Mes bien chers frères,
C’était le 11 décembre 1925, que le pape Pie XI demandait à l’Église universelle de fêter la fête du Christ-Roi le dernier dimanche d’octobre. Et le pape Pie XI le faisait d’une manière tout à fait solennelle, par une encyclique, l’encyclique Quas primas qui est restée célèbre et dans laquelle, il définit avec toute son autorité pontificale, papale, il définit la royauté de Notre Seigneur Jésus-Christ.
On pourrait donc se demander, si cette vérité du règne de Notre Seigneur Jésus-Christ, de la royauté de Notre Seigneur Jésus-Christ, est une vérité qui n’a pas été précisée, qui n’a été en définitive remarquée, par l’Église que depuis peu de temps.
Car enfin, nous étions au séminaire de Rome, lorsque cette encyclique a paru, mais il est évident que si notre Saint-Père le pape a cru devoir proclamer cette vérité, c’est que précisément, c’était une vérité enseignée et crue dans l’Église depuis les temps apostoliques.
D’ailleurs, Notre Seigneur Lui-même, s’est chargé de nous l’enseigner. Lui-même a fait souvent allusion à son règne, lorsqu’il était ici-bas. Notre Seigneur a souvent parlé du règne de Dieu ; or quand Il parlait du règne de Dieu, il est évident qu’il parlait de son règne, car Il est Dieu.
Notre Seigneur à Nicodème, par exemple, dans l’intimité d’une conversation privée, a découvert déjà des vues de son ministère, dès le début de ces années qu’il a passées à prêcher l’Évangile. Notre Seigneur découvre à Nicodème le royaume de Dieu.
Il lui dit que : « Si quelqu’un ne renaît, il ne pourra pas voir le royaume de Dieu ». Et comme Nicodème insiste pour savoir comment peut se faire cette renaissance. Notre Seigneur lui dit : « Si quelqu’un ne renaît de l’eau et de l’Esprit Saint, il ne pourra pas entrer dans le royaume de Dieu ».
Par conséquent, pour Notre Seigneur, l’entrée dans le royaume de Dieu, c’est aussi l’entrée par Lui, par le sacrement de baptême et donc par sa Rédemption.
Notre Seigneur lorsqu’il envoie ses disciples aussi prêcher l’Évangile, lorsqu’il les envoie deux à deux. Il leur donne des conseils ; Il leur donne des directives. Que leur dit-Il ?
Predicate, dicentes : quia appropinquavit regnum cœlorum (Mt 10,7). « Le royaume de Dieu est proche. Voilà ce que vous leur prêcherez. »
C’est donc la grande préoccupation de Notre Seigneur : le règne de Dieu. Son règne en définitive.
A‑t-il proclamé qu’Il était Roi ? Mais évidemment ! Vous vous souvenez de ce récit extraordinaire de Notre Seigneur devant Pilate. Le procurateur Pilate lui posant la question explicitement : « Es-tu roi ? ». Notre Seigneur lui répond : « Tu l’as dit, je suis Roi ».
Et dans les Actes des Apôtres, il est dit explicitement, que pendant les quarante jours que Notre Seigneur a passés après sa Résurrection au milieu de ses apôtres, de quoi leur a‑t-il parlé ? Du règne de Dieu.
Predicans regnum Dei (Ac 28,31).
L’auteur sacré résume ainsi donc tous les entretiens de Notre Seigneur avec ses apôtres pendant les quarante jours qui ont suivi sa Résurrection, qui ont été sur le règne de Dieu.
Nous pouvons donc croire que s’il y a quelque chose qui est important pour Notre Seigneur, c’est son règne.
D’ailleurs Il l’a dit d’une manière si belle, si profonde, dans sa prière du Pater noster. Y a‑t-il quelque chose qui lui était plus à cœur que le règne de Dieu ? Puisque c’est ce qu’il dit à propos de son Père, les demandes qui sont faites vis-à-vis de Dieu : celles du règne de Dieu : Adveniat regnum tuum : « Que votre règne arrive, que votre volonté soit faite sur la terre comme au Ciel ».
Et d’ailleurs toute l’Écriture sainte et toute la liturgie, chantent le royaume de Dieu, non pas seulement en ce jour de la fête du Christ-Roi.
Souvenez-vous des paroles qui sont chantées à Noël :
Puer natus est nobis et filius datus est nobis ; cujus imperium super humerum ejus (Is 9,6 – Ps 97,1).
« Voici qu’un Enfant nous est donné ; voici que le Fils de Dieu nous est donné ; sur les épaules duquel repose l’empire, repose le commandement » : imperium.
Et c’est la même chose pour l’Épiphanie :
Ecce advenit Dominator Dominus, et regnum in manu ejus et potestas, et imperium (Mal, 3,1 – Chronique 29,12 – Ps 71,1).
« Le règne est dans ses mains, » et potestas et imperium « et le pouvoir et l’empire. » Voilà ce que nous chantons à l’Épiphanie.
Et ce sera la même chose à Pâques, à l’Ascension, à toutes les grandes fêtes de Notre Seigneur, c’est le royaume de Notre Seigneur ; c’est sa Toute-Puissance qui est proclamée par l’Église, tout au cours des siècles.
Ainsi cette encyclique Quas primas, de notre Saint-Père le pape Pie XI, n’a été que la conclusion de la foi que Notre Seigneur nous a enseignée et que le peuple chrétien a toujours crue.
Et pourquoi notre Saint-Père le pape Pie XI a‑t-il cru bon de proclamer d’une manière encore plus solennelle en notre temps, la royauté de Notre Seigneur Jésus-Christ ? À cause du laïcisme de notre temps ; à cause de la négation du Royaume de Notre Seigneur Jésus-Christ. Parce que, précisément, en notre temps, on refuse ce royaume. Comme les juifs l’ont refusé, lorsqu’ils L’ont crucifié :
Non habemus regem, nisi Cæsarem (Jn 19,15) ; Nolumus hunc regnare super nos (Lc 19,14) : « Nous ne voulons pas que celui-là règne sur nous ».
Alors, les papes, généralement, affirment les vérités d’une manière plus solennelle, lorsqu’elles sont niées, précisément.
Parce que le monde a besoin de ces vérités. S’il y a quelque chose qui nous est précieux, qui nous est cher, c’est bien le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ, pour nous personnellement, pour nos âmes. Ce règne que nous préparons ici-bas, pour le règne de l’éternité.
Or, il est évident – et c’est toute l’Histoire de l’Église, c’est toute l’Histoire qui nous l’enseigne et la réalité de l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il est évident que Notre Seigneur Jésus-Christ a régné par sa Croix.
Désormais le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ n’est plus concevable, sans la Croix. La Croix est son trône ; sa couronne d’épines est sa couronne rayonnante de gloire aujourd’hui. Ses bras étendus montrent l’infinité de son royaume et son cœur ouvert montre que c’est par son amour qu’Il règne ; par sa charité qu’Il règne. Voilà comment Notre Seigneur Jésus-Christ se présente dans notre foi.
Et c’est pourquoi, mes chers amis, votre montée vers l’autel qui va encore se manifester d’une manière plus concrète, plus efficace, en ce jour de vos ordinations, doit vous donner comme leçon de faire en sorte que le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ progresse en vous toujours davantage. Et c’est cela que signifie cette montée vers l’autel, cette montée vers la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ, vers son sacrifice.
Si les prêtres ne s’associent pas au royaume de Notre Seigneur Jésus-Christ par leurs sacrifices, par leurs souffrances, par la croix qu’ils doivent porter, comment les fidèles pourront-ils eux aussi, porter leur croix et marcher à la suite de Notre Seigneur Jésus-Christ ?
Il faut par conséquent, que vous vous prépariez tout au long de vos années de séminaire, à méditer le grand mystère de la Croix, le grand mystère de la conquête et de la victoire de Notre Seigneur Jésus-Christ par sa Croix. Particulièrement, parce que vous montez à l’autel ; parce que vous aurez à réaliser le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ par le Saint Sacrifice de la messe.
Et vous remarquerez d’ailleurs, que toutes les ordinations sont marquées à la fois du sacrifice, du renoncement, de l’éloignement du péché, de l’éloignement des influences diaboliques et en même temps de cette approximation, de ce voisinage, de cet amour toujours plus grand de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Dans la tonsure déjà, c’est le renoncement aux choses de ce monde. Mais, par le revêtement du surplis, c’est aussi un signe de l’amour et de la lumière de Notre Seigneur Jésus-Christ.
L’ordre de Portier manifestera l’amour que le séminariste, – l’amour que celui qui reçoit cet ordre – doit avoir pour le temple de Dieu, pour la maison de Dieu, le soin qu’il doit avoir pour la maison de Dieu, il en a les clefs. Quelle responsabilité. Et en même temps – comme le dit le Pontifical – il doit fermer la porte au diable : claudatis diabolo, et faire entrer ceux qui sont vraiment dignes d’assister au Saint Sacrifice de la messe.
Le Lecteur par contre, lui, sera déjà celui qui porte la lumière de l’Évangile ; qui s’approche davantage de l’autel, plus proche de Notre Seigneur, plus prêt de la sanctification que Notre Seigneur lui apporte, le plus investi du sort de la lumière et de l’amour de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Et voici l’Exorciste qui aura pour but d’éloigner le démon, de chasser le démon. Mais pour qu’il puisse chasser le démon chez les autres, il faut qu’il le chasse d’abord en lui ; qu’il montre l’exemple des vertus de Notre Seigneur Jésus-Christ en lui.
Et puis l’Acolyte. L’acolyte, lui, s’approche encore davantage de l’autel. Il sert à l’autel ; il est le servant de messe ; il porte les burettes à l’autel, la matière qui va servir au Saint Sacrifice. Déjà il entre dans l’intimité du mystère de l’autel.
Et le Sous-Diacre devra s’éloigner du monde. Il devra particulièrement pratiquer la chasteté et donc se séparer du monde. Son cœur devra être plus pur, s’attacher davantage à Notre Seigneur Jésus-Christ ; se remplir de Notre Seigneur Jésus-Christ ; manifester au monde cet attachement à Celui qu’il faudrait que tout le monde aime ; à Celui à qui il faudrait que tout le monde soit attaché.
Notre Seigneur Jésus-Christ règne par son amour.
Mais quel homme a été plus aimé que Notre Seigneur Jésus-Christ au cours de l’Histoire de l’Église ? Et quel homme aussi a été plus haï que Notre Seigneur Jésus-Christ ? Eh bien, le sous-diacre, lui, doit manifester son amour pour Notre Seigneur Jésus-Christ en s’éloignant du monde.
Le Diacre, lui, montera encore un peu plus près de l’autel et des saints Mystères, des tabernacles. Il aura donc un amour encore plus profond et la nécessité pour lui de pratiquer les vertus de Notre Seigneur Jésus-Christ d’une manière encore plus parfaite. Il lira les Saintes Écritures ; il les proclamera ; il rayonnera davantage déjà la grandeur, la sublimité des mystères auxquels il participe déjà d’une manière plus intime.
Pensez à saint Étienne. Saint Étienne ce diacre lapidé par les juifs et dont le visage rayonnait et qui rendait encore plus furieux ceux qui lui jetaient des pierres, de voir ce visage resplendissant, qui rayonnait le Ciel.
Eh bien, le diacre doit être comme cela aussi, parce qu’il approche de Notre Seigneur Jésus-Christ ; parce qu’il est près de Notre Seigneur Jésus-Christ, il doit rayonner le Ciel.
Voilà ce que sont ces ordinations que vous allez recevoir.
Évidemment, je ne parle pas du sacerdoce puisque aujourd’hui nous n’aurons pas consacré des prêtres. Mais il est évident que toutes ces ordinations ne sont autre chose que la marche vers le sacerdoce. Le sacerdoce qui fait rentrer, lui, dans le mystère de Notre Seigneur Jésus-Christ. Le prêtre est un autre Christ, le prêtre ne devrait plus avoir ni de pensée, ni de volonté, ni d’amour que pour Notre Seigneur Jésus-Christ.
Et en cela ressembler davantage à la Mère de Jésus. Car dans la Mère de Jésus, il n’y avait aussi de pensée, de volonté et d’amour, que pour Notre Seigneur Jésus-Christ.
Demandons à la très Sainte Vierge Marie aujourd’hui, de faire en sorte que ces grâces que nous souhaitons voir se réaliser dans ces jeunes lévites qui vont recevoir les ordinations, qu’ils les aient en abondance.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.