 921.)