Abbé Alain Delagneau
Après la levée des excommunications, plusieurs d’entre vous nourrissent une certaine inquiétude compréhensible :
« Rome veut nous ramener à Vatican II. Les supérieurs de la Fraternité seront-ils assez fermes pour garder la ligne de Mgr Lefebvre ?»
Pour garder la paix de l’âme, il me semble qu’il y a déjà une attitude primordiale à garder : l’information vraie vient d’en haut, et elle nous est communiquée oralement ou par écrit par les prêtres du prieuré.
C’est l’ordre !
Et les textes officiels émanent des écrits de Mgr Fellay et de M. l’abbé de Cacqueray.
Trop de fidèles sont avides de nouvelles, ayant l’impression qu’on ne leur dit pas tout. C’est faux ! Alors, ils vont sur internet, essayant de découvrir quelque texte qui va confirmer leur inquiétude et, bien sûr, ils trouvent. Agissant ainsi, les fidèles se font du mal à eux-mêmes et risquent de troubler d’autres fidèles, ce qui n’est pas charitable.
Si l’on a une inquiétude légitime, il est plus dans l’ordre d’aller consulter le Prieur ou l’un des prêtres du prieuré. Il se dit tellement de choses fausses, fruits de l’imagination de certains. Allons à la source de l’information !
D’autre part, sachons discerner l’essentiel de l’accidentel.
- L’accidentel c’est tel prêtre ou tel laïc qui manifeste publiquement son désaccord ; c’est bien regrettable mais il ne représente que lui-même.
- L’essentiel c’est la pensée et l’attitude générales des supérieurs suivies par les prêtres dans son ensemble.
- L’essentiel aujourd’hui c’est que les deux préalables ont étéaccordés par Rome « à leur manière », c’est-à-dire sans reconnaître que Mgr Lefebvre a eu raison de garder la messe traditionnelle et de refuser la nouvelle messe qui n’est pas digne de Dieu et fait perdre la foi et le respect dû à Dieu ; sans reconnaître que Mgr Lefebvre a eu raison de sacrer quatre évêques afin que la Tradition puisse continuer de vivre et se développer, alors que Rome est dominée par des erreurs – issues de Vatican II –qui découronnent Notre-Seigneur et font perdre la foi.
Rome est encore dans les ténèbres, et c’est pourquoi on ne pouvait guère attendre plus. Mais c’est un pas énorme qui a été franchi pour le bien des catholiques.
Deux injustices graves sont tombées
Le pape affirme que la messe Saint-Pie V n’a jamais été abrogée et que tout prêtre peut la célébrer sans permission de son évêque.
Les quatre évêques de la Fraternité ne sont plus officiellement excommuniés (il est bien évident pour nous qu’ils ne l’ont jamais été, mais aux yeux de beaucoup de catholiques, il n’en était pas ainsi), et donc on ne peut plus nous traiter de schismatiques.
Certes, il est clair que la levée des excommunications n’est pas « le retrait du décret des excommunications de 1988 », comme nous l’avions demandé, et qui aurait lavé Mgr Lefebvre de l’infamie qui pèse toujours sur lui. C’est une autre injustice à la face du monde que nous n’oublions pas et qui doit être lavée d’une manière encore plus éclatante, peut-être par la reconnaissance de ses vertus héroïques dans cette crise de l’Église sans précédent. En ce sens-là, c’est bien que son cas soit traité à part.
- L’essentiel aujourd’hui, c’est que Rome s’impose des discussions doctrinales avec nous, ce qu’elle avait toujours refusé. Il est clair que pour nous le but de ces discussions est d’éclairer les autorités romaines sur les erreurs actuelles et de les ramener à la foi de toujours. Notre but ne sera pas atteint tant que Rome ne condamnera pas les erreurs modernes, à la suite des grands papes qui les ont précédés.
À propos des discussions doctrinales, Mgr Fellay nous dit : « Nous envisageons à la fois des groupes de travail chargés d’approfondir les principaux thèmes et une commission de théologiens de la Fraternité, plus directement chargés de présenter à Rome les conclusions des groupes de travail. Les évêques étant de droit associés à ces travaux. » FIDELITER, mars 2009 – p. 29.
- L’essentiel c’est aussi de savoir que nous n’avons rien concédé à l’erreur moderniste, rien signé. Certes, Rome n’a pas changé et veut nous amener à adhérer à ses erreurs à la suite de tous ceux qui se sont rattachés à elle depuis 1988. Il n’en est pas question pour nous !
Nous ne pouvons rien céder sur la doctrine, car c’est l’honneur de Notre-Seigneur qui est en cause, c’est la pureté de notre foi qui est en jeu et donc, à plus ou moins long terme, notre salut et celui de nos enfants.
- L’essentiel encore, c’est de comprendre que nous gardons toujours la liberté de parole pour condamner les erreurs et que nous ne voulons la perdre pour rien au monde tant qu’une erreur régnera dans les esprits du pape et de la curie romaine.
Vu les réactions des évêques que nous avons pu entendre ou lire, une première étape facile serait de remettre le concile Vatican II à sa place : c’est un concile pastoral et non doctrinal. Dès lors, il ne peut être la référence de l’enseignement doctrinal. C’est du simple bon sens.
C’est ce qu’explique un prêtre italien pourtant attaché au Concile. Son étude est parue en juin 2008.
Je vous en donne quelques extraits significatifs :
Vatican II a été convoqué et s’est présenté lui-même comme « concile pastoral ». Que je sache, c’était la première fois dans l’histoire de l’Église qu’était convoqué un concile pastoral. Habituellement les conciles étaient convoqués pour définir la doctrine en laquelle croire ; cette fois, par contre, cela était exclu ex professo :
Nous ne pouvons pas absolutiser Vatican II. C’est pourtant exactement ce qui s’est passé ; à un certain point, il est devenu plus contraignant qu’un concile dogmatique. On pouvait mettre en discussion tous les dogmes de la foi catholique, mais gare à mettre Vatican II en discussion. Un exemple de cette absurdité : la réconciliation avec les lefebvristes à ce jour est subordonnée à une acceptation inconditionnelle du Concile. Mais ne se rend-on pas compte de l’absurdité ? Dans le dialogue oecuménique, on s’efforce justement de déterminer l’essentiel sur lequel nous pouvons tous nous retrouver d’accord, négligeant les diversités accidentelles ; à l’intérieur de l’Église catholique ce qui nous unit ne serait plus la même foi, mais l’acceptation d’un Concile qui s’était lui‑même défini comme pastoral ! |
Après ces quelques considérations, je voudrais vous rappeler notre grave devoir à tous dans la situation actuelle : c’est la sanctification et la prière.
Nous avons compris que le combat qui est engagé n’est pas humain, il nous dépasse de beaucoup car il est d’ordre surnaturel.
Déjà, beaucoup ont offert leur vie pour obtenir la grâce de la résolution de la crise ; pour nous, nous prions chaque jour à cette intention. C’est très bien ! Mais nos prières seront d’autant mieux entendues du ciel que nous progresserons dans la sainteté, c’est-à-dire dans la charité.
Et la charité c’est l’amour de Notre-Seigneur par-dessus tout et l’amour du prochain. La charité ne se résume pas dans des élans du cœur, mais se concrétise surtout par des paroles ou des actes.
Nous trouvons les plus belles manifestations de l’amour de Notre- Seigneur pour nous dans la messe, les sacrements, la présence réelle, le don du sacerdoce. Essayons d’approfondir ces mystères pour y découvrir l’infinie charité de Dieu pour nous et nous plonger dans une action de grâce profonde, nous laisser envahir par cette divine charité.
L’éternité ne nous suffira pas pour épuiser ces mystères ; mais sur terre, comment en profitons-nous !
Le prochain c’est un membre de Notre-Seigneur, aussi s’applique excellemment cette parole du divin Sauveur : Ce que vous faites à l’un des miens, c’est à moi que vous le faites.
Répétons-nous souvent cette phrase et elle nous aidera à écarter toute critique, impatience envers le prochain, elle nous encouragera à faire du bien à tous ceux qui nous entourent, par amour de Dieu.
Ce programme c’est celui que l’Église nous montré le jour de Pâques, à travers la postcommunion :
« Pénétrez-nous, Seigneur, de votre esprit d’amour ; et de vos fidèles que vous avez rassasiés du sacrement de Pâques, faites, par votre bonté, un seul corps uni dans la charité. »
Sanctifions-nous pour être toujours plus unis à Dieu, et prions beaucoup pour les autorités de l’Église.
Le pape connaît de vives persécutions dès qu’il s’éloigne de l’esprit du monde, de la doctrine du monde. C’est peut-être un moment favorable pour l’aider à réfléchir sur la situation dramatique actuelle et remonter aux vraies causes.
Nos prières peuvent beaucoup…
Chacun de vous se rappelle l’épître de la fête des apôtres Pierre et Paul : « Pierre fut jeté en prison, et tandis qu’il était ainsi gardé, l’Église priait Dieu pour lui, sans relâche. »
Voilà notre véritable attitude dans ce moment crucial ! Il ne s’agit pas de nous diviser, chacun proposant sa manière de procéder dans la crise de l’Église. Laissons les autorités de la Fraternité ; elles ont grâce d’état. Elles savent encore mieux que nous combien Rome est imbue des principes modernistes, elles connaissent très bien leur intention à travers les discussions théologiques…
Mais nos supérieurs sont aussi conscients de leur devoir de ramener les autorités romaines au règne social de Notre-Seigneur, à la sainte messe, et cela avec la grâce de Dieu, que nous obtenons par la prière.
Notre place est indispensable, il faut bien la tenir !
Ce sont de véritables supplications qu’il nous faut adresser au Ciel, non pas une fois, mais continuellement.
Soyons donc bien unis autour de nos supérieurs dans ce gigantesque combat, chacun à sa place, comptant avant tout sur la grâce de Dieu.
Abbé Alain Delagneau †
Extrait du Bulletin du Prieuré Notre-Dame du Pointet d’avril-mai-juin 2009
03 – Allier : Prieuré Notre-Dame-du-Pointet
Abbé Alain DELAGNEAU |
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