Sermon de Mgr Lefebvre – Jeudi-​Saint – Messe chrismale – 23 mars 1978

Mes bien chers frères,
Mes bien chers amis,
Mes bien chers confrères dans le sacerdoce,

Dans quelques ins­tants, selon les pres­crip­tions de l’Église, selon la conti­nui­té immé­mo­riale de l’Église, l’évêque va consa­crer les Huiles saintes qui vont ser­vir pour admi­nis­trer les sacrements.

Pour nous prêtres, qui avons déjà sou­vent admi­nis­tré ces sacre­ments, je pense que nous avons cette convic­tion pro­fonde, que ces Huiles saintes que nous employons pour com­mu­ni­quer la grâce aux fidèles, sont vrai­ment effi­caces. Qu’elles sont vrai­ment un signe et un objet qui doivent être véné­rés par nous, qui doivent être véné­rés parce qu’ils sont pro­fon­dé­ment unis à la grâce que Notre Seigneur Lui-​même a reçue de Dieu.

Vous l’avez enten­du ces jours-​ci, mes chers amis, à l’occasion de la lec­ture du livre du Père Garrigou-​Lagrange sur le Sauveur, Notre Seigneur est l’Oint, est Celui qui a reçu l’Onction sainte. Comment l’a‑t-il reçue ? Il l’a reçue dans son âme et dans son corps par l’union hypo­sta­tique, par l’union à la divi­ni­té du Verbe, à la divi­ni­té du Fils de Dieu.

C’est parce que son âme et son corps ont été unis au Verbe de Dieu, que son âme est entrée immé­dia­te­ment dans la contem­pla­tion de Dieu. Qu’elle a été vrai­ment rem­plie de l’Esprit Saint, rem­plie de Dieu, comme si une Huile sainte avait péné­tré dans les pro­fon­deurs de l’âme du Seigneur.

Et cette Huile sainte qui n’est ni plus ni moins que la divi­ni­té même de Dieu, la divi­ni­té du Verbe de Dieu, s’est répan­due aus­si sur son Corps par l’intermédiaire de son Âme et ain­si, non seule­ment son Âme a été sanc­ti­fiée, mais son Corps l’a été aus­si. Et même ceux qui l’approchaient, tout ce qu’il por­tait, tout ce qu’il avait.

Souvenez-​vous de cette femme syro-​phénicienne, qui ten­tait de tou­cher une frange de son vête­ment, en se disant si j’arrive à tou­cher la frange de son vête­ment, je serai guérie.

Et elle avait rai­son. Elle avait rai­son parce que tout ce qui touche à Notre Seigneur était comme impré­gné de sa divi­ni­té, impré­gné de cette Huile sainte qui était la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et ain­si. Notre Seigneur a vou­lu que ses paroles, ses actes, les objets qu’il aurait dési­gnés pour être consa­crés par Lui, par l’intermédiaire de ses prêtres et de ses évêques qui agissent in Personna Christi, qui agissent en la « Personne du Christ », que ces choses consa­crées portent en elles la grâce de Notre Seigneur ; portent en elles sa divi­ni­té en quelque sorte – une par­ti­ci­pa­tion à sa divi­ni­té – puisque la grâce n’est pas autre chose, la grâce nous rend divinæ consortes naturæ (2 P 1,4) : « Nous rend par­ti­ci­pants à la nature divine ».

Alors, avec quelle dévo­tion, avec quel res­pect nous devons pro­cé­der à ces consé­cra­tions, à ces béné­dic­tions, qui ne sont pas nôtres ; nous ne sommes que les ins­tru­ments. L’évêque dans cette consé­cra­tion, dans cette béné­dic­tion, n’est qu’un simple ins­tru­ment. C’est Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-​même qui béni­ra, qui consa­cre­ra ces Huiles saintes.

Notre Seigneur aurait pu agir autre­ment. Mais il a vou­lu que ces créa­tures qu’il a créées – sans doute, je crois que nous pou­vons l’affirmer – qu’il a créées dans ce but, avec cette intention.

Le blé pour l’Eucharistie, le vin pour la Consécration du Précieux Sang, l’eau pour le sacre­ment du bap­tême, l’huile d’olives pour toutes ces Huiles saintes, qui sont consa­crées et bénies. Toutes ces créa­tures que Notre Seigneur a vou­lu qu’elles soient por­teuses de grâces, qu’elles soient divi­ni­sées en quelque sorte ; il les a créées ; il les a vou­lues, pour cela, pour notre bien, pour notre bien spi­ri­tuel, pour notre bien sur­na­tu­rel, bien avant notre bien maté­riel, bien avant la nour­ri­ture de notre corps.

L’homme moderne – comme l’on dit aujourd’hui – en nous voyant faire ces consé­cra­tions et ces béné­dic­tions, sou­rit, sou­rit d’un cer­tain sou­rire mépri­sant. Parce qu’il ne croit pas, parce qu’il n’a pas la foi en Notre Seigneur Jésus-​Christ ; parce qu’il ne croit pas à la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Alors com­ment pourrait-​il avoir le res­pect des Choses saintes, s’il ne croit pas à la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-Christ ?

Car tout est là pour nous. Tout est là dans notre Sainte Religion : c’est la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ qui est à la base de toute notre reli­gion. Pour nous au contraire, mes chers amis, qui avons la foi, qui croyons que Notre Seigneur Jésus-​Christ est Dieu ; qui croyons que le Corps et l’Âme de Notre Seigneur Jésus-​Christ qui ont été unis au Verbe de Dieu, qui croyons par consé­quent que tout ce que Notre Seigneur Jésus-​Christ a fait est d’institution divine ; que l’Église catho­lique est divine, que tous les sacre­ments sont divins ; que la foi qu’il nous a ensei­gnée est divine et que par consé­quent par ces moyens nous appro­chons de Dieu, nous nous unis­sons à Dieu, par Notre Seigneur Jésus-​Christ, en Notre Seigneur Jésus-​Christ, pour Notre Seigneur Jésus-Christ.

Alors l’Église qui croit, l’Église qui a la foi, demande dans ses Livres saints qu’elle nous confie, comme le rituel par exemple, elle demande que nous gar­dions les rites sacrés qui ont été ins­ti­tués par l’Église, que nous les gar­dions fidè­le­ment ; que nous n’en chan­gions rien et que nous ayons de la véné­ra­tion pour les objets qui servent au culte de Dieu, qui servent à l’administration des sacrements.

Et si vous ouvrez votre Droit Canon vous trou­ve­rez que l’Église demande aux prêtres de gar­der ces saintes Huiles dans un endroit décent, conve­nable, sous clef, dans la sacris­tie. Comme on conser­ve­rait bien­tôt le Saint-​Sacrement lui-même.

Et si le prêtre avait besoin pen­dant quelque temps de gar­der les saintes Huiles chez lui, dans sa mai­son, cela ne devrait être – dit le Droit Canon – qu’exceptionnel. Sans doute, en disant cela, l’Église pense aux prêtres char­gés du minis­tère, dont l’habitation se trouve auprès de leur église. Mais tout cela montre com­bien l’Église a le res­pect de ces Choses saintes.

Et nous aus­si, mes chers amis, nous devons avoir le res­pect de ces choses, les fidèles demandent cela de nous. Nous ne pou­vons pas trai­ter ces choses à la légère. Nous ne pou­vons pas mani­fes­ter un manque de foi, une absence de foi, en négli­geant toutes ces Choses saintes.

Alors tan­dis que l’évêque va, dans quelques ins­tants, bénir et consa­crer ces saintes Huiles et que vous assis­te­rez à la véné­ra­tion publique et offi­cielle vou­lue par l’Église de ces Huiles saintes, vous pren­drez la réso­lu­tion de gar­der avec res­pect, avec amour, avec dévo­tion ces choses sacrées. Lorsque vous serez prêtre, lorsque vous admi­nis­tre­rez les sacre­ments, vous aurez tou­jours un saint Respect pour ces choses, afin que les fidèles, voyant votre foi, louent le Bon Dieu et remer­cient Dieu de leur avoir don­né, par l’intermédiaire de ces créa­tures, la grâce de Notre Seigneur Jésus-​Christ. 276

Demandez aus­si cette dévo­tion, à la très Sainte Vierge Marie, elle qui a pris un soin si vigi­lant, avec tant de dévo­tion de Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-​même, de tout ce qui appro­chait de Notre Seigneur pen­dant ces trente années, pen­dant les­quelles elle a vécu près de Lui, on peut dire même les trente-​trois années, toute l’existence de Notre Seigneur.

Imaginez le soin que la très Sainte Vierge Marie devait avoir pour Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-même.

Eh bien deman­dons à la très Sainte Vierge, de nous don­ner les sen­ti­ments qu’elle avait, lorsqu’elle veillait sur Notre Seigneur, afin que nous aus­si nous veil­lions sur Notre Seigneur par l’intermédiaire de toutes les choses qu’il a remises dans nos mains, pour notre minis­tère sacerdotal.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.