Le texte suivant a pour auteur Daniel RAFFARD de BRIENNE, il est extrait de la revue Lecture et Tradition n° 101 de mai-juin 1983.
Introduction
Lex orandi, lex credendi. Cet adage célèbre, résumé d’une phrase écrite au Vème siècle et attribuée à Saint Célestin Ier, a été reprise depuis, par de nombreux autres Papes, tels que Benoît XIV, Léon XIII, Pie XI et Pie XII [1]. Il signifie que la loi de la prière détermine la loi de la croyance.
Autrement dit, on peut en modifiant la prière modifier aussi la croyance. C’est, nous le verrons, en modifiant la liturgie de la Messe que de grands hérétiques comme Luther et Cranmer ont entraîné dans le protestantisme des populations entières qui se croyaient encore catholiques.
Nous assistons actuellement, et sur une plus grande échelle encore, au même événement. Notre intention est de montrer dans cet opuscule comment la Nouvelle Messe n’a d’autre objet que d’imposer une nouvelle religion. La révolution liturgique n’est qu’une pièce, maîtresse il est vrai, de tout un ensemble qui concourt de manière cohérente à l’établissement de cette nouvelle religion. Le cardinal Journet disait, il y a quelques années : « La liturgie et la catéchèse sont les deux mâchoires de la tenaille avec laquelle on arrache la foi » [2].
Il nous faudrait donc, pour être complets, situer le problème de la Nouvelle Messe dans un ensemble qui comprendrait aussi l’étude de la catéchèse actuelle. Nous serions également amenés à aborder d’autres domaines : ceux du rituel des sacrements, de l’ensemble des prières et de l’office, des diverses formes de piété, de la discipline ecclésiastique.
Nous nous bornerons néanmoins à un examen, assez complet bien que rapide, de la Nouvelle Messe, en nous efforçant toutefois de dégager sommairement l’entourage historique et de faire justice de quelques opinions hâtives.
1ère partie : Histoire de la Messe jusqu’à St Pie V
On sait que la Révélation est terminée depuis la mort du dernier Apôtre. Depuis, par conséquent, aucune vérité, aucun dogme nouveau ne peut venir l’enrichir. En revanche, des dogmes implicitement contenus dans la Révélation peuvent être encore dégagés et définis de nos jours : l’exemple le plus récent est la proclamation de l’Assomption en 1950. Une fois définis, les dogmes sont intangibles et nul ne peut les nier, les contester ni même les passer sous silence.
C’est dire que tous les dogmes qui définissent la Messe étaient déjà contenus dans la première Messe célébrée par Notre Seigneur Jésus-Christ lors de la Cène.
Dès les Ier et IIème siècles, les paroles du Christ sont entourées d’une liturgie encore mouvante, mais à peu près semblable en Orient et en Occident, ainsi que l’attestent la Didachè, l’épître de Saint Clément, celle dite de Barnabé, les écrits de Saint Ignace, Saint Justin et Saint Irénée [3]. Les rites se cristallisent assez rapidement et il existe au IVème siècle quatre types de messes : les rites d’Antioche et d’Alexandrie, le rite romain et le rite gallican. Mais toutes les parties de la Messe se retrouvent dans tous les rites dès le IIème siècle [4].
Signalons, dès le IVème Siècle, la première hérésie antiliturgique, celle de Vigilance qui s’oppose au triomphalisme et veut revenir à la simplicité primitive [5]. C’est la première apparition de l’archaïsme et de la désacralisation ; en fait, l’hérésie antiliturgique ne varie guère de siècle en siècle. A la même époque, les Ariens, qui nient la divinité du Christ, communient debout et avec la main, donc en diminuant les marques de respect [6]. Alors que, comme pour la plupart des hérétiques, leurs écrits manquent souvent de netteté, ils veulent changer pratiquement la foi en modifiant la liturgie : lex orandi, lex credendi.
Dès le Vème siècle, apparaît une tendance à l’unification occidentale sur le seul modèle romain. Survivront jusqu’à nos jours : à Milan la liturgie ambroisienne qui a le canon romain, à Tolède la liturgie mozarabe d’origine orientale, la liturgie dominicaine très voisine du rite romain à part quelques détails venus des missels français du Moyen Age.
La Messe dite actuellement de Saint Pie V n’est autre que le rite romain, tel qu’on le trouve à peu près dès le Vème siècle. Les prières de l’offertoire, qui peuvent dater des VIIème ou VIIIème siècles n’ont été adoptées par Rome qu’au XIème siècle [7]. Mais l’ensemble du canon romain date au moins du IVème siècle, avec quelques additions au Vème siècle. On trouve des traces de ce canon dès le IIème siècle [8].
On présente le canon d’Hippolyte comme plus ancien que le canon romain, car on l’attribue à Saint Hippolyte, antipape et martyr du IIIème siècle. Beaucoup moins riche que le canon romain, c’est une anaphore orientale qui n’eut guère de succès et que seul un souci d’archaïsme, dont nous reparlerons, a voulu déterrer. La prière eucharistique n° 2 de la Nouvelle Messe se réclame en effet de ce canon, mais n’en contient en réalité que quelques réminiscences [9].
On voit donc que la Messe est fixée dès l’Antiquité et qu’elle traversera tout le Moyen Âge sans subir de changements importants, à part l’enrichissement de l’offertoire. On note, dans différentes églises, de très petites variations de détail dues à des usages locaux parfois fort anciens.
Survient alors la Renaissance et l’émergence du naturalisme qui va attaquer les bases surnaturelles de la religion catholique. Déjà, en 1525, le Pape Clément VII, par souci d’adaptation au monde, accepte de nouvelles prières où l’on évoquait les dieux de la mythologie, comme Bacchus et Vénus [10] ; le bref de 1525 ne sera d’ailleurs jamais annulé. Beaucoup plus grave sera la contestation apportée par les initiateurs de la Réforme ; et c’est ce qui justifiera l’œuvre du Concile de Trente et de Saint Pie V.
Mais arrêtons-nous quelques instants sur le premier réformateur, ce Luther que l’Eglise conciliaire tient maintenant pour une sorte de saint et dont le portrait figure dans les livres de catéchèse entre ceux de Sainte Catherine de Sienne et de Saint Ignace de Loyola. Voici ce qu’en dit un des experts du Concile Vatican II, le père Congar : « Luther est un des plus grands génies religieux de toute l’histoire. Je le mets à cet égard sur le même plan que Saint Augustin, Saint Thomas d’Aquin ou Pascal. D’une certaine manière il est encore plus grand » [11].
En tout cas, Luther, cet ancien moine, n’était pas un saint. Voici ce qu’il dit de lui-même [12] : « Je suis ici du matin au soir inoccupé et ivre. » Ou bien : « Tu me demandes pourquoi je bois si abondamment, pourquoi je parle si gaillardement et pourquoi je ripaille si fréquemment ? C’est pour faire pièce au diable qui s’était mis à me tourmenter. » Ou encore : « C’est de boire, déjouer, de rire, en cet état, d’autant plus fort, et même de commettre quelque péché en guise de défi et de mépris pour Satan, de chercher à chasser les pensées suggérées par le diable à l’aide d’autres idées, comme par exemple en pensant à une jolie fille, à l’avarice ou à l’ivrognerie, ou bien se mettre dans une forte colère. »
En 1525, il écrit : « J’ai eu jusqu’à trois épouses en même temps » [13]. Deux mois après ce prêtre se marie pour de bon avec une quatrième femme, une religieuse [14]. Notons que, d’après son disciple et successeur Théodore de Bèze [15], Calvin n’était pas plus édifiant : « Pendant quinze années que Calvin a consacrées à enseigner aux autres les voies de la justice, il n’a pu se former ni à la tempérance, ni à des habitudes honnêtes, ni à la vérité ; il est demeuré enfoncé dans la boue. »
Que penser de réformes dues à de tels réformateurs ? Mais restons-en à Luther. Dès le début de son action, il s’attaque à la Messe : « Quand la messe sera renversée » , dit-il, « je pense que nous aurons renversé la papauté ! Car c’est sur la messe comme sur un rocher que s’appuie la papauté tout entière, avec ses monastères, ses évêchés, ses collèges, ses autels, ses ministères et sa doctrine… Tout cela s’écroulera quand s’écroulera leur messe sacrilège et abominable » [16].
En fait, il adapte la Messe à son enseignement [17] : D’abord, pour lui, le sacerdoce n’est pas réservé aux prêtres, mais partagé par tous les fidèles : « Quelle folie » , dit-il, « de vouloir l’accaparer pour quelques-uns » . Les prêtres se distinguent donc non par le sacerdoce, mais seulement par la fonction de président ; d’où l’inutilité du célibat et de l’habit religieux. Puis, dit-il, « la Messe est offerte par Dieu à l’homme et non par l’homme à Dieu » . Elle est donc une liturgie de la parole, une communion et un partage ; d’où le recours à la langue vernaculaire et à l’autel face au peuple. La Messe n’est donc pas un sacrifice, pour Luther, et surtout pas un sacrifice propitiatoire puisque la foi (dans le sens de confiance) suffit pour nous sauver.
D’où l’acharnement de Luther contre les belles prières de l’offertoire qui expriment si clairement le but propitiatoire et expiatoire du sacrifice. « Suit » , dit-il, « toute cette abomination à laquelle on assujettit tout ce qui précède. On l’appelle Offertoire et tout y ressent l’oblation » [18]. Luther croit à une certaine présence réelle mais il nie la Transsubstantiation. S’il garde les textes essentiels du canon, il les donne comme simple récit de l’institution de la Cène ; les marques de respect sont supprimées de la communion. Voici, pour résumer, ce qu’il pense de la Messe : « Cet abominable canon qui est un recueil de lacunes bourbeuses ; on a fait de la messe un sacrifice ; on a ajouté les offertoires. La messe n’est pas un sacrifice ou l’action d’un sacrificateur. Regardons-la comme sacrement ou comme testament. Appelons-la bénédiction, eucharistie, ou table du Seigneur, ou Cène du Seigneur ou Mémoire du Seigneur » [19]. Mais Luther ne veut pas agir trop franchement. Il dit : « Pour arriver sûrement et heureusement au but, il faut conserver certaines cérémonies de l’ancienne messe, pour les faibles qui pourraient être scandalisés par le changement trop brusque » [20]. Il dit aussi : « Le prêtre peut fort bien s’arranger de telle façon que l’homme du peuple ignore toujours le changement opéré et puisse assister à la messe sans trouver de quoi se scandaliser » [21].
En application de tout cela, la messe luthérienne se présentait ainsi dès Noël 1521 [22] : Confiteor, Introït, Kyrie, Gloria, Epître, Evangile, prédication ; pas d’offertoire, Sanctus, récit à haute voix et en langue vulgaire de l’institution de la Cène, communion à la main et au calice sous les deux espèces sans nécessité d’une confession préalable ; Agnus Dei, Benedicamus Domino. Le latin disparaîtra peu à peu.
Les autres réformateurs agiront de la même façon. Zwingli, en Suisse, utilisera des récipients profanes à la place des vases sacrés et fera distribuer la communion par des laïcs [23]. En Angleterre [24], la reine Elisabeth charge les théologiens de ne rien dire qui censurât le dogme de la présence réelle mais de le laisser indécis, au choix de chacun [25]. Le latin laisse la place à l’anglais ; l’autel est remplacé par une table posée face au peuple ; la communion est reçue debout puis dans la main ; la confession privée est remplacée par des cérémonies collectives ; au nom de Messe sont substitués ceux d’Eucharistie et de Cène [26]. En résumé, les protestants porteront leurs efforts sur trois points essentiels :
- Négation du caractère sacrificiel de la Messe, sauf dans le sens vague de sacrifice de louange ; pour eux la Cène est une sorte de repas communautaire.
- Négation de la transsubstantiation ; pour eux la présence réelle se limite soit à une présence temporaire à l’intérieur des espèces, soit à une présence spirituelle.
- Négation du sacerdoce du prêtre, remplacé par un sacerdoce collectif de l’assemblée des fidèles sous la présidence du prêtre ou du pasteur.
On retrouvera ces trois points dans la Nouvelle Messe, soit sous la forme d’omissions, soit sous la forme d’atténuations et d’affirmations équivoques. Nombre de commentaires iront jusqu’à l’affirmation catégorique, non équivoque.
Le Concile de Trente opposa au protestantisme le rempart de la doctrine catholique qu’il formula de manière précise et dans les formes requises pour lui assurer le caractère d’infaillibilité. Il n’est donc plus possible, sans quitter l’Eglise catholique, de revenir sur les définitions du Concile de Trente, définitions évidemment conformes à ce que l’Eglise avait toujours enseigné [27]. Pour le Concile de Trente, la Messe est un sacrifice véritable offert par le prêtre agissant, par la vertu de son sacerdoce, « in persona Christi » , c’est-à-dire à la place du Christ qui est à la fois le prêtre et la victime, à la Messe comme sur la Croix. La Messe est en effet le même sacrifice, mais non sanglant, que celui de la Croix. Ce sacrifice a quatre finalités : c’est un sacrifice de louange ; un sacrifice eucharistique, c’est-à-dire une action de grâce ; un sacrifice propitiatoire, c’est-à-dire qu’il nous rend Dieu favorable ; un sacrifice impétratoire, c’est-à-dire destiné à présenter une demande. C’est surtout le caractère propitiatoire que les Protestants ont rejeté et que l’on a grand-peine à retrouver dans la Nouvelle Messe ; or ce caractère propitiatoire a été affirmé de manière solennelle, sous peine d’anathème, lors de deux sessions du Concile de Trente [28]. La victime du sacrifice de la Messe est Notre Seigneur Jésus-Christ réellement et substantiellement présent, dans son corps, son sang, son âme et sa divinité, sous les apparences du pain et du vin. Le changement de la substance totale du pain et du vin en le corps et le sang du Christ n’est clairement et sans équivoque défini que par le mot transsubstantiation, comme l’a rappelé solennellement et sous peine d’anathème le Concile de Trente [29].
Enfin, devant l’anarchie liturgique génératrice d’hérésies, le Concile de Trente décida : « Que le sacrifice soit accompli, selon le même rite partout et par tous, afin que l’Eglise de Dieu n’ait qu’un seul langage… Que les missels soient restaurés selon l’usage et la coutume ancienne de la Sainte Eglise Romaine » [30].
On entend souvent dire que Paul VI, en promulguant sa Messe, n’a fait que suivre l’exemple de Saint Pie V. C’est une grosse erreur, car Paul VI a établi un nouveau rite que, nous le verrons, ne demandait nullement le Concile Vatican II ; alors que Saint Pie V s’est contenté, à la demande expresse du Concile de Trente, de restaurer la Messe romaine dans sa forme la plus pure.
Cette Messe restaurée fut promulguée le 19 juillet 1570 par Saint Pie V au moyen de la bulle Quo primum rédigée d’une manière particulièrement solennelle [31]. La bulle précise bien qu’il s’agit, non d’un nouveau rituel, mais d’un « Missel revu et corrigé » que des « hommes érudits, s’étant instruits des récits des Anciens et d’autres autorités qui nous ont laissé des monuments sur les anciennes liturgies, ont restitué… à la règle et au rite des saints Pères » . Que décrète la bulle au sujet des autres messes existant en 1570 ? Exactement le contraire de la politique suivie par les défenseurs de la Nouvelle Messe. Alors qu’actuellement toutes les variations et fantaisies sont autorisées ou tolérées et que seule la Messe restaurée par la bulle Quo primum est pourchassée avec l’acharnement que l’on sait, Saint Pie V supprime les rites récents et déviants, résultats ou générateurs d’hérésie, mais maintient au contraire toutes les messes « ayant un usage ininterrompu supérieur à deux cents ans » . En pratique, le missel révisé supplantera peu à peu, et sans contrainte, la plupart de ces messes anciennes qui en étaient très proches : c’est ainsi que le diocèse de Paris l’adoptera en 1615, près d’un demi-siècle plus tard [32].
Une disposition importante de la bulle accorde un indult à perpétuité selon lequel personne ne pourra jamais interdire à aucun prêtre de célébrer la Messe dite actuellement de Saint Pie V : « Que désormais, pour chanter ou réciter la Messe en n’importe quelles églises, on puisse, sans aucune réserve, suivre ce même missel, avec permission donnée ici et pouvoir d’en faire libre et licite usage, sans aucune espèce de scrupule ou sans qu’on puisse encourir aucunes peines, sentences et censures. Voulant ainsi que les prélats, administrateurs, chanoines, chapelains et tous autres prêtres… ne soient tenus de célébrer la Messe en toute autre forme que celle par Nous ordonnée ; et qu’ils ne puissent, par qui que ce soit, être contraints et forcés à modifier le présent Missel. » Tout cela signifie clairement qu’en cas de Nouvelle Messe chaque prêtre a le droit de continuer à célébrer selon le rite de 1570.
L’indult et la bulle elle-même sont protégés de manière particulièrement forte contre toute altération : « Statuons et déclarons que les présentes lettres ne pourront jamais et en aucun temps être révoquées ni modifiées mais qu’elle demeureront toujours fermes et valables dans toute leur force. » Ou encore, à la fin de la bulle : « Qu’il ne soit à personne, absolument, permis d’enfreindre ou, par téméraire entreprise, contrevenir, à la présente charte, » etc., « Que s’il avait l’audace de l’attenter, qu’il sache qu’il encourra l’indignation du Dieu tout puissant et des bienheureux apôtres Pierre et Paul. »
On entend parfois affirmer que la promulgation de la Nouvelle Messe a automatiquement abrogé la bulle et donc la Messe traditionnelle. C’est absolument faux. Il aurait fallu pour cela un acte pontifical abrogeant explicitement la bulle. Et même si la Messe dite de Saint Pie V n’avait pas eu le support de la bulle, il aurait fallu pour la supprimer une loi explicite selon le canon 30 du Code de droit canon qui précise [33] : « Une loi ne révoque pas les coutumes centenaires ou immémoriales contraires, à moins qu’il en soit fait une mention spéciale. » Le canon 23 dit de même : « La révocation de la loi préexistante n’est pas présumée. » Or aucun acte de Paul VI ni de ses successeurs ne mentionne une abrogation ni de la bulle ni de la Messe. On peut se demander pourquoi Paul VI, qui voulait certainement favoriser la Nouvelle Messe, n’a pas pris soin d’abroger la bulle. La réponse est que, s’il avait pu le faire validement, cette abrogation n’aurait sans doute pas été pour autant licite. Pour qu’une abrogation éventuelle soit licite, il faudrait qu’il y ait des motifs si graves qu’ils auraient amené Saint Pie V lui-même à cette abrogation ; sinon elle porterait atteinte à l’essence de l’autorité suprême. Car, il ne faut pas l’oublier, la bulle est revêtue très clairement et très fortement de toutes les conditions de perpétuité ; son fond est d’autre part une simple restauration du missel romain primitif.
En conclusion, la Messe dite de Paul VI ne peut être imposée à quiconque à la place de celle dite de Saint Pie V. Ajoutons qu’un certain nombre de paroisses ont conservé la Messe traditionnelle et que, si des persécutions feutrées sont menées contre leurs curés sous différents prétextes, aucune sanction n’est jamais prise contre eux au sujet de la Messe.
Très bien, dira-t-on, mais l’obéissance due au Pape ne doit-elle pas amener chacun à renoncer de lui-même à la Messe traditionnelle, puis qu’il parait évident que Paul VI voulait la remplacer ?
Deux mots sur l’obéissance dans l’Eglise [34]. Il faut distinguer le magistère déclaratif et le magistère canonique. Le magistère déclaratif porte sur la conservation, la déclaration et la définition du dépôt de la révélation divine ; exercé dans les conditions définies par le Concile Vatican I, il est infaillible et exige une obéissance absolue. Le magistère canonique porte sur l’organisation de la vie chrétienne ; il n’est pas infaillible et on ne lui doit pas obéissance, au contraire, s’il se trompe. Nous verrons que les textes de Vatican II relèvent du magistère canonique et non du magistère infaillible. En ce qui concerne une prétendue interdiction de la Messe traditionnelle et une prétendue obligation de la Nouvelle Messe, on peut même douter qu’il y ait magistère canonique puisqu’il n’existe aucun acte pontifical précis sur ce point.
2ème partie : Histoire de la Messe jusqu’à Vatican II
La liturgie romaine restaurée par le Pape Saint Pie V subit des altérations dès la fin du XVIIe siècle, et spécialement en France sous l’influence du gallicanisme, du protestantisme et du jansénisme [35]. Notons en vrac : diminution de l’esprit de prière, réduction du culte de la Sainte Vierge et des saints, augmentation du nombre des lectures de l’Ecriture Sainte, remplacement ici et là de l’autel par une table, adoption du français ; toutefois on n’osa pas toucher au Canon qui resta presque toujours récité en latin mais à haute voix. En résumé, tendance à la désacralisation et à la profanation ; et aussi émiettement et anarchie puisqu’à la fin du XVIIIe siècle beaucoup de diocèses français avaient des liturgies particulières.
Ces fâcheuses tendances gagnèrent l’Allemagne et surtout l’Italie où, en 1786, le fameux synode de Pistoie prôna des mesures similaires : un seul autel par église avec extension de la concélébration, adoption de la langue vulgaire dans la liturgie, etc… Le synode de Pistoie fut condamné en 1794.
La Messe fut finalement restaurée dans sa pureté au cours du XIXe siècle, principalement dès 1830 par dom Guéranger, fondateur de Solesmes [36]. La restauration des chants liturgiques, également entreprise par dom Guéranger, fut achevée par Saint Pie X.
Malheureusement, après la mort de ce Pape, le mouvement liturgique ne tarda pas à dériver vers une modification de la Messe où l’aspect apostolique passerait avant l’aspect cultuel, où l’éducation de l’esprit chrétien prendrait le pas sur le culte rendu à Dieu [37]. Une fois de plus, on tendit à substituer la dimension horizontale à la dimension verticale, la Messe offerte par Dieu aux hommes à la Messe offerte à Dieu par les hommes (selon la parole de Luther).
Dès les années 1920, dom Beauduin envisage de faire servir la liturgie au mouvement œcuménique en l’adaptant aux urgences de l’union des Eglises. Certains de ses moines en profiteront pour passer à l’Eglise orthodoxe. Lui-même sera condamné mais continuera à collaborer avec les Dominicains les plus avancés, comme les pères Chenu, Congar et Roguet. Pie XII essaya en vain de mettre fin en 1947 à la subversion liturgique en publiant l’encyclique Mediator Dei où on lit par exemple [38] : « II faut réprouver l’audace tout à fait téméraire de ceux qui, de propos délibéré, introduisent de nouvelles coutumes liturgiques ou font revivre des rites périmés. » Un peu plus loin : « De sorte que ce serait sortir de la voie droite de vouloir rendre à l’autel sa forme primitive de table, de vouloir supprimer radicalement des couleurs liturgiques le noir, d’exclure des temples les images saintes et les statues, etc. »
Pie XII parle de « l’excessive et malsaine passion des choses anciennes. » « II n’est pas sage ni louable » , dit-il, « de tout ramener en toute manière à l’antiquité. » II condamne par là l’archaïsme qui, sous couleur de retour aux sources, est un procédé révolutionnaire de rupture avec la tradition. On le voit largement appliqué de nos jours où les novateurs prétendent remonter au-delà du Concile de Trente et même de l’empereur Constantin. Tous les fondateurs d’hérésies ont agi ainsi.
Pascal disait déjà [39] : « L’art de fronder, bouleverser les Etats, est d’ébranler les coutumes établies, en sondant jusque dans leur source, pour marquer leur défaut d’autorité et de justice. Il faut, dit-on, recourir aux lois fondamentales et primitives de l’Etat qu’une coutume injuste a abolies. C’est un jeu sûr de tout perdre. »
A cet endroit de notre travail apparaît, on le voit, la notion de subversion dans l’Eglise. Le moment est venu de nous demander quelles influences allaient provoquer la crise de l’Eglise à l’occasion du Concile Vatican II. A vrai dire, ces influences étaient et sont encore multiples.
Il faut d’abord noter une imprégnation et une infiltration à l’intérieur de l’Eglise des sociétés secrètes [40], qui seront en grande partie à l’origine des idées de libéralisme [41], de modernisme, de faux œcuménisme. Dès le milieu du XIXe siècle, la Haute Vente des Carbonari s’inquiétait d’infiltrer les séminaires pour former un clergé acquis aux idées libérales, dans l’attente « d’un pape selon nos besoins » et pour réaliser « une révolution en tiare et en chape, marchant avec la croix et la bannière » [42].
L’ex-chanoine Roca, passé aux sociétés secrètes, écrivait à la fin du XIXe siècle : « Je crois que le culte divin… subira prochainement, dans un concile œcuménique, une transformation qui, tout en lui rendant la véritable simplicité de l’âge d’or apostolique, le mettra en harmonie avec l’état nouveau de la conscience et de la civilisation moderne » [43].
Donnons maintenant trois citations de francs-maçons [44]. Saint-Yves d’Alveydre, contemporain de Roca s’adressa aux catholiques libéraux : « Ne craignez pas, si vous le pouvez, d’être l’âme de la liberté morale, de la tolérance universelle, dussiez-vous, vous confondant avec les nations, y perdre momentanément votre corps de doctrine et de discipline, cette forme que vous appelez l’Eglise catholique » [45]. Breyer en 1959 : « La liquéfaction de Rome, Dieu soit loué, se termine sous l’effort d’une jeune prêtrise qui n’aura plus rien de commun avec l’obscurantisme clérical » [46]. Yves Marsaudon en 1964 : « II n’y a pas de problème à résoudre avec les églises protestantes, pas plus qu’il ne s’en pose entre la maçonnerie et la synagogue ; les difficultés n’existent qu’avec la seule Eglise romaine. » Du même : « Entre la formule franc-maçonnique du Grand Architecte de l’Univers et le point Oméga de Teilhard de Chardin, on discerne mal ce qui pourrait empêcher les hommes qui pensent de s’entendre. A l’heure actuelle, Teilhard de Chardin est certainement l’auteur le plus lu, à la fois dans les Loges et dans les séminaires » [47].
On sait qu’un certain nombre de prélats, parfois fort haut placés, ont été ou sont soupçonnés ou accusés d’appartenance à la franc-maçonnerie. La preuve de cette appartenance a été apportée pour l’un d’entre eux qui a aussitôt été éloigné du Vatican et expédié en Iran. Il est intéressant de noter qu’il s’agissait de Mgr Bugnini, le maître d’œuvre et le principal auteur de la Nouvelle Messe [48].
Autre influence dans l’Eglise : celle du marxisme, particulièrement évidente au niveau de l’Action ouvrière et de la J.O.C., mais tout aussi perceptible au sein de différents épiscopats [49]. Il est d’autre part bien connu depuis le Pape Pie XII que les services soviétiques ont infiltré dans les séminaires de nombreux agents formés à cet effet [50]. Quelques-uns ont été démasqués, comme le célèbre père Alighiero Tondi, secrétaire de Mgr Montini et agent du K.G.B. [51]. Mais combien restent ignorés et ont pu même accéder à l’épiscopat ? Bernanos disait : « Je serai fusillé par des prêtres bolcheviks qui auront le Contrat social dans la poche et la croix sur la poitrine » [52].
Enfin, le clergé lui-même, poussé peu ou prou par ces influences, a connu des crises profondes [53]. Au début de ce siècle, une partie du clergé se rallie à deux erreurs : l’américanisme ou recherche de l’efficacité par le rejet des vertus passives au profit des vertus actives ; le modernisme ou recherche de l’adaptation de l’Eglise et des dogmes à la mentalité moderne. Léon XIII et Saint Pie X condamnent les deux erreurs, tout rentre dans l’ordre et le clergé revient à une haute vie spirituelle. La primauté est rendue à la contemplation ; l’activité est subordonnée à la prière et à la pénitence.
En 1943, le trop célèbre livre des abbés Godin et Daniel, France pays de mission, prélude au retour brutal dès 1945 de l’américanisme et du modernisme. Les prêtres rêvent de conversions en masse et veulent voir les résultats de leur apostolat. On attribue la déchristianisation à un manque d’efficacité dû à des méthodes dépassées. Les pratiquants sont jugés indignes. Ils enferment les prêtres dans un ghetto en les isolant de la masse généreuse mais déchristianisée. Il faut convertir les masses en devenant semblables à elles et en écartant les pratiquants. Il faut chercher l’efficacité en faisant des expériences.
Mais la spiritualité est abandonnée, la notion de sacerdoce est abaissée, les expériences échouent. Plus les échecs sont patents, plus on pousse les abandons et les expériences. Les innovations post-conciliaires, faites dans le même sens, viendront consommer le désastre.
Le malheur de l’Eglise sera qu’au moment de ces innovations postconciliaires le trône de Saint-Pierre sera occupé par un Pape, Paul VI, profondément imprégné de la philosophie subjective et naturaliste du libéralisme, aux antipodes de la doctrine catholique. Il ne nous appartient pas de juger ce Pape, mais lisons ces quelques phrases qu’il a prononcées et où l’on ne retrouve pas la misère de l’homme en face de la majesté et de la clémence de Dieu. En 1965, discours de clôture du Concile : « Toute la richesse doctrinale du Concile ne vise qu’à une chose : servir l’homme » ; encore : « Nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l’homme. » Lorsqu’un homme débarque sur la Lune : « Honneur à l’homme, roi de la terre et aujourd’hui prince du ciel. » En 1970 : « L’Eglise croit très fermement que la promotion des droits de l’homme est une requête de l’Evangile et qu’elle doit occuper une place centrale dans son ministère. » 1971 : « Une paix qui ne résulte pas du culte véritable de l’homme n’est pas elle-même une véritable paix » [54]. On voit que Paul VI était bien mal armé pour maintenir le Concile et l’après-Concile dans la voie de l’orthodoxie.
L’idée de réunir un Concile datait pratiquement de 1870. Cette année-là le Concile Vatican I fut interrompu par la guerre franco-prussienne et on estima depuis qu’il fallait le terminer. Les Papes Pie XI et Pie XII réunirent des commissions et entamèrent successivement des travaux préparatoires à la réunion d’un Concile Vatican II. Mais ils se rendirent rapidement compte que des forces subversives risquaient de s’emparer du Concile (on sait combien les grandes assemblées sont difficiles à mener et faciles à faire dévier) ; ils renoncèrent donc, l’un puis l’autre, à réunir ce Concile.
Jean XXIII fut moins prudent. Il crut pourtant avoir pris toutes les précautions nécessaires : les commissions conciliaires étaient toutes composées, les textes étaient rédigés ; une unique et courte session du Concile devait entériner le tout [55].
C’était compter sans les manœuvres d’un groupe de cardinaux d’Europe centrale et occidentale et de leurs conseillers, d’idées fort avancées ; citons parmi ces derniers les pères Rahner, Congar, Schillebeeckx et Hans Kung. Il y eut une véritable conjuration qui permit, dès le premier jour, d’éliminer les commissions et les textes préparés par le Pape. Les témoins rapportent comment la masse des évêques, non prévenus, se laissa imposer des éléments progressistes à tous les postes clefs. Votes hâtifs, trucages, manœuvres émailleront toute l’histoire du Concile. Il ne manquera pas non plus de pressions extérieures : c’est ce qui explique qu’un Concile destiné à discuter des problèmes de notre temps ne fera même pas allusion au communisme. Mieux : une motion signée par 450 évêques et demandant la condamnation du communisme disparaîtra tout simplement sans laisser de trace. En revanche, à la demande des instances juives internationales, une déclaration sera votée en 1964 qui, pour laver les Juifs de toute responsabilité dans la mort du Christ, revenait à contredire et censurer certains passages des Evangiles ; devant l’énormité de la chose, une autre déclaration, beaucoup plus modérée, sera votée en remplacement avec la même quasi-unanimité l’année suivante [56].
On ne sera pas surpris dans ces conditions que la plupart des textes du Concile, sans être vraiment condamnables (condamnables ils ne seraient pas passés), contiennent des équivoques, des phrases au sens vague, des ambiguïtés permettant ultérieurement des interprétations progressistes.
Il est important de noter qu’aucun de ces textes n’est revêtu de l’infaillibilité. Jean XXIII et Paul VI ont souvent souligné que le Concile n’avait qu’un caractère pastoral et non doctrinal. D’ailleurs la commission doctrinale du Concile a précisé : « Compte tenu de l’usage des Conciles et du but pastoral du Concile actuel, celui-ci définit comme devant être tenus par l’Eglise en matière de foi et de mœurs uniquement les points qu’il a clairement déclarés tels. » Or aucun point ne fut déclaré tel [57].
La constitution sur la liturgie fut comme les autres rédigée de manière vague et ambiguë [58]. Elle contient tout de même un certain nombre de dispositions intéressantes dont aucune ne laisse prévoir la suppression de la Messe traditionnelle. Bien au contraire, l’article 4 stipule « Obéissant fidèlement à la tradition, le Concile déclare que la sainte Mère l’Eglise considère comme égaux en droit tous les rites légitimement reconnus et qu’elle veut, à l’avenir, les conserver et les favoriser de toute manière. »
Notons aussi l’article 22 qui condamne ce que l’on a appelé depuis la créativité en liturgie. Les articles 36 et 54 qui ordonnent de conserver le latin. L’article 116 qui prescrit de laisser la première place au chant grégorien. Le Concile n’a nulle part prévu la création d’une Nouvelle Messe et, pendant toute sa durée, les pères conciliaires ne célébreront que la Messe traditionnelle.
La Nouvelle Messe est le fruit d’un après-Concile qu’avant même qu’elle soit promulguée, en 1967 et 1968 déjà, des partisans du Concile jugeaient sévèrement [59]. Etienne Gilson : « Divagation parmi les ruines. » Le père Bouyer : « A moins de se boucher les yeux, il faut même dire franchement que ce que nous voyons ressemble bien moins à la régénération escomptée qu’à une décomposition accélérée du catholicisme. » Le père de Lubac : « Sous le nom d’Eglise nouvelle, d’Eglise post-conciliaire, on s’efforce souvent de bâtir une Eglise autre que celle de Jésus-Christ : une société anthropocentrique, société qui est menacée d’une apostasie immanente et qui se laisse entraîner à n’être plus qu’un mouvement de laisser-aller général sous le prétexte de rajeunissement, d’œcuménisme et de réadaptation. »
Au moment où ces jugements étaient portés, une commission réunie sous la direction de Mgr Bugnini, dont nous avons vu l’appartenance à la franc-maçonnerie, mettait la dernière main à la Nouvelle Messe. Etrange commission à la vérité, où siégeaient six observateurs protestants qui figurent à côté de Paul VI sur une célèbre photographie [NDLR de LPL – Voir ci-contre : Le Pape Paul VI et les six protestants qui ont contribué à l’élaboration de la nouvelle messe : Dr. George ; Canon Jasper ; Dr. Shephard ; Dr. Konneth ; Dr. Eugene Brand et le Frère Max Thurian.] [60].
Quel fut le rôle de ces protestants dans cette commission catholique ?
Voici un témoignage catholique, celui de Mgr Baum [61] : « Ils ne sont pas là » , écrit-il en 1967, « simplement en observateurs mais aussi bien en experts, et ils participent pleinement aux discussions sur le renouveau liturgique. »
Un des six protestants, le chanoine anglican Jasper, déclare de son côté en 1977 : « Nous étions, bien sûr, autorisés à commenter, critiquer et faire des suggestions » [62]. On peut être, à bon droit, surpris de voir des protestants participer à l’élaboration d’une Messe catholique, alors que cette Messe repose précisément sur des dogmes que les protestants rejettent.
On remarquera, en passant, qu’aucun prêtre orthodoxe n’avait été invité alors que la foi orthodoxe sur la Messe est la même que la foi catholique.
3e partie : Le faux œcuménisme et la Nouvelle Messe
Malgré la longueur de ce travail, pourtant limité aux points essentiels, il nous faut développer ici une parenthèse sur l’œcuménisme. Car c’est bien un souci d’œcuménisme, ou plutôt de faux œcuménisme, qui justifie la création de la Nouvelle Messe.
Il existe un œcuménisme catholique : il consiste à convertir, à ramener à l’Eglise catholique tous ceux qui en sont éloignés. Au IIIème siècle, Saint Cyprien écrit son fameux : « Hors de l’Église point de salut » [63]. Au IVème siècle, Saint Augustin déclare : « Quiconque se séparera de cette Eglise catholique n’aura pas la vie » [64]. Pie IX condamne la proposition selon laquelle « le protestantisme n’est qu’une des diverses formes de la même et vraie religion chrétienne dans laquelle il est possible de plaire à Dieu, tout comme dans l’Eglise catholique » [65].
En 1928, dans son encyclique Mortalium animos, Pie XI condamne le faux œcuménisme et précise : « II n’est pas permis de procurer l’union des chrétiens autrement qu’en favorisant le retour des dissidents à la seule et véritable Eglise du Christ dont ils se sont jadis malheureusement éloignés. » Il ajoute, parlant des faux œcuménistes : « En ce qui concerne les dogmes de la foi, il n’est nullement permis d’user de la distinction qu’il leur plaît d’introduire entre les vérités de la foi fondamentales et les non-fondamentales, comme si les unes devaient être reçues par tous, tandis que les fidèles se verraient autorisés à croire ou à ne pas croire les autres. »
En 1949, le Saint Office publie une mise en garde contre le Mouvement œcuménique [66] ; il déclare : « La doctrine catholique doit être proposée et exposée totalement et intégralement ; il ne faut point passer sous silence et voiler par des termes ambigus ce que la vérité catholique enseigne. »
II est bien évident que l’œcuménisme post-conciliaire prend le contre pied de ces instructions et provoque une protestantisation de l’Eglise catholique [67]. Certes nous avons en commun avec les protestants tout ce qu’ils ont gardé du catholicisme, mais la charité à leur égard consiste à leur rendre ce qu’ils ont perdu et non à les rassurer dans leur schisme en adoptant leurs erreurs. Les signes de cette protestantisation sont très nombreux : adoption des erreurs doctrinales, discussion incessante, démocratisation de l’Eglise, laïcisation au moins extérieure du sacerdoce. Nous verrons tout à l’heure les germes de la protestantisation dans la Nouvelle Messe. Pourquoi cette protestantisation, plutôt que, par exemple, une orthodoxisation ? Tout simplement parce que le protestantisme, c’est la voie de la facilité. Le protestantisme est plus commode, moins exigeant, plus conforme au respect humain que le catholicisme. Il est aussi plus proche des idées démocratiques actuellement dominantes et qui sont en grande partie d’ailleurs issues de la Réforme par l’intermédiaire, en particulier, des loges maçonniques.
Les orthodoxes n’y trouvent pas leur compte. Voici ce qu’écrit un Russe orthodoxe habitant en Russie : « Je dois vous dire honnêtement que nous, chrétiens orthodoxes, sommes scandalisés de ce qui se passe dans l’Eglise catholique. Depuis le Concile Vatican II, la rupture entre les chrétiens orthodoxes et les catholiques romains s’agrandit de plus en plus… Vous perdez le sens du sacré… Vous oubliez l’absolue priorité de la prière et de la pénitence… Je ne sais si vous atteignez réellement les protestants, mais je suis certain, absolument certain que vous découragez les chrétiens orthodoxes » [68].
Voici maintenant ce que pensent certains protestants. On lit dans un article de La Documentation Chrétienne [69] : « L’Eglise officielle d’aujourd’hui, qui se veut œcuménique, accepte toutes les religions, toutes les sectes au nom de la liberté de conscience, de pensée et de culte, tout comme le fait la Franc-Maconnerie. Mais, comme elle, elle excepte de cette compréhension, d’ailleurs hérétique, les catholiques de la Tradition, ce qui prouve qu’ils sont, eux, la véritable Eglise. » De la même source protestante : « Les traditionalistes catholiques, a l’heure actuelle, sont les véritables défenseurs de la foi chrétienne dans l’Église romaine. »
Le pasteur Rigal, de Strasbourg, écrit [70] : « Mgr Lefebvre dénonce avec énergie l’œcuménisme en ce qu’il a d’équivoque et de mensonger, et qui crée de nouvelles divisions. Et que dire de la confusion créée par les mariages œcuméniques et par les concélébrations au même autel et simultanément… de la Messe et de la Sainte Cène par un prêtre et par un pasteur, chacun… consacrant les espèces ? Mgr Lefebvre… est logique et conséquent avec la doctrine de son Eglise, avec sa Tradition, avec ses condamnations et ses refus. »
Même opinion des protestants François Bluche et Pierre Chaunu [71] qui soulignent plus spécialement les modifications apportées aux séminaires : « En dix ans, disent-ils, le nombre des entrées a chuté de 10 à 1. Au programme on a remplacé Saint Thomas d’Aquin par Marx et Feuerlach. Pour ces auteurs, la réussite d’Ecône soulignait l’échec des nouveaux séminaires, l’ordo de St Pie V maintenu » , etc. D’où, d’après eux, l’acharnement de l’épiscopat français contre Ecône.
Voici ce que disait en 1981 le pasteur René Barjavel : « L’Eglise catholique a cassé sa liturgie, lessivé son rite, escamoté ses mystères, baissé sa flamme de joie ; à toute vitesse elle se fait protestante » [72].
Pour être tout à fait « œcuménique » , citons encore le grand rabbin Kaplan [73] : « Serais-je catholique romain que je serais intégriste… Notre différence avec les catholiques, la seule mais elle est capitale, c’est qu’ils s’efforcent d’adapter la religion à l’homme tandis que nous travaillons à l’adaptation de l’homme à la religion. »
Même réflexion du protestant Cullmann [74] : « Le grand coupable n’est pas le monde sécularisé, mais le faux comportement des chrétiens à l’égard du monde. On croit que pour accomplir sa tâche d’apôtre, le chrétien doit être dans le vent et suivre toutes les modes. La crise de la foi est manifestée par la capitulation devant le monde. » L’auteur fait remarquer que Saint Paul ne s’est pas conformé au monde et que c’est là la clef du succès de sa prédication.
On aura remarqué que ces différents observateurs non-catholiques voient dans le pseudo-œcuménisme une tentative de destruction du catholicisme en faveur d’un amalgame de religiosité inter-confessionnelle, assez analogue aux conceptions déistes de la Franc-Maçonnerie.
La Nouvelle Messe apparaît comme une arme de choix, mais non la seule, de cette entreprise de protestantisation ou, mieux, de réduction du catholicisme à un humanisme déiste. Atteint-elle son but ? Demandons-le à quelques nouveaux témoins. D’abord du côté des luthériens, le frère Thurian, de Taizé, déclare en 1969 [75] : « Des communautés non-catholiques pourront célébrer la Sainte Cène avec les mêmes prières que l’Eglise catholique. Théologiquement, c’est possible. » On remarquera que cette possibilité n’existe pas avec la Messe traditionnelle parce que celle-ci est le reflet de la théologie catholique. Que l’on ne nous dise pas, alors, que la Nouvelle Messe ne diffère que par des détails secondaires de la Messe traditionnelle, puisque pour les protestants ces différences sont essentielles. On notera d’ailleurs, et c’est une remarque pleine d’enseignement, que le texte de l’office de Taizé, tel qu’il existait en 1959, est très voisin de celui de la Nouvelle Messe de 1969 [76]. Le frère Thurian avait été un des six protestants de la commission de Mgr Bugnini. Encore un luthérien, M. Siegvalt, professeur de dogmatique à la faculté protestante de Strasbourg. Il écrit en 1969 : « Rien dans la messe maintenant renouvelée ne peut gêner vraiment le chrétien évangélique » [77]. Un autre protestant, Roger Mehl, écrit en 1970 : « II n’y a plus de raisons pour les Eglises de la Réforme d’interdire à leurs fidèles de prendre part à l’eucharistie romaine. » Plus loin : « La transsubstantiation… fait l’objet de tant de contestations parmi les théologiens et les prêtres qu’on ne peut plus la considérer comme un obstacle décisif » [78]. Le Consistoire de la Confession d’Augsbourg et de Lorraine déclare en 1973 : « II devrait être possible aujourd’hui à un protestant de reconnaître dans la célébration eucharistique catholique la cène instituée par le Seigneur. Nous tenons à l’utilisation des nouvelles prières eucharistiques dans lesquelles nous nous retrouvons » [79].
Du côté des anglicans citons l’archidiacre Pawley : « La liturgie romaine révisée… ressemble maintenant très étroitement à la liturgie anglicane. » Plus loin : « La nouvelle liturgie, en beaucoup d’endroits, a dépassé la liturgie de Cranmer, en dépit d’un retard de 400 ans, dans sa modernité » [80]. Même opinion chez un anglican converti au catholicisme, le grand écrivain Julien Green. Après avoir regardé une Nouvelle Messe à la télévision, il écrit : « Ce que je reconnus, comme Anne (sa sœur) de son côté, était une imitation assez grossière du service anglican qui nous était familier dans mon enfance. Le vieux protestant qui sommeille en moi dans sa foi catholique se réveilla tout à coup devant l’évidente et absurde imposture que nous offrait l’écran, et cette étrange cérémonie ayant pris fin, je demandai simplement à ma sœur : Pourquoi nous sommes-nous convertis ? » Plus loin : « Je compris d’un coup avec quelle habileté on menait l’Eglise d’une façon de croire à une autre. Ce n’était pas une manipulation de la foi mais quelque chose de plus subtil » [81]. Lex orandi, lex credendi. Un autre écrivain converti, Marie Carré, a consacré à cette question un très beau livre que son éditeur présente ainsi : « Marie Carré n’a pas quitté le calvinisme pour que son curé l’y reconduise de force » [82].
Terminons cette partie de notre travail par trois témoignages venus des pays de l’Est. Notre Russe orthodoxe de tout à l’heure d’abord : « Je puis vous assurer que les athées de notre pays se réjouissent de ce que vous faites, principalement le baptême par étapes. Ils disent : « Regardez et voyez, les catholiques français font ce que vous refusez » [83]. Un témoignage de Lituanie en 1978 : « Dernièrement les autorités soviétiques insistent de plus en plus auprès des évêques pour qu’ils appliquent la réforme liturgique du Concile » [84]. Enfin une lettre en 1980 du secrétaire de l’Assemblée épiscopale de Pologne : « Sachez qu’ici on nous impose la nouvelle liturgie pour faire perdre la Foi à nos populations » [85]. Est-il besoin de commenter ?
4ème partie : La Nouvelle Messe
Le nouveau missel fut publié le 3 août 1969. Il était accompagné d’un long texte de présentation, l’lnstitutio generalis, dont la lecture frappa de stupeur les théologiens catholiques. Un « Bref examen critique de la nouvelle messe » fut présenté à Paul VI, avec l’accord d’une vingtaine de cardinaux, par les cardinaux Ottaviani et Bacci qui notaient dans la préface : « Le nouvel Ordo Missae s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la Sainte Messe » [86].
Effectivement, on ne retrouve nulle part dans l’lnstitutio generalis les finalités de la Messe que nous avons rappelées plus haut. Le mot « sacrifice » figure dix fois, mais jamais dans le sens catholique de sacrifice propitiatoire ; on en reste au sens vague admis par les protestants [87]. Tout nage dans l’équivoque : la prière eucharistique est définie comme une prière présidentielle dans l’article 10 [88], comme une prière d’action de grâces et de sanctification dans l’article 54.
Deux des principaux fondements de la Messe catholique étaient particulièrement gommés :
- d’abord, la présence réelle du Christ sous les espèces du pain et du vin. Les mots « présence réelle » ne figurent d’ailleurs qu’une fois, en note, et dans un sens restreint [89], dans la note 63 de l’article 241. Le mot « transsubstantiation » lui-même n’est pas utilisé une seule fois. Rappelons que la proposition 29 du synode de Pistoie fut condamnée en 1794 pour le simple motif qu’elle donnait une définition exacte de la transsubstantiation mais sans en citer le nom ce qui « favorisait les hérétiques » [90].
- deuxième fondement de la Messe catholique particulièrement miné : le sacerdoce du prêtre. Le prêtre devient le président, le frère. On ne trouve aucune allusion à son pouvoir de ministre du sacrifice, ni à l’acte consécratoire qui lui revient en propre, ni à la réalisation par son intermédiaire de la présence eucharistique.
Bien au contraire, on insiste sur « le rôle sacerdotal du peuple » (article 45), sans mention de sa subordination à celui du prêtre. Nulle part n’est indiquée la valeur intrinsèque du Sacrifice eucharistique en dehors de l’assemblée. Tout au contraire, le caractère communautaire de la Messe revient comme une obsession, notamment de l’article 74 à l’article 152, comme si l’eucharistie était l’œuvre de l’assemblée. Nous le verrons, certains le diront. En résumé, l’Institutio generalis ne contenait aucune des données dogmatiques de la Messe, mais était largement imprégnée des idées protestantes.
Plus extraordinaire encore, son article 7 donnait de la Messe une définition positivement luthérienne, donc carrément hérétique. La voici : « La Cène du Seigneur ou Messe est la synaxe sacrée ou le rassemblement du peuple de Dieu sous la présidence du prêtre pour célébrer le mémorial du Seigneur. C’est pourquoi vaut éminemment pour l’assemblée locale de la Sainte Eglise la promesse du Christ : Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. » D’après l’article 7, la Cène (dénomination protestante) ou Messe est donc uniquement le rassemblement du peuple de Dieu ; le prêtre n’est que le président ; œuvre de la communauté, la Cène n’est que la célébration du mémorial du Seigneur ; d’après la deuxième phrase, la présence du Christ, purement spirituelle, est le fait de l’assemblée. Luther ne disait rien d’autre.
Le scandale fut trop grand pour être étouffé. Dès 1970, on fit précéder l’Institutio generalis d’un praemium ou préambule plus orthodoxe quoique non dépourvu lui aussi d’ambiguïté [91] ; en somme une explication de l’explication. Le praemium expliquait notamment (articles 6 à 9) qu’au temps de Saint Pie V la foi catholique était menacée à propos du sacerdoce, de la présence réelle et du caractère sacrificiel de la Messe. D’après lui, il n’en est plus de même actuellement et on peut donc atténuer dans la Messe le rappel de ces dogmes. C’est là nier l’évidence alors même que, dans l’encyclique Mysterium fidei, Paul VI déclare tout le contraire en 1965 [92]. On remarquera avec gêne qu’on retrouve là le procédé immuable de tous les hérétiques : insinuation d’erreurs parmi des déclarations orthodoxes ; lorsqu’il y a contestation, multiplication des déclarations orthodoxes mais maintien des erreurs sous une forme atténuée [93].
Le préambule de 1970 apparaît surtout comme un camouflage auquel on ajouta des modifications minimes à l’lnstitutio generalis et notamment à l’article 7. Mais cette modification de l’article 7 appelle plusieurs remarques :
- Première remarque, que les juristes apprécieront. Le texte révisé fut public comme incognito avec la date du premier. En fait, il y eut même trois éditions différentes portant la même date, car on avait oublié d’indiquer la date d’entrés en vigueur de la Nouvelle Messe. Passons sur un autre détail juridique : le texte latin ne contenait aucune formule d’obligation ; la traduction française y ; remédié par un trucage [94]. Nous en verrons bien d’autres tout à l’heure.
- Deuxième remarque. L’épiscopat français en est resté au texte hérétique de l’article 7 de 1969 sans tenir compte de la rectification de 1970, puisque c’est ce texte que l’on retrouve dans la brochure officielle publiée pour préparer le Congrès eucharistique de Lourdes en 1981.
- Troisième remarque. Le nouveau texte, s’il n’est plus formellement hérétique, reste très ambigu. Pour ne pas allonger ce travail, nous renvoyons son analyse en note [95] et nous nous contentons de citer l’opinion à ce sujet de l’Allemand Lengeling, un des auteurs catholiques de la Nouvelle Messe [96] « Dans la présentation générale (Institutio generalis) du Missel de 1969, il faut signaler la théologie sacramentelle de la célébration de la messe ; cette théologie est porteuse d’œcuménisme… Malgré la nouvelle rédaction de 1970, que de ; attaques réactionnaires ont fini par obtenir, mais qui évite le pire grâce à l’habileté des rédacteurs, cette théologie sacramentelle permet… de sortir des impasses post-tridentines du sacrifice. »
- Quatrième remarque. Même si l’Institutio generalis s’est trouvée légèrement améliorée, la Messe qu’elle définissait et expliquait n’a pratiquement pas été retouchée et reste donc liée à la première version. L’examen du nouveau missel montre en effet une évolution très marquée dans les différentes directions fixées par Luther et les autres réformateurs. Nous verrons plus loin que la traduction ou prétendue telle de la Nouvelle Messe en français aggrave sensiblement cette tendance.
Pour l’instant restons-en à la version latine du nouveau missel. Nous y remarquons : atténuation de toutes les formes de piété et des affirmations dogmatiques, gommage du sacerdoce du prêtre, disparition de l’affirmation du caractère de sacrifice propitiatoire de la Messe, atteintes insidieuses ou évidentes du dogme de la présence réelle. Bref : ambiguïté ou équivoque sur toute la ligne. Et aussi diminution du caractère sacré. On remarque, en particulier, que l’avant-messe, dite liturgie de la parole, est allongée alors que la durée de la Messe proprement dite se trouve réduite, la plupart du temps, à quelques minutes. Tout ce qui touche au surnaturel ou aux dogmes est diminué. Certes rien n’est supprimé, mais tout est réduit, en sorte que la Foi ne peut, elle aussi, que s’atténuer. Une étape supplémentaire dans le même sens sera accomplie, nous le verrons, par la traduction française. Le cycle sera pratiquement bouclé avec les adaptations très larges tirées de cette traduction.
Mais revenons au texte latin de la Nouvelle Messe. Constatons déjà que la Sainte Trinité, priée ou invoquée 23 fois dans la Messe traditionnelle, n’y figure plus que 3 ou 6 fois selon les cas [97]. Les noms de la Sainte Vierge et des saints disparaissent du Libera nos ; ceux des saints, supprimés dans trois canons, sont facultatifs dans la prex I [98]. Le mot « âme » disparaît de presque tout le propre ; il ne figure dans aucune des 83 oraisons proposées pour les funérailles ; on ne le trouve plus qu’une seule fois, dans la post-communion de Saint François Xavier [99]. De même, la quinzaine d’allusions aux miracles et apparitions contenues dans les messes des saints se trouve réduite à deux [100] ; les apparitions de Lourdes elles-mêmes ont disparu de la messe de Sainte Bernadette. Les anges et l’enfer sont également devenus rares. Les adaptations françaises gommeront gravement le caractère sacerdotal du prêtre. Mais le texte latin y porte déjà de premières atteintes. Nous avons vu que l’Institutio generalis passe entièrement sous silence le pouvoir du prêtre comme ministre du sacrifice. Les ornements liturgiques, qui sont les signes symboliques de la conformation du prêtre au Christ, semblent pour la plupart être devenus facultatifs. Au début de la Messe, le prêtre récite le Confiteor avec les fidèles et ne donne plus l’absolution ; il n’est donc plus qu’un fidèle parmi les autres ; il n’est plus le juge et l’intercesseur. De même, la plus grande partie des prières de la communion du prêtre sont supprimées ; le prêtre tend à être seulement le premier des fidèles à communier.
Le caractère de sacrifice propitiatoire de la Messe, caractère capital, disparaît en fait. L’accent est sans cesse mis sur la nourriture et la sanctification des membres présents. Dans le même esprit l’autel est remplacé par une simple table où ne sont plus incluses des reliques. Le Mémento des morts se trouve tronqué et édulcoré dans trois des quatre canons qui ne rappellent plus, l’offertoire non plus, que la Messe opère la rémission des péchés tant pour les morts que pour les vivants.
Enfin, et c’est la victoire de Luther, l’offertoire qu’il haïssait tant parce que cet offertoire exprimait admirablement le sacrifice et la propitiation, l’offertoire est purement et simplement supprimé. On l’a remplacé par une prière Israélite tirée de la Kabbale et sans grande signification. Alors que l’offertoire traditionnel est celui de la victime du sacrifice (l’hostie immaculée, le calice du salut), l’offertoire actuel n’est plus que l’offrande dérisoire de quelques miettes de pain et de quelques gouttes de vin.
Le plus grave, dans le texte latin de la Nouvelle Messe, c’est l’attaque insidieuse menée contre le dogme de la présence réelle à laquelle toute référence, même indirecte, est supprimée [101]. La simple multiplication des prières eucharistiques a fait perdre au canon son caractère de prière fixe, inchangeable, de roc de la Foi. En outre, nous allons le voir, les trois nouveaux canons sont très insuffisants. Mais il reste, dira-t-on, la prex I, le canon romain traditionnel, conservé, il est vrai, pour faire accepter les autres, mais de moins en moins utilisé. Or le canon romain de la Nouvelle Messe est, en réalité, le résultat de nombreuses manipulations du véritable canon traditionnel, manipulations qui sont autant d’atteintes au dogme de la présence réelle.
Jugez-en. La formule consécratoire de type incitatif est qualifiée de « récit de l’institution » et acquiert un type narratif ; dans les textes imprimés, plus rien (le point, les caractères, la couleur) ne la distingue du reste du canon. Les mots « mysterium fidei » , déplacés, ne se rapportent plus à la consécration, mais à la Passion du Christ. L’acclamation dévolue à l’assistance ajoute une nouvelle ambiguïté ; que signifie en effet la formule « Nous annonçons ta mort Seigneur… jusqu’à ce que tu viennes » , au moment où précisément le Christ est venu sur l’autel où il est substantiellement présent ? Il s’ajoute à cela une foule de modifications que l’on pourrait juger sans importance si elles ne convergeaient toutes dans le même sens. D’ailleurs, si elles étaient sans importance, pourquoi les aurait-on imposées ?
Voici l’essentiel de ces modifications. Suppression de la génuflexion après les paroles de la consécration ; il ne subsiste donc que la génuflexion qui suit l’élévation, comme si, selon l’interprétation protestante, le Christ n’était présent que du fait de la foi des croyants. Diminution de toutes les marques de respect envers les saintes espèces : plus de tabernacle sur l’autel, plus d’autel consacré, plus de dorure à l’intérieur des vases sacrés, plus de pale obligatoire pour protéger le calice ; une seule nappe au lieu de trois ; plus de purification des doigts du prêtre dans le calice ; plus d’obligation pour le prêtre de tenir joints les doigts qui ont touché l’hostie pour éviter tout contact profane. Pour les fidèles, plus d’agenouillement à la communion ; action de grâce assise, alors que l’on connaît l’influence de l’attitude physique sur la qualité de la prière.
Ajoutons l’adoption de formules reprises à Luther : l’addition de « qui est livré pour vous » , la formule « Faîtes ceci en mémoire de moi » , la doxologie ajoutée au Pater. Et que dire de l’obligation de dire le canon à haute voix à la mode luthérienne, alors que le Concile de Trente a jeté l’anathème sur cette même obligation ?
Toutes ces remarques concernent le canon dit romain. Elles s’appliquent aussi aux trois autres prières eucharistiques dont on remarquera en outre la brièveté. De plus, la prex II, dite abusivement de Saint Hippolyte, ne porte aucune mention du sacrifice, pas plus que les mots « oblation » ou « victime » . La prex III mentionne le sacrifice d’action de grâces et de louange, mais ne fait aucune allusion au sacrifice expiatoire renouvelé. Pas de sacrifice propitiatoire non plus dans la prex IV.
Il y a un chapitre que nous laissons de côté, par souci de concision, c’est celui de la symbolique. Dans la Messe traditionnelle, les gestes et les paroles, le nombre des gestes et celui des paroles, tout est chargé de symboles qui permettent de mieux approcher les mystères divins [102]. Tout cela est détruit dans la Nouvelle Messe au profit d’une banalisation qui n’a rien de mystique. A vouloir se rapprocher des hommes on s’éloigne de Dieu, et on éloigne les hommes de Dieu.
Il serait de même riche d’enseignement, mais trop long, d’étudier le bouleversement du calendrier liturgique et l’adoption du cycle triennal au lieu du si riche cycle annuel traditionnel. La meilleure explication de ces modifications, fort peu justifiées par ailleurs, est le désir de rompre délibérément avec la Tradition.
La création du cycle triennal aurait eu pour objectif de faire bénéficier les fidèles d’un plus grand nombre de lectures tirées de la Sainte Ecriture. Or, si l’on étudie le nouveau lectionnaire des dimanches et fêtes, on constate la disparition de vingt-deux passages des évangiles contenus dans le Missel traditionnel. Certains textes évangéliques sont écourtés, certains versets sont sautés. Il se trouve que les phrases disparues concernent le jugement général, le péché et les conséquences du péché. En outre, vingt-cinq dimanches et fêtes comportent, au choix, des évangiles normaux ou des « lectures brèves » qui en sont des versions abrogées. Or les abréviations de ces sortes de condensés éliminent aussi les « paroles dures » du Christ, ses menaces et ses avertissements. On s’est donc permis, dans un esprit de libéralisme « œcuménique », de censurer l’enseignement de Notre-Seigneur, d’en ôter ce qui pourrait troubler le confort des « bonnes consciences » [103]
5ème partie : La traduction française
La traduction française aggrave encore la situation. Il était stipulé que les traductions en langue vernaculaire devaient suivre scrupuleusement le texte latin [104]. Nous verrons que les textes français sont loin de répondre a cette prescription. Mais disons d’abord quelques mots sur le latin et la nécessité de son maintien.
Les partisans de la traduction des textes liturgiques en langues vernaculaires constatent que le latin n’est plus compris de personne et affirment que son emploi dans la liturgie est un obstacle à la participation des fidèles et une raison de l’abandon de la pratique religieuse. Pour répondre à cela. on peut déjà faire observer que le latin n’est plus un langue vivante depuis 1 500 ans mais n’a jamais été depuis un obstacle à la piété populaire. D’ailleurs les livres de messe comportaient la traduction en face du texte latin. Enfin les églises se sont surtout vidées depuis que le latin en a été exclu.
Situer la prière au niveau de la compréhension littérale du texte est un faux problème. La prière, ce n’est pas une explication doctrinale, qu’apportent d’ailleurs en français les sermons et le catéchisme. La prière, c’est l’élévation de l’âme vers Dieu, c’est un chemin vers la contemplation. On la trouvera dans la compréhension intuitive globale et poétique d’une liturgie dont la grandeur, la beauté et le symbole sont ordonnés aux mystères divins de la Messe. Et non dans une compréhension mot à mot des textes liturgiques.
Traduction, cela signifie-t-il nécessairement compréhension ? Les textes même traduits, comportent tant de richesse mystique que la tentation peut être grande de les adapter, de les appauvrir, de les altérer pour les mettre à la portée du plus grand nombre. Nous verrons que nos traducteurs français n’ont pas su résister à cette tentation, loin de là. Ainsi attentent-ils à la pureté doctrinale et aussi à l’universalité de l’Eglise, dans le temps et dans l’espace, universalité dont le latin est le signe et la garantie.
Quelques citations montreront que le débat et les arguments ne sont pas nouveaux.
De Saint François de Sales, vers la fin du XVIème siècle [105] : « Examinons sérieusement pourquoi on veut avoir le Service divin en langue vulgaire. Est-ce pour y apprendre la doctrine ? Mais certes la doctrine ne peut s’y trouver à moins qu’on ait ouvert l’écorce de la lettre dans laquelle est contenue l’intelligence. La prédication sert à ce point en laquelle la parole de Dieu est non seulement prononcée, mais exposée par le pasteur… Nous ne devons en aucune façon réduire nos offices sacrés en langage particulier, car comme notre Eglise est universelle en temps et en lieu, elle doit aussi célébrer les offices publics en un langage qui soit universel en temps et en lieu. »
Du Pape Alexandre VII, en 1661 : « Certains fils de perdition, curieux de nouveautés pour la perte des âmes, en sont venus a ce point d’audace que de traduire en langue française le Missel romain, écrit en langue latine suivant l’usage approuvé dans l’Eglise depuis tant de siècles… Par là ils ont tenté, par un téméraire effort, de dégrader les rites les plus sacrés en abaissant la majesté que leur donne la langue latine, et exposent aux yeux du vulgaire la dignité des mystères divins » [106].
De Joseph de Maistre, en 1819 : « Toute langue changeante convient peu à une religion immuable. Le mouvement naturel des choses attaque constamment les langues vivantes… Si l’Eglise parlait notre langue, il pourrait dépendre d’un esprit effronté de rendre le mot le plus sacré de la liturgie, ou ridicule ou indécent. Sous tous les rapports imaginables, la langue religieuse doit être mise hors du domaine de l’homme » [107].
Du Pape Jean XXIII, dans sa constitution Veterum sapientia de 1962 : « De nos jours, l’usage du latin est l’objet de controverse en de nombreux endroits et, en conséquence, beaucoup demandent quelle est la pensée du Siège apostolique sur ce point. C’est pourquoi nous avons décidé de prendre des mesures opportunes, énoncées dans ce document solennel, pour que l’usage ancien et ininterrompu du latin soit maintenu pleinement et rétabli là où il est presque tombé en désuétude. »
Vatican II, constitution sur la liturgie, article 36 : « L’usage de la langue latine, sauf droit particulier, doit être conservé dans les rites latins. » On a fait tout le contraire. Et si le texte latin de la Nouvelle Messe montre sous prétexte d’œcuménisme, des tendances dangereuses, sa « traduction » française représente une notable aggravation de ces tendances. Le texte français du commun et du propre contient en effet plusieurs centaines d’altérations, toutes dans le même sens par rapport au texte latin. Jugez-en [108].
Le sacerdoce ministériel, déjà bien écorné, est encore maltraité. L’exemple le plus frappant est donné par l’Orate fratres. La Nouvelle Messe a conservé en latin l’Orate fratres traditionnel où se trouve mis en valeur le rôle propre du prêtre : « Priez, mes frères. pour que mon sacrifice, qui est aussi le vôtre, puisse être agréé par Dieu le Père tout puissant. » Réponse : « Que le Seigneur reçoive de vos mains le « sacrifice à la louange et à la gloire de son nom, ainsi que pour notre bien et celui de toute son Eglise sainte. » Prétendue traduction : « Prions ensemble au moment d’offrir le sacrifice de toute l’Eglise. » Réponse : « Pour la gloire de Dieu et le salut du monde. » C’est le sacrifice de l’Eglise et non du Christ offert par l’assistance et non par le prêtre.
Dans l’épître de Saint Jacques, l’onction n’est plus conférée aux malades par les prêtres mais par les anciens [109]. Une subtile attaque du célibat sacerdotal fait dire à Saint Paul : « Que chacun de vous sache prendre femme pour vivre dans la sainteté et le respect » au lieu de : « Que chacun de vous sache garder son corps dans la sainteté et dans l’honneur » [110]. Et pourquoi traduire dans les quatre canons « notre Pape » par « le Pape » , ce qui est plus vague ?
La notion de sacrifice, déjà gommée dans la Nouvelle Messe latine, l’est plus encore en français. Le mot assez évasif d” « eucharistie » , la bonne grâce, remplace celui de « messe » . Le même mot d’eucharistie remplace indûment une trentaine de fois les mots « sacrifice », « mystère », « sacrement » .
Pourquoi traduire « ite missa est » par « allez dans la paix du Christ ? » si ce n’est pour supprimer le mot « messe » trop catholique, trop imprégné de la notion de sacrifice.
La notion de transsubstantiation est atténuée dans diverses traductions. Par exemple : « Vous qui nous nourrissez du corps et du sang de votre Fils » devient « Toi qui nous a donné… » [111]. « Que ce sacrement réalise en nous ce qu’il contient » devient : « Que tes sacrements. Seigneur, achèvent de produire ce qu’ils signifient » [112]. « Par l’aliment céleste de votre parole et du sacrement que nous avons reçu » devient : « Par ta parole et par ton pain » [113]. Ou encore on ajoute « les vivres qui soient notre force » : on traduit « mystère » par « repas » .
Le culte des saints, déjà diminué, est encore réduit. Par exemple, dans une trentaine de cas les mots « intercession », « mérites », « mériter » sont éliminés.
La Sainte Vierge n’est pas épargnée. L’expression si riche en théologie « pleine de grâce » est remplacée par le modeste « favorisée de Dieu » . Dans le Confiteor, « la bienheureuse Marie toujours vierge » devient « la Vierge Marie » . L’élimination furtive du mot « toujours » suffit ainsi à évacuer un dogme qui déplait aux protestants : celui de la virginité perpétuelle de la Mère de Dieu. A l’occasion, « vierge » devient « jeune fille » . Et même, on fait dire à Isaïe : « une jeune femme enceinte qui enfantera un fils » [114]. « Mère de Dieu » devient « Mère de ton fils » [115]. Il y a d’autres exemples de cette sape des dogmes mariaux, sape qui n’a rien d’anodin et que ne justifie aucune traduction honnête.
Les anges souffrent également d’une épuration. Le mot « ange » est souvent rendu par « messager » [116]. « Le pain des anges » devient « le pain des forts » [117]. On raccourcit un texte de Saint Pierre d’une allusion aux anges [118]. De même les lectures et préfaces sont tronquées pour supprimer les noms des classes d’anges (Trônes. Dominations, etc.) qui deviennent « les innombrables créatures des cieux » . Dans le Sanctus, le Deus Sabaoth, Dieu des armées, c’est-à-dire des armées célestes, devient platement le Dieu de l’univers [119]. Les démons et esprits immondes ne sont pas mieux traités : ils deviennent en général, plus modestement, des « esprits mauvais » .
II faut dire que l’enfer a disparu. Le célèbre passage de Saint Mathieu concernant l’Eglise : « Les portes de l’enfer ne l’emporteront pas sur elle » est traduit par : « La puissance de la mort ne remportera pas sur elle » [120]. Dans le canon dit romain, « la damnation éternelle » devient « la damnation » tout court. Dans différents textes. « perdition » est traduit par « mort » , et « mort spirituelle » par « malheur » . De toute manière, il n’y aura plus de damnés puisque dans le Memento des défunts : « Souvenez-vous de tous les défunts que vous avez pris en pitié » devient « Souviens-toi de tous les hommes qui ont quitté cette vie » , tous quels qu’ils soient. De même, dans la Consécration, « pro multis » est rendu par « pour la multitude » , c’est-à-dire « pour tous » , alors que « pro multis » veut dire « pour beaucoup » . Dans le Gloria, « les hommes de bonne volonté » deviennent « les hommes qu’il aime » [121] ; c’est encore une négation de l’effort de chacun et du péché.
De manière générale, la notion de péché originel est atténuée dans quatre cas. Celle du péché personnel l’est constamment. Le « beaucoup péché » du Confiteor est débarrassé du mot « beaucoup » . Dans l’Agnus Dei, « les péchés du monde » font place à « le péché du monde » : cela ne rejoint-il pas la pensée socialiste selon laquelle le seul péché, le péché du monde, c’est l’injustice sociale ? Dans au moins 25 cas, les mots « clémence » , « miséricorde » , « bénignité » de Dieu, « propice » sont remplacés par des termes ne supposant pas le pardon des péchés : « bonté » , « tendresse » , « amour » , « affection » . Au début du canon dit romain, le « Père très clément » devient le « Père infiniment bon » .
II faut dire que le mot « âme » , raréfié dans le texte latin, disparaît de la traduction française. Dans le « Dominus non sum dignus » , « mon âme sera guérie » est remplacé par « je serai guéri » . Dans divers cas. « âme » est remplacé par « vie » . Par exemple, on fait dire à Saint Mathieu : « Que sert à l’homme de gagner l’univers s’il vient à perdre la vie » au lieu de « l’âme » [122].
Frère Pascal, théologien de La Vie catholique (encore catholique en 1975), nous donne la clef de cette disparition de l’âme. Il écrit : « Le mythe de l’âme immortelle vient de l’Orient et de la Grèce. Le judaïsme antique ne le connaît pas… La théologie chrétienne a repris pour son compte la croyance à l’immortalité de l’âme. Aujourd’hui toutefois certains croyants et certains théologiens remettent en question cette conviction » [123].
Dieu lui-même n’est pas épargné pas nos traducteurs. Toutes les formes de respect le concernant sont diminuées. Citons d’abord le tutoiement généralisé qui, dans la langue française, n’a jamais été qu’un signe de familiarité plus ou moins recommandable. Le tutoiement était toléré dans certaines traductions de psaumes, au titre de la licence poétique. Mais rien, en français, ne justifie sa généralisation. Les mots indiquant la grandeur de Dieu et notre petitesse sont généralement supprimés. « Majesté » ne subsiste que deux fois [124] : dans au moins 26 cas, il est supprimé ou remplacé par « gloire » ou « grandeur » . De même, au moins vingt fois. le verbe « daigner » est supprimé ou remplacé par « vouloir » ; « Libéralité » , « serviteur » , « service » , « servir » ont également disparu.
Et que dire de la 6ème demande du Pater [125] ? L’ancienne traduction du Notre Père n’était pas excellente. La nouvelle, imposée de façon tout a fait irrégulière d’ailleurs [126] ne la corrige en rien et y ajoute de nouvelles imperfections. L’une d’elles est inadmissible comme insultante pour Dieu que l’on accuse de pouvoir nous soumettre à la tentation, en contradiction avec l’épître de St Jacques [127] et avec tous les commentateurs comme Tertullien, Origène, Saint Thomas d’Aquin, etc. Les recherches modernes montrent que rien n’autorise la traduction « Ne nous soumets pas a la tentation » , inventée en 1922 par un protestant anonyme. La traduction classique « Ne nous laissez pas succomber à la tentation » est au contraire conforme au sens théologique du texte araméen reconstitué [128].
Il reste à signaler toute une série d’altérations convergentes qui portent atteinte au dogme de la divinité et de la filiation divine de Notre Seigneur Jésus Christ. Il s’agit là d’une très nette résurgence de l’hérésie arienne, absente du texte latin de la Nouvelle Messe et propre à sa traduction française [129].
L’accent est mis dés le début de la Messe où la formule « Béni soit Dieu et Père du Seigneur Jésus-Christ » devient : « Béni soit Dieu maintenant et toujours » . Dans le Credo « consubstantiel » est remplacé par « de même nature » qui a un sens théologique beaucoup plus faible. Ceci est tellement vrai que le Concile de Nicée, en 325, pour condamner l’arianisme, avait imposé le terme « consubstantiel » (en grec : homoousios) contre l’homoiousios (« de même substance ») des semi-ariens. L’expression « de même nature » , plus faible que de « même substance » est celle du concile semi-arien de Sirmium en 357 ; pour les semi-ariens, le Christ avait bien une nature divine, mais était une créature du Père avec qui il n’était pas consubstantiel.
On comprend donc pourquoi : « Vous l’avez solennellement déclaré votre Fils bien aimé » est traduit : « Tu l’as désigné comme ton Fils bien aimé » [130]. Le nouveau missel de 1980 commente à un autre endroit : « Il prie Dieu comme son Père » [131]. On pourrait multiplier les exemples de textes équivoques [132].
Lors du baptême du Christ, une voix se fit entendre du Ciel : « Tu es mon Fils bien aimé ! En toi je me suis complu. » Nouvelle Messe : « C’est toi mon Fils : moi, aujourd’hui je t’ai engendré » [133]. Doit-on comprendre que l’homme Jésus est devenu Fils de Dieu en recevant sa mission a son baptême ? C’est l’explication qui ressort des commentaires du nouveau missel 1983 [134].
Voyons quelques exemples de la manière dont on essaie de mettre en doute la divinité du Christ. D’abord, le mot « miracle » est systématiquement censuré dans les évangiles et remplacé par le terme vague de « signe » . Six fois le verbe « adorer » appliqué au Christ est remplacé par « se prosterner » . Plusieurs fois le verbe « ressusciter » laisse la place à « se relever » .
L’Incarnation n’est pas mieux traitée. « A ceux qui humblement reconnaissent son Incarnation » devient : A ceux qui « s’inclineront devant l’enfant de Bethléem » [135]. « Par le mystère de l’Incarnation » devient : « En prenant la condition humaine » [136]. « II est véritablement homme » devient : « II est homme plein d’humanité » [137].
Il y a aussi la fameuse épître du dimanche des Rameaux. On lit classiquement : « Lui (le Christ Jésus) qui était dans la condition divine, il n’a pas cru devoir se réclamer de son identité avec Dieu, mais s’est anéanti jusqu’à prendre la condition d’esclave, devenant semblable aux hommes et ayant tout l’extérieur d’un homme. » Première traduction du nouveau missel : « Le Christ Jésus est l’image de Dieu : mais il n’a pas voulu conquérir de force l’égalité avec Dieu. Au contraire, il s’est dépouillé, devenant l’image même du serviteur et se faisant semblable aux hommes. On reconnaissait en lui un “homme comme les autres” » [138]. Pouvait-on douter, après cela, que si le Christ est Dieu il l’est de manière inférieure, comme le voulaient les semi-ariens ? La pilule était un peu grosse et l’on a, par la suite, modifié la première phrase : « Le Christ Jésus, tout en restant l’image même de Dieu. n’a pas voulu revendiquer d’être pareil a Dieu. » Ce n’est pas tellement meilleur.
Enfin, les trois réponses du Christ affirmant sa filiation divine et sa royauté sont remplacées par des formules dubitatives. Lorsque le Sanhédrin dit à Notre Seigneur : « Tu es donc le Fils de Dieu ? » . Il répondit : « Vous le dîtes, je le suis » : la traduction de la Nouvelle Messe transforme cette réponse en : « C’est vous qui dîtes que je le suis » [139]. De même. Pilate ayant demandé : « Es-tu le roi des Juifs ? » , Jésus lui répondit : « Tu le dis » ; traduction du nouveau missel : « C’est toi qui le dis » [140]. D’après Saint Jean, Jésus répond à la même question : « Tu le dis, je suis roi » nouveau missel : « C’est toi qui dis que je suis roi » [141]. On le voit, à trois reprises, dans les textes grec et latin, le Christ affirme sa divinité et sa royauté ; dans les trois cas, la nouvelle traduction française remplace cette affirmation par une dérobade : « C’est toi qui le dis. »
Pourquoi ? Pourquoi toutes ces altérations que nous venons de relever et dont l’accumulation est loin d’être insignifiante ? Ce ne peut être l’effet du hasard.
6ème partie : Les déviations liturgiques et doctrinales
Voila donc cette Nouvelle Messe, si inquiétante dans ses origines et si douteuse dans sa réalisation, largement empirée dans sa traduction vernaculaire. Et pourtant, ce n’est même pas cette Messe ainsi traduite que l’on nous offre en général. Bien d’autres altérations s’y ajoutent encore.
D’abord deux usages licites, licites à défaut d’être faciles à justifier. Nous ne traiterons du premier qu’en note pour ne pas alourdir notre travail. Il s’agit des abus de la concélébration, abus fondés sur une erreur historique et qui ont pour résultat de priver les fidèles d’un grand nombre de grâces puisque le nombre des Messes se trouve diminué [142].
Le deuxième usage licite, licite localement, est plus regrettable encore, car il porte atteinte à la foi en la présence réelle par la disparition des signes de respect qui entourent la communion ; alors que la Nouvelle Messe, nous l’avons vu. porte déjà préjudice à ce dogme. Il s’agit de la communion debout et avec la main à la mode protestante. Ces personnes, rarement confessées, qui se présentent pour recevoir ainsi l’hostie avant de retourner s’asseoir tout bonnement à leur place, que leur reste-t-il des sentiments du pêcheur repenti qui s’avance humblement en tremblant pour recevoir le corps de son Dieu ?
L’usage de la communion avec la main repose lui aussi sur une sollicitation abusive de l’histoire [143]. Certes les Constitutions apostoliques le décrivent au IVème siècle, mais cet ouvrage a été rejeté comme apocryphe par le Concile de Rome en 494. Le Pape Saint Sixte 1er, vers l’an 120, rappelle que seuls les ministres du culte peuvent toucher les saintes espèces ; à la même époque, Saint Justin attribue aux diacres la distribution de la communion. Au IIIème siècle, le Pape Saint Eutychien rappelle qu’il est interdit aux laïcs de porter la communion aux malades ; il y a eu des exceptions en période de persécution. Au IVème siècle Saint Cyrille et Saint Augustin insistent sur l’agenouillement. Les écrits des Papes Saint Léon 1er, au Vème siècle, et Saint Grégoire 1er, au VIème, montrent que la communion était donnée dans la bouche. Deux conciles du VIIème siècle, ceux de Rouen et de Constantinople in Trullo, rappellent qu’elle ne peut être donnée autrement.
En 1969, l’Instruction Memoriale Domini[144] constate que la communion avec la main est introduite sans autorisation dans certaines régions. Elle rappelle les grands avantages de la pratique traditionnelle. Elle expose que la grande majorité des évêques s’est montrée hostile, au cours d’une enquête, à tout essai de communion avec la main. Elle conclut donc au maintien de la pratique traditionnelle. Puis, avec une totale incohérence, elle autorise la communion dans la main là où elle s’est déjà introduite de manière illicite. Comme d’habitude, l’exception deviendra vite la règle, au moins en France, et la règle sera pratiquement éliminée. Ce renversement de la règle est typique de toutes les réformes post-conciliaires.
Bien d’autres usages, tout à fait illicites, s’introduiront dans le rite de la communion. Et c’est bien vainement que le Pape Jean-Paul II rappellera en 1980 [145], l’interdiction d’utiliser des corbeilles ou instruments autres que les vases sacrés, de laisser les laïcs prendre eux-mêmes l’hostie ou donner la communion à la place des prêtres.
Les déviations illicites ont touché toutes les parties de la Messe, au point que la Nouvelle Messe ne semble avoir eu d’autre objet que d’être le point de départ, sous prétexte de créativité, d’une véritable débâcle liturgique.
Toucher à l’intangible en inventant inutilement trois nouveaux canons a eu pour conséquence la publication en France, dès 1978, d’au moins 150 canons, tous illicites et tous équivoques sur le plan dogmatique [146]. Sans parler des canons improvisés, car n’importe quel prêtre (au mépris de l’article 22 de la constitution sur la liturgie de Vatican II), se croit autorisé à réinventer les prières de la Messe ou, au moins, à les adapter, à les supprimer, à les couper en fonction des inspirations du moment. On peut être assuré qu’il y a non seulement de moins en moins de messes licites, mais qu’il y a aussi de moins en moins de messes valides et de plus en plus de sacrilèges.
On n’hésite pas à introduire dans les messes des lectures ou de la musique profanes, l’expression corporelle avec ses mimes et ses danses souvent lascives, des projections de photos, des interventions de laïcs au cours du canon et même des concélébrations entre prêtres et laïcs. C’est à croire que tout est permis hormis, bien sûr, la Messe traditionnelle. Il est impossible de dresser le catalogue des innovations choquantes et scandaleuses, qu’aucune autorité d’ailleurs ne sanctionne ; des livres et des revues en sont remplis sans épuiser le sujet [147].
Nous avons fait remarquer plusieurs fois combien la Nouvelle Messe et ses dérapages attentaient à la doctrine catholique. Nous en trouverons maintenant la preuve dans des textes officiels du clergé français. Là aussi la matière est très vaste et nous contraint à quelques choix significatifs.
Déjà en 1971 l’abbé Olivier, professeur a l’Institut catholique, notait avec satisfaction : « Le catholicisme est certes encore loin de réaliser exactement ce qui lui arrive. Mais son évolution liturgique dessine une courbe sur laquelle il est impossible de se méprendre. » Et il se réjouit des nombreux rapprochements avec le protestantisme : dépérissement du culte de la présence réelle et de celui des saints, mise à l’écart ou disparition du tabernacle, etc. [148].
Le Nouveau Missel des dimanches de 1969 et 1973 affirme tranquillement qu’à la Messe « il s’agit simplement de faire mémoire de l’unique sacrifice déjà accompli » , affirmation protestante condamnée au Concile de Trente [149].
L’abbé Charlot, animateur de la catéchèse pour la région ouest, publie en 1976 une brochure intitulée : « Jésus est-il dans l’hostie ? » Il répond par la négative : « L’hostie ne contient pas Jésus, elle révèle sa présence agissante en son Eglise » ; encore : « Le pain eucharistique est-il toujours du pain ? Oui, le pain reste du pain » , etc. Il y eut des protestations et l’évêque, sans condamner la plaquette, se contenta d’émettre quelques réserves [150]. Il faudrait citer les publications du très officiel Centre National de Pastorale Liturgique, avec ses conseils de se dispenser de la Messe dominicale, d’y envoyer un délégué ou de choisir un autre jour que le dimanche ; avec ses suggestions de bouleverser l’Ordo, de modifier les fondements de la Messe, d’y introduire des disques, des diapositives, des chansons. Relevons seulement dans ses Fiches de formation des animateurs de célébration, ce récit de la Cène : « Il prit le pain, prononça la bénédiction, le rompit et le distribua comme son corps livré ; il prit la coupe de vin, prononça la bénédiction et la donna comme la coupe de son sang versé » [151]. Ou encore, à propos des prêtres : « Ce ne sont pas les prêtres mais l’assemblée qui célèbre » ; d’ailleurs le grand nombre de prêtres diminue la vitalité de l’Eglise ; sa diminution permet de distribuer des ministères et des responsabilités aux laïcs [152]. On sait qu’actuellement le rêve de beaucoup d’évêques est de répandre la pratique des célébrations sans prêtre.
Pour Fêtes et Saisons, en 1980, la Messe est « une communauté présidée par le prêtre » , qui n’en est pas séparé mais en fait partie. « Des hommes et des femmes se rassemblent… pour partager un peu de pain en prononçant quelques paroles. » « L’Eucharistie est une invitation à libérer nos frères. » Plus loin, la présence réelle est assimilée à la présence spirituelle [153].
Comme dit le bulletin paroissial de Fruges : « Nous accédons tous au sacerdoce et devenons des femmes et des hommes sacrés. Et le prêtre dira-t-on ? Le président fait le service… La messe est un repas » [154].
Il faudrait citer largement les documents préparatoires au Congrès eucharistique de Lourdes de 1981. Choisissons simplement deux ou trois phrases parmi beaucoup d’autres de la même veine. « L’Eucharistie est l’œuvre de l’assemblée, corps du Christ. Ce n’est pas le père Untel mais bien la communauté elle-même qui célèbre le mémorial du Seigneur. » « La présence eucharistique, cristallisation de la présence du Christ dans l’assemblée. » « C’est la communauté qui fait en corps l’Eucharistie. » « L’Esprit Saint permet de comprendre en quoi consiste la présence réelle du Christ… Il s’agit en tout cas d’une présence spirituelle. » Bien entendu, ces documents ne citent que le texte initial de l’article 7 de l’Institutio generalis, texte qui, on l’a vu, fut modifié en 1970 pour hérésie manifeste [155]. On est là bien loin de la doctrine catholique. Faut-il le répéter ? Lex orandi, lex credendi ; on croit comme on prie ; à nouvelle messe, nouvelle religion. Et que croit-on quand on va au bout de la nouvelle religion ? Demandons-le à trois Dominicains. Le père Cardonnel, celui pour qui Dieu est mort : « Ce Dieu qu’ils prient dans les veillées nocturnes ce Dieu-là n’est qu’un immonde salaud. » Le père Blanquart : « Je ne crois pas en un Etre métaphysique en dehors de l’histoire, ni à une survie personnelle après la mort. » Le père Durand, « Un tas de gens s’imaginent qu’après la mort, il y a quelque chose, une vie. C’est dingue ! » [156].
7ème partie : Les résultats
A quoi bon multiplier encore les citations. Rappelons-nous seulement la parole de Notre Seigneur Jésus-Christ : « On reconnaît l’arbre à ses fruits ; le bon arbre ne peut porter de mauvais fruits » [157]. Les fruits des réformes post-conciliaires et, plus particulièrement, ceux de la Nouvelle Messe sont contenus dans quelques chiffres que nous nous contenterons de citer.
En France, 41% des catholiques allaient à la Messe le dimanche en 1964 ; il n’en reste plus que 13%, moins d” 1/3, en 1981 ; ce nombre tombe à 6% pour les jeunes, ce qui laisse prévoir de nouveaux reculs [158]. La qualité ne remplace pas la quantité puisqu’en 1981, et on verra là l’effet direct de la Nouvelle Messe, seuls 27% des catholiques croient encore à la présence réelle ; 60% n’y croient plus et 13% n’ont pas d’opinion [159]. 23% des prêtres français ne croient pas non plus à la présence réelle du Fils de Dieu sous les espèces eucharistiques ; que valent leurs messes ? Le nombre des prêtres diminue sans cesse du fait des défections et du manque de recrutement. On ordonnait en France environ 700 prêtres par an jusqu’en 1966 ; on n’en ordonne plus maintenant qu’une centaine chaque année. Plusieurs milliers de prêtres ont abandonné leur sacerdoce.
Sur le plan mondial, le nombre des défections de prêtres a été de 23 470 pendant la seule période de 1971 à 1977 [160]. Il y avait eu 810 réductions à l’état laïc en 51 ans, de 1915 à 1965 ; il y en a eu 32 231 en 14 ans, de 1965 à 1978 [161].
Beaucoup de paroisses françaises n’ont plus la Messe, 1 100 d’entre elles pratiquent les assemblées dominicales sans prêtre. A Paris, le nombre des baptêmes est passé au-dessous de 50% des naissances ; seuls 35% des enfants y sont plus ou moins catéchisés. Les paroisses les plus avancées dans le sens moderne ou post-concilaire sont les plus touchées. Ainsi, dans la paroisse de Colombes, qui servit de test des nouvelles méthodes dans le diocèse de Paris, le nombre des pratiquants dominicaux tomba de 1 400 à 300 entre 1962 et 1974, et le nombre des baptêmes de 327 en 1957 à 7 en 1974 ; la paroisse fut supprimée en 1977 [162]. A Levallois, 637 baptêmes en 1945, 130 en 1976 [163]. Signalons aussi que, s’il restait en 1979 77 000 religieuses en France, on ne comptait alors, en tout, que 200 novices et 130 professes de vœux temporaires [164].
Les fruits de l’arbre post-conciliaire et de la Nouvelle Messe ne sont pas meilleurs dans d’autres pays. Au Canada, le taux des pratiquants a diminué de 50% en dix ans et la baisse continue [165]. Aux Etats-Unis, la baisse de l’assistance à la Messe est aussi de 50% ; 10 000 prêtres et 35 000 religieuses ont abandonné l’état religieux ; 10 000 mariages sont annulés chaque année. Toujours aux Etats-Unis, le nombre annuel des conversions qui était d’environ 300 000 avant le Concile est, depuis, tombé à 0 [166]. En Angleterre, les 30 000 conversions annuelles sont aussi tombées à 0.
Enfin, la Hollande, célèbre par ses positions avancées et même souvent scandaleuses, a vu, de 1960 à 1980, le taux de ses pratiquants chuter de 63,3% à 25 % et le nombre de ses prêtres de 15 000 à 4 900 [167]. Nous aurions pu relever d’autres chiffres, tout aussi consternants. Ils n’ajouteraient rien à cette évidence que les réformes post-conciliaires, et en particulier la Nouvelle Messe, qui devaient apporter à l’Eglise l’air vivifiant d’un nouveau printemps, ont fait souffler le vent desséchant de l’hiver. Elles devaient remplir les églises ; elles les ont vidées. Elles devaient fortifier la Foi ; elles l’ont diluée. Elles devaient ramener le troupeau à l’unique bercail ; elles l’ont dispersé dans la confusion et l’anarchie. Paul VI lui-même n’en était-il pas venu à reconnaître l” « autodestruction » de l’Eglise en qui, selon lui, se sont infiltrées les « fumées de Satan » ? Non vraiment, les fruits ne sont pas bons. L’arbre est donc mauvais. « Tout arbre qui ne produit point de bon fruit » , a dit Notre Seigneur, « sera coupé et jeté au feu » [168].
Conclusion
Il est temps de conclure. Nous nous trouvons en présence de deux Messes. L’une, la Messe traditionnelle, née le Jeudi Saint, s’est structurée dans les catacombes ; au cours des siècles et au lent rythme de l’histoire, elle s’est enrichie peu à peu comme elle continuera à s’enrichir dans les siècles à venir. C’est la Messe de nos ancêtre celle de nos saints, celle de Saint Louis, de Jeanne d’Arc, du curé d’Ars. C’est la Messe dont les supplications et les chants, répétés de siècle en siècle, montant vers le ciel avec les volutes de l’encens, ont comme imprégné les voûtes sombres de nos oratoires romans comme les croisées d’ogives de nos cathédrales.
La Messe traditionnelle, toute tournée vers Dieu et non vers l’homme, c’est la source où s’abreuve la Foi ; incite a la ferveur et à l’adoration, on y sent passer le souffle divin. Pleinement catholique, on la retrouve dans tous les pays du monde, semblable jusque dans ses moindres rites ; elle est l’unique source où vient se rafraîchir l’unique troupeau.
La Nouvelle Messe date de 1969. Sans doute conserve-t-elle de nombreuses traces de la Messe traditionnelle, mais par ses intentions ambiguës elle marque une rupture et non une continuité. Conçue comme un compromis avec les éléments extérieurs à l’Eglise, taillée aux dimensions de l’homme et non pleinement tournée vers Dieu, elle met gravement en danger noire édifice doctrinal. Promulguée dans des conditions juridiquement discutables, elle s’est voulue adaptée non à l’éternité divine, mais à un moment de l’histoire des hommes. Aussi l’histoire l’a-t-elle déjà dépassée et il n’en subsiste guère qu’une multitude d’adaptations plus ou moins illicites, trop souvent hérétiques et scandaleuses. Cette nouvelle tour de Babel n’est certainement pas la source et le symbole de l’unité.
Lex orandi, lex credendi. Il y a deux messes parce qu’il y a deux religions. D’une part, la religion catholique, fondée par le Christ, intemporelle, éternelle. D’autre part, une religion humanitaire, de référence chrétienne certes, mais peu exigeante, de doctrine vague, de discipline incertaine. Une religion sans création, sans enfer, sans immortalité de l’âme, sans miracle, sans vérité absolue, sans révélation certaine, fondée sur la légende et non sur l’histoire, telle que l’enseignent les nouveaux livres de catéchèse [169]. Chacun de nous se trouve confronté à un choix, un choix de religion. Ou bien nous acceptons la nouvelle religion et la Nouvelle Messe, ou bien nous entendons rester fidèles à la religion catholique, telle qu’elle nous est venue du Christ à travers les siècles, et nous sommes contraints de rejeter la Nouvelle Messe pour revenir à la Messe traditionnelle. Il n’est pas possible d’éluder ce choix. Trop de catholiques ; pour n’avoir pas voulu choisir, se sont laissé entraîner par la nouvelle religion vers la tiédeur, la relativité et finalement l’apostasie molle. La religion, c’est pour chacun de nous la responsabilité de notre salut éternel et de celui des autres ; selon que nous nous sauvons ou que nous nous perdons, nous indiquons à notre prochain le chemin du salut ou celui de la perdition.
Beaucoup d’objections empêchent trop d’entre nous de revenir à la Tradition catholique, à la Messe comme au catéchisme. Presque toutes sont fondées sur le fatal respect humain. Voyons, pour terminer, quelques-unes d’entre elles.
D’abord, l’ignorance. Le devoir de tout catholique est de se renseigner, de s’instruire, car seule est une excuse l’ignorance invincible. Notre présent travail a pour but de combattre l’ignorance.
Ensuite, l’obéissance aveugle. « Après tout, il y a une hiérarchie ; je la suis ; si elle se trompe, c’est elle qui en porte la responsabilité. » L’obéissance aveugle n’est pas catholique, et, s’il n’y a pas ignorance invincible, elle ne libère personne de sa responsabilité personnelle. Ce qui compte, c’est la vérité éternelle enseignée une fois pour toute par l’Eglise. Aucune hiérarchie ne peut changer cet enseignement. Saint Paul disait : « Quand nous vous annoncerions nous-mêmes, ou quand un ange du ciel vous annoncerait un Evangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème » [170].
Troisième objection : la crainte de se marginaliser. Mais choisir la voie étroite du salut, n’est-ce pas déjà se marginaliser ? Les apôtres n’étaient-ils pas des marginaux dans la Jérusalem juive ? Les martyrs n’étaient-ils pas des marginaux dans l’empire romain ? Notre Seigneur a dit : « Bienheureux serez-vous lorsque les hommes vous chargeront de malédiction, et qu’ils vous persécuteront, et qu’ils diront faussement toute sorte de mal contre vous à cause de moi » [171].
Dernière objection enfin : « J’ai un bon curé, il dit la Nouvelle Messe très dignement, avec même un peu de latin ; je dois y assister pour l’encourager » . Sans doute est-ce un bon prêtre, mais il faut considérer, non ce qu’il conserve, mais ce qu’il a abandonné. L’encourager dans ce qu’il conserve, c’est plus encore l’encourager dans ses abandons que compléteront immanquablement les abandons de ses successeurs. C’est aussi justifier la dérive de la Nouvelle Messe et, par là, ses pires excès. C’est retarder la renaissance de l’Eglise. N’oublions pas que toute révolution a besoin d’une aile modérée pour faire progresser dans son sens les gens que l’aile avancée effraie ou rebute et à qui, par contraste apparent avec l’excès de mouvement comme avec le rejet difficile de ce mouvement, cette aile modérée semble un recours rassurant et raisonnable.
Ces bons prêtres, il faut les encourager à revenir pleinement à la Tradition et notamment à la Sainte Messe. Et les encourager dans ce sens, c’est éventuellement les quitter ostensiblement. Il ne nous appartient certes pas de juger les raisons de leur apparente timidité, mais on peut tenir pour assuré que bien des bons prêtres reviendraient à la Messe de leur ordination s’ils se savaient soutenus par un grand nombre de laïcs. La responsabilité des laïcs est immense dans ce domaine, comme il en fut au temps de l’arianisme.
Terminons enfin ce long travail en priant Dieu de daigner permettre qu’il amène quelques lecteurs à réfléchir et à trouver la force d’abandonner la Nouvelle Messe ou ses succédanés et l’héroïsme de surmonter les mensonges et les préjugés du monde pour revenir a la Sainte Messe de notre Sauveur.
Daniel RAFFARD de BRIENNE, Extrait de Lecture et Tradition n° 101 de mai-Juin 1983 – Édité par la Diffusion de la Pensée Française – BP 01 – 86190 Chiré en Montreuil
- Jean Madiran, dans Itinéraires n° 256, sept.-oct. 1981, p. 140 et ss. Legem credendi statuat lex supplicandi[↩]
- Lucien Méroz, L’obéissance dans l’Église, Martingay, 1977, p. 104.[↩]
- Abbé Dulac. La Bulle Quo primum de St Pie V (Itinéraires, 1972).[↩]
- Sur les messes antiques : Dom Fernand Cabrol. Le livre de la prière antique (1902) : id. Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie (1903) ; Dom Pius Parsch, La sainte messe expliquée dans son histoire et sa liturgie (1938), entaché d’archéologisme, Dom Parsch voulant ramener la messe à un modèle judaïque ; Mgr Chevrot, Notre messe (Desclée de Brouwer. 1947). entaché aussi des idées nouvelles : P.J.A. Jungmann, Missarum sollemnia (Aubier. 1951 et ss.), même remarque : le Père Lebrun et Dom Guéranger, notes ci-dessous.[↩]
- Dom Guéranger. Les institutions liturgiques (extraits, Diffusion de la Pensée Française. 1977). [↩]
- A. Denoyelle. Communier avec la main c’est pécher (Forts dans la Foi, n° 43).[↩]
- Pierre Lebrun, Explication des prières et cérémonies de la Messe, 1716, réédité en 1976[↩]
- Jean Crète, Le canon d’Hippolyte (Itinéraires, n° 224, juin 1978).[↩]
- Jean Crète, Le canon d’Hippolyte (Itinéraires, n° 224, juin 1978).[↩]
- Introïbo, n° 31, janv. 1981 ; et note 5.[↩]
- Le Monde, 29–3‑1975.[↩]
- Dans : Marie Carré, J’ai choisi l’unité (D.P.F., 1973).[↩]
- Guy Le Rumeur, La révolte des hommes et l’heure de Marie (1981).[↩]
- Guy Le Rumeur, La révolte des hommes et l’heure de Marie (1981).[↩]
- Théodore de Bèze, Vie de Calvin.[↩]
- Père Barrielle, Avant de mourir.[↩]
- Léon Cristiani, Du luthéranisme au protestantisme (1910) ; Mgr Lefebvre, La Messe de Luther.[↩]
- Henri Charlier, La messe ancienne et la nouvelle (Dominique Martin Morin, 1973).[↩]
- Luther, Sermon du 1er dimanche de l’Avent.[↩]
- Père Barrielle, La messe catholique est-elle encore permise ?[↩]
- Maritain, Trois Réformateurs.[↩]
- Léon Cristiani, Du luthéranisme au protestantisme (1910) ; Mgr Lefebvre, La Messe de Luther.[↩]
- Bulletin de l’Association Saint Pie X de Picardie.[↩]
- Sur la réforme en Angleterre : Michaël Davies, Cranmer’s Gody orders : destruction of catholicism through liturgical change.[↩]
- Burnet, Histoire de la Réforme (d’après note 18).[↩]
- Bulletin de l’Association Saint Pie X de Picardie.[↩]
- Abbé Aulagnier, La messe catholique (In La messe traditionnelle, trésor de l’Église, Ed. Fideliter, 1992). et voir note 25.[↩]
- XXIIème session canon 3. XXIIIème session chap. 2, voir note suivante.[↩]
- XXIIème session. Tous les textes se trouvent dans : G. Dumeige, La foi catholique, Ed. de l’Orante, 1977[↩]
- Act., éd. Goerrensgeselle, t. VIII. p 5 a, 916–7, 921[↩]
- Abbé Raymond Dulac, La bulle Quo primum de Saint Pie V (Itinéraires, 1972); également : Courrier de Rome. n° 10. déc. 1980.[↩]
- Note 7, p. 285–286.[↩]
- Codex iuris canonici, Rome, édition de 1923.[↩]
- Lucien Méroz, L’obéissance dans l’Église (Martingay, Genève, 1977).[↩]
- Sur les déviations : dom Guéranger, note 5[↩]
- Auteur des Institutions liturgiques et de l’Année liturgique.[↩]
- Abbé Bonneterre. Le mouvement liturgique (Ed. Fideliter, 1980).[↩]
- Editions Bonne Presse, 1961.[↩]
- Pensée 294.[↩]
- Sur l’influence maçonnique dans l’Eglise : Léon de Poncins, Christianisme et Franc-Maçonnerie (D.P.F.). Edith Delamare et coll. Infiltrations ennemies dans l’Eglise (Librairie française), Jacques Ploncard d’Assac, L’Eglise occupée (D.P.F.), Jean Ousset, Pour qu’il règne (Club du livre civique), Pierre Virion, Mystère d’iniquité (Téqui), Georges Virebeau, Prélats et Francs-Maçons (P.H.C.).[↩]
- Dom Félix Sarda y Salvany, Le libéralisme est un péché, 1887, réédité aux éditions Nouvelle Aurore, 1975[↩]
- Crétineau-Joly, L’Eglise romaine en face de la Révolution (1860, publié à la demande de Pie IX).[↩]
- A. Briault et P. Fautrad, Le ralliement de Rome à la Révolution (Ed. Fautrad, 1978).[↩]
- Pierre Virion, Bientôt un gouvernement mondial.[↩]
- Mission des souverains.[↩]
- Arcanes solaires.[↩]
- L’œcuménisme vu par un Franc-Maçon de tradition.[↩]
- Marc Dem, II faut que Rome soit détruite (Albin Michel. 1980).[↩]
- Sur l’influence marxiste : Père Fessard, Église de France prends garde de perdre la Foi (Julliard, 1979) ; André Piettre, Eglise missionnaire ou Église démisionnaire (France-Empire, 1978) ; Marc Dem, note ci-dessus, du même : Dieu et successeurs (Albin Michel. 1982).[↩]
- Marie Carré, ES 1025 (Chiré, 1978).[↩]
- Marc Dem, note 44. Egalement C.R.C., 1981[↩]
- Lettre à Henri Massis ; cité dans Lumière, n° 213, fév. 1982.[↩]
- Paul Vigneron, Histoire des crises du clergé français contemporain (Téqui, 1976). Egalement : Emile Poulat, Une église ébranlée (Casterman, 1980).[↩]
- H. Monteilhet, Paul VI (Régine Desforges, 1978).[↩]
- Sur l’histoire du Concile : Père Ralph Wiltgen, Le Rhin se jette dans le Tibre (Ed. du Cèdre, 1975) ; abbé Raymond Dulac, La collégialité épiscopale au deuxième concile du Vatican (Ed. du Cèdre. 1979) ; Mgr Lefebvre, J’accuse le Concile (Ed. Saint-Gabriel, 1976); José Hanu, Non : Entretien avec Mgr Lefebvre (Stock, 1977). Voir aussi le témoignage de Mgr Klaus Gamber (Si si No no, n° 8, avr. 1982). L’aveu du complot par le cardinal Tisserant est relaté par Jean Guitton dans : Paul VI secret (D.D.B., 1979).[↩]
- Léon de Poncins. supplément au n° 18 de l’Ordre français ? 1967.[↩]
- De Rome et d’ailleurs, n° 28, fév. 1982.[↩]
- Les actes du Concile Vatican II (Ed. du Cerf, 1966).[↩]
- Gilson, Les tribulations de Sophie, p. 139 et ss. ; P. Bouyer, La décomposition du christianisme, p. 8 ; P. de Lubac, cité par D. von Hildebrand, La vigne ravagée, annexe I.[↩]
- La photographie a paru dans la Documentation catholique de juin 1969 et la revue Notitiae, n° 54, mai 1978[↩]
- Itinéraires, n° 212, avr. 1977.[↩]
- Itinéraires, n° 212, avr. 1977.[↩]
- Lettre 73 (Savoir et servir, 1977. n° I).[↩]
- Lettre 141 (id.).[↩]
- Syllabus proposition 18 (Discours du Pape et chronique romaine, n° 70. nov. 1860).[↩]
- De motione œcumenica (Savoir et servir, 1977, n° I).[↩]
- Georges May (doyen de la faculté catholique de Mayence), L’œcuménisme levier de la protestantisation de l’Eglise (Ed. du Cèdre).[↩]
- Courrier de Rome, n° 20, nov. 1981.[↩]
- Lausanne, 12 déc. 1976, Courrier de Rome, id.[↩]
- Ecrits de Paris, fév. 1977 (id.).[↩]
- Lettre ouverte aux Eglises (id.).[↩]
- La lettre de l’alliance St-Michel, n° 32. mai 1982.[↩]
- En oct. 1977 (Courrier de Rome. n° 19, oct. 1981).[↩]
- Courrier de Rome, n° 19, oct. 1981.[↩]
- La Croix, 30 mai 1969.[↩]
- Abbé Bonneterre, Le mouvement liturgique : l’appendice.[↩]
- Le Monde, 22 nov. 1969.[↩]
- Le Monde, 10 sept. 1970.[↩]
- 8 déc. 1973 (Louis Salleron, La nouvelle messe).[↩]
- Pawley, Rome et Cantorbery durant quatre siècles, p. 343.[↩]
- Julien Green, Ce qu’il faut d’amour à l’homme (Pion, 1978). Voir aussi le témoignage d’un membre du Parlement britannique converti au catholicisme, dans Christian Order, août-sept. 1982 et Courrier de Rome, déc. 1982.[↩]
- Marie Carré, La Messe, lettre ouverte à Jésus de Nazareth en Galilée (D.P.F., 1973).[↩]
- Voir note 63.[↩]
- Chrétiens de l’Est, n° 18, 1978 (Aide à l’Église en détresse).[↩]
- Lettre adressée à Mgr Lefebvre et publiée en encart par Fideliter.[↩]
- Breve esame critico del Novus Ordo Missae, Roma, 1969 (Courrier de Rome, n° 31, 1982). Bref examen critique… publié en francais dans « La messe traditionnelle, trésor de l’Église », Ed. Fideliter, 1992[↩]
- Concile de Trente, XXIème session 3è canon : « Si quelqu’un dit que le Sacrifice de la Messe n’est qu’un sacrifice de louange et d’action de grâces, ou une simple commémoration du Sacrifice, et non pas un sacrifice propitiatoire, qu’il soit anathème. »[↩]
- Donc au nom du peuple et non plus in persona Christi.[↩]
- Présence réelle en tant que nourriture et non présence réelle permanente.[↩]
- Voir note 23.[↩]
- Son article 5 insiste sur le « sacerdoce royal des Fidèles » : « La célébration de l’Eucharistie est l’œuvre de toute l’Église » (Courrier de Rome, Propos sur la Messe, brochure).[↩]
- A.X. da Silveira, La Nouvelle Messe de Paul VI (D.P.F., 1975).[↩]
- A.X. da Silveira, La Nouvelle Messe de Paul VI (D.P.F., 1975).[↩]
- Voir note 18 et Louis Salleron, La Nouvelle Messe (Nouvelles éditions latines, 1976). Traduction littérale : « Pour terminer, par suite de ce que nous avons exposé sur le nouveau Missel romain, il est un point qu’il nous plaît maintenant d’en déduire et établir. » Traduction officielle : « Pour terminer, nous voulons donner force de loi à tout ce que nous avons exposé plus haut sur le Missel romain. »[↩]
- Nouveau texte : « A la messe dite aussi cène du Seigneur, le peuple de Dieu se rassemble sous la présidence du prêtre qui tient la place du Christ pour célébrer le mémorial du Seigneur ou Sacrifice eucharistique. C’est pourquoi vaut éminemment pour un rassemblement local de ce genre la promesse du Christ : Là où deux ou trois sont réunis. Je suis au milieu d’eux. Dans la célébration de la messe, en effet, dans laquelle le Sacrifice de la Croix est perpétué, le Christ est vraiment présent dans l’assemblée elle-même réunie en son nom dans la personne du ministre, dans sa parole, et de façon substantielle et continuelle sous les espèces eucharistiques. » Remarques : on continue à assimiler la messe (sacrifice de la croix) à la cène (repas) ; on part encore du rassemblement. On ajoute les mots « sacrifice eucharistique » mais sans leur donner un sens différent de celui qu’admettent les protestants : eucharistie sacrifice de louanges. C’est encore la communauté qui célèbre le mémorial et c’est à cette célébration collective qu’est reliée la 3ème phrase (présence spirituelle) qui est maintenue. La 2ème phrase est ambiguë : elle affirme la présence réelle du Christ dans la communauté, dans la présidence, dans la parole, dans le pain et dans le vin (de façon substantielle, mais non transsubstantiation : les protestants admettent que le Christ se manifeste sous le signe du pain et du vin). Même phrase : le Sacrifice de la Croix est perpétué : cela ne veut pas dire renouvelé : les protestants admettent que le sacrifice mémorial soit perpétué.[↩]
- Expert au Consilium sur la liturgie : Litursisches Jahrbuch, n° 25, 1975 (Itinéraires, n° 220, fév. 1978).[↩]
- 6 fois dans la missa cum populo, 3 dans la missa sine populo (H. Kéraly, Présence d’Arius).[↩]
- Références diverses. En particulier : Funditor, Réponse à dom Oury (Nouvelle Aurore. 1976).[↩]
- Courrier de Rome, n° 6, juil. 1980.[↩]
- Courrier de Rome, n° 6, juil. 1980.[↩]
- Sur ce point important, voir : Bref examen critique (note 81) : Père Calmel, dans Itinéraires, n° 206, sept-oct. 1976 ; abbé des Graviers, Propos sur la Messe (Courrier de Rome, 1979) ; Père René Marie, La messe nouvelle (Savoir et servir, n° 9, 1981) ; du même, Théologie de la Messe (Una Voce Helvetica, 1982) ; A.X. da Silveira, La Nouvelle messe de Paul VI (D.P.F., 1975).[↩]
- Jean Hani, La divine liturgie (Ed. de la Maisnie, 1982).[↩]
- Dr Rudolf Kaschewski, dans Una Voce Korrespondenz (mai-août 1982) ; article reproduit en français dans le Courrier de Rome, n° 37, avril 1983[↩]
- « La traduction devra être littérale et intégrale. Il faut prendre les textes comme ils sont sans mutilation ni simplification » (texte de Rome cité dans : Eglise de Reims, 9 sept. 1967). Le texte latin devait figurer à côté du texte français dans les missels d’autel et sans doute dans ceux des fidèles ; sur cette prescription respectée ni dans un cas ni dans l’autre, voir Una Voce n° 27, juil.-août 1967).[↩]
- Controverses, 2ème partie, discours 25.[↩]
- D’après Yves Daoudal, La liturgie enseignement sacré (Itinéraires, n° 263, mai 1982).[↩]
- Du pape, livre l ch. XX (d’après Daoudal), note ci-dessus).[↩]
- Indications tirées surtout de : Rév. Père Renié, Missale romanum et missel romain (Ed. du Cèdre, 1975).[↩]
- Samedi après le 7ème dimanche ordinaire, St. Jacques 5, 14. En grec « presbuterous » peut vouloir dire « les anciens ». mais le latin « presbyteri » signifie « les prêtres » .[↩]
- Vendredi de la 21ème semaine (années impaires). Saint Paul I Thes. 4,4. « Skeuos » ou « vas » signifie « instrument » ; on comprend en général « corps », parfois « femme ». Mais « pour vivre » est ajouté.[↩]
- 9ème dimanche ordinaire, postcommunion.[↩]
- 30ème dimanche ordinaire, postcommunion.[↩]
- 23ème dimanche ordinaire, postcommunion.[↩]
- Isaïe 7.14 (4ème dimanche de l’Avent, Annonciation et 20 décembre). En hébreu « almah » veut dire « vierge » ou « jeune femme » , encore que le Père Renié (Manuel d’Ecriture sainte, t. III, p. 60, 6ème édition, 1960), considère qu’il signifie toujours « vierge » dans la Bible. Les Septante vers 283 av. J.-C. ont traduit par « parthônos » , c’est-à-dire « virgo » ou « vierge » .[↩]
- Collecte du 17 février.[↩]
- Sans doute en grec « aggelos » voulait à l’origine dire « messager » mais le latin « angelus » ne peut se traduire que par « ange ».[↩]
- Introït de la Messe de la Sainte Eucharistie.[↩]
- I Pierre 12, mardi 8ème semaine ordinaire.[↩]
- « Sabaoth » veut dire « des armées » dans toute la Bible. II est souvent traduit par « exercituum » des armées.[↩]
- St Matthieu 16, 18, utilisé trois fois par an. En latin, « a portae inferi » ; en grec : « pulai adou » (enfer).[↩]
- « Bonge volunlalis » ; en grec « eudokia » , même sens.[↩]
- St Mathieu 16, 26.[↩]
- La vie catholique, 23 juil. 1975.[↩]
- Préface de la Trinité et prex n° I.[↩]
- Abbé Jean Carmignac, A l’écoute du Notre Père (Ed. de Paris 1975) ; id. Recherches sur le Notre Père (Letouzey, 1969).[↩]
- Supplément Voltigeur d’Itinéraires, n° 58, 16–5‑78.[↩]
- St Jacques 1, 13–14 : Que nul s’il est tenté ne dise : « C’est par Dieu que je suis tenté. En effet Dieu est inaccessible aux tentations du mal et il ne tente non plus personne. »[↩]
- « Inducas » et « eisenegkês » veulent dire « fais entrer dans ». D’où la traduction littérale : « ne nous induisez pas » , en gardant le sens théologique ; ou la traduction classique axée sur le sens théologique. En fait Heller a montré en 1901 que les textes grec et latin n’étaient que le mot à mot hébreu et que, du fait de la règle des négations en hébreu, on devrait comprendre : « Faîtes que nous n’entrions pas dans la tentation »[↩]
- Hugues Kéraly, Présence d’Arius (D.M.M. 1981) et aussi P. Renié (note 100). Okapi, journal des enfants contrôlé par l’épiscopat français, publie en 1982, selon le quotidien Présent, une série de 100 posters consacrés aux personnages célèbres de l’histoire. Parmi ces personnages, à côté d’un seul saint, Saint François d’Assise, on trouve Lénine, Mao, Robespierre, Jaurès, Jules Ferry. Et aussi « Jésus de Nazareth », ainsi présenté : « Prophète juif. Les Evangiles le présentent comme le Messie et le Fils de Dieu. La naissance du Christ marque le début de l’ère chrétienne. »[↩]
- Collecte du 15ème dimanche ordinaire.[↩]
- Au 1er juin.[↩]
- Fête de la Trinité, communion : « Louange au Dieu vivant ! Au Père par le Fils, en l’Esprit saint qui nous rend frères. » Les Ariens remplaçaient le Gloria Patri par : « Gloire au Père par le Fils, dans le Saint Esprit »[↩]
- Dimanche 9 janvier 83, St Luc 3, 22. Latin : « Tu es Filius meus dilectus, in te complacui mihi » . Grec : « Su ei o uios o agapêtos, en soi êudokêsa »[↩]
- Y. Daoudal, Le Nouvel Missel des dimanches 1983 (Itinéraires, n° 269, Janv. 1983). On trouve bien d’autres perles dans ce missel.[↩]
- Collecte du 22 décembre.[↩]
- Préface du 4ème dimanche de carême.[↩]
- Préface du 5ème dimanche de carême.[↩]
- Philippiens 2, 6–7. St Paul dit « morphê » traduit par la Vulgate « forma » . Le N.O.M. traduit « image » ; dom Lefebvre et Feder « condition » , Le Maistre de Sacy « nature »[↩]
- St Luc 22, 70 (messe des rameaux). Latin : « Vos dicitis, quia ego sum. » Grec : « Umeis legete oti egô eimi » Littéralement : « Vous dîtes parce que je suis » Rendu par différents auteurs par : « Vous dîtes bien, je le suis » … « Vous le dîtes, je le suis » …[↩]
- St Luc 23,3 (lecture brève des Rameaux). Latin : « Tu dicis. » Grec : « Su legeis. » Littéralement : « Tu dis » Rendu par : « Tu le dis » , « Tu le dis, je le suis »[↩]
- St Jean 18,37 (Vendredi saint), Latin : « Tu dicis quia rex ego sum » Grec : « Su legeis, oti basileus eimi egô. » Littéralement : « Tu dis parce que je suis roi »[↩]
- Sur la concélébration : La pensée catholique, n° 180, 185, 188, 189, Louis Salleron, Sur la concélébration (Itinéraires, n° 251, mars 1981) ; et surtout R.P. Joseph de Saint Marie, L’Eucharistie salut du monde (Ed. du Cèdre, 1982). Il faut distinguer la concélébration sacramentelle où les prêtres consacrent ensemble (il n’y a néanmoins qu’une seule Messe) et la concélébration cérémonielle où un prêtre seul, les autres assistants. Les messes primitives célébrées autour de l’évêque étaient concélébrées cérémoniellement, comme les actuelles grands-messes pontificales. La concélébration sacramentelle n’apparaît qu’au VIIIème siècle et jusqu’au XIIème siècle est réservée au Pape entouré de ses cardinaux. Puis elle est imitée en Orient (et non l’inverse) et est étendue mais limitée aux messes d’ordination des prêtres et aux messes de consécration des évêques (canon 803 du code de droit canon). Les cas de concélébration sacramentelle, tout en restant limités, ont été étendus par Vatican II (Constitution sur la liturgie art. 57).[↩]
- A. Denoyelle, Communier avec la main c’est pécher (Forts dans la Foi n° 43).[↩]
- Le 29 mai (suppl. au n° 163 d’Itinéraires, 1972).[↩]
- Instruction Inaestimabile donum, 23 mai 1980.[↩]
- R.P Auvray, L’autodestruction de l’Eglise de France (Ed. du Cèdre, 1978).[↩]
- M. de St-Pierre et A. Mignot, Les fumées de Satan (La table ronde. 1976) ; id., Le Ver dans le fruit (id. 1978) les revues Credo, Introïbo, Bonum certanem, Lumière, etc.[↩]
- Abbé Olivier, Les deux visages du prêtre (d’après Paul Vigneron, note 49).[↩]
- XXIIème session canon 3 (voir note 82). Comme le fait remarquer Présent du 10 novembre 1982, il suffit de lire le Missel des dimanches de 1983 pour voir que, par ailleurs, tout ce qui y concerne l’actualité est imprégné de marxiste et que tout ce qui y concerne l’Histoire est influencé par la maçonnerie.[↩]
- Rév. Père Auvray (note 136).[↩]
- Série 2.[↩]
- Série 3.[↩]
- Fêtes et saisons, fév. 1980 (voir Credo, n° 25).[↩]
- En marche, Fruges, 15 mai 1981.[↩]
- Document principal : Chauvet, professeur à l’Institut Catholique de Paris, Thèmes de réflexion sur l’Eucharistie. Voir : Courier de Rome n° 16 et 23, Monde et Vie, n° 344, Introïbo, n° 33.[↩]
- Introïbo, n° 20, avr. 1978. Autres citations du père Cardonnel : « II n’y a pas de Dieu en soi. Il n’existe de Dieu qu’en vie commune avec les hommes » (Le Monde, 24 oct. 1979). « II faut tuer la religion. Car on a reconstitué un Dieu auquel le pire des canailles rougirait de ressembler » (cité par Marc Dem : Dieu et successeurs, Albin Michel, 1982).[↩]
- D’après st Matthieu. 7, 17–18 et 12, 33 ; St Luc, 6, 43–44.[↩]
- Le Pèlerin, sondage du 18 nov. 1981.[↩]
- Le Pèlerin, sondage Sofres d’avr. 1981 (Introïbo, n° 34). Et encore qu’entend-on par « présence réelle » ? S’agit-il bien toujours des effets de la transsubstantantiation ?[↩]
- Osservatore romano, 28 avr. 79.[↩]
- Constitutions provisoires de l’Institut sacerdotal Saint Curé d’Ars (1982).[↩]
- A. Delestre, 35 ans de mission au Petit-Colombe, 1939–1974 (Ed. du Cerf, 1977).[↩]
- Coup d’œil, bulletin paroissial de Levallois.[↩]
- Mgr Vilnet dans : Le Concile, 20 ans de notre histoire (Desclée, 1982).[↩]
- Osservatore romano, 11 mars 1981.[↩]
- Itinéraires, n° 262, avr. 1982.[↩]
- Père Jean Bots, Le catholicisme hollandais hier et aujourd’hui (Téqui).[↩]
- St Matthieu, 7, 19.[↩]
- Voir les analyses très sérieuses et confondantes publiées à ce sujet. Se procurer en particulier : Action familiale et scolaire, n° 43, oct. 1982 (31, rue Rennequin, 75017 Paris). Lire aussi : Contre-Réforme catholique, n° 183, Toussaint 1982 ; Fideliter, n° 30. Nov-déc. 1982 ; Credo, n° 34, sept-oct. 1982 ; De Rome et d’ailleurs, n° 37. Mars 1983 ; d’autres articles, moins récents, dans le Bulletin de Domqueur, Opus Dei, Le Courrier de Rome, etc…[↩]
- Galates 1,8.[↩]
- St Matthieu 5, 12. [↩]