Saint Émilien

Saint Émilien

Evêque de Nantes et mar­tyr (+ 725).

Fête le 27 juin.

La vie de saint Emilien offre un noble exemple de dévoue­ment pour la foi et la défense de l’Eglise. Alors qu’il eût pu vivre tran­quille et hono­ré sur son siège épis­co­pal, il aima mieux s’exposer au péril et à la mort plu­tôt que de res­ter indif­fé­rent aux maux de la chrétienté.

L’invasion musulmane.

En 725, les Sarrasins, vain­cus une pre­mière fois six ans plus tôt devant Toulouse, fran­chis­saient de nou­veau les Pyrénées. La ville de Nantes avait alors un pon­tife aus­si pieux que vaillant, plein de cha­ri­té et de foi ; l’amour de Dieu et de son trou­peau embra­sait son cœur et la consé­cra­tion épis­co­pale n’avait fait que rendre plus constante et plus droite l’ardeur natu­relle du sang bre­ton qui cou­lait dans ses veines. Cet évêque était Emilien. Emilien, dit l’ancien texte de l’office du dio­cèse d’Autun, était né en Bretagne ; c’était un homme d’une belle pres­tance, d’un visage agréable, d’une parole douce, très com­pa­tis­sant avec le peuple, aimable au-​delà de toute expres­sion, parce qu’il était de bonnes mœurs et plein de vertus.

Il s’en faut de beau­coup que l’histoire de la Bretagne à cette époque nous soit connue d’une façon bien claire. Il semble que cer­tains chefs plus puis­sants que d’autres y règnent en maîtres sur des ter­ri­toires plus ou moins impor­tants, regar­dés peut-​être avec envie par leurs voi­sins les Francs. Mais ces der­niers sont eux-​mêmes trop divi­sés pour mena­cer immé­dia­te­ment l’indépendance bretonne.

C’est du Sud-​Ouest que vient le dan­ger et il importe d’y parer à tout prix.

Deux reli­gions, deux civi­li­sa­tions se trou­vaient, en effet, en pré­sence. D’une part la reli­gion chré­tienne, d’autre part la reli­gion de l’imposteur Mahomet. Tandis que le Christ a envoyé ses apôtres conqué­rir les nations en leur prê­chant la doc­trine de l’amour, les sec­ta­teurs du soi-​disant Prophète avan­çaient en semant autour d’eux la mort et l’effroi.

Conscient du péril de l’heure, Emilien convoque ses proches et d’autres hommes, connus ou non, et leur adresse ces paroles :

– Ô vous tous, dit-​il, hommes cou­ra­geux à la guerre, plus cou­ra­geux encore par votre foi, armez vos mains du bou­clier de la foi, vos fronts de la croix du Seigneur, votre tête du casque du salut, et revê­tez vos cui­rasses. Allons, sol­dats du Christ, pre­nez vos meilleures armes de guerre, pour ren­ver­ser et broyer ces chiens veni­meux Comme le dit Judas Macchabée : « Mieux vaut mou­rir cou­ra­geu­se­ment les armes à la main, que de voir le désastre de notre peuple, la pro­fa­na­tion des choses saintes, l’opprobre du peuple de Dieu et de la loi que nous a don­née le Seigneur. »

– Seigneur, véné­rable et bon pas­teur, répon­dirent les Nantais, ordon­nez et par­tout où vous irez, nous vous suivrons.

L’évêque ne perd pas un ins­tant ; il voit dans cet élan l’expression de la volon­té divine, il recon­naît qu’un souffle de l’Esprit-Saint, agi­tant toutes ces poi­trines chré­tiennes, leur com­mu­nique l’ardeur du sacri­fice et du dévoue­ment ; sans déli­bé­rer davan­tage, il fixe le jour du départ et aus­si le lieu du rendez-​vous, qui n’était autre que la cathédrale.

Un évêque-​soldat.

Mgr Pie, dans un pané­gy­rique du chef de l’Eglise de Nantes, œuvre remar­quable dont nous allons repar­ler, a pris la peine de jus­ti­fier l’évêque de son atti­tude militaire :

« Emilien… met d’abord son peuple en prière. Mais bien­tôt il se relève, car sa prière elle-​même le pousse à l’action. Quand la patrie est en dan­ger, tout citoyen est sol­dat… Et puisque la ter­reur ou l’impuissance sont par­tout…, Emilien se lèvera…

Ne confon­dons pas les époques, ne jugeons pas les besoins et les mœurs d’un autre âge d’après nos temps et nos mœurs. Les néces­si­tés sociales d’alors ne com­por­taient pas sur ce point toute la sage pré­ci­sion de la dis­ci­pline pos­té­rieure. Et, d’ailleurs, il est des cas extrêmes dans les­quels les règles dis­ci­pli­naires s’évanouissent devant la loi divine ; que dis-​je ? il est des cas même vul­gaires, Jésus-​Christ m’en est garant, dans les­quels la loi divine s’efface devant le droit de nature.

– Qui de vous, disait le divin Maître, si le bœuf ou l’âne de son pro­chain vient à tom­ber dans une fosse, ne l’en tire­ra pas sur-​le-​champ, même au jour du sabbat ?

Or, quand une loi fon­da­men­tale comme celle du sab­bat cède pour une pareille cause, que dirons-​nous lorsqu’il s’agit non pas… seule­ment de sau­ver la vie d’une fille d’Abraham, mais de por­ter secours, en un péril extrême, à la mère com­mune de tous les hommes, à l’épouse du Christ, à l’Eglise de Dieu ? »

Il faut voir sur­tout dans l’attitude d’Emilien un geste ins­pi­ré par un sen­ti­ment ana­logue à celui qui, en 1095, por­te­ra le Pape Urbain II à prê­cher et à faire prê­cher la croi­sade d’abord au Concile de Plaisance, en Italie, puis au Concile de Clermont.

Le rassemblement autour de l’autel.

Au jour fixé, la cathé­drale de Nantes se rem­plit de guer­riers accou­rus en armes de tous les points de la pro­vince, de toutes les rues de la ville. L’évêque, revê­tu de ses orne­ments sacer­do­taux, mon­ta à l’autel et offrit le Saint Sacrifice pour le salut de la chré­tien­té, pour les Bretons, pour tous ses com­pa­gnons d’armes dont il était le com­pa­triote par le sang, le père par la grâce, le chef par le dévoue­ment. Il deman­da au Dieu des forts de don­ner aux familles la rési­gna­tion, aux sol­dats, la force et le cou­rage ; il pria le Seigneur, par la divine Victime du Calvaire, d’agréer et le bénir le sacri­fice de ceux qui allaient au-​devant de la mort pour la défense de la foi et le salut de leurs frères. Ce fut un beau spec­tacle de voir cette mul­ti­tude de guer­riers, brillants sous leurs armes, s’approcher de la Table sainte pour rece­voir le corps et le sang du Sauveur.

La messe ache­vée, Emilien prit la parole :

– Mes enfants, dit-​il, ren­dons grâce à Dieu notre Sauveur, qui a créé de rien le ciel, la terre et la mer. C’est lui qui, dans sa bon­té, nous a réunis en un tel nombre, lui qui, par sa grâce, a for­ti­fié et sanc­ti­fié nos cœurs. Prions-​le avec pié­té, demandons-​lui la force d’accomplir sa sainte volon­té pour notre salut.

Marche sur Paris et Sens. – Saint Ebbon.

Après de telles paroles, il ne res­tait plus qu’à par­tir. La sainte pha­lange se met en marche. Les gémis­se­ments et les san­glots de la foule, les larmes des mères, des veuves et des orphe­lins qui se pressent sur leur pas­sage, répondent aux adieux des sol­dats, mais rien n’ébranle la fer­me­té de ces volon­taires de la foi. Ils marchent jour et nuit, au-​devant de l’ennemi redou­table qu’ils vont com­battre. Qui sait ? les Sarrasins sont peut-​être sur le point de prendre quelque nou­velle ville ; les atteindre une jour­née plus tôt sera sans doute le salut d’une popu­la­tion entière.

En arri­vant à Paris, ils apprennent qu’une armée de Sarrasins assiège la ville de Sens et redoublent d’ardeur pour arri­ver à temps. Sens sou­te­nait encore avec éner­gie l’assaut des infi­dèles. Cette ville avait alors pour évêque saint Ebbon, digne émule d’Emilien.

D’abord comte et homme de guerre, Ebbon, neveu de l’ancien évêque de Sens, Géric, avait ensuite renon­cé aux hon­neurs du monde pour se faire moine au monas­tère de Saint-​Pierre-​le-​Vif. C’est là qu’on était allé le cher­cher pour le faire mal­gré lui évêque de Sens. Il était depuis plu­sieurs années l’exemple, la lumière, le père et le pas­teur bien-​aimé de son peuple, quand les hordes sar­ra­sines vinrent mettre le siège devant sa ville épiscopale.

Gorgé de sang et de rapines, l’ennemi parut devant la cité séno­naise ; il entou­ra la ville de ses légions, pla­ça aux portes des sen­ti­nelles vigi­lantes et fer­ma toutes les issues. Des engins de guerre, balistes, pier­riers, cata­pultes, bat­taient les rem­parts. Cependant, les citoyens munis­saient les points faibles, éle­vaient des tours de défense et lan­çaient des traits enflam­més pour brû­ler les machines de l’ennemi. La fureur des assié­geants, dou­blée par l’énergie de la résis­tance, ne connut bien­tôt plus de bornes. Cette race bar­bare ima­gi­na un expé­dient épou­van­table. De toutes parts, les arbres du pays furent cou­pés, et quand le bois eut été amon­ce­lé comme une mon­tagne cir­cu­laire sur toute l’enceinte de la ville, on y mit le feu. La flamme s’éleva bien­tôt triom­phante ; les citoyens conster­nés vinrent trou­ver l’évêque. L’homme de Dieu était age­nouillé, les yeux bai­gnés de larmes. D’une voix entre­cou­pée de san­glots, il sup­pliait Dieu en faveur du peuple dont il lui avait confié le soin. Sa prière ter­mi­née, il se rele­va, et désor­mais sûr de la pro­tec­tion céleste, il bénit la foule.

– Les gros bataillons ne font pas la vic­toire, s’écria-t-il, une poi­gnée de sol­dats conduits par le Seigneur suf­fi­ra à nous sau­ver. Suivez-moi.

Se diri­geant alors vers une des portes qu’il fit ouvrir, il se pré­ci­pi­ta avec les guer­riers, à tra­vers la fumée et les flammes, pour se jeter sur l’ennemi. Témoin de cette héroïque sor­tie, le reste de la popu­la­tion s’abandonnait au déses­poir, mais l’homme de Dieu et ses com­pa­gnons ne dou­tèrent pas un ins­tant du suc­cès. Surpris à l’improviste dans leurs cam­pe­ments, les bar­bares s’enfuirent en désordre ; la panique fut telle qu’ils tour­nèrent leurs armes les uns contre les autres. Dans leur déroute, ils tom­bèrent par mil­liers, jon­chant la plaine de cadavres.

D’après plu­sieurs his­to­riens, cette vic­toire fut due en par­tie à l’arrivée sou­daine des Bretons, qui char­gèrent les musul­mans en même temps que les assié­gés ten­taient la vigou­reuse sor­tie com­man­dée par saint Ebbon. D’autres placent un peu plus tard la déli­vrance de Sens. Il est cer­tain du moins que l’héroïque légion des volon­taires d’Emilien, conti­nuant sa marche à tra­vers la Bourgogne, vola au secours d’Autun assié­gé par une mul­ti­tude de Sarrasins sous les ordres d’un chef que le chro­ni­queur appelle Eustratégus, nom qui signi­fie sen­si­ble­ment « le grand géné­ral ». A la nou­velle de leur approche, le chef musul­man envoie un corps de troupes pour leur bar­rer le pas­sage et empê­cher leur jonc­tion avec les défen­seurs d’Autun. Les Bretons voient s’avancer les bandes musul­manes, ils fondent sur elles avec impé­tuo­si­té, les taillent en pièces dans les champs de Saint-​Forgeot, et, secon­dés par une sor­tie des assié­gés, ils entrent triom­pha­le­ment dans Autun, où les habi­tants les reçoivent comme des sau­veurs envoyés du ciel.

Le champ du sacrifice.

Après un légi­time repos, les Bretons se concertent arec les Eduens ou habi­tants de la cité d’Autun pour la déli­vrance défi­ni­tive de la ville. On décide d’attaquer l’ennemi dans ses cam­pe­ments. La direc­tion géné­rale des troupes est confiée à Emilien. L’évêque réunit tous les guer­riers dans la cathé­drale d’Autun, il rend grâce à Dieu des suc­cès obte­nus, il exhorte Eduens et Bretons à faire bra­ve­ment leur devoir, pro­met­tant la palme de la vic­toire ou celle du mar­tyre. Il rap­pelle le sou­ve­nir de saint Symphorien, et, comme la mère de ce jeune mar­tyr d’Autun, il montre la cou­ronne pré­pa­rée dans les cieux.

L’armée chré­tienne sort de la ville et se divise en trois corps ; au centre Emilien et ses Bretons, à droite et à gauche les Eduens. Elle attaque vaillam­ment les bar­bares, fran­chit la val­lée sans s’arrêter, force le camp des infi­dèles sur le pla­teau de Saint-Pierre‑l’Etrier, porte par­tout le désordre et la mort.

Surpris par cette charge inopi­née, les enne­mis lâchent pied de toutes parts et s’enfuient pêle-​mêle dans la direc­tion de Chalon jusque dans les gorges de la Creuse‑d’Auxy.

Le chef des Sarrasins ne réus­sit à ral­lier ses troupes que trois lieues plus loin, dans la plaine de Saint-​Jean-​de-​Luze. Il se pré­pa­rait à une vigou­reuse résis­tance quand il voit la petite armée chré­tienne fondre de nou­veau sur lui. Bientôt les lignes musul­manes com­mencent à plier, une seconde vic­toire des chré­tiens va com­plé­ter la première.

Mais voi­ci que de l’extrémité du champ de bataille un cava­lier franc accourt bride abattue :

– Seigneur, dit-​il à Emilien, hâtez-​vous, les infi­dèles fondent sur nous de toutes parts !

En effet, un corps de six mille cava­liers sar­ra­sins, com­man­dés par un chef auquel le chro­ni­queur donne sans vrai­sem­blance le nom de Nymphéus, après avoir rui­né Chalon-​sur-​Saône, arri­vait dans la plaine de Luze. Emilien, met­tant toute sa confiance en Dieu, fît le signe de la croix en disant :

– Seigneur, je remets mon âme entre vos mains.

Puis se jetant de nou­veau dans la mêlée il criait :

– Allons, sol­dats, met­tons toute notre confiance en Dieu.

Saint Émilien de Nantes au com­bat de Saint-​Jean de Luze.

Or le chef sar­ra­sin, d’une force et d’une sta­ture extra­or­di­naires, fai­sait des chré­tiens un car­nage épou­van­table et cou­vrait le sol de sang et de cadavres. Emilien, sai­si de dou­leur et d’une indi­gna­tion irré­sis­tible à la vue du mas­sacre de ses enfants, s’élance auda­cieu­se­ment sur le chef bar­bare et d’une main vigou­reuse le ren­verse et lui fait une rude bles­sure. Mais il est lui-​même assailli à son tour par une troupe de musul­mans qui l’accablent à coups de lances et d’épées ; il est frap­pé à mort ; ses der­nières paroles sont encore des paroles d’encouragement :

– Soldats, leur dit l’évêque mou­rant, com­bat­tez avec cou­rage contre des enne­mis puis­sants ; allez‑y har­di­ment contre les païens jusqu’à la mort ; demeu­rez constants dans la foi. Je vois déjà celui qui vous atti­re­ra à lui et qui sera votre récom­pense. Je vois, continua-​t-​il – comme le mar­tyr saint Étienne, – je vois les cieux ouverts et les anges qui se féli­citent de votre venue pro­chaine. Ne crai­gnez pas la mort, car sans aucun doute elle conduit à la vie : vous êtes non les fils des hommes, mais les enfants de Dieu. C’est pour notre vraie mère, la Sainte Église, que nous com­bat­tons ; elle crie ven­geance vers Dieu en faveur de ses Saints. Souhaitez d’être dis­sous et de demeu­rer avec le Christ notre Sauveur. Là nous attend la meilleure place, et c’est là que nous aurons toute notre récompense.

Il avait à peine ache­vé de pro­non­cer ces mots que le chef nom­mé plus haut, reve­nant à la charge, s’approchait de lui et lui tran­chait la tête.

La France sauvée.

Les bar­bares vain­queurs repa­rurent à Autun, empor­tèrent la ville d’assaut, livrèrent les édi­fices aux flammes et égor­gèrent la plu­part des habi­tants. Ce fut leur der­nier triomphe. Un prince, qui sera le grand-​père de Charlemagne, Charles, duc d’Austrasie, reve­nait d’Allemagne vic­to­rieux après avoir réuni sous ses dra­peaux tous les guer­riers qu’il put recru­ter, depuis la Loire jusqu’aux rivages de la mer du Nord. Eudes d’Aquitaine était avec lui. Ce sei­gneur, après ses désastres, était accou­ru auprès de Charles pour le conju­rer d’activer ses préparatifs.

Obligées de fuir devant la redou­table armée des Francs, les légions musul­manes, qui avaient mas­sa­cré Emilien et ses Bretons, se replièrent vers l’Ouest, pour faire leur jonc­tion avec la grande armée d’Abdérame, leur géné­ral en chef.

Au mois d’octobre de l’année 732, après huit jours de com­bats par­tiels, se livra entre Tours et Poitiers une bataille ter­rible, l’une des plus meur­trières dont l’histoire de France ait gar­dé le sou­ve­nir. C’est là que Charles d’Austrasie conquit son glo­rieux sur­nom de « Martel », parce que, dit le chro­ni­queur, « comme le mar­teau brise et dompte tous les métaux, ain­si il avait écra­sé les bar­bares enva­his­seurs de la France ». Un nombre immense de Sarrasins res­tèrent sur le champ de bataille ; Abdérame, leur chef, fut par­mi les morts, le reste s’enfuit en toute hâte vers les Pyrénées. La France et la chré­tien­té étaient sauvées.

Le culte de saint Emilien en Bourgogne.

Quand les infi­dèles eurent quit­té le champ de bataille, les chré­tiens du pays recueillirent pieu­se­ment les restes de l’évêque mar­tyr et les inhu­mèrent en ce lieu. Plus tard, on éle­va sur son tom­beau un ora­toire où s’accomplirent de nom­breux miracles. Au xie siècle, le corps fut levé de terre, et pla­cé avec hon­neur der­rière le maître-​autel de l’église parois­siale. Saint-​Jean-​de-​Luze chan­gea son nom en celui de Saint-​Emilien et par cor­rup­tion Saint-​Emiland, qu’il porte encore aujourd’hui. Cette trans­la­tion eut lieu dans l’octave de la fête de saint Jean-Baptiste.

La Bourgogne recon­nais­sante n’a pas ces­sé, à tra­vers les siècles, de véné­rer la mémoire de son héroïque défen­seur d’autrefois, deve­nu un de ses pro­tec­teurs au ciel. Le vil­lage de Saint-​Emiland a eu le bon­heur de conser­ver jusqu’à ce jour les reliques de son saint patron. La fête, qui attire de nom­breux pèle­rins, se célèbre le dimanche dans l’octave de la Saint-Jean.

Au ter­ri­toire de Tanlay, non loin de Tonnerre, s’élève une cha­pelle, rebâ­tie par le mar­quis de Tanlay, en l’honneur du saint évêque de Nantes ; en ce lieu, dit une tra­di­tion, saint Emilien, allant de Sens à Autun, rem­por­ta une vic­toire sur les infidèles.

A Saint-​Emiland une Confrérie por­tant le nom du Saint fut éri­gée par Jacques Hurauld, évêque d’Autun de 1612 à 1646.

C’est à ce moment sans doute, au dire des Bollandistes, qu’auraient été com­po­sées les leçons de l’Office, et le P. Pierre-​François Chifflet visi­tant l’église du lieu y trou­va une messe et un office notés, d’une fac­ture très élégante.

Vers la même époque, de ces leçons fut extraite une courte Vie du Saint, en fran­çais, qui obtint le per­mis d’impression en 1607, d’abord, puis en 1634. On y trouve une orai­son inté­res­sante parce qu’elle indique pour quel genre d’affliction la confiance des fidèles recou­rait à l’intercession de saint Emilien. Il y est rap­pe­lé que par l’intercession bien­fai­sante du saint évêque, les malades affli­gés de her­nies ou d’une frac­ture des membres ou d’autres infir­mi­tés recouvrent la santé.

Le culte de saint Emilien au diocèse de Nantes.

Le culte de saint Emilien était res­té com­plè­te­ment incon­nu à Nantes jusqu’au xixe siècle. Presque tou­jours, en effet, nous voyons la dévo­tion aux Saints prendre nais­sance autour de leur tombe ; or Nantes ne pos­sé­dait aucune relique, aucun sou­ve­nir du pieux pon­tife qui était allé mou­rir loin de son peuple. En 1855 et 1856, lorsqu’on pré­pa­rait dans ce dio­cèse le retour à la litur­gie romaine, les études his­to­riques sur les Saints locaux réveillèrent dans sa ville épis­co­pale le sou­ve­nir de saint Emilien, et, en 1859, Nantes eut la joie bien légi­time d’obtenir de l’évêque d’Autun quelques frag­ments des reliques de saint Emilien. A cette occa­sion furent célé­brées des fêtes reli­gieuses splen­dides, au milieu d’un concours immense de fidèles. Plusieurs évêques y assis­taient. Le grand évêque de Poitiers, Mgr Pie, invi­té à pro­non­cer le pané­gy­rique de saint Emilien, fît entendre, le 8 juin, un des plus beaux dis­cours qui soient tom­bés de ses lèvres si élo­quentes et si doctes ; toute la seconde par­tie est consa­crée à la thèse splen­dide de la royau­té uni­ver­selle du Christ.

La fête de saint Emilien est célé­brée à Nantes le 3 sep­tembre, alors que dans le dio­cèse d’Autun, nous l’avons vu, la dévo­tion se mani­feste sur­tout autour de l’anniversaire de la trans­la­tion des reliques, c’est-à-dire en juin.

La paroisse de Saint-​Emilien, dans le can­ton de Blain (Loire-​Inférieure), a pour patron le saint évêque.

Maxime Viallet.

Sources consul­tées. – Acta Sanctorum, t. VII de juin (Paris et Rome, 1867). – Abbé Dinet, Saint Symphorien et son culte. – Cardinal Richard, Les Saints de l’Eglise de Nantes (Nantes). – Œuvres de Mgr l’évêque de Poitiers (le car­di­nal Pie, t. III (Poitiers et Paris, 1868). – (V. S. B. P., n° 441.)