Des responsables religieux entourent l’archevêque de Lyon Philippe Barbarin (au centre),
le 13 septembre 2005 à Lyon, lors d’une procession cloturant la 19e rencontre interreligieuse
pour la paix de la communauté catholique italienne Sant’Egidio, organisée
pour la première fois en France (Photo Merle/AFP).
« Nous sommes en communion avec nos frères musulmans
qui célèbrent en ces jours la fin du Ramadan » !(Père Michel Lovey – Prédicateur à la messe du dimanche 20 septembre)
Lettre d’un fidèle « conciliaire », âgé de 36 ans, adressée au cardinal Barbarin et reçue par La Porte latine avec demande de publication
« Bonsoir,
je me permets de vous informer du scandale dont j’ai été témoin ce matin, alors que j’assistais à la Messe célébrée en la Cathédrale Saint Jean-Baptiste de Lyon. Je ne m’étendrai pas davantage sur ce point, car vous pourrez prendre connaissance de l’ensemble des informations concernées dans le document que je vous adresse en pièce jointe [NDLR : voir ci-dessous] et que j’ai adressé par mail au Cardinal BARBARIN, Evêque de Lyon.
Je ne fréquente pas l’une de vos chapelles, mais je suis avec attention votre œuvre, tout en bénissant le bien que vous faites à l’Eglise.
Par ailleurs, je vous encourage à consulter, au plus vite, le site de l’évèché de Lyon : le premier article visible est consacré à la fête de la fin du Ramadan [1], l’Aïd-al-Fitr, et le second, à l’éveil à la connaisssance du Judaïsme [2]…en fait, si les chétiens de Lyon ont besoin d’une assistance et d’un guide pour appronfondir leur vie spirituelle (surtout un dimanche!!!), ils doivent éviter de consulter le site du Diocèse de Lyon qui ne semble guère préter d’attention qu’à nos frères musulmans et juifs ! Tout simplement affigeant.[…]
Union de prière en Jésus et Marie.
CB – Lyon »
« Père,
En ce dimanche 20 septembre 2009 où l’Eglise Catholique célèbre normalement le 25ème dimanche du temps ordinaire, je me permets de me rapprocher de vous pour vous faire part de ma plus vive indignation.
Alors que j’assistais ce matin, comme depuis longtemps déjà, à la Messe célébrée en la Cathédrale Saint Jean-Baptiste à 10h30, j’ai été profondément scandalisé par les propos tenus par le prêtre en charge du prêche.
En effet, il a introduit son sermon en indiquant aux fidèles que « nous sommes en communion avec nos frères musulmans qui célèbrent en ces jours la fin du Ramadan ».
Le prêtre a poursuivi son discours sur le même thème, en ajoutant que « nos frère juifs » allaient, eux aussi, entrer dans une période religieuse importante.
Non satisfait de ces rappels, il nous a entretenu longuement, et dans le détail, sur l’importance de ces fêtes, leur déroulement, leur symbolisme, etc., tout comme il aurait pu et dû le faire concernant une fête religieuse catholique.
Certes, si les fidèles catholiques doivent obéissance et respect à l’égard de leurs pasteurs, il n’en demeure pas moins qu’ils ont aussi, en conscience, à ne pas valider des affirmations qui s’opposent radicalement avec l’enseignement ordinaire et commun de l’Eglise.
De retour à mon domicile, je me suis empressé de consulter un dictionnaire en vue de vérifier ce que je croyais être vrai quant à la définition du terme « communion », et voici ce que je lis :
« COMMUNION n.f ; – 1120 ; lat.chét. communio « communauté 1 ; Union des personnes qui professent une même foi (notamment chrétienne). » extrait du Nouveau Petit Robert, N°impression : B94/45788P, dépôt légal : mars 1994.
Les mots ont un sens et ils signifient des réalités : celle que j’évoque n’est pas de l’ordre de la « nuance » mais de l’ordre de la « définition ».
Si beaucoup de clercs ont perdu le sens de la précision du langage, je me réjouis que le dictionnaire, laïque et neutre, soit encore assez objectif pour me permettre de vérifier l’exactitude des enseignements profanes reçus durant ma scolarité.
Il est parfaitement inacceptable qu’un prêtre affirme avec autant d’assurance et sans aucune ambiguïté que les catholiques sont en « communion » avec les musulmans et les juifs.
[…]
Comment peut-on affirmer, en effet, que nous sommes « en communion » avec eux, si l’on veut bien reconnaître la définition de ce terme ? Notre prédicateur semble oublier les nombreux éléments doctrinaux qui nous séparent, voire, qui nous opposent.
Les musulmans partagent-ils notre foi quant au mystère de la Sainte Trinité, où bien même à la base de la base de notre foi : le Christ est le fils unique de Dieu et il est Dieu lui-même ?
La foi des musulmans a‑t-elle changé ces derniers jours sans que nous en ayons été informés, ou bien croient-ils encore que le Christ n’est qu’un prophète dont la révélation est imparfaite puisque Mahomet est venu après lui et qu’il a enseigné d’autres « vérités » venant abolir les croyances des juifs et des chrétiens ?
Si ces deux révélation s’opposent, comment affirmer avec autant de fermeté, comme cela l’a été fait ce matin, que nous sommes en « communion avec nos frère musulmans » ???
Il serait long, fastidieux et inutile, de rappeler, ici et maintenant, combien de points de doctrine nous opposent et combien le dialogue inter-religieux, initié depuis le Concile Vatican II, s’enlise en ce qui concerne les échanges que l’Eglise peut avoir avec les différentes confessions musulmanes.
Si des avancées réelles amorcées avec nos frères chrétiens (orthodoxes notamment) peuvent nous laisser espérer l’accomplissement de cette demande du Christ « pour qu’ils soient un », il est inadmissible de laisser croire aux fidèles catholiques que toutes les religions se valent et que nous pouvons nous sauver aussi bien dans l’Islam que dans le Christianisme.
Ce n’est pas ce qu’enseigne l’Eglise, pas plus que les textes du Concile Vatican II, utilisés à tort et à travers pour justifier n’importe quelle affirmation.
Durant trente jours, nous n’avons pas cessé d’être informés, jour après jour, de l’actualité du Ramadan, présenté quasiment comme une fête nationale au sein d’un Etat pourtant laïque et athée.
Les hommes politiques eux-même se font les pionniers de l’Islam, s’autorisant, à Lyon, à célébrer au sein de l’Hôtel de Ville (symbole de la République Française laïque et athée), le repas de rupture du jeune du Ramadan.
Cette rencontre n’a soulevé aucune protestation, hormis celle de Monsieur BROLIQUIER, Maire du second arrondissement de Lyon, qui à rappelé, à l’occasion, la loi républicaine, cette information ayant été relayée par le média quotidien « 20 Minutes », dans un encart à peine visible, de trois ou quatre lignes.
Peut-on espérer que le repas du Jeudi Saint, fête des prêtres de l’Eglise Catholique assortie de la rupture des « austérités » du Carême sera célébré avec autant de faste et de publicité au sein des mêmes salons et par les mêmes autorités politiques ? Serez-vous convié, Père, à célébrer avec autant d’honneurs, une fête que plus personne ne connaît aujourd’hui ? Demanderez-vous le même traitement de la part de notre Maire que celui réservé à nos frères musulmans ?
Parlera-t-on autant de l’entrée en Carême ou en Avent qu’on ne parle, dans la presse et dans les prédications du dimanche à l’église, de l’entrée en Ramadan ?
[…]
S’il est impossible de faire varier l’attitude des médias et leur rôle dans la promotion d’une religion, l’Islam, qui se radicalise partout sur la planète et même en France, si l’on veut bien faire échos aux inquiétudes parfaitement légitimes de Monsieur André GERIN (communiste, pourtant… !), il me semble urgent que le discours de l’Eglise, dont nos clercs sont les hérauts, change sans délai.
Je ne me ferai pas le porte parole de ceux que nous, les catholiques officiels et « estampillés » comme étant « normaux » et détenteurs de « la vérité » nommons sans gène ni nuance, les « catholique intégristes ».
Néanmoins, je m’étonne de constater avec quelle rigueur et ostracisme ces personnes, « ces frères qui ne sont pas en communion », eux, sont traités.
Quand on sait quelle levée de boucliers a suscité le geste de tendresse et de paternité du Pape Benoît XVI à leur égard de la part de nous tous, on peut légitimement se demander quelle est notre objectivité dans les tentatives de réconciliation ou de rapprochement que nous menons avec les « excommuniés » : musulmans, juifs, protestants, orthodoxes…et eux.
En quoi les musulmans sont-ils plus « en communion » avec le Pape que ne les sont les « catholiques intégristes » ? En quoi la base de nos croyances est-elle plus proche de celle des musulmans, que de celles de ces « catholiques intégristes » ?
Et pourtant, force est de constater que le langage, les expressions et les gestes ne sont pas les mêmes à l’égard des uns et des autres !
Je lisais dans la presse, il y a quelques temps, un article relatant la situation déplorable et honteuse pour nous, d’un groupe de « fidèles lefebvristes » dans la ville d’Amiens.
Il semble que ces personnes soient contraintes d’assister à la Messe sur le parvis des église de leur cité, depuis plus de deux ans, quelle que soit la saison et le climat, alors mêmes qu’un quantité significative d’églises sont désaffectées au cœur même de cette ville !
On sait que pourtant que dans beaucoup d’autres endroits, les évêchés vendent ou accordent des lieux dont ils sont propriétaires, à la communauté musulmane, sans que cela ne heurte le clergé ou les fidèles catholiques : sommes-nous assurés que les prédications des Imams sont bien en conformité avec la doctrine multi-séculaire de l’Eglise et donc, « en communion » avec le Saint Père ?
« Deux poids, deux mesures » !
Si je n’appartiens pas à la communauté des « fidèles catholiques intégristes » tant conspués par nous tous, bien pensants, il n’en demeure pas moins que si nous admettons que toutes les religions et les sensibilités religieuses se valent, alors pourquoi ne pas donner autant aux « intégristes catholiques » qu’aux musulmans, qui ne me semblent pas, par ailleurs, être les plus aptes au dialogue et les moins intégristes de nos frères croyants.
Notre confort occidental nous permet d’oublier, hélas, comment nos frères musulmans, avec lesquels nous sommes en communion, matérialisent et actualisent, cette belle communion avec nos frères chrétiens d’Orient !
Mais peut-être faudrait-il que le prêtre qui a prêché ce matin à la Cathédrale, aille vivre quelques années (s’il en a le temps…), en Irak, au Pakistan ou même en Algérie, terres d’Islam, où le seul fait de transporter une Bible dans son sac est passible de poursuites judiciaires et des condamnations les plus fermes : cela rendra certainement son discours plus crédible lorsqu’il nous reviendra avec des preuves à l’appui.
En ce qui me concerne, ma conscience m’a obligé a quitté la Cathédrale avant la fin de la Messe, ne me sentant pas « en communion » avec un tel discours.
Si j’ose m’adresser à vous, Père, avec une telle familiarité et une telle sincérité, c’est que je me demande vraiment, aujourd’hui, pourquoi je suis encore catholique.
Je me demande aussi quel sentiment prédomine : la colère, l’incompréhension ou bien la douleur de ne pas trouver au sein de ma famille religieuse, ce que je viens y chercher : entendre parler de Jésus-Christ, de sa vie, de son œuvre, de son enseignement, de l’Eglise, de sa mission, de ses progrès…
Le Christ n’affirme-t-il pas dans l’Evangile : « qui n’est pas avec moi est contre moi ! ». Je ne crois pas que les musulmans sont avec Lui, même si certains points de leur foi sont en commun avec la nôtre.
Dois-je me contraindre à entendre des sermons qui ne relayent en rien le message vrai de l’Eglise ?
L’amour du prochain permet-il cette confusion surréaliste dans le discours actuel de l’Eglise qui se rabaisse au plus petit dénominateur commun ?
Les martyrs, tout au long des siècles, ceux dont on nous parle dans le « Magnificat », cet ouvrage qui me permet quotidiennement de faire mon oraison, n’ont-ils pas fait le sacrifice ultime de leur propre vie pour affirmer que seul le Christ est Dieu et que la mission du Chrétien est de l’affirmer ?
Les médias et les hommes politiques ne suffisent-ils plus à faire la promotion de l’Islam ? Faut-il aussi que le clergé catholique se fasse le relais de cette promotion, allant jusqu’à nier, en sermon le dimanche, l’essentiel de notre foi ?
Croyez bien, Père, que ma désolation est partagée par beaucoup de mes frères catholiques, désorientés, qui ont fait le choix de se soustraire au partage eucharistique, accablés par le flou et l’inconsistance des sermons et même de la liturgie, qu’ils jugent dépourvus de sacralité.
Mon indignation et ma surprise de ce matin étaient perceptibles dans les rangs et sur d’autres visages que le mien.
En navigation, il y a des dérives qui conduisent à des naufrages.
Notre Pape Benoît XVI, alors qu’il était encore le Cardinal RATZINGER qualifiait l’Eglise de « bateau qui prend l’eau de toute part » : peut-on espérer que les dérives qui affectent l’Eglise ne la conduisent pas à son naufrage ?
Je reste dans l’attente, Père, de votre bienveillante attention, si tant est que la douleur d’un de vos fils puisse susciter autant d’émotion de votre part, que celle de nos frères musulmans qui célèbrent aujourd’hui, l’Aïd, comme nous l’a rappelé longuement ce matin, notre prédicateur.
Je vous prie d’agréer, Père, l’expression de mon respect filial le plus authentique.
Cyril B. – 36 ans – Lyon le 22 septembre 2009
Réponse du Père Michel Lovey en date du 21 septembre 2009
« Bonjour Monsieur B.,
Je suis le prédicateur de la messe de dimanche dernier à la cathédrale qui a provoqué votre vive protestation. Puisque l’on m’a transmis votre courrier, je me permets de vous écrire pour rectifier un peu vos propos, en espérant apaiser ainsi votre émotion.
Vous terminez votre mail par ces mots : « Je reste dans l’attente, Père, de votre bienveillante attention, si tant est que la douleur d’un de vos fils puisse susciter autant d’émotion de votre part, que celle de nos frères musulmans qui célèbrent aujourd’hui, l’Aïd, comme nous l’a rappelé longuement ce matin, notre prédicateur. »
Or je doute que vous ayez bien écouté mon homélie, car la fête musulmane de l’Aïd, je l’ai juste mentionnée dans ma première phrase et il n’en a plus du tout été question par la suite. En revanche j’ai beaucoup fait le lien avec la fête juive du nouvel an parce que la conférence épiscopale française a demandé que ce dimanche soit une journée d’éveil au judaïsme.
Les racines de la foi chrétienne sont juives et ce sont vraiment nos « grands frères ». Je vous recommande de lire à ce propos le document de la Commission Biblique Pontificale « Le peuple juif et la Sainte Ecritures dans la Bible chrétienne », publié en 2001.
Par ailleurs, lorsque je parlais de « communion » avec les communauté juives et musulmanes, il s’agissait simplement de communion de prière. Pensez à Jésus qui se mettait à table avec les publicains, comme nous le rappelle l’évangile de la fête de Saint Matthieu que nous fêtons aujourd’hui.
Bien fraternellement.
P. Michel Lovey »
Note de la rédaction : L’abbé Michel Lovey a été ordonné prêtre de la Fraternité de Marie Reine Immaculée le mardi 8 juillet 2008.
Documents relevés sur le site du diocèse de Lyon
[1] – Message du cardinal Barbarin pour la fin du ramadan
« Chers Amis Musulmans,
Bonne fête de l’Aïd ! A l’occasion de la fin du Ramadan, nous vous souhaitons une belle fête de l’Aïd-Al-Fitr, à vous, à vos familles et à vos proches. « Une parole commune entre vous et nous » existe : Notre Dieu est unique. Il est pour nous tout Amour et toute miséricorde. Et nous devons l’aimer ainsi que notre prochain. Le Coran, la Torah et les Evangiles nous enseignent ce double commandement de Dieu, comme l’a rappelé la lettre ouverte des 138 dignitaires musulmans au pape Benoît XVI et à de nombreux responsables chrétiens, à l’occasion du Ramadan 2007. Nous prions Dieu pour qu’il nous conduise, les uns et les autres, vers cet amour de Dieu et de nos frères. »
Philippe cardinal Barbarin, Archevêque de Lyon.
[2] – Message du cardinal Barbarin à la communnauté juive
« Un grand temps de fêtes religieuses commence samedi 19 septembre 2009 pour la communauté juive.
Le cardinal Philippe Barbarin et la communauté catholique du diocèse de Lyon lui adressent leurs meilleurs vœux pour cette nouvelle année.
En effet, elle entre dans l’année 5770 et fête ainsi Roch Hachana, le nouvel an juif. En ce jour anniversaire de la création, l’homme fait le bilan de ses actions pendant l’année écoulée. Il cherche à réparer ses fautes et à obtenir le pardon de ceux qu’il a heurtés.
Puis ce sera Yom Kippour, jour du Grand Pardon, lundi 28 septembre. Pendant ce jeûne de 25 heures, le fidèle, réconcilié avec les autres, demande le pardon de Dieu et l’inscription au Livre de la Vie.
Il y aura enfin Soukkot, la Fête des Tentes, du 3 au 11 octobre 2009, qui s’achèvera avec Simhat Torah, dimanche 11 octobre 2009.
Notons que le dimanche d’éveil au judaïsme se déroulera le 20 septembre dans les paroisses du diocèse. » [Site du diocèse de Lyon]