Lettre de Mgr Mamie à Mgr Lefebvre du 6 mai 1975

Monseigneur,

Mgr François Charrière, mon pré­dé­ces­seur, avait signé, le 1er novembre 1970, le décret d’érection de la Fraternité Sacerdotale inter­na­tio­nale Saint-​Pie‑X, au titre de Pia Unio, avec siège à Fribourg, approu­vant et confir­mant les sta­tuts de ladite Fraternité.

Après de longs mois de prières et de réflexions, après avoir tant sou­hai­té main­te­nir entre nous une com­mu­nion fra­ter­nelle, après vous avoir enten­du et écrit plus d’une fois (pen­sez entre autres à notre der­nière conver­sa­tion, ouverte et loyale, où vous m’avez clai­re­ment dit que vous n’acceptiez pas cer­taines décla­ra­tions conci­liaires ; je vous rap­pe­lais aus­si alors votre refus en ce qui concerne la célé­bra­tion de la sainte messe selon le rite éta­bli par S.S. Paul VI ; je vous disais enfin que votre atti­tude et vos actes me posaient une grave ques­tion de conscience en ce qui regar­dait l’appui cano­nique de l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg à votre ins­ti­tut), j’en arrive à la conclu­sion dou­lou­reuse, mais qui me paraît néces­saire aujourd’hui :

Je vous informe donc que je retire les actes et les conces­sions effec­tués par mon pré­dé­ces­seur en ce qui regarde la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie‑X, par­ti­cu­liè­re­ment le décret d’érection du 1er novembre 1970.

Vous rece­vrez ces jours-​ci ou vous avez déjà reçu une lettre du Saint-​Siège, plus pré­ci­sé­ment de la Commission car­di­na­lice ad hoc. C’est donc en plein accord avec le Saint-​Siège, en par­ti­cu­lier confor­mé­ment à une réponse que j’ai reçue du car­di­nal Arturo Tabera, pré­fet de la S. Congrégation pour les Religieux et les Instituts sécu­liers, que je prends cette décision.

En date du 21 novembre 1974, vous avez publié et signé un texte qui com­mence par ces mots :« Nous adhé­rons de tout cœur, de toute notre âme à la Rome catholique… »

Cette décla­ra­tion a été pour moi la confir­ma­tion que je ne pou­vais plus, en conscience, sou­te­nir votre Fraternité.

Vous vous oppo­sez si mani­fes­te­ment au IIe concile du Vatican et à la per­sonne et aux actes du suc­ces­seur de Pierre, Sa Sainteté le Pape Paul VI, vous avez si sou­vent dit et écrit que vous aviez l’appui de l’évêque de Fribourg, que je ne puis plus admettre que l’autorité de l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg demeure le fon­de­ment cano­nique de vos ins­ti­tu­tions. J’ai conscience aus­si que cette déci­sion met en cause tout ce qui est pré­vu dans les sta­tuts de la Fraternité Saint-​Pie‑X.

Cette déci­sion est immé­dia­te­ment effec­tive et j’en informe, par le même cour­rier, les ins­tances romaines com­pé­tentes (S. Congrégation pour les Religieux, S. Congrégation pour l’Éducation catho­lique et S. Congrégation pour le Clergé), ain­si que S. E. Mgr Ambrogio Marchioni, nonce apos­to­lique en Suisse, et Mgr Nestor Adam, pré­sident de la Conférence des évêques suisses.

Quant à nous, nous conti­nuons de deman­der aux fidèles comme aux prêtres catho­liques d’accepter et d’appliquer toutes les orien­ta­tions et déci­sions du IIe concile du Vatican, tous les ensei­gne­ments de Jean XXIII et de Paul VI, toutes les direc­tives des secré­ta­riats ins­ti­tués par le Concile, y com­pris dans la litur­gie nou­velle. Cela nous l’avons fait et nous le ferons encore, même aux jours les plus dif­fi­ciles et avec la grâce de Dieu, parce que, pour nous, c’est là le seul che­min pour « édi­fier » l’Église.

C’est donc avec une grande tris­tesse, Monseigneur, que je vous assure de ma fidèle prière et de mes sen­ti­ments très fra­ter­nels, dans l’attachement au Christ Jésus, à son Église et à celui qui a reçu le pou­voir divin de confir­mer ses frères, le Souverain Pontife, suc­ces­seur de Pierre.

†Mgr Mamie, évêque de Fribourg