Questions sur le Purgatoire

©Photo. R.M.N. / R.-G. Ojéda

Depuis tou­jours l’Eglise adresse ses sup­pli­ca­tions pour les âmes des défunts de la manière la plus pres­sante et la plus officielle.

Le Purgatoire est-​il une théorie des théologiens du Moyen Age ?

C’est l’accusation clas­sique por­tée par les schis­ma­tiques ortho­doxes et les ratio­na­listes… Pourtant l’existence du Purgatoire est un dogme de foi, cru depuis tou­jours dans l’Eglise, et dont on trouve des traces dans l’Ecriture. En effet on y trouve men­tion de prières pour les défunts. Or, si les défunts sont au Ciel, point n’est besoin de prier pour eux, et s’ils sont en enfer non plus, puisque le séjour dans ces lieux est défi­ni­tif ! La pra­tique de ces prières et ces sacri­fices est donc un signe suf­fi­sant pour éta­blir la croyance en un lieu inter­mé­diaire entre la Terre et le Ciel, dont on peut être déli­vré par des prières. Ce point a été défi­ni par les conciles de Lyon, Florence et Trente.

Le Purgatoire apparaît-​il dans la sainte Ecriture ?

Le second livre des Macchabées raconte que, au len­de­main d’une bataille livrée contre les Syriens, Judas Macchabée décou­vrit sous la tunique de ses sol­dats tués pen­dant le com­bat des idoles pro­ve­nant du pillage de Jamnia. C’était là une infrac­tion à la loi de Moïse, et Judas jugea que la mort de ces hommes était un châ­ti­ment de Dieu : « C’est pour­quoi tous bénirent le juste juge­ment du Seigneur, qui avait ren­du mani­festes les choses cachées. Et ain­si, s’étant mis en prière, ils deman­dèrent (au Seigneur) que l’offense qui avait été com­mise fût livrée à l’oubli. Mais le très vaillant Judas exhor­tait le peuple à se conser­ver sans péché, voyant sous leurs yeux ce qui était arri­vé à cause des péchés de ceux qui avaient été tués. Et, une col­lecte d’argent ayant été faite, il envoya à Jérusalem 12 000 drachmes d’argent, afin qu’un sacri­fice fût offert pour les péchés des morts, pen­sant bien et reli­gieu­se­ment tou­chant la résur­rec­tion, car s’il n’avait pas espé­ré que ceux qui avaient suc­com­bé devaient res­sus­ci­ter, il aurait sem­blé super­flu et vain de prier pour les morts : mais c’est parce qu’il consi­dé­rait que ceux qui s’étaient endor­mis dans la pié­té rece­vraient une très grande grâce (à eux) réser­vée. Elle est donc sainte et salu­taire, la pen­sée de prier pour les morts, afin qu’ils soient déli­vrés de leurs péchés. » (2 Mac 12, 41–46).

Dans le Nouveau Testament, l’existence du Purgatoire n’est affir­mée expli­ci­te­ment nulle part. Toutefois, on peut citer plu­sieurs allu­sions à un état de puri­fi­ca­tion qui n’est pas l’enfer : « Quiconque par­le­ra contre le Fils de l’Homme, cela lui sera remis ; mais celui qui par­le­ra contre l’Esprit-Saint, cela ne lui sera pas remis, ni dans ce siècle, ni dans le siècle à venir. »1.

Les premiers chrétiens croyaient-​ils au Purgatoire ?

Les pre­miers chré­tiens célé­braient les saints Mystères autour des tom­beaux des mar­tyrs. Très tôt, on prie pour ceux qui, n’étant pas mar­tyrs, peuvent avoir besoin de suf­frages. Ainsi les Acta Joannis, vers l’an 160, parlent de saint Jean priant sur une tombe et célé­brant la frac­tio pan­is le troi­sième jour après la mort d’un chré­tien. Saint Augustin y voit un usage uni­ver­sel­le­ment pra­ti­qué, saint Jean Damascène fait remon­ter cette tra­di­tion aux Apôtres, Denys assure aus­si qu’on prie pour les défunts. On peut appli­quer ici le prin­cipe théo­lo­gique : « Lex oran­di, lex cre­den­di » (la loi de la prière est une règle de foi, car elle est un témoi­gnage cer­tain de la croyance com­mune à toute l’Eglise).

Où se trouve le Purgatoire ?

Ni la sainte Ecriture ni la Tradition ne nous donnent de ren­sei­gne­ments pré­cis à ce sujet. On parle des « Enfers », expres­sion latine signi­fiant les lieux infé­rieurs, sous la terre, où les croyances païennes pla­çaient l’au-delà. La Tradition chré­tienne reprend cette expres­sion pour oppo­ser le Ciel, qui est en haut et les Enfers, qui sont en bas… On y dis­tingue plu­sieurs lieux dif­fé­rents : l’Enfer des dam­nés, le Limbe des Enfants morts sans bap­tême, le Limbe des Patriarches, et le Purgatoire. Mais sont-​ce des lieux à pro­pre­ment par­ler, puisque ceux qui s’y trouvent sont pri­vés de leur corps ? La théo­lo­gie garde un silence pru­dent à ce sujet, en fai­sant remar­quer que la réponse n’a aucune inci­dence sur notre salut…

Puisque nous sommes rachetés par les mérites surabondants de Notre-​Seigneur, à quoi bon une nouvelle purification ?

La satis­fac­tion offerte par Notre-​Seigneur sur la Croix est bien sûr plus que suf­fi­sante pour rache­ter tous nos péchés. Cependant, il faut consi­dé­rer deux aspects dans le péché : d’une part, la déso­béis­sance au Créateur, d’autre part, l’attachement déré­glé à la créa­ture. Si le pre­mier aspect est plei­ne­ment répa­ré par la contri­tion et la confes­sion, en ver­tu des mérites de Notre-​Seigneur, le second doit l’être par notre contri­bu­tion. Dieu nous per­met ain­si de par­ti­ci­per à notre propre rédemp­tion. Saint Paul ne déclare-​t-​il pas : « Je com­plète en ma chair ce qui manque à la Passion de Jésus-​Christ » ? En d’autres termes, il nous reste à expier notre atta­che­ment aux choses d’ici-bas, qui empêchent Dieu de régner tota­le­ment sur notre âme. Si nous sommes débar­ras­sés des lourdes fautes incom­pa­tibles avec l’amour de Dieu, il reste encore dans notre âme des imper­fec­tions à reti­rer : péchés véniels non sou­mis à la confes­sion, peines tem­po­relles dues pour les péchés mor­tels accu­sés, restes de vices incom­plè­te­ment vain­cus. La théo­lo­gie com­pare volon­tiers cette puri­fi­ca­tion à un feu qui ne peut consu­mer des matières lourdes, mais détruit la « paille » ou les « sco­ries » res­tant dans l’âme. Cette expia­tion se déroule soit sur cette terre, par les bonnes œuvres, soit au Purgatoire.

On peut ajou­ter qu’il serait incon­ve­nant de la part de Dieu de trai­ter toutes les âmes soit comme des saints, soit comme des dam­nés. Il est logique qu’il existe un état inter­mé­diaire pour ceux qui n’ont pas expié l’intégralité de leurs fautes. Même cer­tains peuples païens admet­taient l’existence d’une peine tem­po­raire après la mort.

En quoi consistent les peines du Purgatoire ? Sont-​elles très dures ?

« Il y a deux peines en Purgatoire : la peine du dam, l’ajournement de la vue de Dieu ; la peine du sens, le tour­ment infli­gé par le feu. Le moindre degré de l’une comme de l’autre sur­passe la peine la plus grande que l’on puisse endu­rer ici-​bas. »2 Notre âme, au sor­tir de cette vie, éprouve un violent désir d’être unie à Dieu, car elle n’est plus limi­tée par le corps et entre­voit l’immensité du bon­heur du Ciel. Le tour­ment qu’elle éprouve de la peine du dam est alors ter­rible, et n’est tem­pé­ré que par la cer­ti­tude qu’il fini­ra. Quant à la peine du sens, elle atteint l’âme direc­te­ment dans la sen­si­bi­li­té qu’elle donne au corps, et se fait sen­tir d’autant plus vivement.

Toutefois, les peines du Purgatoire sont très dif­fé­rentes de celles de l’Enfer, car elles puri­fient les âmes au lieu de les punir. Les âmes du Purgatoire pos­sèdent les ver­tus d’espérance et de cha­ri­té, contrai­re­ment aux dam­nés. Elles ont donc un grand désir d’être unies à Dieu et acceptent la péni­tence qui leur est infli­gée comme un moyen de salut. Cette peine étant impo­sée par Dieu, elles ne peuvent l’accepter libre­ment, ce qui en ferait un moyen de mérite. La cha­ri­té n’augmente pas en elles, mais, comme les obs­tacles qui l’empêchent encore de pro­duire son plein effet dimi­nuent, elles la res­sentent de plus en plus vive­ment à mesure qu’elles approchent du salut.

Devons-​nous aider les âmes du Purgatoire ? De quelle manière ?

Nous avons le devoir de venir en aide aux défunts qui attendent d’entrer au Ciel :

  • c’est un acte de cha­ri­té qui touche des âmes aimées de Dieu
  • ces âmes peuvent prier pour nous une fois entrées au Ciel
  • nous sommes par­fois res­pon­sables des péchés com­mis sur cette terre par les défunts
  • nous devons spé­cia­le­ment prier pour nos proches et notre famille.

Depuis tou­jours l’Eglise adresse ses sup­pli­ca­tions pour les âmes des défunts de la manière la plus pres­sante et la plus offi­cielle : le Memento des morts, au Canon de la Messe, nous fait prier chaque jour pour que les défunts trouvent « le lieu du rafraî­chis­se­ment, de la lumière et de la paix ». La Messe est donc le pre­mier moyen et le plus effi­cace de les sou­la­ger, en fai­sant offrir le Saint Sacrifice à leur inten­tion ou sim­ple­ment en offrant pour eux sa com­mu­nion. L’Eglise ouvre éga­le­ment pour eux le tré­sor des Indulgences. Enfin nous pou­vons offrir les grandes œuvres de la vie chré­tienne, la prière, le jeûne et l’aumône. C’est ce que l’on appelle les suf­frages. La rai­son en est que ces âmes nous sont unies par la Communion des Saints, c’est-à-dire par l’union en Notre-​Seigneur par la cha­ri­té. De même que les membres d’un même corps peuvent se sou­te­nir les uns les autres, les membres de l’Eglise peuvent com­mu­ni­quer entre eux une par­tie de leurs mérites.

Peut-​on demander des grâces aux âmes du Purgatoire ?

Comme on vient de le dire, ces âmes nous sont unies par la cha­ri­té et peuvent prier pour nous. Dieu dans sa misé­ri­corde peut les infor­mer des prières faites pour eux ou des besoins de leurs proches, et, une fois au Paradis, elles en sont cer­tai­ne­ment conscientes. Cependant, elles ne peuvent plus méri­ter, et comme nous le fait remar­quer saint Thomas, elles sont dans un état où elles ont plus besoin de nos prières que de prier pour nous. On peut aus­si ajou­ter que l’Eglise ne leur adresse jamais de prière litur­gique. Il est donc pos­sible de les prier, mais sans leur don­ner une puis­sance supé­rieure aux saints du Ciel !

Comment éviter d’y aller ?

Tout chré­tien doit cher­cher à évi­ter le Purgatoire, non seule­ment pour en évi­ter les peines, mais aus­si pour accom­plir la volon­té de Dieu : « Soyez par­faits comme votre Père du Ciel est par­fait. » C’est pos­sible en nous pré­ser­vant des plus petites fautes et en expiant par la péni­tence les péchés dont nous avons obte­nu le pardon.

Abbé Louis-​Marie Carlhian, FSSPX

Sources : La Couronne de Marie n° 45 de novembre 2016

  1. Matthieu 12, 31–32 []
  2. Saint Thomas d’Aquin, Somme théo­lo­gique, IIIa Pars, Q.70 article 3. []