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La Croix du 26 octobre 2009
Pour la première fois, depuis la rupture de 1988, les deux parties vont discuter de ce qui fait le fond de l’opposition entre deux visions d’Église différentes
Il s’agit bien de « discussions », et non de « négociations ». À Rome, on désigne ainsi les entretiens avec les intégristes de la Fraternité Saint-Pie‑X qui commencent dans la matinée du lundi 26 octobre, dans les locaux de la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Une nouvelle étape s’ouvre en effet dans l’histoire des relations entre le Saint-Siège et les héritiers de Mgr Lefebvre. Annoncé par Benoît XVI dès la levée de l’excommunication des quatre évêques intégriste, il s’agit en effet d’entrer enfin dans le vif du sujet : jusqu’ici, la Fraternité Saint-Pie‑X mettait en exergue les problèmes de liturgie. Le pape, en libéralisant la messe en rite ancien, a fait tomber ce premier obstacle.
Oecuménisme et liberté religieuse au cœur des débats
Désormais, c’est du fond doctrinal que l’on va discuter, des raisons théologiques qui opposent deux visions d’Église. Ensuite seulement, le cas échéant, les « négociations » pourront s’ouvrir, afin de fixer le cadre juridique pour la réintégration dans l’Église des « brebis perdues ». À cet égard, dit-on à Rome, le « modèle anglican » (la structure proposée aux anglicans souhaitant rejoindre l’Église catholique) peut offrir de larges possibilités : des circonscriptions ecclésiastiques qui regroupent des fidèles non pas sur une base territoriale (comme les diocèses), mais à partir de leur lien à une tradition particulière.
Qui sera à la table des discussions ? Des théologiens, puisqu’il s’agit de problèmes théologiques. Côté Saint-Siège, elles seront menées par le secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le jésuite Luis Ladaria Ferrer, un homme discret, proche de Benoît XVI qu’il côtoya longtemps à la Commission théologique internationale. Trois experts l’accompagneront, le dominicain Charles Morerod, secrétaire de la Commission théologique internationale, Mgr Fernando Ocariz, vicaire général de l’Opus Dei, et le jésuite Karl Josef Becker. Côté intégristes, Mgr Alfonso de Galarreta, argentin, mènera la délégation.
En jeu, ce qui fait le fond de l’opposition des intégristes depuis Vatican II. Il est d’ailleurs symptomatique que Mgr Ladaria ait choisi de s’entourer d’un spécialiste de l’œcuménisme (le P. Morerod), et de la liberté religieuse (Mgr Ocariz), deux thèmes qui font obstacle du point de vue des intégristes et qui devraient dont être au cœur des débats.
La Tradition n’est pas la simple conservation du présent
Plus généralement en cause, une certaine conception de la tradition de l’Église catholique à la lumière du Magistère. Pour les intégristes , la Tradition, comprise dans une conception fixiste, est une vérité supérieure aux magistères des papes successifs. Depuis le début de son pontificat, Benoît XVI s’efforce au contraire de montrer que le Magistère, celui du Concile comme celui des papes qui ont succédé, s’inscrit dans la Tradition, sans rupture, mais continuité.
Ainsi, la Tradition n’est pas la simple conservation ou explication de ce qui est déjà présent, mais la croissance dans la compréhension de la Révélation, dans la ligne de ce que dit la constitution conciliaire Dei Verbum. D’ailleurs, déjà en 1988, dans le protocole d’accord que Mgr Lefebvre avait finalement refusé de signer, se trouvait l’acceptation du texte conciliaire « sur le magistère ecclésiastique et l’adhésion qui lui est due ».
À ces discussions, Benoît XVI a clairement fixé le cadre dans la lettre qu’il a écrite aux évêques après la levée de l’excommunication : « L’acceptation du Concile Vatican II et du magistère post-conciliaire des Papes », et le pape insiste : « On ne peut geler l’autorité magistérielle de l’Église à l’année 1962. »
La demande d’éclaircissement aux intégristes concerne le Concile, mais aussi le magistère des papes qui ont suivi, notamment Paul VI et Jean-Paul II. De ce fait, et aux vues des positions affichées par les responsables de la Fraternité, ces discussions devraient prendre du temps. Mais les responsables romains notent également le caractère divisé de ce front intégriste…
Frédéric MOUNIER (à Rome) et Isabelle de GAULMYN, In La Croix du 26 octobre 2009