Sermon de Mgr Lefebvre – Dimanche de la Passion – Sous-​Diaconat – Ordres mineurs – 12 mars 1978

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

Les céré­mo­nies d’ordination donnent tou­jours l’occasion de médi­ter davan­tage sur la gran­deur de l’Église et de son sacer­doce. Et l’on ne peut s’empêcher de res­sen­tir, au cours de ces céré­mo­nies, la pré­sence de Notre Seigneur Jésus-​Christ d’une manière toute par­ti­cu­lière et de son Esprit Saint.

En effet, mes chers amis, dans quelques ins­tants, par ce sacre­ment de l’ordre ins­ti­tué par Notre Seigneur Jésus-​Christ, vous allez rece­voir des grâces par­ti­cu­lières. Des grâces qui vous pré­parent à mon­ter à l’autel ; qui vous pré­parent à offrir le Sacrifice de Notre Seigneur.

Car c’est bien cela le sacer­doce. C’est bien cela que nous enseignent tous les Pères de l’Église, que nous enseigne toute l’Église et par­ti­cu­liè­re­ment le concile de Trente, nous enseignent que le sacer­doce est orien­té vers le sacri­fice. Et c’est parce que Notre Seigneur a vou­lu nous confier, dépo­ser dans nos mains, son propre Sacrifice, qu’il a aus­si ins­ti­tué le sacer­doce. C’est donc à cela que vous êtes des­ti­nés. Ces ordi­na­tions qui vont vous être don­nées, dans quelques ins­tants, ne feront que vous faire pro­gres­ser vers ce sacer­doce auquel vous aspirez.

Et la signi­fi­ca­tion de ces ordi­na­tions, doit-​être pour vous un pro­gramme. Un pro­gramme de vie, un pro­gramme de vie spi­ri­tuelle, un pro­gramme de vie apos­to­lique. L’Église dans sa sagesse, l’Église dans son amour mater­nel pour ses prêtres en par­ti­cu­lier, ses futurs prêtres, exprime cela d’une manière admirable.

Vous avez lu, sans doute, avec dévo­tion, ces textes que l’Église met sur les lèvres de l’évêque pour vous confé­rer les ordi­na­tions. Vous les avez lus au cours de ces jour­nées ; vous les avez médités.

Et vous savez donc que par les ordres de Portier et de Lecteur, qu’un cer­tain nombre d’entre vous vont rece­voir, vous aurez à véné­rer, à aimer la Maison de Dieu. À l’aimer parce que c’est elle qui abrite Celui que nous ado­rons ; Celui que nous aimons ; Celui qui est notre Créateur, notre Sauveur, Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-​même, pré­sent dans ces églises, dans ces chapelles.

Vous aurez donc comme Portier la grâce de pré­pa­rer ceux qui viennent dans ces églises, dans ces cha­pelles. Vous refou­le­rez, vous rejet­te­rez ceux qui sont indignes ; ceux qui sont indignes de s’approcher de Notre Seigneur, soit qu’ils n’aient pas reçu le bap­tême, soit qu’ils soient pécheurs publics.

Et l’on peut se deman­der, si ce n’est pas pré­ci­sé­ment à cause de cela que cet ordre a été momen­ta­né­ment sup­pri­mé. Il semble qu’aujourd’hui, on ait peur de par­ler de pécheurs publics ; que l’on ait peur de par­ler de ceux qui ne sont pas chré­tiens ; de ceux qui n’ont pas reçu le bap­tême, le vrai bap­tême, le bap­tême catholique.

Et pour­tant Dieu l’a vou­lu ain­si. Non pas pour les éloi­gner défi­ni­ti­ve­ment, mais pour que nous ayons dans notre cœur, le désir de les conver­tir ; le désir de leur faire prendre conscience de cet éloi­gne­ment dans lequel ils se trouvent, vis-​à-​vis de Notre Seigneur.

Bien plus, c’est par apos­to­lat, c’est par cha­ri­té pour eux, que nous devons leur faire com­prendre, qu’étant éloi­gnés de Notre Seigneur Jésus-​Christ, ils ne peuvent le rece­voir ; ils ne peuvent pas com­mu­nier. Et ain­si, pre­nant conscience de leur état, qu’ils demandent à rece­voir le bap­tême ; qu’ils demandent à faire péni­tence, à rece­voir le sacre­ment de péni­tence, à chan­ger d’attitude vis-​à-​vis de Notre Seigneur, à obéir aux lois de Notre Seigneur, pour s’approcher à nou­veau de Notre Seigneur Jésus-Christ.

C’est dans ce sens-​là que l’Église a tou­jours com­pris cette dis­tinc­tion entre les pécheurs publics et ceux qui sont fidèles à Dieu, entre ceux qui ne sont pas chré­tiens et ceux qui sont chrétiens.

Ce n’est pas par mépris pour ceux qui n’ont pas la grâce de Notre Seigneur ; mais c’est pour leur faire prendre conscience, que s’ils veulent être sau­vés, ils doivent rece­voir en eux et être sanc­ti­fiés par la grâce de Notre Seigneur.

C’est d’ailleurs pour­quoi vous rece­vrez éga­le­ment l’ordre de Lecteur, qui est pré­ci­sé­ment celui par lequel vous aurez la grâce d’enseigner, d’être en défi­ni­tive de vrais caté­chistes et en quelque sorte, les caté­chistes offi­ciels de l’Église ; pour pré­pa­rer les âmes à rece­voir Notre Seigneur Jésus-Christ.

De même ceux qui vont rece­voir les ordres d’Exorciste et d’Acolyte, ont en quelque sorte une fonc­tion sem­blable. Ils auront par la grâce reçue par le sacre­ment, le pou­voir de chas­ser les démons.

Mais, est-​ce que les démons existent ? Est-​ce que ce ne serait pas pour cela, qu’aujourd’hui on aurait aus­si sup­pri­mé cet ordre d’Exorciste ? Parce que l’on ne veut plus par­ler du démon. On a peur de pen­ser à l’existence du démon. Et pour­tant peut-​être jamais plus qu’aujourd’hui, le démon s’est trou­vé prendre pos­ses­sion des âmes. Jamais le démon n’a triom­phé comme aujourd’hui ; jamais il ne s’est répan­du dans le monde comme aujourd’hui.

Par consé­quent, cet ordre que vous allez rece­voir, va vous être bien néces­saire pour dire avec une grande effi­ca­ci­té, tous les exor­cismes que vous aurez à réci­ter et à lire.

Quand vous bap­ti­se­rez, vous ferez des exor­cismes ; quand vous ferez de l’eau bénite, vous ferez des exor­cismes et en géné­ral, dans toutes les béné­dic­tions il y a d’abord un exor­cisme et ensuite la béné­dic­tion de l’objet que l’on veut bénir.

Pourquoi ? Parce que depuis le péché ori­gi­nel, le démon est le Prince de ce monde. Et il tient en quelque sorte, sous sa domi­na­tion, tous les élé­ments de ce monde. C’est pour­quoi l’Église emploie fré­quem­ment les prières des exor­cismes et non pas seule­ment pour des per­sonnes qui, éven­tuel­le­ment, seraient pos­sé­dées du démon.

Nous croyons vrai­ment que le démon est dans ce monde et le nom lui-​même que Jésus a don­né à Satan, Prince de ce monde, n’est pas une pure ima­gi­na­tion, mais une grande réa­li­té, une triste réalité.

Vous aurez donc bien besoin d’avoir la grâce de l’exor­ci­stat et je dirai, pour vous-​même, afin de vous éloi­gner de tout ce qui peut, d’une manière ou d’une autre, vous mettre sous l’influence du démon. Le prêtre a besoin d’être tout entier à Dieu.

Et cette grâce vous pré­pare aus­si à l’acolytat. L’acolytat qui n’est pas autre chose que la lumière de Dieu, la lumière de Notre Seigneur Jésus-​Christ. L’Acolyte porte en effet le cierge et, la lumière qu’il porte, doit s’étendre autour de lui.

Et comme le démon n’est pas autre chose que les ténèbres de ce monde, la lumière que vous por­tez, chasse les ténèbres, fait fuir les ténèbres. Par consé­quent, vous aurez vrai­ment besoin de ces deux ordres pour mani­fes­ter la lumière de l’Évangile, pour mani­fes­ter la lumière de vos ver­tus ; les ver­tus que vous devez pra­ti­quer, de l’exemple que vous devrez don­ner désor­mais, à tous ceux qui vous rencontreront.

Et c’est pour­quoi vous devez vous atta­cher tou­jours davan­tage à Notre Seigneur Jésus-​Christ. À mesure que vous fran­chis­sez les étapes, à mesure que vous mon­tez les degrés qui vous rap­prochent du sacer­doce, vous devez sen­tir dans vos âmes, cet atta­che­ment à Notre Seigneur Jésus-​Christ et, par le fait même, ce déta­che­ment du monde, cet éloi­gne­ment de toutes les influences du démon en vous, autour de vous. Et vous devez aimer tou­jours davan­tage la Maison de Dieu. La mai­son qui est la vôtre, la mai­son du prêtre, c’est l’église ; la mai­son du prêtre, c’est la cha­pelle ; la mai­son du prêtre c’est ce qu’il doit aimer avant tout, c’est son autel. Domine, dilexi déco­re­ra domus tuæ. C’est ce que récite le prêtre, c’est le psaume qui est réci­té chaque fois qu’il se lave les mains, il récite ce psaume.

Domine, dilexi déco­re­ra domus tuæ : « Ô Seigneur, j’ai aimé la splen­deur de votre mai­son » ; j’ai aimé votre gloire.

Mais pour cela, nous devons faire en sorte que ces lieux, soient des lieux que les fidèles puissent aimer ; que les fidèles puissent véné­rer. Afin que quand ils entrent dans la Maison de Dieu, ils aient le sen­ti­ment de la splen­deur de Dieu, de la beau­té de Dieu, de la gran­deur de Dieu.

Aimons donc la Maison de Dieu ; aimons à l’orner ; aimons à la rendre digne de Celui qui l’habite.

Demandons par­ti­cu­liè­re­ment à la très Sainte Vierge Marie qui, elle, entou­rait son divin Fils de tant d’amour, de tant de dilec­tion, qui s’est éver­tuée tout au cours de sa vie à rendre à Notre Seigneur Jésus-​Christ, à son divin Fils, tous les hon­neurs aux­quels il avait droit. Dans son humi­li­té, dans sa dis­cré­tion, la très Sainte Vierge a tout fait pour que Notre Seigneur passe sa vie ici-​bas, non pas dans le mépris, mais dans l’honneur, dans l’amour, dans la cha­ri­té dont elle l’entourait.

Eh bien, deman­dons à la très Sainte Vierge Marie d’avoir ces sen­ti­ments auprès de Notre Seigneur, afin que nous aus­si, prêtres, nous puis­sions ser­vir Notre Seigneur et Lui rendre le culte auquel il a droit.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.