Les intégristes du Concile
Abbé Ludovic Girod
Une grande nouvelle est venue nous réjouir en ce début d’année : les excommunications de nos quatre évêques, que nous avions toujours tenues pour nulles et sans effet, sont levées sans condition par un décret de la Congrégation pour les évêques. Le deuxième préalable à des discussions doctrinales est désormais acquis, quelques dix huit mois après la déclaration selon laquelle la messe de saint Pie V n’avait jamais été abrogée. Vous trouverez dans ce numéro de la Sainte Ampoule une série de communiqués officiels concernant cet événement historique.
Je voudrais revenir sur les réactions des évêques en poste dans les diocèses, spécialement en France. Nos têtes mitrées ne peuvent évidemment s’opposer frontalement à une décision du Saint Siège. Ils soulignent avec insistance dans leurs déclarations que les prêtres de la Fraternité restent frappés de la peine de la suspens a divinis (interdiction de donner les sacrements) et que la Fraternité n’a aucun statut canonique. Rappelons que la Fraternité a depuis sa fondation un statut parfaitement régulier et qu’elle a été supprimée après un simulacre de jugement et une condamnation illégale. Mais surtout, ils défendent le concile Vatican II bec et ongles, avec ce qui ressemble à l’énergie du désespoir. Leur profession de foi se résume à : « le concile, tout le concile, rien que le concile ». Le Conseil permanent des évêques de France déclare ainsi le 28 janvier : « En aucun cas, le Concile Vatican II ne sera négociable ». Mgr Stenger, évêque de Troyes, renchérit dans l’Est Eclair du 6 février : « Mais je rappelle encore une fois que pour être au sein de l’Eglise catholique, il existe une condition absolue : reconnaître le concile Vatican II ». Le cardinal Decourtray parlait déjà en 1988 d’une acceptation du concile « dans sa totalité ». En bref, vous pouvez être catholique et tout brader, tout nier : divinité du Christ, virginité de Marie, présence réelle de Notre- Seigneur dans l’Eucharistie, mais il reste une chose sur laquelle ces évêques, gardiens de la foi, ne transigeront jamais : le concile Vatican II. C’est un intéressant phénomène d’ultra-conservatisme des acquis du concile, d’intégralisme farouche que nous n’hésitons pas à qualifier d’intégrisme.
Quand ces évêques parlent du concile, il faut noter tout d’abord qu’ils n’en retiennent que ce qui les intéresse, soit précisément ce qui s’oppose à l’enseignement constant du Magistère de l’Eglise, à vingt siècles de prédications et de conciles. M’est avis que certains paragraphes comme « L’usage de la langue latine, sauf droit particulier, sera conservé dans les rites latins » (Sacrosanctum Concilium, n°36), ou encore « Les évêques [.] reçoivent du Seigneur, à qui tout pouvoir a été donné au ciel et sur la terre, la mission d’enseigner à toutes les nations et de prêcher l’Evangile à toute créature , afin que par la foi, le baptême et l’observance des commandements, tous les hommes parviennent au salut » (Lumen Gentium, n°24) re retiennent pas principalement leur attention.
Remarquons ensuite que les évêques sont sur la défensive. Ils ont déjà dû avaler le Motu Proprio sur la messe, même si leurs manœuvres limitent au maximum le nombre des messes traditionnelles. Ils leur faut maintenant ingurgiter la levée des excommunications. Le problème qui demeure n’est donc plus essentiellement liturgique, ni canonique, mais bien dogmatique. Nous arrivons au cœur même du problème qui empoisonne l’Eglise : le concile Vatican II et ses erreurs. Si le Concile reste en place sans que le Magistère ne corrige ses erreurs (et lui seul peut le faire), aucune restauration véritable de la foi ne sera possible. Peut être les effets sembleront moins effrayants, avec un peu plus de latin et de dorures, mais les principes empoisonnés, qui hélas se sont introduits dans l’Eglise, continueront à développer leurs conséquences létales. Le faux oecuménisme n’en finira pas de stériliser l’activité missionnaire de l’Eglise, la liberté religieuse ne fera qu’établir plus solidement dans nos pays l’athéisme d’état qui en arrive maintenant au mépris affiché de la loi naturelle elle-même, et la fausse collégialité empêchera tout gouvernement efficace de l’Eglise. C’est donc là qu’il faut porter le fer car aucune interprétation correcte de ces textes ne se peut concevoir. Une herméneutique de la continuité se heurte ici au principe de non contradiction. On pourra tordre les textes dans tous les sens, mais la liberté religieuse reste une nouveauté inouïe, contredite par toute la Tradition et l’Ecriture.
Monseigneur Fellay nous indique très clairement, dans sa lettre au pape du 15 décembre, la seule position cohérente sur ce problème :
« Nous sommes prêts à écrire avec notre sang le Credo, à signer le serment antimoderniste, la profession de foi de Pie IV, nous acceptons et faisons nôtres tous les conciles jusqu’à Vatican I. Mans nous ne pouvons qu’émettre des réserves au sujet du Concile Vatican II, qui s’est voulu un concile « différent des autres » (cf. discours des Papes Jean XXIII et Paul VI). Il s’est voulu pastoral et n’a rien voulu définir, mais être beaucoup plus modeste. Alors pourquoi le mettre sur le même niveau que les autres ? Nous ne refusons pas le concile en bloc. Ce qui est repris du Magistère constant de l’Eglise nous l’acceptons, mais nous refusons les nouveautés – et surtout un certain esprit – qui sont contraires au Magistère de l’Eglise ».
Continuons sans nous lasser ce bon combat de la foi qu’a mené l’apôtre saint Paul jusqu’à l’extrême limite de ses forces et prions pour le pape Benoît XVI qui aura encore besoin de beaucoup de courage et de lumières d’en haut.
Abbé Ludovic Girod in La Sainte Ampoule n° 172