Saint Augustin

Saint Augustin, par Philippe de Champaigne

Évêque d’Hippone et Docteur de l’Église (354–430). Le doc­teur de la grâce. 

Fête le 28 août.

Augustin (Aurelius Augustinus) naquit le 13 novembre 354, à Thagaste, en Numidie (aujourd’hui Souk-​Ahras, au sud-​est de Bône). Son père, nom­mé Patrice, était païen ; il avait un carac­tère violent que la patience et la dou­ceur de Monique, sa femme, devaient peu à peu trans­for­mer. Celle-​ci obtint de lui que leur fils fût fait caté­chu­mène, c’est-à-dire des­ti­né au chris­tia­nisme, dès sa nais­sance. Selon l’usage de l’époque, le bap­tême fut remis à un âge plus avancé.

Premières années.

Monique nour­rit elle-​même le petit Augustin, et lui fît boire, avec son lait, l’amour de Jésus-​Christ. Les leçons de cette mère ten­drement aimée lais­sèrent une trace inef­fa­çable dans l’âme d’Augustin. Pendant que son père, uni­que­ment sou­cieux de son ave­nir ter­restre, lui fai­sait faire l’apprentissage des lettres pro­fanes, à Thagaste et à Madaure, sa mère, pré­oc­cu­pée avant tout de son salut, le met­tait à l’école de Jésus-​Christ. L’enfant cor­res­pon­dait à ses soins et priait à genoux le doux Sauveur de le pré­ser­ver du châ­ti­ment, quand il avait com­mis quelque manquement.

Ses fautes étaient fré­quentes, graves même, s’il faut en croire son propre aveu, consi­gné dans son admi­rable livre des Confes­sions. Il s’accuse d’avoir été men­teur, voleur, iras­cible. Pourtant, il veut bien recon­naître qu’il y avait aus­si en lui du bien à côté du mal, notam­ment l’amour de la véri­té et l’ardeur à l’étude.

Au sor­tir de l’enfance, il fît une grave mala­die et deman­da le bap­tême. Mais le mal ayant cédé, Monique jugea pru­dent de recu­ler encore le sacre­ment régé­né­ra­teur. Augustin regret­ta plus tard la déter­mi­na­tion de sa mère. Celle-​ci tou­te­fois n’avait obéi qu’à une pen­sée excu­sable dans une chré­tienne : la crainte que ce bap­tême ne fût presque aus­si­tôt pro­fa­né par les entraî­ne­ments de la jeunesse.

Vie de péché. – La nostalgie du Christ.

Les pré­vi­sions de Monique se réa­li­sèrent. A peine gué­ri, Augustin céda, presque sans résis­tance, aux appâts des plai­sirs défen­dus. Sa fier­té native, tou­te­fois, le rete­nait dans les limites d’une cer­taine bien­séance, qui eût été ver­tu pour un païen, mais qui était en réa­li­té incom­pa­tible avec la pure­té chrétienne.

Romanianus, « pro­tec­teur de la cité », s’intéressa aux suc­cès sco­laires d’Augustin et lui offrit la pen­sion néces­saire pour qu’il pût aller à Carthage par­faire ses études. Il s’y ren­dit vers la fin de l’an 370, étant âgé de dix-​sept ans. L’année sui­vante, il per­dit son père, que Monique avait tar­di­ve­ment réus­si à conver­tir à la foi chrétienne.

Si Carthage était un centre d’études de pre­mier ordre, c’était aus­si, et plus encore, un centre de plai­sirs. Avide tout à la fois de suc­cès intel­lec­tuels et de suc­cès mon­dains, le jeune étu­diant menait de front, avec une égale ardeur, la vie d’étude et la vie de plaisir.

Un atta­che­ment cou­pable vint tem­pé­rer, sans la sup­pri­mer, cette vie désor­don­née. Un fils naquit de cette union illé­gi­time, Adéodat, « le fils de son péché », comme il l’appelait, qu’il aima ten­dre­ment et dont il ne se sépa­ra jamais.

Bien qu’il n’eût pas le cou­rage de s’arracher à cette exis­tence, si peu digne d’un caté­chu­mène, il conti­nuait, grâce à Dieu, d’en sen­tir le vide et ne goû­tait pas sans trouble les plai­sirs défendus.

Le pre­mier éveil de la conscience lui vint de la phi­lo­so­phie païenne. L’Hortensius de Cicéron, tom­bé par hasard entre ses mains, lui révé­la la pos­si­bi­li­té d’une éter­ni­té bien­heu­reuse, et lui mon­tra que la plus noble occu­pa­tion du sage était d’élucider ce mys­tère : « Si tout finit avec la vie pré­sente, n’est-ce pas un bon­heur d’avoir occu­pé sa vie à un si beau sujet d’étude ? Si, comme tout semble l’indiquer, notre vie conti­nue après la mort, la recherche constante de la véri­té n’est-elle pas le moyen le plus assu­ré de nous pré­pa­rer à cette autre existence ? »

Toutefois, c’est en vain qu’il deman­da aux maîtres païens cette cer­ti­tude et ces clar­tés dont son âme était avide. Il écrit :

Une chose refroi­dis­sait mon ardeur, c’est que le nom du Christ n’était pas dans les livres des phi­lo­sophes, et ce nom, par votre misé­ri­corde, ô mon Dieu, ce nom de votre Fils, mon Sauveur, mon cœur l’avait sucé avec le lait de ma mère et le gar­dait pro­fon­dé­ment ; aus­si toute doc­trine où ce nom ne parais­sait pas, quelque diserte, élé­gante et vrai­sem­blable qu’elle fût, ne pou­vait s’emparer entiè­re­ment de moi.

Mais ce besoin du Christ, pour être satis­fait, récla­mait de lui, comme de tous, un double sacri­fice : la sou­mis­sion de l’intelligence et la pure­té de la vie. Or, Augustin n’était pas encore dis­po­sé aux renon­ce­ments nécessaires.

A l’école des Manichéens.

La sagesse païenne ne le satis­fait point. Il se tour­ne­ra donc vers les Saints Livres. Mais qui lui en don­ne­ra l’intelligence ? L’Eglise catho­lique s’offre à lui ; mais l’Eglise pro­cède par voie d’autorité. Elle impose des dogmes et des croyances qui humi­lient la rai­son. En face de l’Eglise se dresse l’hérésie mani­chéenne, dont les maîtres sont férus de lettres et de science pro­fane, et qui n’impose aucun dogme à la rai­son. C’est à cha­cun de croire, à mesure qu’il com­prend davan­tage, Or, les maîtres mani­chéens pro­mettent à Augustin d’éclaircir peu à peu et sûre­ment tous ses doutes.

Le mani­chéisme lui offre un attrait plus sédui­sant encore. En admet­tant la coexis­tence d’un Dieu bon et d’un Dieu méchant, il explique en l’homme le péché par une influence étran­gère. Plus de res­pon­sa­bi­li­té de ses fautes chez l’homme qui aime le Dieu bon ! Tout le mal qu’il peut com­mettre devient impu­table au Dieu du mal.

Augustin, sans être plei­ne­ment convain­cu, se fit un apôtre de l’erreur mani­chéenne (374). Non content d’y enga­ger ses amis, il s’efforça d’y conver­tir sa mère. Ce fut peine perdue.

Dans une vision allé­go­rique, un ange lui mon­tra son fils à côté d’elle en lui disant : « Où vous êtes, il est aus­si. » Ces paroles rani­mèrent son espoir.

Une nou­velle assu­rance fut don­née à Monique par un saint évêque à qui elle confiait ses angoisses :

– Allez, dit-​il, conti­nuez à prier. Le fils de tant de larmes ne sau­rait périr.

A l’époque où Augustin se livrait ain­si aux sec­ta­teurs de Manès, sa situa­tion avait chan­gé. D’élève il était deve­nu maître à son tour. Il ouvrit une école d’éloquence dans sa ville natale, puis à Carthage, où il connut le suc­cès, mais où l’indiscipline des élèves lui devint intolérable.

Apprenant qu’à Rome la jeu­nesse était plus dis­ci­pli­née, il réso­lut de s’y rendre. L’espoir de nou­veaux suc­cès sur un plus grand théâtre ne fut pas étran­gère à cette détermination.

Avant de quit­ter l’Afrique, il s’était déta­ché des mani­chéens dont il avait fini par per­cer l’ignorance et les sottes prétentions.

Douloureusement déçu dans ses aspi­ra­tions intimes, il réso­lut d’attendre, pour s’attacher à un culte quel­conque, que la véri­té se fît connaître à lui avec une pleine certitude.

A l’école de Platon.

Augustin usa d’un sub­ter­fuge pour s’embarquer à l’insu de sa mère. Quand le moment de son départ fut fixé, il lui fît croire qu’il allait sim­ple­ment dire adieu à un ami et il enga­gea Monique à pas­ser la nuit près du rivage, dans une cha­pelle consa­crée à la mémoire de saint Cyprien.

Arrivé à Rome, il tom­ba dan­ge­reu­se­ment malade et fut sur le point de mou­rir, sans mani­fes­ter, hélas ! cette fois, le désir de rece­voir le baptême.

Ayant recou­vré la san­té, il ouvrit une école de rhé­to­rique. Aux dis­ciples qui l’avaient sui­vi de Carthage se joi­gnirent de nou­veaux audi­teurs, dociles et dis­ci­pli­nés il est vrai, mais qui ne payaient pas les leçons. Cela ne pou­vait durer.

Augustin obtint alors une chaire publique d’éloquence à Milan (384). Son suc­cès fut com­plet, mal­gré sa pro­non­cia­tion afri­caine dont il n’avait pu entiè­re­ment se défaire.

Tout en dis­tri­buant lar­ge­ment la science aux autres, le brillant pro­fes­seur ne négli­gea point sa propre for­ma­tion. Il se mit à l’école du phi­lo­sophe grec Platon, dont les œuvres venaient d’être tra­duites en latin par Victorinus. Cette étude le déta­cha plus com­plè­te­ment des erreurs mani­chéennes. Jusque-​là il s’était for­mé de Dieu une idée pure­ment maté­rielle, et l’hérésie de Manès l’avait confir­mé dans cette basse concep­tion de la divi­ni­té. Platon lui révé­la la spi­ritualité de Dieu et sa beau­té inef­fable. Son cœur s’embrasait déjà lorsqu’il enten­dait le phi­lo­sophe lui dire :

Celui qui, dans les mys­tères de l’amour, est par­ve­nu au der­nier degré de l’initiation, ver­ra tout à coup lui appa­raître une beau­té mer­veilleuse, beau­té éter­nelle, non engen­drée et non péris­sable, exempte de déca­dence comme d’accroissement, qui n’est point belle dans telle par­tie et laide dans telle autre, belle pour celui-​ci et laide pour celui-​là ; beau­té qui n’a point une forme sen­sible, un visage, des mains, rien de cor­po­rel ; qui ne réside dans aucun être chan­geant, comme l’animal, la terre, un corps céleste ; abso­lu­ment iden­tique à elle-​même et inva­riable par essence ; de laquelle toutes les autres beau­tés par­ti­cipent, sans que leur nais­sance ou leur des­truction lui apporte ni dimi­nu­tion, ni accrois­se­ment, ni le plus petit changement.

Les yeux d’Augustin furent des­sillés. La doc­trine de Platon lui parut même si voi­sine, par cer­tains côtés, de la sagesse évan­gé­lique, qu’il en vint à se deman­der si le phi­lo­sophe grec n’avait pas été à l’école des Livres Saints.

A l’école de Jésus-Christ.

Mais en lui révé­lant le Dieu véri­table, Platon ne lui four­nis­sait pas le moyen de s’élever jusqu’à la vie divine. Pour cela il lui fal­lait se livrer au Maître par excel­lence, à celui qui est « la voie, la véri­té et la vie », Jésus-​Christ, Médiateur entre Dieu et les hommes.

Les prières de sa mère devaient obte­nir cette grâce des grâces. Ne pou­vant se rési­gner à vivre sépa­rée de son fils, elle était venue le rejoindre à Milan. Elie s’efforça tout d’abord de vaincre le pre­mier obs­tacle qui s’opposait à sa conver­sion : la liai­son illé­gi­time qui exis­tait entre Augustin et la mère du petit Adéodat. Cette der­nière, douée d’une âme sin­gu­liè­re­ment géné­reuse, consen­tit à se sépa­rer de son enfant et de celui qu’elle avait ten­dre­ment aimé, et, retour­née en Afrique, se consa­cra dans la retraite au ser­vice unique de Dieu.

Augustin n’avait pas encore la force de l’imiter. En vain Alype, son plus fidèle ami, âme d’une exquise pure­té, le pres­sait de vivre dans la chas­te­té par­faite et de renon­cer au mariage pour se consa­crer tota­le­ment à l’amitié et à l’étude de la sagesse ; Augustin se sen­tait inca­pable de domp­ter ses passions.

Par l’entremise de Monique, le jeune et brillant pro­fes­seur entra en rela­tions d’amitié avec Ambroise, le saint évêque de Milan.

Ambroise le féli­ci­tait d’avoir une telle mère, et cet éloge sou­vent répé­té lui gagnait peu à peu la confiance du fils.

Les ins­truc­tions de l’évêque s’imprimaient d’une manière ineffa­çable dans son âme et lui révé­laient le véri­table sens des Ecritures que son orgueil lui avait jusque-​là tenu caché : il les relut avec assi­dui­té et s’attacha plus par­ti­cu­liè­re­ment aux Epîtres de saint Paul, dans les­quelles il trou­vait un remède contre les tentations.

Augustin eut alors la pen­sée d’aller trou­ver un prêtre, Simplicien, qui avait été le père spi­ri­tuel de saint Ambroise. Il lui ouvrit son âme et lui dit qu’il avait lu quelques livres de Platon qu’un profes­seur de Rome, Victorinus, avait tra­duits en latin. Simplicien le féli­ci­ta de s’être mis à si bonne école et expri­ma le vœu qu’il lui arri­vât à lui-​même, comme à Victorinus, d’embrasser un jour la foi catho­lique et de rece­voir le baptême.

Augustin se reti­ra ébran­lé, mais tou­jours indécis.

« Prends et lis ! »

La crise déci­sive appro­chait. Augustin vivait à Milan avec sa mère, son fils et un cer­tain nombre d’amis, par­mi les­quels Licentius, fils de Romanianus, Nébridius, son propre frère, et Alype, Un jour qu’il était seul avec ce der­nier, un chré­tien, Pontitianus, vint lui faire visite, et, voyant sur la table les Epîtres de saint Paul, féli­ci­ta son ami et expri­ma sa joie de le voir prendre plai­sir à cette lec­ture. Puis la conver­sa­tion rou­la sur la vie héroïque et péni­tente des saints soli­taires, notam­ment de saint Antoine, le plus illustre d’entre eux. Pontitianus rap­por­ta des exemples récents de conver­sions pro­vo­quées par leurs exemples.

Quand le visi­teur se fut reti­ré, Augustin, visi­ble­ment ému, se tour­na vers Alype.

– Où en sommes-​nous ? demanda-​t-​il. Que venons-​nous d’en­tendre ? Les igno­rants se lèvent et ravissent le ciel, et nous, sans cœur, avec toute notre science, nous nous traî­nons dans le sang et la boue !

Ils se ren­dirent tous deux dans un petit jar­din atte­nant à la mai­son. Ne pou­vant maî­tri­ser son émo­tion, Augustin s’éloigna de quelques pas pour don­ner libre cours à ses larmes. Resté seul, sous un figuier, il enten­dit tout à coup comme une voix d’enfant, qui sem­blait venir d’une mai­son voi­sine et qui répé­tait en chan­tant : « Prends et lis ! Prends et lis ! »

Saint Augustin sous le figuier.

Ce n’était point-​là le refrain d’un jeu d’enfants. Persuadé que cette voix lui venait du ciel, Augustin se lève, se rend à l’endroit où il avait lais­sé Alype, prend le livre des Epîtres de saint Paul, l’ouvre au hasard et tombe sur ce ver­set : « Ne vivez pas dans les fes­tins et dans l’ivresse, ni dans l’impureté et le liber­ti­nage, ni dans les que­relles et la jalou­sie ; mais revêtez-​vous de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, et ne don­nez point satis­fac­tion à votre chair dans la concupiscence. »

Il ne vou­lut pas en lire davan­tage. C’était bien inutile ; car il avait à peine ache­vé le ver­set qu’il se répan­dit dans son âme une pure lumière de séré­ni­té qui dis­si­pa toutes ses ténèbres et toutes ses hésitations.

Sa conver­sion déter­mi­na celle de ses amis. Ils se pré­pa­rèrent ensemble au bap­tême dans une mai­son de cam­pagne, connue sous le nom de Cassiciacum, qu’un ami de Nébridius avait mise à leur dis­po­si­tion. Monique était avec eux et pre­nait part à leurs doctes et pieux entretiens.

Augustin, Adéodat et Alype furent bap­ti­sés par Ambroise, dans la nuit du 24 au 25 avril 387. Une pieuse tra­di­tion raconte qu’à cette occa­sion le saint évêque de Milan et son illustre néo­phyte com­posèrent en col­la­bo­ra­tion le can­tique Te Deum, qui devait désor­mais être l’hymne solen­nel et uni­ver­sel de l’action de grâces.

Adéodat mou­rut peu après, dans toute la fer­veur de son bap­tême. La dou­leur d’Augustin fut tem­pé­rée par la pen­sée que ce fils ché­ri échap­pait ain­si aux éga­re­ments dont le père n’avait pas su se préserver.

Devenu chré­tien, Augustin ne son­gea plus qu’à retour­ner en Afrique pour y vivre dans la retraite et le ser­vice de Dieu. On se diri­gea vers le port d’Ostie. C’est là qu’il eut avec sa pieuse mère, qui ne devait plus revoir l’Afrique, un suprême entre­tien. Assis tous deux à la fenêtre, face à la mer, ils s’élevèrent dans une douce extase jusqu’aux portes de la bien­heu­reuse éternité.

Cinq jours après, Monique, désor­mais au comble de ses vœux, tom­ba malade et mourut.

Augustin ne put com­pri­mer sa dou­leur, qui écla­ta en flots de larmes, tan­dis que sa foi lui mon­trait celle qu’il avait tant aimée, triom­phante, dans la patrie vers laquelle désor­mais devaient tendre tous ses efforts.

Moine, prêtre, évêque.

Retourné en Afrique, Augustin se fixa d’abord à Thagaste, avec ses amis, pour y réa­li­ser son pro­jet de vie reli­gieuse. Il ne put res­ter caché. L’évêque d’Hippone, Valérius, lui confé­ra le sacer­doce dont il se croyait indigne (391). Devenu prêtre, il ins­ti­tua un Ordre reli­gieux, le des­ti­nant à unir les tra­vaux de l’apostolat aux exer­cices du cloître. Il fon­da aus­si un couvent de reli­gieuses dont sa sœur fut la pre­mière supé­rieure. La règle de saint Augustin est l’une des quatre grandes règles monas­tiques seules recon­nues par l’Eglise en 1215. Elle a été adop­tée par un grand nombre de nou­veaux Instituts religieux.

L’Ordre monas­tique, fon­dé par le grand évêque d’Hippone, s’est sur­vé­cu sous diverses formes : Chanoines régu­liers, Ermites, Clercs régu­liers, Congrégations. C’est l’Ordre des Ermites de Saint-​Augustin qui repré­sente le mieux, tant par le nombre de ses sujets que par sa situa­tion dans l’Eglise, la grande famille Augustinienne.

Valérius fit plus encore. Il confé­ra à Augustin la consé­cra­tion épis­co­pale (395) et lui remit, à sa mort, le gou­ver­ne­ment de l’Eglise d’Hippone.

La vie du saint évêque fut dès lors divi­sée en trois parts : la direc­tion de ses monas­tères, l’instruction des fidèles, la défense de l’Eglise contre les hérésies.

La part consa­crée à ses fidèles était la plus absor­bante. Ses jour­nées se pas­saient presque tout entières dans l’accomplissement des charges d’un évêque : pré­si­der les offices de son église, ins­truire le peuple, don­ner audience à ceux qui venaient lui deman­der ses conseils ou lui sou­mettre leurs pro­cès. Une grande par­tie des nuits était consa­crée à l’oraison et à la com­po­si­tion des livres. Pendant les repas, il fai­sait faire une lec­ture ou dis­cu­ter un point doc­tri­nal. Il ne pou­vait sur­tout souf­frir que l’on par­lât mal des absents [1].

Le Docteur.

La lutte pour la défense de la foi nous a valu un grand nombre d’ouvrages, dont le plus célèbre est la Cité de Dieu, livre immor­tel dans lequel saint Augustin décrit de main de maître la lutte inces­sante du bien et du mal sur la terre.

Il n’est aucune héré­sie de son temps qui n’ait eu affaire à ce vaillant ath­lète. Ariens, mani­chéens, péla­giens, dona­tistes reçurent des coups mor­tels de celui qu’on a appe­lé le « mar­teau des hérétiques

Il eut le bon­heur de rame­ner à la vraie foi l’un des chefs des mani­chéens, le prêtre Félix ; et c’est par la dou­ceur autant que par la force de sa logique qu’il mit fin, par un retour en masse dans le giron de l’Eglise, au schisme des dona­tistes qui avait mis l’Afrique chré­tienne à feu et à sang.

L’hérésie des péla­giens, qui niait la néces­si­té de la grâce divine pour le salut, trou­va en Augustin un for­mi­dable adver­saire. Il fou­droya cette nou­velle erreur avec tant de logique et de savoir qu’il méri­ta dès lors le titre de Docteur de la grâce, que lui a recon­nu la pos­té­ri­té [2].

Une immense dou­leur acca­bla les der­niers jours du saint évêque.

Sa chère Afrique, qu’il avait évan­gé­li­sée pen­dant qua­rante années, fut enva­hie par les Vandales, dont les hordes com­man­dées par Genséric étaient au ser­vice de la secte impie d’Arius.

Les bar­bares mirent tout à feu et à sang. Hippone fut assié­gée à son tour. Augustin, âgé de soixante-​seize ans, tom­ba gra­ve­ment malade et s’éteignit sain­te­ment avant la fin du siège, le 28 août 430.

Son corps fut trans­por­té plus tard à Cagliari, en Sardaigne, puis le 28 février 722 à Pavie, en Lombardie, où on le vénère encore aujourd’hui.

Saint Augustin est l’un des quatre grands Docteurs de l’Eglise latine.

R. B.

Sources consul­tées. – L. Poujoulat, Histoire de saint Augustin (1884). – Hatzfeld, Saint Augustin (dans la col­lec­tion Les Saints). Louis Bertrand, Saint Augustin (1912). – (V. S. B. P., nos 394, 691 et 1127.)

Notes de bas de page
  1. Parmi ses dis­ciples fut saint Possidius, évêque de Calama, qui écri­vit le pre­mier une Vie de saint Augustin.[]
  2. Les Œuvres de saint Augustin sont très nom­breuses. Outre la Cité de Dieu et les Confessions dont nous avons par­lé, citons : Sermons et Lettres ; Rétractations ; Contre les aca­dé­mi­ciens ; De la vie bien­heu­reuse ; De l’Ordre ; Soliloques ; De l’im­mor­ta­li­té de l’âme ; De la musique ; Du libre arbitre ; De la Genèse, contre les mani­chéens ; Des mœurs de l’Eglise catho­lique et des mani­chéens ; De la vraie reli­gion ; De la Doctrine chré­tienne ; Traités ou Commentaires sur les Psaumes, sur l’Evangile de saint Jean, etc.[]