Sermon des ordinations

Homélie pro­non­cée par Mgr de Galarreta, le 29 juin 2004, lors des ordi­na­tions, à Écône et publiée dans Le sel de la terre n° 50 après révi­sion par Mgr de Galarreta. Les notes et les sous-​titres sont de la rédac­tion de la revue.

« […]Donc voyez, au point de départ pour nous entendre, il manque un fon­de­ment essen­tiel. Et ensuite, com­ment pourrions-​nous nous mettre sous l’au­to­ri­té de ceux qui démo­lissent l’Église et qui ne veulent pas chan­ger ? C’est la qua­dra­ture du cercle ! Vouloir gar­der la Tradition et obéir à ceux qui ne veulent pas chan­ger de direc­tion, qui sont dans le sens de la rup­ture avec la Tradition, la démo­li­tion de tout. Cela relève de l’u­to­pie, de la chi­mère, c’est prendre ses dési­rs pour la réa­li­té. Tant qu’il n’y a pas un retour de la plus haute auto­ri­té de l’Église, nous ne pour­rons pas faire un accord pure­ment pra­tique. Ce n’est pas pos­sible pour l’heure. Et à son heure, cet accord ne sera pas pure­ment pratique.[…] »

Excellences, chers confrères dans le sacer­doce, chers ordi­nands, mes bien chers frères, nous voi­ci réunis à nou­veau en ce jour d’or­di­na­tion, en la fête de saint Pierre et saint Paul, une jour­née de conso­la­tion, conso­la­tion parce que nous conso­li­dons, nous assu­rons la conti­nua­tion de la foi catho­lique, du sacer­doce catho­lique, la conti­nui­té de la vraie vie de l’Église catho­lique, et c’est donc vrai­ment une occa­sion de joie, de conso­la­tion, et une occa­sion de remer­cier Dieu, car nous sommes les plus heu­reux des hommes dans ce contexte-​là. Mais évi­dem­ment, nos joies se mêlent tou­jours aux tris­tesses dès que l’on essaie de scru­ter un peu quelle est la situa­tion en géné­ral de l’Église, quelle est l’é­vo­lu­tion de tous les pro­blèmes qui touchent à la vie même de la sainte Église catho­lique. Je pense qu’il faut essayer de jeter un coup d’oil pro­fond et serein sur la situa­tion telle qu’elle est. Nous pou­vons affir­mer sans hési­ta­tion que rien ne change, rien ne change pour l’es­sen­tiel, ce sont tou­jours les mêmes prin­cipes qui dirigent les acti­vi­tés des auto­ri­tés ecclé­sias­tiques aujourd’­hui, donc de l’Église conci­liaire, de l’Église moder­niste, appelez-​la comme vous vou­lez, la réa­li­té est claire. On conti­nue tou­jours dans le même sens, le même but, les mêmes inten­tions, ça ne change pas. Il est facile de l’illustrer.

La Révolution atteint une certaine perfection

Je prends un pre­mier exemple. Voyez, obser­vez quel est le dis­cours de l’Église offi­cielle ad extra, vis-​à-​vis du monde, des gou­ver­ne­ments, du pou­voir tem­po­rel, des ins­ti­tu­tions. Regardez le conte­nu de ces dis­cours et vous ne trou­ve­rez que la digni­té humaine, les Droits de l’homme, les dif­fé­rentes Déclarations des Droits de l’homme, la liber­té, l’é­ga­li­té, la fra­ter­ni­té. Il est clair que le prin­cipe qui dirige toute l’ac­tion de l’Église aujourd’­hui par rap­port à l’ex­té­rieur, c’est la liber­té de conscience, la liber­té reli­gieuse. Et même quand il s’a­git de défendre le droit de l’Église ou le droit natu­rel, on ne recourt qu’à ces arguments-​là. Or il faut le dire, ce dis­cours est beau­coup plus appro­prié pour les loges que pour l’Église catho­lique. Évidemment, vous le savez comme moi, si tout maçon est un libé­ral, tout libé­ral n’est pas un maçon, c’est clair.

Si on regarde ensuite quel est le prin­cipe qui dirige toute la vie de l’Église au­jourd’hui ad intra, c’est-​à-​dire vers l’in­té­rieur, c’est l’o­cu­mé­nisme, cet ocumé­nisme qui conduit for­cé­ment, néces­sai­re­ment à l’a­po­sta­sie et à la ruine des mis­sions, c’est-​à-​dire des conver­sions. Et le pire est que l’o­cu­mé­nisme dis­sout l’Église à l’in­té­rieur même. C’est sur­tout une dis­so­lu­tion. Bien qu’elle se pré­sente comme une union, c’est sur­tout une dis­so­lu­tion et par­ti­cu­liè­re­ment une dis­so­lu­tion de la vraie foi, la foi catho­lique. Tout se mul­ti­plie dans ce sens-​là. Nous avons vu se répé­ter l’a­bo­mi­na­tion d’Assise. Rappelez-​vous l’im­pres­sion que cela avait pro­duit sur Mgr Lefebvre. Eh bien, nous l’a­vons vu à Rome et main­te­nant nous le voyons àFatima. Donc rien n’est épar­gné et tout est mis au ser­vice de cet cecu­mé­nisme qui est moteur. Ils parlent même d’une spi­ri­tua­li­té ocu­mé­nique. Voyez l’exemple aus­si des rap­ports vis-​à-​vis des ortho­doxes schis­ma­tiques. Le car­di­nal Kasper ne voit pas de pro­blème à sacri­fier de nou­veau les Uniates sur l’au­tel de l’o­cu­mé­nisme. On l’a déjà dénon­cé. Donc ce que je vois, si on regarde vrai­ment d’une façon posée, sereine, objec­tive, c’est que la révo­lu­tion qui s’est intro­duite au sein de l’Église atteint une cer­taine per­fec­tion, un cer­tain achèvement.

Un esprit qui pénètre partout

Regardez en arrière dans tous les domaines, il n’y en a pas un seul où ils n’aient pas adap­té tout à cette pen­sée moder­niste, anti-​chrétienne. Que ce soit la théo­lo­gie, l’exé­gèse – l’Écriture sainte donc -, le magis­tère pon­ti­fi­cal, le caté­chisme, la litur­gie, le droit public de l’Église, le droit canon, la spi­ri­tua­li­té. Et on se sert de tout pour éta­blir cette nou­velle reli­gion. Évidemment, lorsque nous disons que c’est une nou­velle reli­gion, nous vou­lons dire qu’il y a une adul­té­ra­tion du ca­tholicisme. Apparemment c’est la même chose et c’est jus­te­ment là le pro­blème : ils adul­tèrent la véri­té. Il y a un esprit qui pénètre – selon des mesures et des degrés dif­fé­rents – dans la pen­sée même de l’Église catho­lique et dans la vie de l’Église catho­lique. Et c’est clair et net, c’est une pen­sée révolutionnaire.

S’il faut la défi­nir, quels sont ses carac­tères ? C’est du natu­ra­lisme, c’est du libé­ra­lisme, et c’est ce que j’ai appe­lé l’an­thro­po­théisme, ce n’est plus l’an­thro­po­cen­trisme, c’est vrai­ment l’an­thro­po­théisme, c’est le culte de l’homme, et c’est bien cela qui nous sépare.

Pourquoi l’accord pratique est impossible

C’est dans ce contexte pré­cis qu’on nous pro­pose un accord pure­ment pra­tique. Chose qui a été faite avec Campos, et nous en voyons sur trois ans les effets dévastateurs.

Il faut que ce soit évident pour nous : un accord pure­ment pra­tique est impossible.

Lorsque a eu lieu un des pre­miers contacts à Rome, quel­qu’un nous a dit : « Ne dis­cu­tons pas de doc­trine nous allons nous embour­ber ». Voyez, cela semble une phrase ano­dine, mais c’est grave. Qu’est-​ce que cela veut dire ? Cela veut dire que la véri­té divise, et c’est bien ce qu’ils croient. C’est ce qui fonde la liber­té reli­gieuse, l’o­cu­mé­nisme aus­si. La véri­té divise, donc il faut la mettre de côté. Cela rap­pelle beau­coup la phrase de Pilate : « Qu’est ce que la véri­té ? » Et l’a­pôtre saint Paul nous aver­tit dans l’é­pître aux Thessaloniciens que Dieu enver­ra un esprit d’a­veu­gle­ment à ces hommes-​là, parce qu’ils n’au­ront pas reçu avec amour la vérité[1].

Donc voyez, au point de départ pour nous entendre, il manque un fon­de­ment essen­tiel. Et ensuite, com­ment pourrions-​nous nous mettre sous l’au­to­ri­té de ceux qui démo­lissent l’Église et qui ne veulent pas chan­ger ? C’est la qua­dra­ture du cercle ! Vouloir gar­der la Tradition et obéir à ceux qui ne veulent pas chan­ger de direc­tion, qui sont dans le sens de la rup­ture avec la Tradition, la démo­li­tion de tout. Cela relève de l’u­to­pie, de la chi­mère, c’est prendre ses dési­rs pour la réa­li­té. Tant qu’il n’y a pas un retour de la plus haute auto­ri­té de l’Église, nous ne pour­rons pas faire un accord pure­ment pra­tique. Ce n’est pas pos­sible pour l’heure. Et à son heure, cet accord ne sera pas pure­ment pratique.

Ce serait de la duplicité.

Ensuite, il y a encore un aspect très impor­tant, c’est que tout accord pure­ment pra­tique sup­po­se­rait une contra­dic­tion de notre part, une dis­so­cia­tion entre la foi qu’on a dans le cour et la foi qu’on a aux lèvres. Autrement dit, entre la foi catho­lique et la confes­sion de la foi catho­lique. Cela nous met dans une dupli­ci­té, cela relève de l’as­tuce, et non pas de la pru­dence. Car il fau­drait – au moins publi­que­ment – faire croire que nous admet­tons ce qui se passe actuel­le­ment dans l’Église à Rome.

Ici, je dis que nous ne pou­vons pas coopé­rer avec ceux qui vont contre la foi catho­lique, c’est ce que dit l’a­pôtre saint Paul : Quel accord peut-​il y avoir entre la lumière et les ténèbres, entre la jus­tice et l’in­jus­tice. Ne por­tez pas un même joug avec les infidèles[2]. Je pense qu’on peut très bien l’ap­pli­quer ici. Donc il ne s’a­git pas seule­ment de refu­ser une confu­sion du point de vue doc­tri­nal, du point de vue théo­lo­gique de la foi, du point de vue du culte, mais même du point de vue pra­tique de l’ac­tion, nous ne pou­vons pas tra­vailler ensemble parce que nous allons dans un sens contraire, abso­lu­ment contraire et il s’a­git de la foi. Car la condi­tion impli­cite d’une entente avec nous- et même par­fois condi­tion expli­cite, mais comme ce qui est écrit en petits carac­tères dans un contrat ! -, c’est que nous recon­nais­sions le plu­ra­lisme, que nous recon­nais­sions l’o­cu­mé­nisme. Cela équi­vaut à dire : la Tradition est admise comme un cha­risme par­ti­cu­lier. Mais si nous admet­tons cela, nous ran­geons la véri­té catho­lique au niveau des opi­nions, et nous sommes en plein dans le plu­ra­lisme, l’o­cu­mé­nisme, le rela­ti­visme, l’in­dif­fé­ren­tisme. Donc, il y a bien là un pro­blème essen­tiel. Il est évident qu’à chaque fois ce qu’on nous pro­pose, c’est ce qu’on pour­rait appe­ler : la Tradition libre dans l’Église conci­liaire libre. Prenez le der­nier entre­tien du car­di­nal Castrillon Hoyos, qui est main­te­nant sur Internet et par­tout – il fait exprès que ce soit public -, et vous ver­rez. C’est une réduc­tion extra­or­di­naire. il dit le pro­blème tra­di­tio­na­liste se réduit à une ques­tion litur­gique et dévo­tion­nelle. Donc notre atta­che­ment à la sainte messe est une ques­tion litur­gique et dévo­tion­nelle qui se réduit à une ques­tion de sen­si­bi­li­té et de sen­ti­ment. Notre posi­tion relè­ve­rait ain­si de la liber­té de conscience, et on pour­rait très bien la rame­ner à « l’u­ni­té dans la diver­si­té , Le car­di­nal dit qu’il n’y a aucun pro­blème à ce qu’il y ait des contraires pour­vu qu’on fasse réfé­rence à cette nou­velle uni­té qui est fon­dée exclu­si­ve­ment sur le pape. Bien sûr parce qu’il s’a­git d’un pape moder­niste. Leur démarche est claire, ce qu’ils nous pro­posent : on vous recon­naît une par­ti­cu­la­ri­té, mais vous recon­nais­sez tout le reste. Vous recon­nais­sez le prin­cipe qui démo­lit la foi, qui est en train de démo­lir la foi et aus­si le monde. Nous assis­tons donc vrai­ment à l’é­ta­blis­se­ment d’une autre foi, d’une autre reli­gion, et nous devons être très prudents.

Ce qui console

Peut-​être pouvez-​vous vous dire : ce pano­ra­ma est bien triste, bien désolant.

Je pense que notre conso­la­tion ne peut pas venir de la situa­tion que nous vivons. il ne faut pas cher­cher la conso­la­tion là où elle n’est pas. Ce qui nous console, ce n’est vrai­ment pas la situa­tion que nous avons à vivre, elle vient d’ailleurs et pre­miè­re­ment de Dieu, de la Providence. Saint Paul nous rap­pelle que toutes les choses coopèrent au bien de ceux qui aiment Dieu[3]. C’est une phrase d’une por­tée énorme. Tout coopère au bien de ceux qui aiment Dieu, pas seule­ment les biens, mais aus­si les maux, les adver­si­tés, les souf­frances, les tri­bu­la­tions. Cela veut dire que tout est ordon­né au bien de la par­tie la plus noble de l’u­ni­vers qui est le Corps mys­tique de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, et donc à l’Église. Tout ce qui nous arrive est ordon­né à notre bien, pour­vu que nous demeu­rions dans l’a­mour de Dieu, car tout coopère au bien de ceux qui aiment Dieu. Et saint Augustin a une belle phrase, il dit : La tri­bu­la­tion sera ce que tu veux qu’elle soit, ou bien épreuve ou dam­na­tion. Si elle te trouve comme de l’or elle te puri­fie, elle enlève les sco­ries ; si elle te trouve comme de la paille elle te consume. Et c’est pour cela que l’Apôtre ajoute : Si Dieu est pour nous, qui est contre nous[4] ? Si Dieu est avec nous, si nous sommes avec Dieu qui est contre nous ? Et cela doit nous don­ner une tran­quilli­té pro­fonde, une espé­rance sur­na­tu­relle bien sûr, mais qui vaut beau­coup plus que toute espé­rance ter­restre. Et la céré­mo­nie que nous avons aujourd’­hui pré­ci­sé­ment nous donne l’un des élé­ments qui doit être comme le fon­de­ment de notre per­sé­vé­rance et aus­si de notre consolation.

Le plus difficile

Et nous devons faire des pro­grès dans l’a­mour de la croix. En effet, je crois que, dans la réa­li­té, c’est la parole la plus dif­fi­cile de Notre-​Seigneur dans l’Évangile : aimer la croix. Nous le lisons sou­vent, et tout le chris­tia­nisme est fon­dé sur cette véri­té, ce dogme de foi : l’ex­pia­tion et la rédemp­tion par la dou­leur, par le sacri­fice, par la croix. Toute notre foi est fon­dée sur cela, c’est cela la grande ouvre de Notre-​Seigneur. Et par consé­quent il y a une loi morale, une loi spi­ri­tuelle qui est que le chré­tien et sur­tout le prêtre doit accom­plir ce qui manque à la pas­sion du Christ. Voilà la réa­li­té dif­fi­cile à embras­ser. Nous le devons, c’est l’a­pôtre saint Paul qui le dit aux Colossiens : je me réjouis de mes souf­frances pour vous, et ce qui manque aux souf­frances du Christ je l’ac­com­plis dans ma chair pour son Corps qui est l’Église, et ensuite il ajoute : C’est pour cela que j’ai été fait ministre[5]. Donc si ce prin­cipe de l’a­mour de la croix est une néces­si­té, il s’ap­plique sur­tout à notre sacer­doce, à tel point que notre fidé­li­té au sacer­doce dépend de notre amour de la croix, et tout le pro­blème est là, tout notre pro­blème est là.

Notre-​Seigneur est bien for­mel : Si le grain de fro­ment ne tombe en terre et ne meurt pas il demeure seul, s’il meurt il fruc­ti­fie beau­coup. Celui qui ne hait pas son âme en ce monde ne peut pas être fidèle[6]. Et il ajoute : Si quel­qu’un me sert, qu’il me suive ; si quis mihi minis­trat, sequa­tur me[7]. C’est après l’en­trée triom­phale à Jérusalem, il parle bien du sacer­doce. Donc cet amour de la croix, auquel chers ordi­nands, vous devez vous adon­ner, que vous devez acqué­rir, appro­fon­dir, cet amour sera la garan­tie de votre persévérance.

La clé, c’est la croix

Cela nous pro­tège par exemple du désir immo­dé­ré du suc­cès, des réus­sites, ce qui a été une occa­sion de chute pour beau­coup. Il faut accep­ter la croix avec patience, avec une vision sur­na­tu­relle. C’est là que se trouve la fécon­di­té. Et cela peut aus­si évi­ter les dan­gers de ce monde qui nous rejette, qui nous attire, qui nous séduit. C’est là aus­si la clef pour résoudre les pro­blèmes de toutes les familles catho­liques. Comment faire pour que vos enfants gardent la foi catho­lique ? En défi­ni­tive, je crois qu’il n’y a rien d’autre que l’a­mour de la croix, l’a­mour du sacrifice.

Il y a une pré­ser­va­tion, un éloi­gne­ment, une sépa­ra­tion donc un renon­ce­ment qui est inévi­table si on ne veut pas être conta­mi­né par l’es­prit du monde. C’est comme s’il y avait la peste qui se géné­ra­lise. Une fois qu’on a attra­pé la peste, c’est très dif­fi­cile de s’en sor­tir. Le meilleur remède c’est de ne pas l’at­tra­per, de l’é­vi­ter. Et pour l’é­vi­ter, il faut prendre des mesures. Eh bien, ici c’est la même chose ! Plus le temps passe, plus la solu­tion pour per­sé­vé­rer, pour nous main­te­nir c’est l’é­loi­gne­ment, la sépa­ra­tion de ce monde.

Vous me direz : c’est très dur. Oui, c’est très dur mais ce sera plus dur de perdre les géné­ra­tions qui vien­dront après nous et perdre notre âme. Et la rai­son pro­fonde de cette néces­si­té d’embrasser davan­tage la croix est que la croix, le sacri­fice, la souf­france est comme la condi­tion et l’ac­com­plis­se­ment de la cha­ri­té, de l’a­mour. C’est bien ce que Notre-​Seigneur nous montre.

Pourquoi ce besoin de souf­frir ? Nous pour­rions nous le dire : mais enfin, pour­quoi ? mis à part qu’il y a le péché ori­gi­nel et qu’il faut répa­rer la jus­tice. Mais cette même jus­tice, elle se répare sur­tout par l’a­mour qui est néces­saire pour ce sacri­fice. L’essence du sacri­fice de Notre-​Seigneur c’est cet amour de Notre-​Seigneur qui atteint sa per­fec­tion, sa plé­ni­tude le jeu­di saint lors de l’ins­ti­tu­tion de l’eucha­ristie et le Vendredi saint. Et l’a­mour le plus grand de la sainte Vierge pour nous c’est sa com­pas­sion au pied de la croix. Donc la croix, le sacri­fice c’est tout sim­plement la condi­tion et l’ac­com­plis­se­ment de l’a­mour, du par­fait amour de Dieu, du pro­chain et de soi-même.

La grâce de Mgr Lefebvre

Et nous avons reçu un secours extra­or­di­naire en la per­sonne de Mgr Marcel Lefebvre, notre fon­da­teur. il est évident que Dieu donne les modèles néces­saires à chaque époque. Qu’il donne les grâces et les hommes néces­saires et les exemples néces­saires pour une époque. Donc il suf­fi­rait d’ap­pro­fon­dir le patri­moine que Monseigneur nous a lais­sé, de l’i­mi­ter davan­tage pour être beau­coup plus saint. Et je crois bien que si nous ne sommes pas plus saints c’est que nous ne sui­vons pas assez l’exemple de Monseigneur Lefebvre. je vous par­lais par exemple de la fer­me­té de la foi qu’il faut aujourd’­hui. Voyez quel exemple de fer­me­té inébran­lable sur le prin­cipe, sur la foi, quelle cohé­rence entre sa foi et sa vie et aus­si quelle véra­ci­té : est, est, non non[8]. Quelle pru­dence ! Il était extrê­me­ment pru­dent, pers­pi­cace, mais aus­si très fort et très simple, très franc.

S’il s’a­git de cette confiance qu’il faut avoir dans la Providence, il nous incul­quait tou­jours de suivre la Providence, de ne pas la devan­cer, de ne pas se sub­sti­tuer à la Providence ; quand on devance la Providence, on se sub­sti­tue à la Providence. Donc il avait l’hu­mi­li­té, il savait ce qu’il était. Il ne se pre­nait pas pour l’Église ou pour la Providence. Et en même temps il avait une grande confiance car il ne se confiait pas en lui mais en Dieu, en la Providence qui ne va pas aban­don­ner son Église, ni la vraie foi. Et cette confiance entiè­re­ment fon­dée sur la Providence divine et le secours divin lui per­met­tait d’être magna­nime. Et nous sommes tous là grâce à Mgr Lefebvre.

La croix selon le mode le plus doux

Et l’a­mour de la croix aus­si. je pense qu’il nous a appris l’a­mour de la croix selon le mode le plus doux et le plus adap­té à nos misères et à nos fai­blesses : l’a­mour du saint sacri­fice de la messe et une spi­ri­tua­li­té fon­dée sur le saint sacri­fice de la messe. Et c’est très conso­lant cette façon d’ap­pro­cher le mys­tère de la croix par la sainte messe. Puis par le dévoue­ment, dans le zèle, la cha­ri­té, l’a­mour de Dieu et l’a­mour des âmes, voi­là sa façon de vivre le mys­tère de la croix et l’a­mour de la croix.

Et c’est cela que Dieu nous demande. Pas besoin de cher­cher ailleurs, on a suf­fi­sam­ment d’élé­ments, de condi­tions et de situa­tions pour vivre pro­fon­dé­ment tout cela. Et il nous a trans­mis cet amour de la croix qui consiste à tout don­ner et à se don­ner tota­le­ment, comme dit saint Thomas, avec joie. Saint Paul dit que Dieu aime ceux qui donnent avec joie[9]. Mgr Lefebvre nous a appris cela. Alors sui­vons les pas de ceux qui nous ont pré­cé­dés dans le bon com­bat et qui ont eu des grâces extra­or­di­naires dans cette crise pour la défense de la vraie foi et de la sain­te­té. Et deman­dons donc en ce jour à la très sainte Vierge Marie et à son Cour Immaculé car c’est à elle que Dieu a confié la situa­tion pré­sente et ses apôtres – bien­tôt les apôtres des der­niers temps – ; plus nous appro­chons des der­niers temps, plus le rôle de la très sainte Vierge Marie est impor­tant par rap­port à l’Église, par rap­port à l’his­toire, par rap­port aux apôtres. Alors deman­dons à la très sainte Vierge Marie de nous don­ner cette fidé­li­té sacer­do­tale en sui­vant l’exemple de Mgr Lefebvre, en étant forts dans la foi, en étant pour ain­si dire intrai­tables au sujet de la foi. Mais aus­si d’a­voir cette foi pro­fonde dans l’a­mour de Dieu, c’é­tait sa devise : Credidimus cari­ta­ti, nous avons cru à l’a­mour de Dieu. Or cet amour de Dieu, de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, c’est l’a­mour de la croix et du sacri­fice. Alors ! Que la sainte Vierge nous donne vrai­ment à tous cet amour et ce zèle qui est l’ar­deur de l’a­mour, cet amour cru­ci­fié, sacri­fié pour les âmes, pour la sainte Église, pour l’hon­neur de Dieu et de la très sainte Vierge Marie, notre mère.

Ainsi soit-​il !

Notules

[1] 2 Th 2, 11 : Ideo mit­tet illis Deus ope­ra­tio­nem erro­ris, ut cre­dant men­da­cio, ut Judicentur omnes qui non cre­di­de­runt veritati.
[2] 2 Co 6, 14 : Nolite jugum ducere cum infi­de­li­bus ; quo enim par­ti­ci­pa­tio jus­ti­tio cum ini­qui­tate ? Aut quae socie­tas luci ad tenebras ?
[3] Rm 8, 28 Diligentibus Deum, omnia coope­ran­tur in bonum.
[4] Rm 8, 31 Si Deus pro nobis, quis contra nos ?
[5] Col 1, 24–25 : Nunc gau­deo in pas­sio­ni­bus pro vobis, et adim­ple­bo ea quae desunt pas­sio­num Christi in carne mea, pro cor­pore eius quod est Ecclesia, cujus fac­tus sum ego minis­ter secun­dum dis­pen­sa­tio­nem Christi [.]
[6] Jn 12, 24–25 : Nisi gra­num fru­men­ti cadens in ter­ram mor­tuum fue­rit, ipsum solum manet ; si autem mor­tuum fue­rit, mul­tum fruc­tum affert. Qui amat ani­mam suam, per­det eam ; et qui odit ani­mam suam in hoc mun­do, in vitam oter­nam cus­to­dit eam.
[7] Jn 12, 26.
[8] Mt 5, 37 et Jc 5, 12 : Que votre oui soit oui et que votre non soit non.
[9] 2 Co 9, 7 : Hilarem enim dato­rem dili­git Deus.