« Les trois grandes religions monothéistes » (3e partie). Abbé de Cacqueray

Abbé Régis de Cacqueray, Supérieur du District de France

Suresnes, le 14 sep­tembre 2009

Troisième partie : « La Foi au risque de cette expression »

Une seule religion : le Catholicisme.

Nous avons vou­lu mar­quer cette étape de l’examen phi­lo­so­phique de cette expres­sion sans recou­rir au regard de la Foi pour mani­fes­ter que la pre­mière dif­fi­cul­té qu’elle pose l’est d’abord à la rai­son. Cependant, le seul regard déci­sif et défi­ni­tif est celui de la Foi au juge­ment de laquelle tout doit être sou­mis. Et la Foi nous apporte la cer­ti­tude que Dieu n’a don­né aux hommes qu’une seule reli­gion et que cette reli­gion est le Catholicisme. C’est donc indû­ment que les autres reli­gions se déclarent être des reli­gions et sont appe­lées telles car elles ne viennent pas de Dieu et ne l’honorent pas, elles ne relient pas les hommes à Lui. Loin de les Lui conduire, elles détournent de Lui. Saint Thomas, quant à lui, n’hésite pas à com­pa­rer l’infidélité à « une pros­ti­tu­tion spi­ri­tuelle » IIa IIae. Qu.11a.4.

A ce titre, cette expres­sion est outra­geante pour Dieu et des­truc­trice de la Foi puisqu’elle amène à pen­ser qu’Il a com­mu­ni­qué aux hommes trois reli­gions dont les « Fois » sont gra­ve­ment contra­dic­toires. La Foi Catholique, seule vraie, se retrouve ain­si pla­cée sur un pied d’égalité avec deux autres « Fois » pour­tant vio­lem­ment anti-​trinitaires, contes­ta­trices de la Révélation Evangélique et cepen­dant consi­dé­rées comme tout aus­si res­pec­tables qu’elle.

C’est en vain que l’on pré­tend échap­per à la ques­tion essen­tielle de la véri­té de l’enseignement de Jésus-​Christ : elle est un signe de contra­dic­tion pour tout homme. La vie sur la terre de tout un cha­cun ne peut se dérou­ler autre­ment qu’en fonc­tion de Lui, que l’on se sou­mette à sa loi, à son sang rédemp­teur et à son amour ou qu’on le rejette. Nous croyons, quant à nous, de toute notre âme, qu’Il est réel­le­ment la deuxième Personne de la Sainte Trinité qui s’est incar­née, que son ensei­gne­ment est par­fai­te­ment vrai, sans l’ombre d’une erreur. Nous lui sommes infi­ni­ment recon­nais­sants de tout ce que, par pur amour, Il nous a dévoi­lé du sanc­tuaire de sa vie divine et nous ne pou­vons ima­gi­ner de pire blas­phème que celui qui consis­te­rait à reje­ter comme men­son­gères les paroles que Dieu a dites de lui-même.

Or, à bien des reprises, Il nous a répé­té que le rejet que les hommes feraient de Lui serait, en réa­li­té, le rejet de Dieu Lui-​même et que ceux qui l’outrageaient, outra­geaient son Père : « Afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. Celui qui n’honore pas le Fils, n’honore pas le Père qui l’a envoyé. » Jean V, 23. Et encore : Qui vous méprise me méprise, et qui me méprise, méprise celui qui m’a envoyé. » Luc X, 16.

Bien que leurs motifs soient diver­gents, les juifs (nous ne par­lons que des tenants du judaïsme) et les musul­mans se retrouvent, les uns et les autres, en ce refus farouche de la divi­ni­té de Notre Seigneur et du mys­tère de la Sainte Trinité. Ils sont donc bien ceux qui n’honorent pas le Fils et qui ne peuvent hono­rer le Père qui l’a envoyé. Ils sont ceux qui méprisent le Fils et qui méprisent son Père qui l’a envoyé. C’est d’eux que Notre Seigneur a dit « Si Dieu était votre Père, vous m’aimeriez, car c’est de Dieu que je suis sor­ti et que je viens…Vous, vous avez le diable pour père, et ce sont les dési­rs de votre père que vous vou­lez accom­plir. » Jean VIII, 43

L’Islam et le Judaïsme se leurrent et ils égarent très gra­ve­ment leurs adeptes à vou­loir hono­rer Dieu alors qu’ils rejettent pré­ci­sé­ment Dieu qui est venu par­mi nous pour nous dire qui Il était. Ces « deux reli­gions » peuvent sans doute être dites grandes par leur rôle his­to­rique et par le nombre de ceux qu’elles perdent. L’Islam peut encore être dit grand par le nombre de ses adeptes. Mais, avant tout, ces « reli­gions » doivent d’abord être dites fausses, fausses reli­gions. Lorsqu’on parle d’elles, la véri­té demande que ce soit la pre­mière des choses qui doive être rap­pe­lée sous peine de faire perdre la foi aux catho­liques par la confu­sion que l’on met dans leurs esprits et de man­quer à la cha­ri­té à l’égard des infi­dèles en ne leur disant plus qu’ils se trouvent dans les ténèbres de l’erreur. N’est-ce pas l’amour de ces hommes qui doit nous convaincre de leur dire que leur errance pro­vient des fausses reli­gions qu’ils suivent ? Que dirait-​on du maître d’école qui, pour ne pas contris­ter son élève fan­tai­siste dans la réci­ta­tion de ses tables, le lais­se­rait dans ses erreurs ? Ou encore, « Puis-​je dire que j’aime mon frère malade, si je ne hais pas sa mala­die ? » Monseigneur Gay : « De la vie et des ver­tus chré­tiennes » tome 2, page 400.

Une paix chimérique.

Le monde et « l’église conci­liaire » ont donc fon­dé leurs espoirs d’obtention de la paix sur la terre sur le socle de la récon­ci­lia­tion entre les trois grandes reli­gions mono­théistes. Ce n’est désor­mais plus la foi en Notre Seigneur Jésus-​Christ, « prin­ceps pacis » qui consti­tue­ra le fon­de­ment de la seule concorde pos­sible entre les peuples et les indi­vi­dus. Désormais, de même que la prière d’adoration adres­sée à l’adorable Trinité et à la deuxième Personne qui s’est incar­née et a répan­du son sang pour nous sau­ver est enten­due de Dieu et est consi­dé­rée comme une prière effi­cace pour lui deman­der ses béné­dic­tions, de même d’autres prières adres­sées à Dieu, qui excluent posi­ti­ve­ment la Trinité, l’Incarnation et la Rédemption du Fils comme d’horribles blas­phèmes, seraient cepen­dant des adresses éga­le­ment savou­reuses pour le cœur de Dieu et dignes d’être récompensées…

L’impiété le dis­pute ici à la chi­mère. Comment ne déplairaient-​elles pas sou­ve­rai­ne­ment à Dieu, ces prières qui dédaignent et détestent la grande geste de misé­ri­corde que le Fils est venu accom­plir sur la terre ? Comment la paix pourrait-​elle naître du par­ti pris de lais­ser croître ici-​bas, à côté de la seule vraie reli­gion, le pul­lu­le­ment des fausses ? C’est un esprit mani­fes­te­ment maçon­nique, celui que Léon XIII avait jus­te­ment dénon­cé dans l’encyclique : « Humanum Genus » : « En ouvrant leurs rangs à des adeptes qui viennent à eux des reli­gions les plus diverses, ils (les francs-​maçons) deviennent plus capables d’accréditer la grande erreur du temps pré­sent, laquelle consiste à relé­guer au rang des choses indif­fé­rentes le sou­ci de la reli­gion et de mettre sur pied d’égalité toutes les formes reli­gieuses. Or à lui seul, ce prin­cipe suf­fit à rui­ner toutes les reli­gions, et par­ti­cu­liè­re­ment la reli­gion catho­lique, car étant la seule véri­table, elle ne peut subir la der­nière des injures et des injus­tices, tolé­rer que les autres reli­gions lui soient éga­lées. »La Foi ne consiste pas de croire en un Dieu sans visage ou en un Dieu qui les aurait tous mais en ce Dieu tel qu’Il est et qu’Il a eu l’admirable bon­té de se révé­ler par son Fils Notre Seigneur Jésus-Christ.

Faux œcuménisme et infidélité.

Par ailleurs, en rai­son des dégâts pro­vo­qués par le faux œcu­mé­nisme qui a triom­phé dans les esprits, il faut encore ajou­ter com­bien il est gra­ve­ment pré­ju­di­ciable que cette expres­sion cite le « Christianisme » comme un bloc que l’on place à côté du Judaïsme et de l’Islam sans prendre le soin de pré­ci­ser sou­vent et net­te­ment que d’innombrables « reli­gions chré­tiennes » se réclament effec­ti­ve­ment de Notre Seigneur Jésus-​Christ mais que, par­mi elles, seule est vraie la reli­gion catho­lique. De même que l’on ne peut se décla­rer satis­fait de savoir que les juifs et les musul­mans sont au moins mono­théistes, de la même manière, on ne sau­rait se conten­ter de savoir de nom­breux hommes recon­naître plus ou moins la divi­ni­té de Notre Seigneur dans une doc­trine affreu­se­ment dégra­dée par les héré­sies, en par­ti­cu­lier celles, véri­ta­ble­ment ter­ri­fiantes, de Luther et de Calvin.

Comme l’a fait remar­quer saint Thomas d’Aquin : « Un péché est d’autant plus grave qu’on est par lui plus sépa­ré d’avec Dieu. Or, c’est par l’infidélité que l’on est le plus éloi­gné de Dieu, parce que qu’on n’a pas la vraie connais­sance de Lui et que, par la fausse connais­sance qu’on a de lui au contraire, on ne s’approche pas mais on s’écarte plu­tôt de Dieu. » IIa IIae Qu 10 art. 3. Selon notre grand Docteur, ces fausses reli­gions consti­tuent donc le plus grave des péchés par la sépa­ra­tion d’avec Dieu qu’elles entraînent. Loin de devoir consi­dé­rer que, par les véri­tés qu’elles tiennent cap­tives, elles pour­raient, dans une cer­taine mesure, rap­pro­cher de Dieu, saint Thomas indique net­te­ment qu’elles en écartent.

Cette expres­sion ne doit nul­le­ment être consi­dé­rée comme consti­tuant un moindre mal au regard de l’athéisme. Le mot « athéisme », par sa dure­té, par l’aveu de l’absence, de l’isolement et de la soli­tude où il réduit l’homme, parce qu’il suf­fit à évo­quer les régimes tota­li­taires les plus bar­bares, pro­voque au moins chez l’homme, avant de l’emmurer vivant dans l’absurdité de l’existence, un malaise et un sur­saut qui peuvent encore être salu­taires. Tandis que l’expression des « trois grandes reli­gions mono­théistes » agit, pour vider Dieu du cœur de l’homme, d’une façon fort habile et le fait gen­ti­ment glis­ser vers l’athéisme sans même en avoir employé le mot.

Certains diront que Benoît XVI n’emploie cette expres­sion que par com­mo­di­té diplo­ma­tique. Nous ne le pen­sons pas et nous croyons même que cette manière de défendre le Souverain Pontife ne rend guère hom­mage au cou­rage indé­niable qui est le sien. Nous croyons au contraire que le pape, lorsqu’il uti­lise cette expres­sion, indique une pro­fonde pen­sée d’estime pour ces autres grandes reli­gions. C’est pour­quoi les dis­cus­sions théo­lo­giques entre Rome et la Fraternité, vou­lues des deux côtés, s’avèrent comme tra­gi­que­ment néces­saires : « Quand la per­ver­si­té des méchants gran­dit, et que ceux qui se conver­tissent sont fou­lés aux pieds par les opprobres des hommes, non seule­ment on ne doit pas inter­rompre la pré­di­ca­tion mais on doit même l’intensifier. » Saint Thomas dans son com­men­taire de saint Jean 8, 51. En effet, il appa­raît clai­re­ment, sur ce seul exemple, qu’entre l’usage cou­rant que Benoît XVI fait de cette expres­sion et le rejet indi­gné qu’en fai­sait Monseigneur Lefebvre, il y a un abîme, non pas de mots seule­ment, mais de doctrine.

Abbé Régis de Cacqueray ,
Supérieur du District de France.
Suresnes, le 14 sep­tembre 2009

Capucin de Morgon

Le Père Joseph fut ancien­ne­ment l’ab­bé Régis de Cacqueray-​Valménier, FSSPX. Il a été ordon­né dans la FSSPX en 1992 et a exer­cé la charge de Supérieur du District de France durant deux fois six années de 2002 à 2014. Il quitte son poste avec l’ac­cord de ses supé­rieurs le 15 août 2014 pour prendre le che­min du cloître au Couvent Saint François de Morgon.