Lettre n° 44 de l’abbé Franz Schmidberger aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX de mars 1993

Chers Amis et Bienfaiteurs,

plu­sieurs reprises ces der­nières semaines et ces der­niers mois, ceux qui détiennent l’autorité dans l’Eglise nous ont appro­chés, direc­te­ment ou indi­rec­te­ment, s’offrant ou nous invi­tant à de nou­veaux entre­tiens. A de telles ini­tia­tives, nous avons répon­du que ces entre­tiens n’auraient de sens que si l’interlocuteur était dis­po­sé à atta­quer le mal à la racine et par consé­quent à exa­mi­ner le concile Vatican II et sa confor­mi­té à la tra­di­tion bimil­lé­naire de l’Eglise.

Tant que l’esprit du concile ne sera pas com­plè­te­ment déblayé et que cer­tains textes du concile n’auront pas été révi­sés, cette source empoi­son­née conti­nue­ra à infec­ter toute la vie de l’Eglise. La der­nière preuve en est le nou­veau caté­chisme, qui, contrai­re­ment à son titre, n’est pas le caté­chisme de l’Eglise catho­lique mais celui de l’Eglise conci­liaire. A l’encontre de la doc­trine de Vatican II et de sa trans­crip­tion caté­ché­tique dans le nou­veau caté­chisme, nous pro­fes­sons avec tous les papes, tous les conciles et tous les saints du ciel :
– l’homme n’a pas de droit natu­rel à la liber­té reli­gieuse (DH.2),
– les com­mu­nau­tés sépa­rées de l’Eglise ne sont pas des moyens de salut ; on peut à la rigueur se sau­ver en elles, mais pas par elles (UR. 3),
– Dieu, et non pas l’homme, est le centre et la fin de toutes choses sur terre (GS 12).

C’est dire aus­si, pour notre œuvre, face à la crois­sance de la Fraternité, au déve­lop­pe­ment de l’apostolat et à la fon­da­tion de prieu­rés dans de nou­veaux pays au cours des années à venir, l’importance de l’acquisition de notre nou­velle mai­son géné­ra­lice à Menzingen, sous la conduite de la divine pro­vi­dence, très cer­tai­ne­ment. Après beau­coup d’efforts de tous côtés et une longue attente, nous y serons éta­blis d’ici quelques jours. Cette vaste mai­son située en pleine magni­fique Suisse cen­trale, par­mi ses mon­tagnes, ses col­lines et ses pâtu­rages, offre suf­fi­sam­ment d’espace pour l’ouvrage quo­ti­dien, elle invite à la prière et à la médi­ta­tion ; pour les confrères, elle sera un vrai foyer fami­lial, où ils pour­ront trou­ver quelques jours de repos dans une atmo­sphère tran­quille, tout en s’entretenant avec le Supérieur géné­ral et ses col­la­bo­ra­teurs sur l’état et le déve­lop­pe­ment de leur tra­vail dans les pays res­pec­tifs. A tous ceux d’entre vous qui ont contri­bué et contri­bue­ront encore à ce ren­for­ce­ment de l’œuvre, nous disons mer­ci du fond du cœur et « que Dieu vous le rende » ! qu’ils soient assu­rés que nous ne les oublions pas dans notre cha­pe­let quo­ti­dien, et qu’aux saints mys­tères de nos autels nous pla­çons leurs âmes et leurs inten­tions sur la patène et les plon­geons dans le calice de nos messes.

Chers amis, il n’est cer­tai­ne­ment pas inutile de vous don­ner un petit aper­çu du but et du rôle de nos prieu­rés. Ce ne sont pas des cou­vents, sans doute, mais ce sont bien davan­tage que des paroisses. Ils doivent être des lieux où deux, trois, quatre ou même cinq prêtres s’adonnent à la prière com­mune, étu­dient de concert, prêchent ensemble la foi à tout un peuple ou au moins à une région, vivent les uns avec les autres dans la cha­ri­té fra­ter­nelle, dans l’esprit de pau­vre­té, d’obéissance et de chas­te­té et se sanc­ti­fient et sanc­ti­fient ain­si les fidèles.

Cet idéal, qui, au fil des années, se pré­sen­tait tou­jours plus clai­re­ment à notre fon­da­teur, cor­res­pond exac­te­ment au genre de vie des apôtres et par consé­quent à la volon­té de Jésus-​Christ quant à la vie et à la manière d’agir de ses prêtres. Tout au long de l’histoire de l’Eglise, de saints prêtres et évêques ont cher­ché à reve­nir à cet idéal, par­ti­cu­liè­re­ment depuis les ordon­nances du concile de Trente concer­nant l’organisation des sémi­naires, la vie du cler­gé et le devoir de rési­dence des évêques. A côté d’un saint Charles Borromée, d’un saint Jean Eude ou d’un Monsieur Olier s’est par­ti­cu­liè­re­ment dis­tin­gué à cet égard le ser­vi­teur de Dieu Barthélémy Holzhauser. Qui lit sa règle écrite pour le cler­gé dio­cé­sain menant la vie com­mune, et consi­dère toutes les ten­ta­tives pos­té­rieures de renou­veau de l’idéal sacer­do­tal, consta­te­ra que Monseigneur Lefebvre, par sa fon­da­tion de la Société des apôtres de Jésus et de Marie (la Fraternité) se situe tout à fait dans la ligne de la tra­di­tion apos­to­lique et qu’il a au fond adap­té la règle de Barthélémy Holzhauser aux cir­cons­tances et aux néces­si­tés actuelles ; aus­si bien est-​il l’héritier de tous ceux qui ont œuvré au renou­veau de l’Eglise dans le Saint Esprit, et ceci tou­jours à par­tir du cœur de l’Eglise, c’est-à-dire de la sain­te­té sacer­do­tale et du saint Sacrifice de la messe.

Quelle sécu­ri­té, quelle conso­la­tion pour nous tous ! Mais aus­si quelle res­pon­sa­bi­li­té et quel devoir pour nous de cor­res­pondre par­fai­te­ment à ces nou­velles grâces de Jésus à son Eglise ; quel sou­ci par consé­quent de faire de nos prieu­rés des lieux de rayon­ne­ment sur­na­tu­rel, des bases opé­ra­tion­nelles de la rechris­tia­ni­sa­tion d’un pays ou d’une région, des pôles d’attraction pour les âmes, spé­cia­le­ment pour les voca­tions, des points de ral­lie­ment pour le trou­peau dis­per­sé confié par Dieu à nos soins.

Laissez-​moi sim­ple­ment pla­cer sous vos yeux à titre d’exemple quelques-​uns de nos prieu­rés de mission :
– A Libreville (Gabon), 1.500 fidèles assistent à la messe domi­ni­cale, 730 enfants fré­quentent les cours de caté­chisme ; en outre les confrères donnent un caté­chisme pour adultes, portent de nom­breuses com­mu­nions aux malades, visitent des vil­lages aban­don­nés spi­ri­tuel­le­ment. Lors de sa visite de confir­ma­tion, au cours d’une inter­view à la télé­vi­sion natio­nale, Mgr Fellay a pu prê­cher et défendre la foi pen­dant une heure entière. A Noël la télé­vi­sion a fil­mé l’ensemble de la messe de minuit, ser­mon inclu, et l’a retrans­mise peu après dans toute sa durée au cours d’une émis­sion qui dura deux heures. Actuellement les confrères s’affairent aux der­niers pré­pa­ra­tifs de l’installation de nos Sœurs et de l’ouverture de l’école en octobre.
– En Inde, les confrères tra­vaillent dans des condi­tions très dif­fi­ciles, à cause des pro­blèmes de visa, de langue et de civi­li­sa­tion ; aus­si les groupes de fidèles croissent-​ils modes­te­ment en nombre, en com­pa­rai­son du Gabon. Toutefois nous sommes en contact d’amitié avec de nom­breux prêtres : huit d’entre eux, dont sept du dio­cèse de T., sont venus à la récol­lec­tion que j’ai prê­chée le 26 février au prieu­ré. Si l’on compte ceux qui étaient empê­chés et se sont excu­sés, on arrive à une quin­zaine, soit exac­te­ment 10 % du cler­gé du dio­cèse. – Environ quinze jeunes gens se pré­parent à l’entrée au sémi­naire dans les pro­chaines années.
– Aux Philippines, après six mois d’apostolat, plus de 200 fidèles assistent à la messe domi­ni­cale ; 70 enfants suivent le caté­chisme ; un groupe de jeunes et les adultes reçoivent l’instruction reli­gieuse, et il y a eu des confé­rences pour quelques cen­taines d’étudiants de l’université, ain­si que trois retraites prê­chées à 50 par­ti­ci­pants en tout. Trois jeunes gens qui vivent au prieu­ré entre­ront la semaine pro­chaine au sémi­naire en Australie. Les confrères visitent divers vil­lages afin d’y célé­brer les saints Mystères pour des groupes allant jusqu’à deux cents fidèles, et chaque same­di soir est don­née une demi-​heure d’instruction reli­gieuse à la radio.

De tels prieu­rés sont le salut des peuples ; car non seule­ment des âmes sont sau­vées, qui sans cela seraient per­dues pour tou­jours, mais aus­si un der­nier reste de catho­li­cisme et de vie de l’Eglise se trouve sau­ve­gar­dé ; la foi est prê­chée et la grâce est don­née à tous ceux qui ont faim de véri­té et soif d’un renou­vel­le­ment dans l’Esprit-Saint. Finalement, le lan­gage des faits est peut-​être le seul que les auto­ri­tés de l’Eglise com­pren­dront et qui les for­ce­ra à reve­nir de leur voie de perdition.

En plus de la sanc­ti­fi­ca­tion de nos prêtres, le sou­ci du salut des peuples nous pour­suit jour et nuit : « Comment donc l’invoqueront-ils, s’ils ne croient pas en Lui ? Comment croiront-​ils en Lui, s’ils n’en entendent pas par­ler ? Comment en entendront-​ils par­ler s’il n’y a pas de pré­di­ca­teur ? Et com­ment seront-​ils pré­di­ca­teurs, s’ils ne sont pas envoyés ? Selon qu’il est écrit : « Qu’ils sont gra­cieux, les pieds de ceux qui portent l’Evangile de la paix, l’Evangile de bon­heur ! » Ainsi « La foi vient de l’écoute de la pré­di­ca­tion » (Rom. 10, 14–15, 17) ; et cette foi est la porte de la vie éter­nelle ; car « Sans la foi, il est impos­sible de plaire à Dieu » (Heb. 11, 6). La messe « pour la pro­pa­ga­tion de la foi » ne pro­pose pas moins élo­quem­ment le grand sou­ci de la pré­di­ca­tion de la foi et de la célé­bra­tion du véri­table Sacrifice de la messe. La prière de l’Eglise nous fait deman­der : « Dieu qui vou­lez que tous les hommes soient sau­vés et par­viennent à la connais­sance de la véri­té, envoyez, nous vous en prions, des ouvriers à votre mois­son et don­nez leur d’annoncer votre parole avec une confiante assu­rance, afin que votre parole se répande vite et soit glo­ri­fiée, et que tous les peuples vous connaissent, vous le seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus-​Christ, votre Fils, Notre-​Seigneur, qui vit avec vous. »

Et la Secrète « Dieu notre pro­tec­teur, regar­dez et consi­dé­rez la face de votre Christ, qui s’est don­né lui-​même en rachat pour tous les hommes : faites que du levant au cou­chant votre nom soit glo­ri­fié par­mi les nations et qu’en tout lieu vous soit offerte en sacri­fice une obla­tion pure. Par le même Jésus-​Christ, Notre-Seigneur ».

Si nous for­mons le des­sein d’ouvrir des prieu­rés dans d’autres pays d’Amérique latine, d’Afrique, d’Asie et d’Europe de l’Est, si nous vou­lons voler à l’aide des âmes qui depuis des années nous sup­plient de leur envoyer des prêtres, ce n’est ni par cal­cul humain ni dans la pen­sée d’une exten­sion quan­ti­ta­tive de l’œuvre ; mais nous vou­lons nous offrir nous-​mêmes en sacri­fice pour le salut des nations et pour obéir au com­man­de­ment du Christ : « Allez, ensei­gnez toutes les nations » (Mt. 28, 18).

L’encyclique Fidei donum du pape Pie XII ins­pi­rée en sub­stance par Monseigneur Lefebvre, demande aux pays déve­lop­pés de sou­te­nir le tra­vail mis­sion­naire par des dons, par l’envoi d’ouvriers, par des prières et des sacri­fices abon­dants. Daigne Notre Dame faire sai­sir notre parole et ani­mer à la géné­ro­si­té ! Songeons que la pas­sion de l’Eglise demande à être, d’abord en nous les bap­ti­sés, vécue, priée, souf­ferte et sur­mon­tée. Par cette voie, grâce à l’intercession de Notre-​Dame et à la pro­tec­tion de saint Joseph, l’Eglise, après un long carême, connaî­tra un matin pas­cal rayon­nant, une nou­velle résur­rec­tion et une nou­velle floraison.

Rickenbach, en la fête de saint Joseph, le 19 mars 1993

Franz Schmidberger

Supérieur géné­ral

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