A propos de Laudato si – Conversion écologique ?

C’est au len­de­main de ce qui aurait dû être un grand moment pour l’Eglise que j’écris ces lignes. Hier, le pape François publiait sa pre­mière ency­clique [NDLR de LPL : Laudato si].

Léon XIII, d’heureuse mémoire, l’avait adres­sée comme il se doit à tous les évêques du monde, afin qu’ils « inculquent dans toutes les âmes la doc­trine catho­lique » face aux erreurs modernes. Quant à lui, saint Pie X y expo­sait magni­fi­que­ment le pro­gramme de son pon­ti­fi­cat : « Tout res­tau­rer dans le Christ ».

Pour sa part, le pape François a choi­si non de s’adresser au monde catho­lique pour confir­mer sa foi – c’est pour­tant le but pre­mier d’une ency­clique – mais de « dia­lo­guer » avec « chaque per­sonne qui habite cette pla­nète » car celle-​ci, « oppri­mée et dévas­tée », compte « par­mi les pauvres les plus aban­don­nés et maltraités ».

Point n’est besoin de détailler les cent soixante pages (je les ai lues !) de ce texte fleuve invi­tant à la « conver­sion éco­lo­gique ». En effet, je n’ai pas été éta­bli ministre du Christ pour édu­quer à une « citoyen­ne­té éco­lo­gique », dont le fruit « mer­veilleux » serait « [d’] évi­ter l’usage de matière plas­tique et de papier, réduire la consom­ma­tion d’eau, trier les déchets », ou encore de plan­ter des arbres : je ne me sens guère l’âme d’un Obélix…

Plutôt que d’analyser le bon ou le moins bon de cette vision éco­lo­gique – ce n’est point mon domaine – je vou­drais sou­li­gner l’essentiel de ces lignes, qui me semble ailleurs. Non point insis­ter sur la conver­sion à laquelle le pape appelle, mais mon­trer la conver­sion déjà réa­li­sée et dont ces lignes témoignent.

Les hommes d’Eglise n’y agissent plus en tant que ministres de Dieu pour diri­ger les âmes vers le Ciel, mais comme ser­vi­teurs de cette terre, dont ils attendent qu’elle devienne le nou­veau jar­din d’Eden décrit par Teilhard de Chardin, expli­ci­te­ment cité [1].

Leur but n’y est plus de ser­vir l’unique vrai Dieu, mais l’Homme dans son accom­plis­se­ment pré­sent, l’homme consi­dé­ré avec le faux prisme du per­son­na­lisme, c’est-à-dire tou­jours comme fin et non plus comme objec­ti­ve­ment fina­li­sé (n° 65).

Leurs réfé­rences n’y sont plus la Révélation en tant que telle (clas­sée par­mi les autres « textes reli­gieux clas­siques », n° 199), mais encore le « maître spi­ri­tuel » musul­man Alî al-​Khawwâç (note 159) ou le patriarche ortho­doxe Bartholomée (n° 7).

Désormais, leur espé­rance n’est plus dans le Christ, mais dans une spi­ri­tua­li­té éco­lo­gique cen­sée renou­ve­ler l’humanité (n° 216 ; cf. n° 207), dans « une conver­sion qui nous unisse tous » (n°14), car bien évi­dem­ment toutes les reli­gions sont appe­lées à contri­bu­tion, et pla­cées sur le même niveau en cette des­crip­tion pure­ment phénoménologique.

L’aveuglement est tou­jours un châ­ti­ment. Alors que l’important semble être d’apprendre « à se cou­vrir un peu plu­tôt que d’allumer le chauf­fage », le Vatican confirme dans le même temps la pré­sence de Mgr Bonny au pro­chain synode sur la famille ; Mgr Bonny, évêque d’Anvers, fervent pro­mo­teur de la cause homo­sexuelle… A la suite du Christ (Mt 23, 24–25), je ne peux que fus­ti­ger une telle hypo­cri­sie : ils filtrent le mou­che­ron (bien que ce ne soit guère éco­lo­gique) mais laissent pas­ser le chameau !

Ma seule invi­ta­tion sera donc la sui­vante : pro­fi­tez des vacances pour aller vous mettre au vert, et ne broyez pas du noir en lisant des pages qui ne relèvent nul­le­ment de l’encyclique magistérielle.

Abbé Patrick de LA ROCQUE, prêtre de la FSSPX

Notes de bas de page

  1. Note de LPL : L’apport de P. Teilhard de Chardin se situe dans cette pers­pec­tive ; cf. Paul VI, Discours dans un éta­blis­se­ment de chi­mie phar­ma­ceu­tique (24 février 1966) : Insegnamenti 4 (1966), 992–993 ; Jean-​Paul II, Lettre au Révérend P. George V. Coyne (1er juin 1988) : Insegnamenti 11/​2 (1988), 1715 ; Benoît XVI, Homélie pour la célé­bra­tion des Vêpres à Aoste (24 juillet 2009) : Insegnamenti 5/​2 (2009), 60.[]

FSSPX

M. l’ab­bé Patrick de la Rocque est actuel­le­ment prieur de Nice. Il a par­ti­ci­pé aux dis­cus­sions théo­lo­giques avec Rome entre 2009 et 2011.