Les voeux du Supérieur de District pour 2011

Chers Amis et Bienfaiteurs,

Lorsque nous vous enten­dons par­fois émettre le regret de ne pou­voir assis­ter à la messe en semaine ou même le dimanche, nous com­pa­tis­sons de tout notre cœur à la peine inté­rieure que vous éprou­vez de ce manque. Mais en même temps, nous ne pou­vons nous empê­cher de nous réjouir en consta­tant que la messe est encore suf­fi­sam­ment com­prise et aimée pour que sa pri­va­tion pro­voque en des âmes cette sainte dou­leur. Nous enten­dons d’ailleurs un autre écho de cette souf­france lorsque de nom­breux prêtres évoquent les bancs trop sou­vent dépeu­plés en face des­quels ils célèbrent leurs messes de semaine.

Nous avons bien conscience des nom­breuses rai­sons qui, aujourd’hui, rendent cette pra­tique de l’assistance à la messe de chaque jour dif­fi­cile, voire impos­sible pour un bon nombre d’entre vous. Les pre­mières cha­pelles où la bonne messe est célé­brée peuvent se trou­ver encore bien éloi­gnées de votre domi­cile et les moyens pour vous y rendre inexis­tants ou trop oné­reux. L’emploi du temps de cer­tains, par exemple de vous autres, chers pères et mères de famille, est quel­que­fois tel­le­ment char­gé qu’il serait dérai­son­nable de vous astreindre, en plus, à cet effort pen­dant la semaine. La mala­die ou les infir­mi­tés en clouent éga­le­ment plu­sieurs chez eux de telle manière que cette assis­tance à la messe quo­ti­dienne est inenvisageable.

Par ailleurs, cette crise si ter­rible, qui détruit l’Eglise de fond en comble sous nos yeux atter­rés, vous inter­dit l’entrée de la plu­part des églises, alors qu’elles sont sou­vent toutes proches de chez vous, parce qu’elles sont désor­mais fer­mées ou que s’y trouve célé­brée cette litur­gie nou­velle à laquelle il est impos­sible de prendre part. Indépendamment des meilleures inten­tions que nous sup­po­sons chez celui qui la célèbre, c’est dans l’expression même de sa prière que la nou­velle litur­gie demeure tou­jours outra­geante pour le Cœur de Dieu, notam­ment par l’édulcoration et la trans­gres­sion du carac­tère pro­pi­tia­toire de son sacri­fice. De même que l’on ne va pas ache­ter le pain dans une bou­lan­ge­rie si l’on sait qu’il y est ava­rié, même si le bou­lan­ger nous semble au demeu­rant un brave homme ; de même la pié­té per­son­nelle du prêtre ne suf­fit pas pour rendre bon le rite cor­rup­teur de la Foi qu’il célèbrerait.

Pour être com­plet sur ce sujet, il nous faut encore citer ces autres messes de saint Pie V célé­brées à la faveur des indults suc­ces­sifs, puis fina­le­ment du motu pro­prio. Il est vrai que nous vous en décon­seillons la fré­quen­ta­tion. Placés sous la dépen­dance et sous la sur­veillance des évêques, les prêtres qui la disent, en sup­po­sant même qu’ils aient conscience de la gra­vi­té des erreurs pro­pa­gées dans l’Eglise depuis qua­rante ans, ne se hasardent pas à s’y oppo­ser fer­me­ment. Ils expriment le plus sou­vent leur choix de célé­brer la messe de saint Pie V au motif déce­vant qu’elle s’accorde mieux à leur sen­si­bi­li­té ou à celle de plu­sieurs de leurs fidèles.

Certes, nous vou­lons encou­ra­ger ces prêtres dans leur iti­né­raire. Mais, même pour les y aider, nous ne vou­lons pas que vous vous pla­ciez dans des cir­cons­tances dan­ge­reuses où, allant assis­ter à ces messes, vous ris­que­riez, vous-​mêmes ou vos enfants, cette cor­ro­sion par­fois insi­dieuse qui pro­vient des impré­ci­sions dans l’expression de la Foi, des liber­tés per­sis­tantes que l’on s’autorise dans la litur­gie et sur­tout de silences et de com­pli­ci­tés en pré­sence des racines du mal qui existe à l’intérieur de l’Eglise. Nous savons avec quelle faci­li­té s’opèrent les glis­se­ments doc­tri­naux et com­ment s’introduisent insen­si­ble­ment les doutes et les remises en cause.

C’est dans ce contexte déli­cat qu’à l’occasion de cette lettre de Noël, nous vou­lons vous par­ler de la gran­deur et de la sou­ve­raine ama­bi­li­té de la messe afin qu’elle soit tou­jours mieux com­prise et mieux aimée pour ce qu’elle est. Nous avons conscience, si nous par­ve­nons un tant soit peu à dévoi­ler quelque chose de la beau­té indi­cible de la messe, que nous ris­quons d’aviver encore la souf­france de ceux d’entre vous qui en sont pri­vés. Mais cette souf­france n’est-elle pas fina­le­ment pour le bien, et la res­sen­tir encore le signe que les âmes sont tour­nées vers ce qui est essen­tiel ? Quelle belle exis­tence que celle qui se déroule toute cen­trée sur la messe, où la messe est véri­ta­ble­ment com­prise et vécue comme le cœur spi­ri­tuel de la jour­née ! Et puis, nous ne ter­mi­ne­rons pas cette lettre sans avoir évo­qué les bien­faits de la com­mu­nion spi­ri­tuelle à laquelle tous peuvent s’adonner, en par­ti­cu­lier lorsqu’ils sont dans l’impossibilité d’assister au saint sacri­fice. Elle leur per­met de s’unir chaque jour aux messes qui sont célébrées.

Notre désir ne tend donc, par ces lignes, qu’à favo­ri­ser l’amour et la connais­sance du tré­sor de la messe pour encou­ra­ger tous ceux qui le peuvent à faire l’effort d’y venir très sou­vent ou tous les jours, et ceux qui ne le peuvent pas à se joindre en esprit aux messes qui sont célé­brées, de quelque endroit où ils se trouvent, par la com­mu­nion spi­ri­tuelle quo­ti­dienne. Que vous ayez la grâce de rece­voir la com­mu­nion eucha­ris­tique ou que vous deviez seule­ment faire une com­mu­nion spi­ri­tuelle, il s’agit, dans l’un et l’autre cas, du véri­table cœur de cha­cune de vos journées !

Puissiez-​vous donc, mes chers amis, vous accor­der quelques ins­tants de calme et de recueille­ment pour prendre le temps de réflé­chir posé­ment sur ce qu’est la sainte messe. Si l’ouverture de votre âme donne réel­le­ment à Dieu le loi­sir de vous faire péné­trer un peu plus avant dans ce mys­tère, vous vous retrou­ve­rez tout sai­sis et tout émus d’admiration devant sa gran­deur. Faites appel à votre Foi, à tous les sou­ve­nirs de votre ins­truc­tion reli­gieuse et de votre piété.

Ressuscitez éga­le­ment en vous, si elles se sont un peu assou­pies, les pen­sées et la fer­veur qui furent les vôtres à l’occasion des ter­ribles choix que vous dûtes faire de ne jamais assis­ter ou de ne plus vou­loir assis­ter à la nou­velle messe, en dépit de toutes les dif­fi­cul­tés et des croix que cette réso­lu­tion allait vous coû­ter. Tous les com­bats que vous avez menés, depuis que les nou­veau­tés litur­giques se sont répan­dues dans l’Eglise, ou tous ceux que vous avez rejoints, lorsque une grâce insigne vous en a mani­fes­té l’existence et la néces­si­té, l’ont été à cause de la messe et pour l’amour de la messe. Mais en réa­li­té, qu’est donc cette messe objet de tant de guerres, de haines et d’amours si vio­lentes ? Que faut-​il donc qu’elle soit pour méri­ter des com­bats si achar­nés ? Vous le savez déjà. La messe vous place devant une réa­li­té d’une telle impor­tance et d’une telle gra­vi­té qu’elle légi­time ample­ment toutes les guerres qu’elle a sus­ci­tées et la place unique que notre reli­gion lui a octroyée dans le culte qu’elle rend à Dieu.

La messe est le renou­vel­le­ment non san­glant du Sacrifice de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, de notre Dieu des­cen­du du Ciel sur l’autel du Calvaire. Ce sont les mérites de ce Sacrifice qui, à jamais, ont sur­abon­dam­ment lavé l’outrage infi­ni cau­sé à Dieu par nos péchés. C’est par la ver­tu divine de ce Sacrifice que nous avons été déli­vrés de l’asservissement où nous rete­naient les démons. C’est par le prix du Sang de Dieu que nous avons été défi­ni­ti­ve­ment rache­tés et que nous dis­po­sons désor­mais, tout au long des siècles, de ce tré­sor inépui­sable de grâces pour demeu­rer dans l’amitié divine, nous main­te­nir et croître dans la confor­mi­té à la Loi de l’Evangile. C’est encore par ce Sacrifice que les portes du Ciel, fer­mées depuis le péché ori­gi­nel, ont été de nou­veau ouvertes.

Que nous le sachions et que nous y pen­sions ou non, c’est tout l’ensemble de notre vie et cha­cun de nos ins­tants en par­ti­cu­lier qui se trouvent liés en per­ma­nence et de la façon la plus intime au Sacrifice de la Croix ! Chaque seconde du temps de notre vie qui passe est en dépen­dance du Sacrifice du Calvaire et est don­née à notre âme pour qu’elle se lave dans ce sang ado­rable du Fils de Dieu inlas­sa­ble­ment pla­cé à la dis­po­si­tion de son rafraîchissement.

Que les hommes et les démons conti­nuent à s’acharner à vou­loir détruire et pié­ti­ner jusqu’à tous les cal­vaires et tous les cru­ci­fix de la terre, leur rage res­te­ra tou­jours impuis­sante contre la gran­deur et le rayon­ne­ment sal­vi­fiques de cet acte infi­ni de jus­tice et d’amour : il demeure en effet pour l’éternité et sa puis­sance se mani­feste infailli­ble­ment, soit par la place pri­vi­lé­giée que lui recon­naissent les âmes et les socié­tés qui s’en trouvent puri­fiées et illu­mi­nées, soit par le dédain où elles le relèguent et qui les claustre alors dans leurs vices et dans leur décadence.

Voici donc que notre Foi nous a conduits au pied d’un autel où un prêtre com­mence à célé­brer la sainte messe. Nous n’allons pas, il est vrai, au cours de ce temps que dure­ra la messe, voir des yeux de notre chair le renou­vel­le­ment du Sacrifice du Calvaire s’opérer devant nous. En effet, nous nous trou­vons, tant que nous sommes encore sur cette terre, sous le régime de la Foi et non sous celui de la claire vision. Mais nous croyons fer­me­ment à ce qui nous a été ensei­gné par Dieu et par l’Eglise. Nous ne voyons pas mais nous croyons.

Nous croyons qu’à la messe, d’une façon invi­sible mais pas moins réelle, c’est bien le Sacrifice de Jésus-​Christ, tel qu’il nous est racon­té par les Evangiles, qui est ren­du pré­sent grâce aux rites célé­brés par les prêtres. Les gestes, les paroles, la litur­gie de la messe ne sont pas seule­ment les pro­fonds sym­boles d’une sublime réa­li­té qui s’est dérou­lée il y a deux mille ans. La messe n’est pas la simple com­mé­mo­rai­son solen­nelle du Sacrifice que le Fils de Dieu a fait de sa vie. Ces signes sont divins. Ils sont par­fai­te­ment effi­caces : ils accom­plissent ce qu’ils signi­fient et rendent réel­le­ment pré­sent sur nos autels ce sacri­fice, exac­te­ment comme il eut lieu sur le gibet de la croix, en l’an trente-trois.

La seule dif­fé­rence entre ce jour où Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, sus­pen­du au bois de la croix, a ver­sé tout le sang de son corps sup­pli­cié, et les messes qui n’ont ces­sé de se suc­cé­der depuis lors, c’est que tous ces renou­vel­le­ments de l’unique Sacrifice ne sont plus san­glants. Notre-​Seigneur ne souffre pas de nou­veau, lorsque son immo­la­tion mys­tique est ain­si pré­sen­tée à son Père, pour le Salut des hommes. Notre-​Seigneur ne souffre plus parce que son corps, qui se trouve dans l’éternité bien­heu­reuse, ne peut plus souf­frir. Mais la messe est bien iden­ti­que­ment une seule et même chose que le Sacrifice de la Croix. Ceux qui y assistent sont pla­cés devant la même réa­li­té vivante que les per­sonnes qui se trou­vaient au pied du gibet de Jésus, lors de ses souf­frances et de son expia­tion sur le mont du Golgotha.

Mais pour­quoi Dieu a‑t-​Il vou­lu que les messes puissent ain­si, tout au long de l’histoire des hommes, opé­rer par­tout et tou­jours le renou­vel­le­ment du Sacrifice de son Fils ? Pourquoi avoir lais­sé de tels tré­sors dans les mains des hommes alors que Dieu savait bien à quel point les esprits des hommes sont char­nels et le peu d’intelligence qu’ils auraient de cette inef­fable céré­mo­nie, l’ennui et l’indifférence qu’elle sus­ci­te­rait sou­vent ain­si que les outrages dont elle serait la cible ? Quelles mys­té­rieuses rai­sons peuvent expli­quer une telle déci­sion divine ? Il ne s’agit pas de scru­ter la sagesse de Dieu, si rele­vée qu’elle aveugle les âmes assez pré­somp­tueuses pour croire en leur pou­voir de la péné­trer parfaitement.

Cependant, notre crainte de fixer nos yeux sur le soleil est jus­te­ment tem­pé­rée par les voiles eucha­ris­tiques dont notre Dieu s’est recou­vert. Tous les jours, à la messe, lumière infi­ni­ment plus vive que mille soleils, Dieu veut se lais­ser contem­pler par nos pauvres yeux de chair qui n’ont pas besoin de cil­ler pour Le regar­der réel­le­ment pré­sent sur l’autel. C’est donc à Lui, tou­jours condes­cen­dant pour venir par­mi nous lorsque sont pro­non­cées les paroles consé­cra­toires, que nous nous adres­sons amou­reu­se­ment pour qu’Il nous confie les rai­sons divines du choix du renou­vel­le­ment de son Sacrifice.

Nous allons dire des réa­li­tés qui nous dépassent de toutes parts. Lorsque nous pro­non­ce­rons ces mots, nous expri­me­rons d’incroyables choses sans bien savoir ce dont nous par­lons. Mais si nous les com­pre­nions, même d’une façon infi­ni­té­si­male, nous ces­se­rions aus­si­tôt de par­ler, suf­fo­qués par la prise de conscience de ce que nous disons et par l’incapacité radi­cale de nos mots pour expri­mer de telles mer­veilles. Les plus sublimes pay­sages de cette terre, qui laissent les hommes bouche bée d’admiration lorsqu’ils les découvrent, donnent une pauvre idée de ce monde spi­ri­tuel aux beau­tés suf­fi­santes pour nous faire oublier tous les plus ravis­sants spec­tacles terrestres.

Nous disons donc, sans savoir les réa­li­tés que nous disons, qu’à la messe le Fils de Dieu, la deuxième Personne de la Sainte Trinité, pré­sente de nou­veau à Son Père le Sacrifice qu’Il est venu accom­plir sur la terre. Car il est un saint ange, dont l’opération est attes­tée à chaque messe, et qui a pour mis­sion de por­ter cette offrande sur l’autel de Dieu, en pré­sence de sa divine Majesté. Et cet ange si saint, c’est Jésus-​Christ Lui-​même qui passe toute son éter­ni­té à offrir à son Père toutes les obla­tions de Lui-​même renou­ve­lées sur la terre, car rien n’est plus agréable à son Père que cette par­faite immo­la­tion et ces flots infi­nis de l’amour de son Fils mon­tant vers Lui. Le renou­vel­le­ment de la messe donne ain­si aux Trois Personnes de la Sainte Trinité la jubi­la­tion de cette éter­nelle scène, qui leur est tou­jours pré­sente : l’amour infi­ni du Fils deve­nu chair afin de répa­rer, de la façon la plus exquise et la plus divine qui se puisse conce­voir, les outrages que nos péchés avaient com­mis contre le Dieu trois fois saint : la messe chaque jour pour répa­rer le mal de nos péchés quotidiens !

Quant à nous, nous nous trou­vons donc à vivre dans la proxi­mi­té de ce mys­tère qui se déroule à côté de chez nous et auquel nous assis­tons. Nous n’imaginons pas ce qui se passe en réa­li­té à la messe et l’excellence de cette céré­mo­nie. Notre Foi est si faible ! Lorsque nous croyons, que notre Foi demeure en réa­li­té minus­cule ! Comment pouvons-​nous côtoyer des réa­li­tés si divines, les manier de nos mains, les man­ger et les boire de nos bouches et conser­ver nos esprits et nos cœurs si dis­tants et si froids devant de tels mys­tères ? Pourquoi n’employons-nous pas tous nos ins­tants, comme les vagues inces­santes de la mer, à tou­jours et encore nous élan­cer, sans jamais nous las­ser et du plus pro­fond de nous-​mêmes, vers le céleste rivage de l’Eucharistie ? Pourquoi, d’une messe à l’autre, ne sommes-​nous pas affa­més et alté­rés de cette nour­ri­ture et de ce breu­vage qui sont tel­le­ment au-​dessus de tous les autres ?

Quelle misère, Seigneur, de demeu­rer si loin de Vous lorsque Vous êtes venu vivre par­mi nous ! Votre divin Sacrifice, c’est pour nous que vous avez vou­lu, de géné­ra­tion en géné­ra­tion, son renou­vel­le­ment, afin qu’Il nous soit tou­jours pré­sent et que nous lui soyons tou­jours pré­sents, tout au long de l’histoire des hommes et de cha­cun d’entre eux. Vous avez vou­lu, en votre infi­nie condes­cen­dance, qu’il nous accom­pagne tout le long de notre pèle­ri­nage ter­restre, pour nous pro­cu­rer notre nour­ri­ture quo­ti­dienne qui est Vous-​même, nou­velle manne divine des­cen­due du Ciel. Vous avez incroya­ble­ment favo­ri­sé l’émergence et la crois­sance de notre amour pour Vous par ces déli­ca­tesses infi­nies dont vous avez usé, vous qui avez déci­dé de res­ter avec nous sur terre jusqu’à la consom­ma­tion des siècles. Ainsi, les âmes peuvent inlas­sa­ble­ment vous retrou­ver tous les jours, au moment le plus sublime de votre exis­tence, quand vous vous offrez en vic­time d’expiation sur la croix !

Cependant, en cet ins­tant où je viens vers Vous, Vous qui êtes mon amour infi­ni et la source de la misé­ri­corde qui ne tarit pas, j’ai péché contre Vous, Seigneur, et j’ai tel­le­ment mécon­nu votre messe. Quelle misère que cet endur­cis­se­ment de mon âme et mon obs­ti­na­tion dans mes péchés ! Vous seul en savez la mesure ! Comment cela se peut-​il ? Comment le prêtre lui-​même peut-​il être en même temps et le ministre quo­ti­dien du renou­vel­le­ment de votre ado­rable sacri­fice et l’auteur d’un autre mal­heu­reux renou­vel­le­ment, celui de ses péchés plus nom­breux que ses messes ?

Mais, Seigneur, le prêtre comme le fidèle lève quand même les yeux vers votre autel. Comment déses­pé­rer lorsque vous sup­por­tez encore que le pre­mier monte à cet autel et que tous deux se trouvent en votre pré­sence ? C’est parce que Vous, vous avez encore la force et l’amour de me main­te­nir dans l’existence que je dois me sup­por­ter encore, moi-​même, pauvre pécheur. Mon âme, tu as coû­té à Dieu le sang qui inonde cet autel et déborde de cette coupe. Toi qui as cau­sé la mort d’un Dieu par tes péchés, auras-​tu le front de mépri­ser par ton déses­poir ce Sang ver­sé pour toi et de lui ravir ton âme par le délais­se­ment d’un tel Amour ?

Pourquoi donc avoir tant rete­nu mon cœur et le rete­nir encore ? Qu’attends-je donc ? Pourquoi mes ater­moie­ments, pour­quoi mon balan­ce­ment et mes hési­ta­tions qui n’en finissent pas ? Comprenons-​le enfin si nous ne l’avons jamais com­pris : notre vie n’a pas d’autre réfé­rence que la messe. Nous ne vivons que de la messe et nous ne mou­rons que dans son éloi­gne­ment. Puissions-​nous donc lais­ser nos cœurs un peu libres d’exister vrai­ment, libres d’aller là où Dieu les veut, libres de vivre de la seule véri­table exis­tence, toute de soif et de désal­té­ra­tion de la messe, libres enfin d’aimer cette messe si digne d’être aimée. Il est tel­le­ment juste qu’il en soit ain­si et tel­le­ment déce­vant qu’il en soit autre­ment ! Nous ne devons tout qu’à ce Sacrifice. C’est de lui que nous avons reçu tout ce que nous avons reçu et nous n’avons rien reçu qui vienne d’autre part que de lui. Tout ce que nous pou­vons attendre et espé­rer, c’est de lui que nous l’attendons et que nous l’espérons. Comment donc le bou­der encore ? J’irai vers l’autel, vers l’autel de mon Dieu qui a fait la joie de ma jeu­nesse, de ce Dieu incroyable qui tou­jours conti­nue à s’acheminer vers moi, lorsque, tou­jours, je le fuis. Comme l’enfant pro­digue, je revien­drai et j’irai me bai­gner dans ce bain quo­ti­dien de la messe. Mon âme s’en trou­ve­ra encore et tou­jours refaite et jamais mon Dieu ne me man­que­ra. Telles sont les sen­ti­ments que l’âme chré­tienne doit cher­cher à entre­te­nir dans son âme à la pen­sée de l’auguste Sacrifice.

Mais si la rudesse des cir­cons­tances ne vous donne pas, bien chers fidèles, la grâce incom­pa­rable de pou­voir assis­ter à la messe quo­ti­dienne, il reste que, là où vous vous trou­vez, dans votre cui­sine, dans votre bureau ou sur ce lit d’hôpital, il vous suf­fit de quelques secondes ou de quelques minutes pour unir votre âme à toutes les vraies messes qui sont célé­brées et pour rece­voir en votre âme, dans le plus saint des embras­se­ments spi­ri­tuels, le Dieu qui s’est fait hos­tie pour nous.

La puis­sance et la pra­tique de la com­mu­nion spi­ri­tuelle sont mal­heu­reu­se­ment sou­vent mécon­nues des catho­liques pri­vés de la messe. Parce que Dieu est Esprit et qu’Il nous a éga­le­ment dotés d’un esprit, la grâce nous per­met de nous tour­ner inté­rieu­re­ment vers Lui pour y adhé­rer par la connais­sance et par la cha­ri­té. Nous pou­vons alors, de toute notre âme, nous unir à Lui dans ce que l’on nomme jus­te­ment une com­mu­nion spi­ri­tuelle et en rece­voir d’immenses grâces d’affermissement inté­rieur, de sou­tien et de conso­la­tion pour toute notre jour­née. C’est grâce à la com­mu­nion spi­ri­tuelle que vous éloi­gne­rez les démons et les ten­ta­tions et que vous vous pla­ce­rez quo­ti­dien­ne­ment sous le grand rayon­ne­ment de la messe qui donne aux âmes la véri­table vie, c’est-à-dire rien de moins que la vie de Dieu Lui-même !

La force des catho­liques réside d’abord dans la divine union des âmes à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ dont la vie se conti­nue sur la terre par sa Sainte Eglise, et dans l’union spi­ri­tuelle qui en résulte, les uns vis-​à-​vis des autres, union accen­tuée par la com­mune réfec­tion à cette même nour­ri­ture spi­ri­tuelle qu’est la sainte Eucharistie.

Nous vous sou­hai­tons, chers fidèles, une bonne et sainte nou­velle année que nous confions à la très Sainte Vierge Marie qui, chaque jour jusqu’à son Assomption, reçut sans doute des mains de saint Jean la nour­ri­ture céleste qu’Elle-même avait don­née au monde. Elle vécut de com­mu­nion en com­mu­nion, de messe en messe, chaque jour plus inté­rieu­re­ment embra­sée de cet échange infi­ni d’amour qui la rend toute divine. Que notre propre exis­tence apprenne à se situer dans ce seul sillage qui vaille !

Abbé Régis de Cacqueray, Supérieur du District de France

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Capucin de Morgon

Le Père Joseph fut ancien­ne­ment l’ab­bé Régis de Cacqueray-​Valménier, FSSPX. Il a été ordon­né dans la FSSPX en 1992 et a exer­cé la charge de Supérieur du District de France durant deux fois six années de 2002 à 2014. Il quitte son poste avec l’ac­cord de ses supé­rieurs le 15 août 2014 pour prendre le che­min du cloître au Couvent Saint François de Morgon.